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B. Charlie et la chocolaterie de Tim B URTON : légitimité de l’étude de l’œuvre en

1. Etudier un film à l’école primaire : Pourquoi ? Comment ? Quels

Au vu de ce qui précède, les adaptations sont donc des œuvres à part entière, régies pas des codes spécifiques, qui ont une vraie légitimité en tant que telle. Partant de ce constat, l’étude d’un film peut être complexe et en quoi serait-elle alors facilitante ? Ne risque-t-on pas d’ajouter de la difficulté à la difficulté ?

Pourquoi utiliser des films en classe ?

Les films permettent de développer des compétences qui ne sont que trop peu exploitées dans le quotidien de la classe. En effet ils « répondent à des intelligences et à des styles d’apprentissage parfois mis de côté ; par exemple, ils permettent de motiver tous les élèves visuels et d’encourager les non-visuels à développer ce style d’apprentissage »56

. Le film serait donc une source de motivation qui concerne tous les élèves et pas seulement les plus performants.

Dans le cadre d’une adaptation cinématographique, le fait de voir un film permet d’adopter un nouveau regard sur l’œuvre écrite.

Le phénomène d’identification avec les personnages représentés permet la naissance de sentiments chez le spectateur.

Le film est en rupture avec les pratiques quotidiennes de classe. En effet, il a l’avantage de présenter le support sur lequel les élèves travaillent d’une autre manière : les films « offrent une autre façon de présenter de l’information, d’enrichir le vocabulaire et de renforcer l'acquisition de concepts grammaticaux en sortant l'élève du contexte pédagogique traditionnel »57.

Par ailleurs, dans un contexte de plus en plus médiatisé où les élèves sont en permanence confrontés à l’image, les films sont des ressources qu’ils maîtrisent, ou du moins qui sont intégrés à leur quotidien et avec lesquels la majorité est à l’aise. C’est une entrée intéressante pour aider les élèves à s’investir dans la tâche à réaliser.

Avec le film, des compétences spécifiques peuvent être développées, des situations concrètes qu’il n’est pas toujours aisé de travailler dans un contexte de classe traditionnel : l’authenticité des dialogues, le débit, l’accent, l’intonation...

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L’exploitation des films en classe, Education et Développement de la petite Enfance. 2008. Disponible sur : http://camet-camef.ca/images/LexploitationdesfilmsenclasseIPE.pdf.

57 L’exploitation des films en classe, Education et Développement de la petite Enfance. 2008. Disponible sur :

Le fait que les élèves voient les différentes scènes du film, comme s’ils y étaient, peut donner lieu à des échanges authentiques ; les élèves peuvent découvrir des aspects qui auraient pu leur échapper. Grâce au film, ils entrent dans un univers, ils peuvent voyager, rêver. Pour les élèves qui ont du mal à se créer des images mentales, le film peut les aider et ils peuvent plus facilement entrer dans la construction de la compréhension.

Enfin l’article mentionne que « de nombreux longs métrages touchent des thèmes étudiés en classe et sont facilement exploitables dans des leçons : les guerres, les défis sociaux, les relations avec les parents, les traditions, les loisirs, l’amitié, la mode »58

. Ainsi, ces thèmes peuvent être expliqués, débattus, ils peuvent permettre de faire des liens avec d’autres sujets, dans d’autres matières…

Ainsi, étudier un film en classe aurait de vraies vertus pédagogiques, dès lors qu’il est bien entendu que l’adaptation cinématographique est une nouvelle œuvre et que même si elle est fidèle, elle ne peut restituer tous les moments du roman en détails, respecter à la lettre les espaces, les péripéties du conte… Le cinéma et la littérature sont des disciplines à part entière, dont l’étude est complexe tant du point de vue de la construction que de la restitution. Pour autant, elles permettent aux élèves de s’enrichir sur le plan culturel, de découvrir de nouveaux univers et de laisser libre cours à leur imagination.

