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Chapitre V – Aspects historiques du contact : analyse critique

5. Aspects historiques des Atikamekw

D’entrée de jeu, faisons une affirmation peut-être évidente : tout pays est pluriculturel. Néanmoins, la notion même de nation moderne implique un puissant mécanisme d’homogénéisation. Selon Raquel Fajardo, le terme « nation » a une connotation d’unification des peuples, c’est-à-dire de domination. Toute nation résulte d’un quelconque type de colonisation, interne ou externe. Sur le continent américain, l’imposition d’un seul système juridique, la protection officielle d’une culture, d’une religion, d’une langue et d’un groupe social, donne lieu à un modèle d’exclusion de l’État. Dans ce modèle, l’institution juridico- politique ne représente pas la réalité plurielle, elle marginalise les groupes sociaux qui ne sont pas représentés officiellement et répriment l’expression de leur diversité culturelle, linguistique, religieuse et normative. L’appareil étatique tend à réprimer ou à marginaliser les systèmes « alternatifs », afin que ceux-ci soient forcés de s’adapter et d’utiliser les institutions

créées par l’État pour se maintenir en vie. Les systèmes « non officiels » ont survécu aux conditions d’illégalité étatique et de subordination politique, en acquérant des formes clandestines et marginales (Fajardo, 1999).

Par conséquent, même si on ne se penche pas sur une analyse des systèmes alternatifs de droit88, nous considérons que les affirmations citées ci-dessus sont très importantes si nous voulons traiter des aspects de l’histoire propre aux Atikamekw et la Loi sur les Indiens. D’ailleurs, quand on utilise le terme « histoire propre aux Atikamekw », on fait allusion à un phénomène relationnel. On ne cherche pas à décrire une supposée histoire légitime, racontée de façon traditionnelle et antérieure à la contamination occidentale; on cherche plutôt la définition atikamekw de son histoire par rapport à celle racontée par le colonisateur.

5.1 Aspects du processus de contact

Selon Claude Gélinas (2000), les Atikamekw (en français) ou Nehiraw-iriniw (en atikamekw) sont les Autochtones du territoire qu’ils nomment eux-mêmes Nitaskinan (littéralement « notre terre »), situé dans la partie supérieure de la vallée de la rivière Saint- Maurice, dans la province de Québec. Le nom « Atikamekw » désigne dans leur langue le grand corégone (ou poisson blanc).

Le territoire ancestral des Atikamekw se situe dans la vallée de la rivière Saint- Maurice, mais recouvre aussi les régions de l’Abitibi, du lac Saint-Jean, du Centre-du-Québec et de Lanaudière. Vers 1650, de 500 à 600 Atikamekw vivaient dans la région du Haut-Saint- Maurice. Ils chassaient, pêchaient, trappaient et cueillaient des fruits sauvages. Ils faisaient aussi des échanges avec les Cris, les Anishnabes et les Innus. Ils recevaient du maïs des Abénaquis en échange de gibier et de poisson. Avant les premiers contacts avec les colonisateurs anglais et français, le territoire atikamekw couvrait environ 80 000 km² et était divisé par noyau familial et les superficies octroyées à chacun variaient selon le nombre de membres. La langue atikamekw fait partie d’un continuum linguistique cri-naskapi- montagnais.

88 Raquel Fajardo est une juriste péruvienne qui aborde le sujet des droits spécifiques des peuples autochtones

De plus, selon Davidson, les « Têtes-de-Boule » occupaient une intéressante position ethnographique. Selon l’auteur :

« On the east they are contiguous to the Montagnais of the Lake St. John band (Piakwagami iriniwak, people of the lake with a shallow bottom) ; on the northeast they meet the Mistassini Naskapi band of Lake Mistassini (Mistassini iriniwak, Big Rock people) ; to the north they come in contact with the Waswanipi Cree (Waswanipi iriniwak, given as "People of the place where they spear fish at night by the light of a birchbark torch") ; and to the west and southwest they are neighbours to the Algonquins (Kitigantcibi iriniwak, farm river people). » (Davidson, 1928 : 19)

Sur la base de l’examen de la culture matérielle des Têtes de boule, l’auteur affirme que ceux-ci avaient une très grande proximité avec les Ojibwés qui habitaient à l’ouest :

