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Chapitre II : Mesure de la performance des IMF

2.2 Performance des IMF et sa mesure

2.2.1 Approche welfariste versus approche institutionnaliste

Dans la littérature sur la microfinance, la mesure de la performance des IMF a opposé deux courants de pensée. Le premier courant relève de ce qui est connu comme l’approche welfariste ou l’approche du bien-être social (welfarist approach, en anglais). Le deuxième courant est qualifié de l’approche institutionnaliste (institutionist approach, en anglais) (Morduch, 2000 ; Brau et Woller, 2004 ; Ejigu, 2009 ; Gutiérrez-Nieto et al., 2009). Le débat qui anime ces deux courants de pensée a pour origine les visions différentes sur ce que devraient être les rôles et les priorités des IMF pour permettre aux populations à faible revenu d’avoir accès aux services financiers dans les meilleures conditions. Woller, Dunford et Warner (1999) notent que l'ironie est qu’il existe un fossé important entre les deux camps, qui rend la communication entre eux difficile, alors qu’en pratique on trouve de nombreuses IMF qui apparaissent adopter les deux approches et que les deux visions ne sont pas vraiment incompatibles ; toutes les deux partagent le même objectif qui consiste à réduire la pauvreté.

90 Malgré cette entente sur l’objectif final recherché de la microfinance, les deux camps s’opposent sur la façon de l’atteindre. Est-ce en mettant l’accent principalement sur l’autosuffisance financière et la viabilité institutionnelle de l’IMF, en acceptant le risque d’exclure les plus pauvres des pauvres (l’approche institutionnaliste) ? Ou, au contraire, en mettant l’accent sur le financement de ces derniers, avec le risque de se retrouver avec des IMF vulnérables qui dépendent des financements externes sous forme de subventions (L’approche welfariste) ?

2.2.1.1 L’approche welfariste (bien-être social)

L’approche welfariste est une approche qui se focalise sur la réduction de la pauvreté à travers la fourniture de services financiers aux pauvres, notamment les très pauvres (appelé aussi les plus pauvres des pauvres), pour les aider à surmonter la pauvreté et à gagner leur autonomie et ainsi améliorer leur bien-être. L'objectif poursuivi est l’octroi de crédit, généralement, à des taux inférieurs à ceux appliqués sur le marché. Ces crédits sont souvent accompagnés de d’autres services non-financiers comme la formation professionnelle et l'enseignement, la planification familiale, la nutrition, la santé, etc. Woller et al. (1999) soulignent que les welfaristes mettent plus l’accent sur le degré de la portée de l’activité des IMF. Ils sont assez clairs sur leur désire d’améliorer le plus vite possible le bien-être des clients. Ils sont moins intéressés par la banque en soi que par l'utilisation des services financiers comme un moyen de soulager directement les pires effets de la pauvreté profonde entre les participants et la communauté, même si la fourniture de certains de ces services nécessite le recours à des subventions. L’objectif des welfaristes est de permettre l’auto-emploi des plus pauvres parmi les pauvres qui sont économiquement actifs. L’accent est mis particulièrement sur les femmes. En effet, il est admis que des augmentations, même modestes, dans les revenus et dans l'épargne des femmes donnent à celles-ci les moyens d’améliorer leurs conditions de vie ainsi que ceux de leurs enfants. Le centre d’attention est focalisé sur la famille. Les auteurs soulignent que, comme les institutionnalistes, les welfaristes assurent avoir un plus grand impact sur la réduction de la pauvreté, même s'ils ne sont pas réellement en mesure de le documenter. Les exemples les plus éminents des institutions welfaristes sont la Grameen Bank au Bangladesh et ses répliques dans d’autres régions du monde.

91 Par ailleurs, Adair et Berguiga (2010) soulignent que l’école welfariste évalue la performance des institutions de microfinance par les critères basés sur la portée des activités et sur leur impact sur les conditions de vie des participants.

2.2.1.2 L’approche institutionnaliste

L’approche institutionnaliste se focalise essentiellement sur la création d'institutions financières viables qui permettront aux clients qui ne sont pas desservis ou qui sont mal desservies par le système financier formel d’avoir accès à un ensemble de services financiers adaptés. L'objectif poursuivi par les tenants de cette approche est de permettre aux IMF d’atteindre leur autosuffisance financière, ce qui leur permettra d’avoir une plus grande étendue35 de la portée de leur activité. Le degré de la portée36 n’est pas l’objectif recherché. Autrement, les IMF doivent chercher à atteindre le plus grand nombre de pauvres et non pas le ciblage des populations les plus pauvres. C’est cette étendue des opérations qui permettra aux IMF de réaliser certaines économies d’échelles et par suite d’aspirer à atteindre la viabilité financière. Le point central de cette approche est l'institution, le succès institutionnel est généralement mesuré par les progrès réalisés par l'institution vers l’atteinte de son autosuffisance financière. Les institutionnalistes affirment que l'objectif principal de la microfinance est de mettre en place un système d’intermédiation financière durable dédié spécialement aux pauvres. Dans une telle approche l'avenir de la microfinance sera dominé par de nombreuses grandes institutions à but lucratif qui fournissent des services financiers de haute qualité à un grand nombre de clients pauvres. En insistant sur l’autosuffisance financière, les institutionnalistes déconseillent le recours à n’importe quelle forme de subventions (Woller et al., 1999).

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En matière de microfinance, la portée fait référence à la portée des actions d’une IMF, c’est-à-dire son objectif social. L’étendue de la portée fait référence au nombre de clients desservie par une IMF (cf. la sous- section 2.3.2).

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Figure II-2 : Les approches welfariste et institutionnaliste de la microfinance

Source : Ayayi A. et Noel C., (2007), « Défis et Perspectives de la Recherche en Microfinance ». Cahier de recherche, Chaire Banque Populaire : Audencia Nantes - École de Management. 35 pages. (p. 19)

Pour atteindre leurs objectifs, les IMF ont besoin de beaucoup de ressources financières. Si ces ressources dépendent des donneurs, les IMF risquent de mettre en péril l’atteinte de leurs objectifs. En effet, le capital nécessaire dépasse largement ce que peuvent apporter les donneurs internationaux. En outre ces derniers sont de nature imprévisible ce qui rend leurs apports instables (Gonzalez-Vega, 1993). Les exemples les plus connus de l'approche institutionnaliste sont la Bank Rakyat Indonesia (BRI), Banco Solidarion (BancoSol) en Bolivie.

L’école institutionnaliste mesure la performance des institutions de microfinance du point de vue de l’institution et de son efficacité en utilisant des indicateurs de performance

93 financière ou des indicateurs portant sur le nombre de clients servis ou de leur taux de remboursement (Adair et Berguiga, 2010). Les institutionnalistes considèrent qu’il n’est pas nécessaire de mesurer la performance en termes d’impact. En effet, les performances financières vont engendrer indirectement des impacts positifs sur les conditions de vie des populations concernées (Woller et al., 1999).