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Des attentes partagées par les enseignants et les ingénieurs à la réalité des

Chapitre 3 - Formation mathématique en cycle ingénieur : point de vue des

3.4 Synthèse sur l’enseignement des mathématiques aux ingénieurs du point de

3.4.2 Des attentes partagées par les enseignants et les ingénieurs à la réalité des

Dans cette partie de la synthèse, nous faisons le bilan des diverses conditions et contraintes qui ont été relevées par les enseignants pour l’enseignement des mathématiques aux ingénieurs à différents niveaux de codétermination didactique. Partant de ce que les collègues nous ont dit, nous nous sommes intéressés à des cours de mathématiques qui sont donnés aux ingénieurs.

Prise en compte des besoins des ingénieurs par les enseignants

Dans un premier temps, nous avons analysé le discours des enseignants sur les besoins des ingénieurs. Nous avons vu précédemment que leur diagnostic est très similaire de celui dressé par les ingénieurs eux-mêmes. Les enseignants apportent en outre quelques précisions que nous reprenons ici.

Au niveau pédagogique, les enseignants expliquent que, si pour l’apprentissage de certaines techniques et technologies mathématiques des outils informatiques peuvent aider à la pratique des calculs (pour pallier également à des volumes horaires trop restreints), certains préfèrent quand même réaliser ces calculs à la main pour servir d'apprentissage. De même, les com-mandes informatiques intégrées aux logiciels sont systématiquement comparées à celles que les étudiants doivent programmer. L'exemple donné par deux enseignants pour illustrer ce fait est celui des méthodes de Gauss. Ceci est également une prise en compte de la part des enseignants de l’utilisation quotidienne de logiciels à teneur mathématique par les futurs ingénieurs.

Les enseignants rencontrés, dans leur ensemble, observent des lacunes au niveau des praxéologies de base. Certaines institutions de formation proposent parfois des remédiations pour y faire face. En se penchant sur ces cours on se rend compte que dans sa forme, un cours de soutien ne semble pas spécialement plus appliqué qu’un cours plus poussé sur le même sujet (intégrale de Riemann). De plus, toujours pour les praxéologies de base (vues dans le secondaire parfois, comme les statistiques) les ressources de cours observées ne semblent pas toujours situer clairement ces bases. Dans ce cas, nous avons observé une proximité chronologique éton-nante entre des rappels de praxéologies de base et des praxéologies beaucoup plus spécifiques. On peut dire qu’il s’agit d’une forme particulière d’accélération du temps didactique (Mercier et Chevallard, 1987) phénomène bien connu au moment de la transition entre le secondaire et le supérieur (Gueudet, 2008) et qui se prolonge ici au cycle ingénieur.

Nos travaux ne permettent pas d’expliquer, mais simplement de souligner ce phénomène. Cependant, nous pouvons conjecturer que d’une part il existe une différence entre des ensei-gnants « experts » (c’est-à-dire ayant suivi une formation spécifique en mathématiques) et des enseignants « non-experts ». De plus, les enseignants ayant le statut d’enseignant-chercheur en France ont rarement suivi de formation pédagogique pour les aider à concevoir leur enseigne-ment. Et même si certains nous ont exprimé une réelle volonté de travailler dans ce sens (en suivant par exemple les travaux des IREM), nous constatons que cela relève seulement de leur bonne volonté.

Cette analyse rejoint les avis des ingénieurs sur la qualité des enseignements de mathéma-tiques qui leur ont été dispensés (cf. 2.5.2).

Enfin, outre les praxéologies mathématiques propres et transversales, certains enseignants rappellent que l’objectif de la formation d’ingénieur est également d’apprendre à leurs étudiants à rechercher par soi-même des savoirs. Nous avons vu dans le chapitre 2 que les ingénieurs de-vaient en effet souvent de se former à des nouveautés liées aux spécificités de leur métier ou à l’évolution naturelle de celui-ci. Notons qu’il s’agit là d’une forme d’autonomie qui est mise en avant et nous verrons dans la suite des travaux quelle réponse peut être apportée à ce sujet par la formation mathématique en cycle ingénieur.

Les conditions réelles d’enseignement : les étudiants au cœur des problématiques

Nous avons vu en 2.5 que lorsque l’on questionne les ingénieurs sur les contraintes et les conditions de leur enseignement de mathématiques, les enseignants y jouent un rôle central dans le système didactique S(X,Y,♥), au même titre que l’enjeu d’apprentissage ♥. Il est à l’inverse naturel que pour le même questionnement, les enseignants placent les étudiants X au cœur de la problématique.

Dans l’ensemble, les enseignants rencontrés relèvent une bonne volonté et une motivation réelle des étudiants envers les mathématiques en cycle ingénieur. Néanmoins, ils détectent deux problèmes principaux :

- des lacunes généralisées, principalement en terme de bases mathématiques ;

- des problèmes de mémorisation à long terme (c’est-à-dire une fois les échéances d’évaluation passées).

Les lacunes sont dues, selon eux, tout d’abord à la diminution du niveau mathématique de la formation des étudiants dès le secondaire. Ceci se traduit par un manque criant de maîtrise des techniques de calculs élémentaires (niveau collège, comme les signes, les parenthèses etc.). À cela s’ajoutent des problèmes de réflexion sur les ordres de grandeur qui seraient à mettre sur le compte de la formation en cycle préparatoire.

Pour expliquer les problèmes de mémorisation des étudiants, certains enseignants mettent en avant la trop forte concentration sur une période trop courte de l'enseignement de certains modules. Dans ce cas, l’enseignant suggère que les étudiants soient formés à plus d'autonomie pour trouver seuls les ressources en cas d'oubli. C’est la deuxième fois que cette notion d’autonomie se positionne dans l’analyse des enseignants.

