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L’approche économique

Première partie : Vers un nouveau rapport à l’automobile plus économique et écologique ?

Chapitre 1 La prépondérance automobile remise en question

1. La voiture comme mode de transport principal des Français : les choix modaux et leurs déterminants

1.4. Les déterminants des choix modaux : un calcul coûts/bénéfices intégrant d’autres dimensions que la rationalité économique

1.4.2. L’approche économique

L’approche économique des déterminants des choix modaux cherche essentiellement à mesurer l’effet et le poids de chacun d’eux.

La mobilité en général et l’usage automobile en particulier sont donc déterminés par plusieurs éléments dont les poids respectifs sont principalement mesurés à travers le calcul d’élasticités. Plus précisément, il s’agit de formaliser la relation entre l’intensité de l’usage automobile et ses différents déterminants à travers une modélisation économétrique sous forme logarithmique conduisant à estimer des élasticités. Ainsi, Quinet (1998) a identifié les principales relations explicatives du trafic de voyageurs sur le réseau routier national (Produit Intérieur Brut, parc automobile, rapport prix route/ prix train), sur autoroutes (PIB, prix du carburant, coût du péage, longueur du réseau autoroutier), du trafic aérien (PIB, trafic TGV, nombre de sièges-km offerts) et du trafic ferroviaire (consommation finale des ménages, prix des carburants, vitesse des trains). Le tableau 1 montre que les élasticités-revenus sont positives tandis que les élasticités-prix sont négatives.

Tableau 1 – Elasticités des différentes variables explicatives du transport de voyageurs Variables à expliquer Variables explicatives et élasticités

Trafic sur le réseau routier national

 PIB : 1.20

 Rapport : prix route/prix train : -0.22  Parc automobile : 0.25

Trafic sur autoroute concédées

 Trafic de l’année précédente : 0.25  PIB marchand : 0.92

 Prix du carburant : -0.47  Coût du péage : -0.96

 Longueur du réseau autoroutier : 0.65

Trafic aérien intérieur

 PIB marchand : 0.75

 Produit moyen tarifaire aérien : -0.53  Trafic TGV en voyageurs x km : -0.017  Nombre de siège-km offert : 0.56 Trafic ferroviaire sur le réseau

principal

 Consommation finale des ménages : 0.43  Produit moyen tarifaire de la SNCF : -0.7  Prix des carburants : 0.2

 Vitesse moyenne des trains : 1.08

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Par ailleurs, l’impact de l’évolution du prix et du revenu sur le transport privé et le transport public a été estimé au Royaume-Uni et en Australie (Selvanathan et Selvanathan, 1994). L’élasticité-revenu est positive et supérieure pour le transport privé : quand le revenu augmente, la mobilité individuelle augmente plus que la mobilité collective. Les élasticités- prix sont négatives (tableau 2).

Tableau 2 – Elasticité revenu et prix du transport privé et du transport public Elasticité au revenu Elasticité-prix directe

UK Australie UK Australie Transport privé Transport public 2 1.8 2.3 0.8 -0.5 -0.4 -0.5 -0.7

Source : Selvanathan et Selvanathan (1994)

De même, en France (Quinet, 1998), des élasticités-prix ont été calculées concernant le nombre de passagers ou voyageurs-km pour les transports en commun : l’élasticité par rapport au prix du voyage en TC est négative et l’élasticité par rapport au prix des carburants est positive.

Plus précisément, l’impact de l’évolution des prix des carburants sur l’usage automobile a également été estimé (Johansson et Schipper, 1997) dans 12 pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) sur la période 1987-1997 (tableau 3) : les élasticités-prix des carburants du parc automobile, de la consommation automobile, du kilométrage annuel, de la consommation totale de carburant et du trafic automobile sont négatives et les élasticités-revenu sont positives.

Tableau 3 – Elasticité prix et revenu de l’usage automobile

Elasticités Prix des carburants Revenu

Du parc automobile

De la consommation unitaire Du kilométrage annuel

De la consommation totale de carburants Du trafic automobile total

-0.1 -0.4 -0.2 -0.7 -0.3 1 0 0.2 1.2 1.2

Source : Johansson et Schipper (1997)

En outre, le résumé d’études sur l’élasticité-prix de la demande en carburant (Dahl et Sterner, 1991) montre que l’intensité de l’usage automobile est plutôt sensible aux prix, mais que la réaction est moins que proportionnelle à la variation de prix (tableau 4).

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Par ailleurs, des estimations ont été réalisées sur le périmètre OCDE (Dahl et Sterner, 1991). De 1960 à 1985, les élasticités-prix de la demande de carburants par rapport au prix des carburants sont plus élevées à long terme qu’à court terme.

Tableau 4 – Elasticités prix de la demande de carburants – Résumé de différentes études Etudes Elasticité-prix de court terme Elasticité-prix de long terme Nombre d’études Date de la plus récente Dahl et Sterner De -0.22 à -0.31 De -0.8 à 1.01 97 1988 Dahl De -0.26 à -0.29 De -0.86 à -1.02 68 1984 Bohi et Zimmerman -0.26 -0.7 9 1982 Bohi -0.22 -0.58 11 1979

Source : Dahl et Sterner (1991)

En France (Quinet, 1998), plusieurs études ont été menées afin de calculer l’élasticité-prix des carburants et les résultats montrent également des élasticités de long-terme supérieures aux élasticités de court-terme :

- 1989 : Elasticités de la circulation routière des ménages par rapport au prix des carburants sur la période 1975-1989 : -0.29.