« Their use of cradle-boards, square-headed snowshoes, and bark wigwams ; their method of construction of canoes with sharp up-turned ends, with long strips from end to end, and with an absence of a cuff or diaper, all indicate western, and in the case of the canoes, southern or Wabanaki influence. The double-headed drum is another object of western derivation, although this trait has crossed the Trenche river, for it is also found among the Lake St. John band of Montagnais. » (Davidson, 1928 : 21)

Les Atikamekw s’imposaient des règles quant à l’utilisation des territoires de chasse et se limitaient à leur territoire familial respectif alors que pour la pêche et la cueillette des petits fruits, ils pouvaient aller sur les territoires des autres familles. Leurs traditions prévoyaient, entre autres, la préservation des ressources qui assuraient la subsistance à long terme de la population. Selon Gélinas (2000), « les ancêtres » des Atikamekw ont toujours gardé des relations directes ou indirectes avec des populations non autochtones.

Toutefois, parmi les sources trouvées, l’historien Nelson-Martin Dawson (2003) – qui représenterait ce que l’on appelle « l’historiographie officielle », soutient que les Atikamekw d’aujourd’hui ne font pas partie du groupe qui se nommait « Attikamègues » lors des premiers contacts avec les colonisateurs – ni de celui proposé par Claude Gélinas (2003), qui souligne que l’interaction avec les Euros-Canadiens aurait été « bénéfique, puisque la participation des Atikamekw aux activités économiques des visiteurs a contribué à leur assurer une relative prospérité ». Le point de vue de Dawson va guider notre réflexion dans la présente partie. Par ailleurs, selon Gélinas :

« En somme, pour les Atikamekw, la période 1870-1940 n’a été ni navrante ni tragique. Elle a été surtout différente. Comme la période du monopole commercial de la Hudsons’s Bay Company, entre 1831 et 1870, avait été différente de la période de concurrence des années 1760 à 1831, et comme l’époque coloniale avait été différente de l’époque d’avant le contact. Ce qu’on constate avant tout jusqu’en 1940, ce sont les efforts que les Atikamekw ont déployés pour s’adapter et tirer profit au maximum de toutes les possibilités qui s’offraient à eux pour assurer leur subsistance, suivant des stratégies qui répondaient à leurs valeurs, dans un environnement physique et humain en pleine transformation. » (Gélinas, 2003 : 224-5)

En guise d’introduction, Dawson relève qu’en 1613, le lieutenant Samuel de Champlain a été le premier à écrire sur les Atikamekw et à les présenter officiellement aux colonisateurs, à partir de ses récits de voyage. Même si l’identité de ceux-ci n’était pas claire pour Champlain, il a pu distinguer un territoire particulier qui était sous le contrôle d’un groupe différent de ceux qu’il avait rencontrés à Trois-Rivières et à Tadoussac (Dawson, 2003 : 17).

Quelques années plus tard, en 1636, les missionnaires qui s’étaient établis dans la vallée du Saint-Laurent sont entrés en contact avec les Atikamekw, dénommés à l’époque « Attikamegouekhi ». En 1639, le père Paul Le Jeune a traduit l’ethnonyme « Attikamegouekhi » ou « Attikamègues » par « poissons blancs ». Ce peuple a également été appelé Têtes-de-Boule dans les années 1700 et 1800. Les missionnaires suggéraient que les Atikamekw étaient les plus nombreux parmi les nations amérindiennes du Nord du Québec. À l’instar de plusieurs autres sociétés autochtones du Nord québécois, cette nation participait au système d’échange qui l’unissait périodiquement à d’autres sociétés. Par conséquent, il était courant de voir les Atikamekw circuler dans des régions autres que celle à laquelle les jésuites les avaient associés au nord de Trois-Rivières. À partir de 1637, un poste établi à l’embouchure du Saint-Maurice est signalé (Dawson, 2003 : 17).

En dépit de ces données, les documents officiels qui font référence aux Atikamekw, ou Têtes-de-Boule, n’étaient pas suffisants pour faire une description assez précise. C’est seulement à partir de la fondation du poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson, à Weymontachie en 1820-1821, et du début des missions régulières dans cette région, vers 1837, qu’on commence à avoir plus de registres écrits. Clermont nous explique que, selon Sulte :

« Sont exactement ce qu’étaient les Attikamègues ou Poissons-Blancs qui demeuraient dans les mêmes endroits et visitaient timidement les Trois- Rivières, de 1637 à 1680. Après cette dernière date, on ne rencontre plus de mention des Attikamègues, ou Poissons-Blancs, mais il y a des Têtes-de-Boule partout. À mon avis, c’est un changement de nom inventé par les Canadiens du pays » (Clermont, 1977 : 17).