Si l’on remonte au niveau « école », la taille des promotions semble parfois poser problème lorsque celle-ci dépasse un grand nombre d’étudiants (une centaine). Ceci entrave la communi-cation entre les enseignants et les étudiants ainsi que la prise en compte des difficultés des étu-diants par les enseignants. De même le trop faible volume alloué aux enseignements de mathé-matique semble entraîner une surcharge de travail personnel qui est difficilement gérable pour les étudiants.

Mais au-delà de ces aspects, la problématique principale est celle de l’hétérogénéité du re-crutement des étudiants provenant de divers cycles préparatoires. À ce sujet, nous constatons qu'un consensus semble émerger pour dire que les étudiants de CPGE n'ont pas de difficultés particulières en ce qui concerne les connaissances et les concepts mathématiques nécessaires en cycle ingénieur. Selon les enseignants rencontrés dans leur globalité, ce qui caractérise les étu-diants de CPGE est qu’ils sont particulièrement entraînés à la répétition des situations mathéma-tiques. Et si cela n'engendre pas de problème de l’avis de certains enseignants, d’autres pensent au contraire que cela empêche ces étudiants d'être performants sur la modélisation de nouvelles situations.

Un autre aspect qui ressort également est que les étudiants provenant des CPGE savent moins bien travailler en groupe en cycle ingénieur. Ceci les différencie des étudiants provenant d’IUT ou de STS. En outre, pour les enseignants qui soulèvent le problème, le haut niveau en ma-thématiques de ces étudiants issus de CPGE peut avoir des conséquences de plusieurs na-tures variées :

- il est parfois difficile de leur faire des remarques s'ils ont des difficultés (susceptibilité) ; - ils ne travaillent pas toujours suffisamment car ils se sentent meilleurs que les autres ; - ils développent un esprit négatif (voire du dénigrement) pour les enseignements et les

enseignants qui n'insisteraient pas assez sur l'aspect théorique des notions mathéma-tiques enseignées en cycle ingénieur.

Ainsi, à l’inverse, les étudiants provenant d’IUT de STS ou de Licence sont souvent perçus comme des éléments plus motivés, plus autonomes, même s’ils ont souvent plus de lacunes à combler en mathématiques. Ce consensus s’explique selon les enseignants rencontrés par plu-sieurs facteurs complémentaires :

- un manque d'entraînement « mécanique » ;

- des notions manquantes dans les cycles préparatoires en question (séries, calcul matri-ciel, par exemple) ;

- des techniques de calculs de base qui font défaut (factorisation, par exemple) ; - la modélisation des problèmes qui leur pose des difficultés.

La valeur que certains de ces étudiants peuvent ajouter par rapport aux CPGE dans cette formation en cycle ingénieur est leur capacité à faire des liens avec d’autres disciplines scienti-fiques et leur expérience de la pratique. Cette expérience est acquise par ces étudiants dans leur formation antérieure, connue pour être moins axée sur la théorie.

Signalons que les deux collègues qui enseignent les statistiques en tant que spécialité sont très enthousiastes sur la mixité des recrutements en cycle préparatoire pour les cours de ma-thématiques. Cette mixité est même vue selon eux comme fondamentale car elle permet à tous les étudiants d'apporter leurs spécificités au groupe, en particulier pour ceux ne provenant pas de CPGE de donner l'exemple d'une pratique des données réelles à leur camarades ayant suivi leur cycle préparatoire en CPGE et qui sont plus enclins aux études théoriques.

Pour terminer sur l’origine des différents cycles préparatoires, notons que, contrairement aux CPGE et aux IUT ou STS et université, les étudiants provenant de CPI n'ont pas fait l'œuvre de remarques particulières de la part des enseignants. Ceci nous permet de faire l’hypothèse que ces étudiants sont plus en phase avec les attentes de la formation en cycle ingénieur. Le chapitre suivant ne sera pas l’occasion de faire de comparaison entre les différents cycles préparatoires, mais il nous permettra d’en savoir plus sur l’activité mathématique des étudiants dans un CPI.

Pour répondre aux contraintes énumérées précédemment, plusieurs solutions peuvent être parfois mises en place dans certaines institutions. L’une consiste par exemple en l'augmentation de la fréquence du contrôle continu pour permettre d’améliorer la mémorisation des étudiants ; une autre suggestion serait de faire des points de remédiation mathématiques plus réguliers dans l’année (plutôt qu'un bloc en début d'année). Enfin, les essais de mise en place de cours hybride pour palier à une partie de ces problèmes ne semblent pas répondre au souhait de cer-tains enseignants. Selon eux, ce mode d’enseignement empêche la contextualisation des notions, qui fait partie des tâches qui incombent au professeur « en présence » en classe. C’est un point sur lequel nous reviendrons dans le chapitre 4.

Dans cette synthèse, nous venons de voir la prise en compte par les enseignants de mathé-matiques des besoins des ingénieurs en terme de praxéologies. Nous avons également analysé la réalité des contraintes qui s’exercent à plusieurs niveaux dans l’institution « cours de mathéma-tiques en cycle ingénieurs en France ». Nous avons vu que ces contraintes proviennent en parti-culier des diverses formations en cycle préparatoire.

C’est pourquoi, avant de voir dans le chapitre 5 quelle réponse ou quelle proposition didac-tique pourrait être apportée dans l’institution « cycle ingénieur » pour limiter les effets des con-traintes observées, nous proposons, dans le chapitre 4 suivant, de nous intéresser à l’activité mathématique développée dans une des versions existantes de ce cycle préparatoire : le cycle préparatoire intégré (CPI).

Chapitre 4 - La formation mathématique

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