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Astronomie, littérature, technologie et philosophie religieuse aux sources de l’astronautique

1.3) Pénétrer les instruments pour s’élancer dans l’Espace : la

2. P OUR UN DETACHEMENT INTERPLANETAIRE

2.1. Astronomie, littérature, technologie et philosophie religieuse aux sources de l’astronautique

Les raisons qui expliquent l’avènement de l’astronautique au tournant du XXe siècle sont à chercher dans le succès de Jules Verne autant

393 Harald Szeemann a propos de l’exposition Science Fiction organisée en 1967 à la Kunsthalle de Berne qu’il dirige puis au Musée des Arts décoratifs de Paris du 28 novembre 1967 au 26 février 1968. Voir Les Grands entretiens d’Art Press – Harald Szeemann, entretiens avec Christian Bernard, Otto Hahn, Jean-Yves Jouannais, Catherine Millet, Paris : Art Press, 2012.

que dans l’esprit inventeur de la Révolution industrielle, dans la foi du Progrès comme valeur morale et dans une recherche des finalités de l’homme moderne élevé par ces nouvelles vertus. Cette nouvelle science ne dit pas encore son nom mais fait la promotion du voyage habité dans l’Espace394. Elle est défendue notamment par Hermann Oberth en

Allemagne, par l’ingénieur et inventeur français Robert Esnault-Pelterie (1881-1957) et par Robert Goddard (1882-1945) aux Etats-Unis. Les trois hommes appartiennent à la même génération ; ils sont nés avec la grande vulgarisation scientifique et ont appris les sciences avec toute la ferveur propre à la fin du XIXe siècle. Ils connaissent une astronomie outillée par les bouleversements techniques et postulent de sa progression comme une évidence de son avenir. Outre leur intérêt pour la navigation spatiale au moyen de fusées propulsées, ils ont en commun d’avoir tous été des lecteurs assidus de Jules Verne, traduit à travers le monde à la fin du XIXe siècle.

Etrangement, le moins connu d’entre eux est américain et la révélation de son intérêt pour le vol spatial a lieu dans un cerisier le 19 octobre 1899. Il a lui-même raconté que c’est à dix-sept ans ce jour-là que pour la première fois il a pensé :

« Ce jour là, j'escaladais un grand cerisier derrière la grange ... et alors que je regardais vers les champs à l'est, j'imaginais à quel point il serait merveilleux de construire un appareil capable d'atteindre Mars, et à quoi il ressemblerait en modèle réduit, s'il décollait du pré à mes pieds. J'ai plusieurs photographies de l'arbre prises depuis lors, avec la petite échelle que j'avais fabriquée pour y grimper appuyée contre lui »395

394 En France le terme « astronautique » n’apparaît qu’en 1925 dans Les Navigateurs de l’Infini que publie Jean H. Rosny Aîné.

395 « On this day I climbed a tall cherry tree at the back of the barn... and as I looked toward the fields at the east, I imagined how wonderful it would be to make some device which

S’amorce alors une carrière d’ingénieur dédiée à accomplir ce rêve ; et le 19 octobre reste pour Goddard une date anniversaire qu’il souligne chaque année dans son journal. Dès 1901, Goddard rédige un petit manuscrit qu’il soumet au journal Popular Science News sous le titre « The Navigation of Space » mais qui est aussitôt rejeté par le comité de rédaction. Il poursuit néanmoins ses recherches en physique et planifie plusieurs essais d’ingénieurie technique afin de déposer divers brevets, se rapprochant ainsi peu à peu de la réalisation de fusées à poudre396. 1920 signe le début de la

reconnaissance publique de son travail avec la publication de son ouvrage majeur : A Method of Reaching Extreme Altitudes, mais la presse l’accueille avec réserve et ironie397. Son travail est en grande partie envoyé en Europe où il

allait trouver un accueil plus favorable notamment en France et en Allemagne. Goddard poursuit ses travaux aux Etats-Unis grâce au Smithsonian Institute et érige sa première fusée à propulsion liquide en 1926 devant laquelle il prend la pose sur une photographie devenue célèbre bien des années plus tard398. La reconnaissance de Goddard dans son pays

fut tardive et posthume. Il meurt en 1945 et ce n’est qu’à l’aube de l’Age spatial, au tout début des années 1950, que les ingénieurs américains découvrent la richesse de ses recherches : Robert Goddard avait anticipé en grande partie la forme et le fonctionnement des premières fusées V2

had even the possibility of ascending to Mars, and how it would look on a small scale, if sent up from the meadow at my feet. I have several photographs of the tree, taken since, with the little ladder I made to climb it, leaning against it », récit autobiographique de Goddard cité par Milton Lehman dans The High Man. A life of