Selon Clermont, entre 1670 et 1680, les populations autochtones qui « occupaient les bassins hydrographiques se déversant vers le Saint-Laurent à l’ouest du Saguenay » ont été fortement attaquées par les raids iroquois et ont souffert, en concomitance, des épidémies de petite vérole qui les ont presque décimées. Vers 1700, le territoire, avant reconnu comme atikamekw, va être occupé par un groupe d’Autochtones dénommés « Têtes de boule ». Selon quelques récits historiques, il est possible que ce fussent des descendants atikamekw auxquels se seraient joints d’autres Autochtones nomades. « À partir de 1650, il n’y eut plus de Sauvages errants dans le Bas-Canada, sauf les Têtes-de-Boule du haut Saint-Maurice et les Montagnais du Saguenay, réduits à l’insignifiance comme nombre » (Clermont, 1977 : 17).

La corrélation entre les vagues d’épidémies, les guerres iroquoises et la diminution marquée dans la fréquentation autochtone des missions laurentiennes fournit une preuve, pour ceux qui cherchent dans les registres officiels la source d’information, de l’impact de ces événements chez les peuples qui fréquentaient les bassins du Saguenay et du Saint-Maurice. En se basant sur ces événements et sur les changements d’appellation du groupe atikamekw, Dawson établit une longue argumentation pour expliquer que les Atikamekw d’aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu’avant. Selon notre expérience sur le terrain, ce genre d’affirmation a un certain écho chez les gens de Manawan, sans toutefois occuper une place centrale. Autrement dit, à quelques reprises, nous avons entendu la question suivante : « Est-ce que nous sommes Atikamekw ou Têtes-de-Boule? » Selon nous, cette interrogation n’est pas issue d’un manque de connaissance ou d’une relation asymétrique. Au contraire, elle est une façon d’interpeller l’histoire, bien que les marqueurs factuels ne nous poussent pas vers cette interprétation.

Néanmoins, lorsqu’il existe une querelle concernant la filiation ethnique des Têtes-de- Boule et leur parenté avec les « Attikamègues » des Hauts-Mauriciens, Dawson nous propose d’examiner leurs localisations respectives pour faire le point sur son argument (Dawson, 2003 : 52). D’ailleurs, l’auteur affirme qu’il n’est pas possible de faire un découpage exact du territoire « attikamègue ». Il affirme néanmoins qu’il aura permis d’évaluer si ce territoire pouvait avoir quelques relations avec celui des Têtes-de-Boule.

L’altercation sur le territoire occupé par les deux ethnies en question est très longue et détaillée. Plusieurs auteurs (Dawson, 2003, Gélinas, 2003, Clermont, 1977) se sont penchés sur cette controverse, soit pour affirmer qu’il s’agit du même peuple, soit pour dire le contraire. Ainsi, Dawson, McNulty et Gilbert, dans le but d’unifier les Atikamekw et les Têtes-de-Boule, établissaient d’abord un rapport linguistique et culturel : « they were essentially the same linguistic and cultural group known and reported under different names according to their points of trade » (Dawson 2003 : 52). Ces auteurs continuent à fusionner aussi géographiquement les deux peuples, soutenant que leurs territoires de chasse étaient les mêmes. D’après ces auteurs, les « Attikamègues » et les « Têtes de boule » occupaient, à la fin du XVIIe siècle, un vaste territoire qui s’étendait de la mer du Nord au fleuve Saint- Laurent. Cette large région renfermait le bassin de l’actuel lac Kesagami situé en territoire ontarien et était délimitée par les rivières Harricana et Moose, le lac Abitibi et la pointe de la baie James. En additionnant ainsi le territoire des uns à celui des autres, il était vrai qu’ensemble ces deux groupes occupaient une large portion de cette étendue (Dawson, 2003 : 52-3).