- 1995 : Elasticités-prix de la consommation de carburants.

Les élasticités-prix directes sont estimées sur la période 1977-1992. L’élasticité-prix de court terme est -0.15 et celle de long terme -0.3.

- 2002 : Circulation sur le réseau routier national et prix des carburants : les années 2000 et 2001. L’élasticité est estimée sur la période 1968-1994. L’élasticité-prix de la circulation à long terme est -0.31.

Par ailleurs, lors d’un choc important (Canales, 2002), il existe un effet de seuil : une très forte variation des prix du carburant contribue à la diminution de la circulation de manière moins que proportionnelle à une variation plus faible. La faiblesse des élasticités-prix à court terme s’explique par le nombre plus limité de choix. En effet, le ménage n’a alors que deux options lorsque les prix de l’énergie augmentent : diminuer sa consommation ou réduire ses dépenses pour les autres biens. A long terme en revanche, il est possible de réagir à une variation des prix de l’énergie par une modification de l’appareil énergétique, donc de son efficacité énergétique et de son niveau de consommation, par un changement de source d’énergie, ou un changement de comportement impliquant une diminution de son usage sur le long terme.

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Comme il l’a été démontré, le prix des carburants a un impact négatif mais faible sur sa demande. Cela est essentiellement dû au nombre d’autres variables ayant un impact positif sur cette dernière : revenu, consommation unitaire de la voiture, taille du ménage, besoin de déplacement, etc. Cependant, dans la littérature scientifique, leur ampleur n’est pas chiffrée précisément et parfois simplement discutée de façon intuitive. On peut distinguer les variables socio-économiques et les variables exogènes.

Un rapport OCDE (2008) présente les facteurs d’explication de la consommation d’énergie des ménages dans le secteur résidentiel et celui des transports. En premier lieu, le revenu est un facteur déterminant de la consommation d’énergie dans le secteur résidentiel comme celui des transports. Le rapport présente les élasticités-revenu issues de plusieurs études. Pour Dahl, l’élasticité-revenu à court terme est inférieure à 0,4 et supérieure à long terme, mais toujours inférieure à un.

Par ailleurs, dans une étude sur l’impact microéconomique de la fiscalité indirecte en France, Ruiz et Trannoy (2005) calculent les élasticités-revenus des postes ‘‘automobile et transport’’ (1,107). Ainsi, l’ampleur des élasticité-revenus est plus importante que celle des élasticités- prix.

L’âge, le genre, la catégorie socio-professionnelle (CSP), ou encore le niveau d’étude sont également des variables ayant un impact sur la consommation d’énergie.

L’ensemble des variables socio-économiques citées conditionne le niveau d’usage automobile et donc de consommation d’énergie des ménages en déterminant leurs comportements et leurs préférences pour les différents modes. Ainsi, la possession de voitures, ainsi que leur utilisation varient en fonction des caractéristiques socio-économiques des ménages. Par exemple, plusieurs études montrent que l’utilisation de la voiture augmente avec le revenu et la taille du ménage, que les femmes et les personnes âgées conduisent moins, que les employés et les personnes ayant un haut niveau d’éducation conduisent plus. Les infrastructures de transports sont également un déterminant de la mobilité des ménages. Ainsi, les habitants en milieu rural n’ont pas d’autres choix pour se déplacer que d’utiliser leur voiture alors que les urbains peuvent se déplacer en transports en commun.

Ainsi, (Cayla et al., 2011) les ménages français les plus modestes sont très contraints dans la mesure où la consommation d’énergie représente 15 à 25% de leur budget pour un niveau de consommation bien inférieur à celui des ménages les plus aisés. Les premiers doivent également faire face à des contraintes en terme de capital lors de l’achat d’un équipement, ce qui se traduit soit par un taux d’actualisation très élevé, soit par une réduction du taux de

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ménages prêts à remplacer leurs équipements et qui les gardent donc longtemps. Les ménages modestes sont donc doublement contraints puisqu’ils ne peuvent pas investir dans des appareils efficaces qui leur permettraient de réaliser des économies d’énergie. Les résultats d’une enquête menée sur 3000 personnes montrent que les dépenses en transport augmentent avec le revenu de manière générale. Mais plus précisément, on distingue trois profils différents : la contrainte, la partie ‘‘élastique’’ et la saturation. Ainsi, les dépenses ne diminuent pas avec le revenu pour les 30% les plus modestes. A l’autre extrémité, les 20% les plus aisés n’ont pas des dépenses qui augmentent avec le revenu. Pour les ménages à revenus moyens, on observe une zone ‘‘élastique’’ : les dépenses augmentent plus ou moins avec le revenu. Pourtant, malgré la part élevée du carburant dans le budget, les critères d’achat automobile concernent davantage le modèle, la gamme, le confort, la puissance, la marque ou encore l’image renvoyée par le véhicule. Il est donc possible de parler de dépendance automobile.