Robert H. Goddard, New York : Farrar, Straus & cie, 1963. Voir aussi Goddard Robert

H., The autobiography of Robert Hutchings Goddard, father of the space age eary years to 1927, Worcester : St Onge, 1966.

396 Emme Eugene, M., Robert H. Goddard Americain Rocket Pioneer, Washington : U.S. Governement printinf office, 1968.

397 Ibid, p.2 398 Image 148

allemandes, elles-mêmes devenues des modèles pour les premiers programmes spatiaux américains. Pour lui rendre hommage, le principal centre que la NASA a consacré à la recherche scientifique a été baptisé le 1er

mai 1959 du nom de Goddard Space Flight Center. Une médaille d’honneur à titre posthume est enfin attribuée à l’ingénieur et physicien décédé. Le 17 juillet 1969, en pleine mission Apollo 11 et alors que le monde entier garde les yeux rivés sur les téléviseurs qui retranscrivent les premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune, The New York Times lui dédicace même une chronique dans laquelle le journal regrette publiquement s’être moqué de ses travaux plus de quarante ans auparavant399.

En Europe, le retentissement des travaux de Goddard est plus immédiat. Dès le mois de mars 1920, il reçoit une lettre du français Robert Esnault- Pelterie avec qui il entame une correspondance qui se poursuivera jusqu’en 1936400. Esnault-Pelterie a lu, lui aussi, Camille Flammarion et Jules Verne

qu’il convoque dans l’introduction de L’Astronautique parue en 1930 :

« Aujourd’hui, le développement de nos connaissances a changé les choses, tout au moins pour ceux qui réfléchissent, mais il est supéfiant de voir – et Camille Flammarion, le grand vulgarisateur, l’a répété à satiété – combien la masse est encore ignorante de la disproportion qui existe entre les plus grandes altitudes atteintes et les distances cosmiques qui nous séparent des autres mondes. […] La première idée qui peut venir à l’esprit pour communiquer une vitesse aussi élevée à un mobile est de le lancer au moyen d’un canon comme l’imagina Jules Verne »401

399 « It is now definitely established that a rocket can function in a vacuum as well as in an atmosphere. The Times regrets the error », 17 juillet 1969.

400 Torres Félix, Villain Jacques, Robert Esnault-Pelterie du ciel aux étoiles, le génie solitaire, Bordeaux : Confluences, 2007, p.240.

401 Esnault-Pelterie Robert, L’Astronautique, Paris : Lahure, 1930, p.9-13. L’ouvrage est complété en 1935 suite à une communication de l’auteur auprès de la Société des ingénieurs civils de France le 25 mai 1934.

Toutefois, il prévient rapidement son lecteur que pour lui, « malheureusement, une semblable conception n’appartient qu’au domaine du rêve »402 . Car ce qui l’intéresse dans le diptyque spatial de Verne et dans

les ouvrages de Flammarion – il est d’ailleurs membre de la SAF - est plus le point de départ qu’il représente pour la recherche des véritables moyens techniques requis pour le voyage, que la promotion du rêve spatial dont il est le vecteur. Esnault-Pelterie est décidé à prouver que l’ambition technique peut aider à réaliser les projets les plus ambitieux. Mais il lui paraît moins utile d’aller sur la Lune que de tourner autour pour en photographier la face cachée403. Ce Français ne veut pas être considéré comme un rêveur

et plutôt que de déclarer vouloir atteindre les mondes extraterrestres, il postule de « l’extrapolation par fusées de la très haute atmosphère et la possibilité de voyages interplanétaires » à l’occasion de plusieurs conférences404. Dans tous ses travaux, l’astronautique apparaît dans la