Dawson affirme d’ailleurs que les « Têtes-de-Boule », appelés ultérieurement « Euro- Canadiens » seraient descendus pour la traite jusqu’à Sault Sainte-Marie et à l’embouchure des rivières Dumoine, Gatineau et du Lièvre, tandis que ceux connus sous le nom d’« Arrikamègues » auraient préféré échanger leurs fourrures dans des postes de traite français plus à l’est, en Piékougamie et en Haute-Mauricie.

D’après le témoignage des missionnaires, le terme « Attikamegouek » semble avoir été l’ethnonyme par lequel les membres de ce groupe se désignaient eux-mêmes, tout comme les nommaient les sociétés autochtones avec lesquelles ils maintenaient des relations. L’appellation « Attikamegouek » n’était donc pas une création européenne, comme plusieurs autres ethnonymes en usage dans les relations missionnaires ou dans les récits de voyage pour désigner différents groupes autochtones.

Cependant, Dawson insiste sur la disparition des Atikamekw en tant que tels, en affirmant que les terminologies se sont adaptées à la réalité d’un territoire chaque fois plus accessible aux nations limitrophes. Par conséquent, en sachant que les « Attikamègues »

n’étaient plus assez nombreux pour former une entité géopolitique distincte, ils se sont croisés avec leurs voisins pour désormais s’appeler « Poissons-Blancs ».

En poussant plus loin les recherches dans les documents historiques, ce même auteur disserte sur la disparition des appellations « attikamègue » et « poisson-blanc » dans les actes inscrits aux registres d’état civil de la région de Trois-Rivières à la fin du XVIIe siècle, de même que sur l’usage d’un générique jusque-là inusité « Sauvages des terres ». Cependant, les registres montrent que l’emploi de ce générique est rapidement remplacé par un terme plus distinctif : « Têtes-de-Boule », qui va perdurer tout au long du XVIIIe siècle. « Ce glissement terminologique s’inscrit au cœur du débat à savoir si un lien peut être établi entre les ethnonymes Attikamègue et Tête-de-Boule et s’il y a eu continuité au plan ethnique malgré cette mutation des signifiants. » (Dawson, 2003 : 53). Par conséquent, l’auteur s’interroge sur quels groupes étaient désignés par les expressions « Sauvages des terres/Gens-des-Terres » et « Tête-de-Boule ». Selon lui, les appellations Gens-des-Terres et Tête-de-Boule ont été initialement employées comme génériques par les Euros-Canadiens pour désigner les Autochtones avec lesquels ils étaient en contact pour la première fois.

Dans un paragraphe de conclusion, l’auteur affirme que :

« Les missionnaires témoignèrent in situ que les guerres iroquoises et les maladies européennes avaient provoqué une chute dramatique des effectifs démographiques, qui condamnait les “Attikamègues” à disparaître en tant que peuple distinct. Ceux que l’on désigna ultérieurement comme des Têtes-de- Boule provenaient forcément d’une ou de plusieurs autres tribus, des migrants qui trouvèrent accueillants ces territoires de chasse richement reconstitués à la suite d’un abandon prolongé et consécutif de l’extinction de ceux qui y nomadisaient antérieurement. » (Dawson, 2003 : 115-6).

Par contre, Norman Clermont propose l’hypothèse de la formation d’une communauté composite, un « groupe de fusion ». Nous suivons Clermont lorsqu’il affirme :

« Peut-être les Têtes-de-Boule ont-ils également absorbé culturellement les derniers descendants des Attikamègues. Cette possibilité n’est certes pas à négliger, car la tradition orale des Têtes-de-Boule conserve plusieurs récits des batailles contre les Iroquois […] alors que ceux-ci n’ont probablement plus porté la guerre dans les Hauts-Mauriciens après 1675 » (Clermont, 1977 : 22).

Pour notre part, quoique nous considérons l’importance de mettre en lumière cette discussion, notre but dans le présent chapitre ne tient pas à la reconnaissance officielle des Atikamekw d’aujourd’hui comme les mêmes qu’avant. Même si nous relatons l’histoire du colonisateur, nous mettons surtout l’accent sur l’identité que les Atikamekw s’attribuent eux- mêmes aujourd’hui. Les Atikamekw ont souvent dû affirmer fermement leur existence devant certaines thèses qui la nient en remettant en question la permanence de l’occupation et de l’utilisation du « Nitaskinan », le territoire ancestral atikamekw. Or, remettre en question cette continuité, c’est affirmer une disparition. Donc, s’ils existent aujourd’hui, c’est qu’ils n’ont jamais disparu.

