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Ses normes sont à peu de choses près celles d´August Wilhelm Schlegel, avec lequel il a maintenu une étroite correspondance […] mais ce serait injuste de prétendre que

l´influence a été à sens unique

320

.

À travers le substantif « art », Schelling désigne « un tout organique et nécessaire,

comme l´est la nature, un miroir de l´Absolu »

321

. Si « philosopher sur la nature, c´est créer la

320

Friedrich Schelling : Textes esthétiques,traduction d’Alain Pernet et présentation de Xavier Tilliette, Paris, Klincksieck, 1978, p. 26-27 [introduction].

321

Pascal David : Le vocabulaire de Schelling, Paris, Ellipses, 2001, p. 13.

Activité consciente et inconsciente

DIEU ---ÆGENIE (dans l´homme)

Univers divin =

première œuvre d´art

• « Einbildung » - imagination / « Ineinsbildung » - « uni-formation »/« ésemplasie » comme processus de création artistique.

universel (être) particulier (forme) individuation / auto-affirmation de l´Absolu (Dieu)

indépendance du particulier Réuniformation (autonomie)

o Production des idées (unité de l´idée)

o Problématique de l´Art

universel particulier

idéal réal / objectif

être forme / artiste nature

atemporel vain Beau absolu Beau relatif

Æ pureté Æ vérité

Absolu/ Infini Particulier / Fini

Dieu comme cause immédiate Art et philosophie Génie = médiation entre de l´Art, objectivé dans l´Art le divin et l´humain Œuvre d´art comme produitdugénie et

non de l´individu.

Unité divine de l´Art Philosophie du langage (origine) / côté idéal de l´Art. L´art consiste en la combinaison de ces différentes caractéristiques apparemment opposées.

nature »

322

, il en va de même pour l’art. La nature et l’art sont indissociables de l´esprit. Il ne

suffit pas de créer une œuvre, encore faut-il en discuter pour qu’elle se pérennise.

L’art est un univers de liberté et d´absolu qui s´adresse à l´homme dans sa globalité.

Schelling tente donc de lier philosophie et art. L’acte de création importe autant que l’objet en

lui-même, et c’est précisément ce qu’Hoffmann applique aux Frères de Saint-Sérapion et à la

plupart de ses écrits. Dans « Le Chevaler Gluck », le personnage éponyme ne possède aucune

trace de notes, ses partitions sont vierges. C’est sa démarche esthétique qui fait de lui un

artiste (éphémère) qui désire voir son œuvre disparaître avec lui.

La philosophie incarne « la beauté comme vérité » et l’art « la vérité comme

beauté »

323

. La beauté appartient en propre à l’art, elle est indissociable du génie et de la

nature agissante. L’art symbolise un « acte tout pénétré de science ou un savoir tout à fait

devenu acte »

324

et passe, d’une part, par le processus divin de la Création, il est en devenir et

se forme dans l´homme :

Schelling ne cherche pas à établir l´existence de Dieu, mais la divinité de l´existant.

[…] Dieu n´est pas le transcendant pur et simple, il est le transcendant rendu

immanent comme contenu de la raison

325

.

Ce raisonnement rejoint celui d’Hoffmann dont les récits ne sont pas empreints de religiosité,

mais de transcendance, une grandeur esthétique sublimée que la raison encadre. D’autre part,

l´imagination participe de la création artistique, et c’est l´ésemplasie

326

qui « met à

contribution la force esthétique de l´imagination »

327

. L’approche schellingienne de l’art est

davantage scientifique, car ce n’est pas celle d’un peintre ou d’un poète romantique, mais

celle d’un philosophe. Si Novalis analyse le monde avec des yeux de poète, Schelling, lui, suit

une démarche de philosophe et reste en prise constante sur le réel. Dans son introduction aux

Textes esthétiques

328

, Xavier Tilliette le présente comme tel : « c´est […] en philosophe qu’

[il] rencontre l´art et l´artiste […]. Mais le trait nouveau […] est la fonction philosophique

322 Ibid., p. 43. 323 Ibid., p. 19. 324

Hans-Egon Hass (Hrsg.) : Die deutsche Literatur. Texte und Zeugnisse, Band 5/1, München, C.H. Beck, 1966, « Konstruktion der Kunst überhaupt und im allgemeinen » [p. 148-158], p. 153 : « ein ganz von Wissenschaft durchdrungenes Handeln, oder ein ganz zum Handeln gewordenes Wissen ».

325

Pascal David : Le vocabulaire de Schelling, op. cit., p. 17. 326

Le terme d’« imagination » [« Einbildung »] est traduit par « uni-formation » ou « ésemplasie » [« In-eins-bildung »].