continuité d’une volonté de vouloir toujours faire évoluer et progresser la puissance, la vitesse, le déplacement et la communication des hommes outillés ; le désir d’enrichir sans cesse l’exploration des connaissances. Pour lui, inventeur fasciné par l’aviation, atteindre physiquement le cosmos apparaît comme la poursuite ultime, le prolongement positiviste du Progrès mis en marche par la modernité. Le dépassement de toutes les frontières connues et la possibilité d’accéder à un au-delà savant deviennent le Graal positiviste du tournant du siècle. Comme le prouvait l’Exposition universelle, technologie et astronomie sont les meilleures alliées des rêves de la société moderne et Esnault-Pelterie veut poursuivre cette entreprise. Aux

402 Ibid, p.13.

403 Torres Félix, Villain Jacques, op.cit, p.241.

404 Conférence du 8 juin 1927 devant la SAF. Déjà le 15 novembre 1912, il présentait une conférence sur les fusées devant la Société française de Physique.

travaux de Flammarion qui propose une « astronomie spéculative »405

dérivée de l’astronomie mathématique et physique, l’ingénieur semble ajouter une dose de technologie scientiste conjecturale. Mais rappelons qu’à tous deux,

« il […] importe avant tout de se laisser guider par l’induction jusque dans la domaine des conjectures, et, loin d’abjurer l’esprit scientifique, d’avoir toujours en main la boussole que Bacon nous a léguée, l’esprit de la méthode positiviste »406.

Dans les premières décennies du XXe siècle, l’histoire des techniques et l’histoire des sciences cherchent à s’écrire ensemble, et malgré ses discours d’austère inventeur, Esnault-Pelterie n’est sans doute pas si hostile aux mirages cosmiques qu’il le prétend. Il répond d’ailleurs favorablement à l’Aéro-Club de France qui le sollicite en 1932 pour rédiger la préface d’une réédition du Voyage dans la Lune de Cyrano de Bergerac, poème cosmique par excellence. Quarante ans plus tard, cette parution lui vaut une entrée dans l’Encyclopédie de l’utopie de Pierre Versins qui salue son « petit vade- mecum du voyageur sidéral, dynamique et sans défaut »407. L’auteur-

ingénieur reste également très proche de la Société astronomique de France où il rencontre le banquier d’affaires André-Louis Hirsch (1900-1962), un proche de Camille Flammarion puis de son épouse qui financera plusieurs projets d’astronautique. Il lance avec lui le prix REP- Hirsch qui récompence les recherches les plus pointues en astronautique. Hermann

405 Flammarion Camille, Les mondes imaginaires et les mondes réels : voyage astronomique pittoresque dans

le ciel et revue critique des théories humaines, scientifiques et romanesques, anciennes et modernes sur les habitants des astres, Paris : Didier, 1865, p.3.

406 Ibid, p.3-4.

Oberth l’emporte en 1927 et la France s’aperçoit de l’étendue des connaissances allemandes sur le sujet du voyage interplanétaire.

Plus encore que Goddard et Esnault-Pelterie, Hermann Oberth occupe en effet l’une des plus hautes marches au classement des pionniers de l’astronautique, tels que l’histoire les a classés. Ses travaux, puis leur popularisation avec l’aide de son éditeur et de MaxValier, lui valent une reconnaissance de son vivant. Le hasard veut aussi qu’il vécut plus longtemps que l’Américain, mort peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que le français, mort seulement deux mois après le lancement du satellite russe Sputnik. Hermann Oberth a non seulement assisté à la naissance de la V2 allemande construite par son ancien élève Wernher von Braun, mais aussi aux missions spatiales américaines et russes des années 1950. Lui-même a collaboré avec la NASA à la même période. C’est d’abord sans connaître les travaux de Goddard et de Esnault-Pelterie qu’Oberth développe ses propres recherches. Comme eux, il constate que la fusée est le seul moyen de développer la technologie aérienne et de parvenir à quitter l’atmosphère terrestre. Comme eux, son objectif est d’abord de poursuivre la recherche technologique portée par l’aviation et la physique en l’alliant aux nouvelles connaissances acquises par l’astronomie : en dépassant l’atmosphère terrestre, il deviendra possible de surpasser les contraintes de temps et de vitesse rencontrées jusqu’alors. Par ce biais, l’homme pourra poursuivre son expansion, assouvir sa soif de connaissance et prouver son autorité intellectuelle.