5.2 La création de la réserve de Manawan

Les Atikamekw reconnaissent toujours comme leur, le territoire qu’ils occupaient durant la première moitié du siècle. Depuis la fin du XIXe siècle, ils vivent principalement au sein de trois communautés, en étant la plus ancienne Wemotaci, ou « la montagne d’où on observe », créée en 1851. Ce lieu était déjà un point de rencontre et d’échange ancestral, situé aux abords de la rivière Saint-Maurice, 115 kilomètres au nord de La Tuque. Toutefois, ce n’est que le 29 août 1906 que la seconde communauté atikamekw, soit celle de Manawan ou « là où on trouve des œufs », a été reconnue officiellement. Elle se trouve au bord du lac Metabeckeka. Quelques années plus tard, soit entre 1910 et 1914, une population permanente s’établit à Opitciwan, la troisième réserve atikamekw et la plus nordique et isolée des trois. Elle est située sur la Rive-Nord du réservoir Gouin. Son nom signifie le « courant du détroit »89.

Comme le rapporte Maurice Ratelle :

« Par la loi de 1851, les Têtes-de-Boule, comme peuple amérindien distinctif, se verront attribuer 3 réserves : l’ancienne Coucoucache, Manouane et Weymontachie. Les terres de ces trois réserves seront prises à même les 14 000 acres attribués aux Têtes-de-Boule, Algonquins et Abénaquis de Bécancour dans ce qui était appelé “Terres de La Tuque”. De ces 14 000 acres, seulement 5 milles carrés, soit 3200 acres, étaient prévus pour les Têtes-de-Boule et les Algonquins sur les rives du Saint-Maurice et de ses tributaires. Les Têtes-de- Boule bénéficieront tout de même de quelque 9700 acres et les Abénaquis ont eu environ 8375 acres dans le canton Crespieul à la ligne de la hauteur des terres du lac Saint-Jean et du Saint-Maurice. C’est donc dire que la répartition inscrite

dans la cédule de 1853 n’était qu’une estimation provisoire, et qu’après l’arpentage, des réajustements étaient possibles en tenant compte de la banque des 230 000 acres. Ce ne sera que beaucoup plus tard, à partir de 1895, que les réserves de Weymontachie et l’ancienne Coucoucache auront leurs limites officielles et en 1906 pour Manouane. » (Ratelle, 1987 : 176-7)

Toujours selon Ratelle, la région de Manawan (aussi nommée Manouane) était fréquentée pendant l’hiver par un groupe de familles qui se réunissaient l’été avec celles de Weymontachie. Ainsi, Manouane est devenue un point de campement habituel à partir de 1870, avec l’arrivée des compagnies forestières, qui procuraient du travail à l’année à un certain nombre d’Atikamekw (à l’époque encore appelés Têtes-de-Boule), et l’installation d’un poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson tout près de là sur la rive du lac Madon. Par la suite, les Oblats90 s’y sont installés presque en permanence et, en 1904, la première

chapelle a été construite. Enfin, l’essor de l’industrie forestière et l’ouverture de barrages hydroélectriques, qui ont provoqué la disparition presque complète du gibier, ont obligé les Atikamekw à chercher des emplois aux alentours, entre autres, dans le domaine forestier.

De plus, l’auteur explique qu’en 1860, les familles qui exploitaient la région du « Lac Manouane » se sont séparées du groupe de Weymontachie et se sont établies à Metabeskega, créant ainsi la « bande de Manouane ». Le gouvernement a accordé aux Atikamekw qui habitaient ce territoire un droit d’usage sur un terrain de 1906 acres. Le territoire de cette communauté était alors divisé en territoires de chasse (ou de piégeage) entre les différentes familles. Les Atikamekw demeuraient de sept à huit mois sur ces territoires et les campements principaux étaient établis sur le bord des lacs, comprenant généralement un bâtiment pour chaque famille (ou clan). La fourrure qu’ils rapportaient était vendue à la Compagnie de la Baie-d’Hudson.

Néanmoins, la mise en place des premières réserves chez les « Têtes-de-Boule » n’a pas occasionné, pour l’ensemble des familles, une sédentarisation immédiate. Par ailleurs, de 1870 à 1950, plusieurs facteurs ont joué dans la réduction de la pratique du nomadisme. Le