Dans l’ouvrage « Analyse de l’image. Cinéma et littérature » Laurent AKNIN précise que les « enfants ont du mal à faire la part des choses lorsqu’ils regardent un film »59. Par exemple, lorsque le vocabulaire est mal maîtrisé, cela peut provoquer des confusions dans l’esprit des jeunes élèves. Entre « image », « image vraie », « ca se passe en vrai », « ça fait vrai », la limite entre la réalité et la fiction est parfois difficile à appréhender. Tous les enfants ne perçoivent pas que le film est une fiction et qu’il n’établit pas une vérité, même s’il s’en rapproche au point de se confondre avec le réel. Pour les enfants, une image est toujours une « vraie image » et il convient d’être attentif. Par ailleurs, dans l’avant propos du livre qui concerne l’adaptation des livres au cinéma, au sujet du décalage qui existe entre les images mentales créées par la lecture et celles du film, un jeune enfant explique que « si le film était exactement comme le livre, ça ne vaudrait pas le coup de faire un film ». Ainsi je rejoins

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L’exploitation des films en classe, Education et Développement de la petite Enfance. 2008. Disponible sur : http://camet-camef.ca/images/LexploitationdesfilmsenclasseIPE.pdf.

59 AKNIN Laurent. Analyse de l’image, Cinéma et littérature. Pocket, département d’Univers Poche, 2005.

Amélie MARGOLLE (étudiante qui a travaillé sur le même sujet de mémoire Charlie et la

chocolaterie”60) en notant que la question du passage par l’image est un défi pour les élèves et qu’il est possible de leur faire comprendre que l’adaptation cinématographique n’est pas une redite du livre tel qu’il a été conçu. Elle est au contraire une nouvelle œuvre à considérer en tant que telle, puisqu’elle est le fruit d’une interprétation. Il y a derrière l’adaptation, le travail d’un réalisateur qui a étudié le livre en y ajoutant sa sensibilité, ses spécificités, ses expériences personnelles. L’observation d’une image issue d’une adaptation exige de la part du spectateur averti un travail d’analyse, pour la comparer à la référence puisée dans le roman, encore faut-il que le spectateur ait les clés pour l’analyser, la comparer…

S’il est avéré qu’étudier un film en classe est intéressant, il n’en reste pas moins qu’il faut maîtriser un certains nombre de règles pour réaliser cet exercice qui ne doit pas engendrer de nouvelles difficultés pour les élèves.

Françoise MAURIN, conseillère pédagogique en Art dans la Gard précise que « qu'elle soit plus ou moins préparée, en amont, en fonction de la difficulté de l'œuvre présentée et de l'âge des enfants, il s'agira, avant tout de rendre l'élève perceptif aux particularités thématiques et esthétiques et pour cela, lui donner des éléments de lecture et de connaissance, de réflexion et d'appropriation ainsi que des mots pour évoquer et analyser ses émotions et pour structurer et mémoriser ses savoirs » 61. Ainsi, il faut amener les élèves à se centrer sur des éléments précis et enrichir leurs connaissances, de manière à ne pas les perdre dans la quantité d’images projetées.

Quatre conseils pourraient être utilement donnés avant d’aborder l’étude d’un film :

1. Il ne faut pas se focaliser sur la durée du film. Il faut l’aborder comme on le ferait pour un document écrit : il a un début, un développement, une fin. Il se regarde comme on lit un texte, sur un temps plus ou moins long.

2. Le film doit servir de base à des activités authentiques d’apprentissage du langage. L’approche est accessible car très proche de la réalité de tout un chacun.

60 MARGOLLE A., Charlie et la chocolaterie” par Tim Burton, une aide pour l’´etude du roman de Roald Dahl au cycle 3 ? Mémoire d’Initiation à la recherche : Littérature de jeunesse : Lieu de soutenance : Université

d’Artois, 2012. 76p. Disponible sur :

http://dumas.ccsd.cnrs.fr/file/index/docid/735140/filename/margolle_amelie.pdf

61 MAURIN Françoise. Démarche générale pour analyser un film. Le web pédagogique. Disponible sur :

3. De même que l’on ne doit pas chercher à tout comprendre dans un texte, on ne comprendra pas tout dans un film : il ne faut pas demander l’impossible aux élèves et être patient !

4. Tout comme pour l’étude d’un roman, un film peut être exploité dans sa totalité, ou en faisant l’étude détaillée de certains passages.

Maintenant que nous avons en tête les compétences qu’exige l’analyse d’une adaptation cinématographique et les difficultés qui peuvent se présenter en présence d’un jeune public, détaillons quelques pistes qui vont permettre de préparer cet exercice et voyons quelles sont les critiques (positives et négatives) qui pourraient être formulées au regard du choix de

Charlie et la chocolaterie. Il est important de prendre de la hauteur, d’entendre les critiques et

ce faisant, de mener une étude aussi objective que possible pour permettre aux élèves d’en retirer le meilleur.

2. Les critiques à l’égard du film : entre consensus et