Entre 1917 et 1922, Oberth travaille seul et tente en vain de faire valoir ses recherches auprès des autorités militaires allemandes et des institutions scientifiques. Il pense encore que les personnalités représentantes de l’ingénieurie technique sont les seules en mesure de s’intéresser aux nouveautés industrielles. Mais ses thèses sont immédiatement rejetées par les bureaux de science appliquée à l’Université de Munich où les professeurs

estiment qu’elles sont « trop techniques pour l’astronomie, trop fantastiques pour la physique et trop éloignées de la réalité pour la médecine »408. Un

trop grand nombre de domaines de spécialités semblent convoqués dans la nouvelle science que propose Oberth, si bien qu’aucune catégorie classique d’alors ne se sent apte à la juger. Aujourd’hui, sa thèse est pourtant admirée comme « la première thèse de doctorat du monde sur le vol spatial »409. A

l’époque, les recherches d’Oberth semblent presque abouties, elles sont même plus avancées que celles de ses contemporains. Goddard, à qui il écrit en 1922 pour lui adresser ses résultats et prendre connaissance des siens, reconnaît – non sans difficulté – que les travaux d’Oberth son particulièrement précis. En 1928, Esnault-Pelterie confie à son tour la grande impression que lui font les travaux allemands410. Mais si Oberth est

plus connu par l’opinion publique et par la presse internationale, c’est parce qu’il a choisi d’exposer ses recherches par la voie détournée de la notoriété. Dès 1923, il cherche un éditeur non spécialisé pour confronter ses conclusions à un public non-universitaire. Le texte est inchangé par rapport à la version qu’il présentait à l’Université de Munich, si ce n’est l’ajout d’un petit appendice. Ce complément souligne non seulement la force scientifique des travaux de l’auteur et leur plausibilité, mais également la portée significative du message qu’ils portent. Oberth insiste volontairement sur le fait que lui donner la possibilité de construire sa fusée revient à ouvrir la voie au franchissement des frontières interplanétaires et à une nouvelle dimension de l’existence et de la créativité humaine. L’ouvrage se vend à 3 000 exemplaires et marque le départ de la discussion allemande sur l’astronautique. Le fait qu’il soit paru chez une maison d’édition ordinaire relance même le courage des ingénieurs allemands, qui, comme les Français,

408 Barth Hans, Hermann Oberth, Vater der Raumfahrt, autorisierte Biographie, Munich, Bechtle, 1991, p.68.

409 Gartmann Heinz, Traümer, Forscher, Konstrukteure. Das Abenteuer der Weltraumfahr, Düsseldorf : Büdeler, 1995, p.108.

tentaient en solitaire de faire évoluer l’aéronautique et les sciences à propulsion pour atteindre de nouveaux horizons. Les écrits se multiplient, et notamment ceux de Max Valier évoqué plus tôt. Tous participent à la popularité des thèses oberthiennes.

En Allemagne, la fusée se démarginalise. Entre 1923 et 1932, elle se débarrasse de ses habits guerriers pour s’anoblir du destin de l’humanité. Elle promet de communiquer partout et avec tous, elle assure la capacité allemande à créer de nouvelles machines et porte les premiers espoirs des vols habités capables en théorie de mener l’entreprise humaine aux confins de l’univers. Le contexte social et culturel allemand n’y est pas indifférent. En 1925, Oberth signe une deuxième édition de son ouvrage, qui s’écoule rapidement, puis en propose en 1929, à la demande de son éditeur munichois, une troisième version plus accessible et plus détaillée sous un nouveau titre évocateur: Wege zum Raumshiffahrt (Chemins vers le voyage spatial). Cette version largement augmentée est immédiatement considérée par Esnault-Pelterie comme une « Bible pour l’aéronautique »411 et par