327

Ibid., p. 18. 328

attribuée à l´art »

329

. La philosophie de l´art permet à l´individu, en quête d´identité, de se

retrouver. La philosophie a ici un rôle fédérateur et unificateur :

La philosophie et l´art sont seulement deux modes différents de considération du

même Absolu. Mais au sein du monde idéal, la philosophie se comporte vis-à-vis de

l´art comme l´idéal vis-à-vis du réal. Le passage de l´infini au fini dans le domaine de

l´art est rendu possible par les Idées à condition qu´on les considère comme réales et

objectives : elles sont alors les dieux

330

.

Xavier Tilliette insiste bien sur le fait que l´artiste, selon la conception de Schelling,

n’a pas d’aspiration prométhéenne, qu’il n´est pas le sujet de l’art, mais qu’il laisse cette place

à Dieu :

Le sujet de l´art n´est pas l´artiste, le vrai sujet de l´art, le véritable auteur est une

nature productive qui accorde sa faveur à l´exécutant, et, dans ce contexte, Schelling

évoque la visitation du dieu

331

.

Seul Dieu est susceptible de transformer l’art en art total. Cela n’est envisageable que

si les arts se combinent entre eux. L’idée schellingienne de totalité est aussi celle de la

réconciliation de l´art et de la science. Aussi l’art est-il un système où toutes les formes

d´expression se font écho, même la forme scientifique.

Si l’artiste disparaît derrière sa création, il reste présent en tant qu’être humain

assurant l’union des arts. Sous cet aspect, Schelling s’inscrit dans la tradition humaniste de la

Renaissance : l’homme est l’axe majeur de la réflexion artistique, le plus pur et le plus proche

de la nature divine. Même si l’art est inférieur à la nature puisque la vie qu´il insuffle est, pour

ainsi dire, artificielle, il relève néanmoins d´une impulsion divine :

La relation à la nature est également décisive sur un autre plan : c´est elle qui évite à

chaque œuvre d´art d´être découpée en éléments planifiés consciemment. En raison de

la participation d´une activité inconsciente dans la création artistique, l´œuvre d´art se

fond avec un Tout véritable, qui domine ses parties et ne peut être définitivement saisi

par aucune analyse

332

.

Les deux pôles majeurs de la conception philosophique de l’art sont donc Dieu (celui

de la nature) et le génie (lié à l’inconscient). L’artiste n´est que l´intermédiaire, le médiateur

voire l´instrument entre le divin et le génie. Schelling laisse donc l’objet artistique se définir

329

Ibid., p. 21 [introduction]. 330

Friedrich Schelling : Philosophie de l´art, traduction d’Alain Pernet et de Caroline Sulzer Grenoble, Éditions Jérôme Million, 1999, p. 31. Le terme de « real » est traduit par « réal » et s’oppose à celui d’« idéal » Nous garderons donc cette traduction.

331

Friedrich Schelling : Textes esthétiques, op. cit., p. 28 [introduction]. 332

et se décrire lui-même : il est autonome et s´est émancipé de son créateur. De plus, l’œuvre

d’art, n’étant pas nécessairement explicable, doit-être considérée comme une unité, un

ensemble que l’on ne peut morceler.

Chez Hoffmann, l’œuvre s’est, elle aussi, libérée de l’artiste, mais reste davantage un

moyen de lier les hommes entre eux et de nourrir leur richesse intérieure que de les mener à

Dieu.

Selon Schelling, l’art se construit grâce à une idée (Dieu) et à une force (le génie), il

naît d’une impulsion (d’une action réelle ou d´une puissance < Potenz > objective) et d´une

présence sacrée. L’acte de création est considéré comme une puissance subjective, comme un

savoir ou une connaissance reflétant le macrocosme et l’unité originelle. Il représente

l’Absolu, la Beauté et l’idéal, le signe à la fois de l’éternel (idéal divin) et du vain (« réal »

terrestre). Créer symbolise l’acte de donner à l’art sa place dans l’univers

333

.

Dieu est le Beau éternel, absolu et idéal, mais un idéal objectivé par le génie auquel

vient s’ajouter la force de l’individuation. Sans la présence, même secondaire, de l’artiste,

l’œuvre ne peut exister et l’art hoffmannien, qui se développe dans l’âme humaine et reste

attaché à elle jusqu’à la manipuler, va aussi dans ce sens. Schelling démontre que l’œuvre

rend visible l’invisible : il ne construit pas l’art en tant que tel, mais présente l’univers sous

les traits de l’art. Cet acte inconscient devenu conscient grâce au génie n’est possible que si

l’imagination est à l’œuvre. L’uniformation passe par un repli sur soi temporaire, une

intériorisation ou une création intérieure qui va ensuite s´ouvrir au monde. Cette éclosion

cherche à trouver l´harmonie entre l´art et l´univers, entre la matière, le réal et la lumière

divine, l´idéal. Aussi la philosophie schellingienne réunit-elle le réal artistique et l’idéal

divin : « l’indifférence entre l´idéal et le réal en tant qu´indifférence se représente dans le

monde idéal par le biais de l´art »

334

.

Il s’agit désormais d’appliquer le système schellingien aux domaines musical, pictural