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B. Les réussites du projet

5. Les apports du projet d’un point de vue personnel : ma posture

personnel : ma posture d’enseignant requestionnée.

Pour conclure sur cette partie, je vais exposer mon ressenti et essayer de faire ressortir ce que ce projet m’a apporté à titre personnel et les aspects du travail qui m’ont le plus intéressée.

Je dirais dans un premier temps que ce travail sur Charlie et la chocolaterie m’a permis de prendre, une fois encore, la mesure du travail qu’exige le métier de professeur des écoles. En

arrivant dans la classe au mois de septembre, j’avais une idée sur l’exercice de ce métier que j’avais la chance d’avoir choisi. Je savais que l’enseignant du primaire, parce qu’il est pluridisciplinaire, devait maîtriser un certain nombre de compétences pour mener à bien ses projets et remplir ses objectifs. Ce travail de mémoire, de même que l’ensemble de mon parcours de stagiaire, ont quelque peu modifié ma perception. J’ai pris la pleine mesure du fonctionnement d’une classe : je n’avais pas forcément à l’esprit la singularité que représente chaque élève. Ils ont tous des spécificités et ils sont membres à part entière de la microsociété que constitue la classe. Tous avec leur personnalité et leur sensibilité ont contribué à la richesse et à la réussite du projet. Certains parce que leurs idées et leurs analyses ont permis de débloquer les situations et d’approfondir le travail de compréhension, d’autres parce qu’ils ont remis en question ma pratique et m’ont amenée à faire des ajustements… Mener ce travail m’a permis d’approcher la pluralité des profils présents dans la classe et de saisir la nécessité, de m’adapter au mieux à chacun pour répondre aux attentes de tous. Ainsi, j’ai compris que s’il était indispensable de préparer mes interventions, ce travail préparatoire était perfectible et qu’il fallait régulièrement se questionner sur la pertinence des supports. Le but, c’est avant tout d’aider, par tous moyens, les élèves à surmonter les obstacles qui se présentent à eux. C’est un travail passionnant tant les enjeux sont importants. Cependant, il ne faut pas se méprendre, l’exercice n’ai pas aisé. Les aménagements qui valent pour les uns ne sont pas forcément adaptés pour les autres et il faut sans cesse se renouveler pour se rapprocher des objectifs fixés. Dans le même ordre idée, j’ai constaté que les progressions ne se passent pas toujours comme elles avaient été imaginées. Là encore, l’expérience a été riche d’enseignements. A partir de mes représentations théoriques, j’avais imaginé les réactions des élèves ; c’était ignorer en partie que deux journées d’école, deux séances de lecture sont des séquences à part entière tant les réactions des élèves peuvent être inattendues. Elles peuvent même parfois être déroutantes pour une enseignante sans expérience. Au départ, j’avais le mauvais réflexe d’orienter un peu trop les réponses des élèves. J’en venais presque à leur donner les idées ; en cela, je pense que je cherchais à me rassurer, une manière pour moi d’éviter de trop m’éloigner de ma fiche de préparation. Après ce travail, je sais qu’il me faut intégrer sans crainte cette part d’inconnu dans laquelle les élèves nous emmènent parfois et que celle-ci ne doit pas être déstabilisante. Au contraire, cette part d’ombre doit être plutôt appréhendée comme une richesse. Les élèves ont des idées, qui parfois nous échappent, mais il serait dommageable de les priver du plaisir de les exprimer au risque de créer chez eux un sentiment de frustration. Je pense qu’il faut parfois plutôt chercher à s’effacer pour leur

permettre de s’exprimer davantage. Il m’arrive encore de monopoliser la parole mais j’en prends vite conscience et j’essaye de me corriger. Ainsi, s’il est utile d’anticiper le travail, il n’en reste pas moins très difficile de prévoir les réactions des élèves qui sont souvent dans l’affect et qui sont plus ou moins disponibles dans le travail. Je crois pouvoir dire maintenant qu’il faut aussi intégrer les représentations des élèves et s’en servir de base pour le travail. Ce qu’ils formalisent est plus concret pour eux et les engage davantage dans le travail. Je vais donc m’autoriser plus facilement à accepter la part d’inconnu indissociable du travail avec les élèves et l’exploiter pour en faire autant que faire se peut une richesse au service des élèves. A plusieurs reprises au cours de cette séquence, j’ai remis en question ma pratique ; j’ai essayé de l’ajuster au mieux en intégrant des éléments nouveaux. Ce travail a été positif à plusieurs égards :

- pour la mise en projet : je savais que mettre en projet les élèves était intéressant pour engager le travail et le réussir. Les professeurs de l’ESPE nous ont souvent expliqué l’intérêt de procéder de cette façon. Et effectivement, j’ai trouvé de l’intérêt à les inscrire au cœur de leur travail, de les amener à s’investir pour les responsabiliser et pour qu’ils comprennent les enjeux de leur travail. J’ai essayé de soigner mon introduction, de sélectionner des phrases pour susciter leur intérêt afin de les rendre réceptifs. En retour, j’ai constaté qu’ils m’écoutaient avec attention, je sentais que le projet les intéressait ce qui m’a encouragée tout au long de la séquence. Je pressentais que le projet pouvait être bénéfique pour eux. Dans mes travaux futurs, je soignerai cette mise en projet que je pense déterminante pour favoriser le bon déroulé du travail. Cela permet également de prendre conscience de l’intérêt de faire des liens qui pourront trouver des prolongements dans les autres matières. Pour les élèves, cela permet également de percevoir la continuité dans les apprentissages et de leur donner du sens. Il a ainsi été possible de faire le lien avec l’ECM ; en partant de thèmes comme la télévision, l’éducation des enfants, nous avons élargi les discussions et approfondi la réflexion sur des sujets qui les touchent personnellement. Ainsi, ils ont entendu qu’à l’école, il ne s’agissait pas d’étudier les disciplines les unes après les autres de manière décloisonnée mais qu’au contraire, il convenait de faire le lien entre elles parce qu’elles se complètent.

- pour légitimer le choix d’étudier les œuvres conjointement : initialement, l’idée de les mettre en réseau m’avait semblé intéressante. Si je n’étais pas certaine de la pertinence de ce choix, j’avais tout de même très envie d’y croire et de m’y investir. J’apprécie particulièrement l’univers de Roald DAHL et principalement Charlie et la chocolaterie que j’ai pris plaisir à lire. De même, je trouve que le film est très riche tant du point de vue des décors que des

émotions qu’ils suscitent chez le spectateur. Je pense que Tim BURTON a vraiment eu le souci du détail et qu’au-delà des critiques sur sa noirceur/son infidélité au livre, il n’en demeure pas moins un réalisateur talentueux. J’ai redécouvert l’univers de Roald Dahl, sélectionné les passages qui m’intéressaient, réfléchi aux questionnements que j’allais susciter chez les élèves et à l’intérêt qu’ils allaient en retirer. Le travail avec le film, le découpage des séquences, le visionnage des différentes scènes, les questionnements proposés ont vraiment été pensés pour que les élèves ne se retrouvent pas bloqués par la lecture et/ou que l’image leur permette de se représenter plus facilement les scènes pour entrer dans la compréhension.

- pour faciliter les interactions/les échanges avec les élèves tout au long de la séquence. Tous ces échanges ont été une source de richesses pour le projet et ont contribué à le rendre intéressant. Les élèves ont manifesté un certain intérêt pour débattre avec leurs camarades, progressivement ils ont exposé leurs idées, se sont confronter aux autres… Lors des mises en commun, j’ai constaté avec satisfaction qu’ils avaient envie de rendre compte de leur travail, y compris ceux qui étaient d’ordinaire plus sur la réserve. Enzo par exemple, que j’ai pris en exemple précédemment, a pris part aux débats. Bien qu’il se soit exprimé avec moins d’aisance qu’Anya et que ses phrases étaient parfois brouillonnes, après étayage de ma part et reformulation, il était en capacité d’exposer ses idées. Globalement d’ailleurs, il leur était encore difficile de communiquer entre eux sans passer par moi, mais je trouve qu’ils ont eu des réflexions pertinentes sur des sujets variés. Ces moments de réflexion et de débats, étaient donc très appréciables tant pour eux que pour moi. Au fur et à mesure, ils ont appris à s’écouter les uns les autres et à rebondir sur les remarques de leurs camarades ; les échanges étaient plus construits et donc plus enrichissants. J’ai apprécié l’évolution de leur argumentation. Ils avaient envie de se forger une opinion sur les différents sujets proposés et de la partager en argumentant leurs propos.

- le constat de leurs progrès. J’ai apprécié qu’ils prennent conscience du parcours qu’ils avaient accompli et qu’ils s’en réjouissent. Je l’ai déjà évoqué précédemment, mais le fait que l’on utilise un affichage de référence a permis aux élèves de mesurer leur progression et de repérer ce qu’ils leur restaient à faire pour atteindre les objectifs. Si certains élèves ont rencontré des difficultés pendant la séquence, celles-ci se sont atténuées au cours du travail, suite aux divers ajustements. Les élèves étaient conscients de leurs progrès et ils étaient fiers d’en rendre compte. En les responsabilisant, en les rendant acteur de leur travail, ils parviennent plus facilement à dépasser leurs difficultés et à s’investir. Concernant les élèves plus à l’aise avec la lecture/compréhension, là encore j’ai apprécié de les voir évoluer ; ils ont

enrichi leur argumentation ; certains sont allés assez loin dans la prise de parole et tous ont exprimé des idées pertinentes qui parfois m’ont étonnée. Ainsi, j’ai vraiment apprécié la progression de l’ensemble des élèves même si au terme de la séquence les écarts persistaient. Car pour autant, cette pluralité de profils ne m’empêche pas, je crois, de pouvoir dire que l’ensemble des élèves a tiré profit de cette séquence : certains ont gagné de l’assurance dans leur prise de parole, d’autres ont été sensibilisés à la lecture et à ses vertus, d’autres encore ont été rassurés par l’analyse des images grâce au film de Tim BURTON… Tous, à leur niveau, ont réussi à franchir une étape vers le développement des compétences en lecture et dans d’autres domaines… C’était donc un travail collectif, enrichissant pour nous tous, que je prendrai plaisir à renouveler si l’occasion m’en est donnée.