Wernher, futur ingénieur de la V2, comme « le véritable coup d’envoi pour la réalisation d’un vol spatial »412. L’auteur y fait suffisamment de

déclarations emphatiques qui jouent sur l’ambiguité des rapports entre la science et la fiction à l’œuvre dans l’exploration savante. La méthode allemande est la suivante :

« Il nous démontre que l’avenir de la technique du vol des fusées, qui se présente sous un jour fantastique, repose sur les bases les plus positives. Quiconque il y a deux cent ans, eut écouté une description de New-York actuellement et une évocation anticipée de la vie nocturne de cette ville prodigieuse, eut cru, en dépit de la réalité de ces tableaux, aux caprices d’une imagination délirante. […] L’assertion pleine de mesure par laquelle Oberth concluait son

411 Cité dans Barth Heinz, op.cit, p.107. 412 Idem

œuvre de 1929 garde toute sa valeur : ‘’ Il n’est rien au monde qui ne puisse être réalisé ; il n’est que d’en trouver les moyens’’ »413

Oberth a compris que la technique seule ne convainc pas et qu’il est nécessaire de lui adjoindre une substance philosophique. Grâce à cette conception des projets cosmiques, le livre reçoit un accueil très favorable auprès du grand public comme du monde savant ; ce même lectorat hétérogène qui suit Oberth, Valier et les frères Römer dans la tribune de la Vfr et dans les parutions des revues de vulgarisation. Les ingénieurs allemands ont très tôt compris l’intérêt de faire adhérer l’opinion publique à leur cause. Ils ont su deviner que si les autorités publiques ne les suivraient pas de prime abord, il leur fallait un projet porteur d’espoir et de rêve pour avoir à leurs pieds les mannes du secteur privé, de la foule populaire et des industriels. Comprenant que la clé du succès d’Oberth réside dans cette vision, que c’est cette note de fiction dans la science qui lui permet de lever les moyens nécessaires à ses recherches, l’élève von Braun exportera d’ailleurs cette stratégie prosélyte aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale

Hermann Oberth est l’un des pionniers de l’astronautique mais il n’en est pas l’unique initiateur. De l’étincelle prophétique dont il l’habille, il n’est pas non plus le seul représentant. Précédant de quelques années la génération d’ingénieurs que nous venons d’évoquer, le nom de Konstantin Tsiolkovski (1857-1935) résonne à plus d’un titre. Il a lu lui aussi le diptyque de Jules Verne vers la Lune et en retient la première rélévation consciente de son

413 Oberth Hermann, Les hommes dans l’espace : des satellites artificiels aux planètes habitables. Introduction du Dr. Guillaume Meijer Cords, traduit de l’allemand, Paris : Amiot- Dumont, 1955, pp.12-13.

intérêt pour le vol spatial414. Mais son désir d’émancipation de la gravité est

un leitmotiv qu’il identifie comme un principe qui lui a toujours été propre, et qui a toujours porté ses rêves et ses conceptions inconscientes. Celui-ci occupera toutes ses recherches théoriques et pratiques415. Dès 1903,

Tsiolkovski fait paraître un ouvrage dont le titre français (L'Exploration de

l'espace cosmique par des engins à réaction) indique clairement son engagement.

Tsiolkovski milite pour les voyages intersidéraux et ne s’en cache pas. Il s’agit de « la première recherche scientifique concernant le problème de la navigation interplanétaire »416. Car cet ouvrage n’est pas celui d’un rêveur et

ses recherches contribuent fortement à asseoir les débuts de l’astronautique internationale. Il est, avec Goddard, Oberth et Esnault-Pelterie, l’un des premiers à avoir découvert comment construire, lancer et faire voler une fusée tel que cela sera réalisé ensuite. Il aborde l’aventure spatiale du vol habité dans sa globalité et s’interroge très tôt sur les comportements humains à l’intérieur de sa fusée. Mais sa contribution s’est aussi faite à un autre niveau, inédit celui-là, et situé aux confins de la littérature, de la philosophie et d’une éventuelle spiritualité astronautique. Tsiolkovski est transporté par le vaste mouvement utopique qui irrigue la Russie au début des années 1920 et semble conforter ses intuitions. Déjà, en 1911, il aurait prononcé cette phrase devenue légendaire :

« La Terre est le berceau de l'humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau »417