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B. Charlie et la chocolaterie de Tim B URTON : légitimité de l’étude de l’œuvre en

2. Les critiques à l’égard du film : entre consensus et controverses

L’adaptation de Tim BURTON, comme celle de Mel STUART réalisée en 1971, a connu un succès retentissant. Chaque version a introduit des éléments nouveaux qui se démarquent de l’œuvre originale de Roald DAHL et toutes les critiques ne sont pas positives. Ces productions sont « accusées » d’introduire des éléments qui amoindrissent la portée de l’histoire originale. Sur le travail d’adaptation, je pense qu’il est important de faire émerger les arguments positifs sans pour autant dissimuler les points négatifs. Il convient de prendre la distance nécessaire pour étudier consciencieusement cette œuvre adaptée. Les avis étant partagés, une attention particulière sera portée à l’examen des arguments des uns et des autres de manière à se faire sa propre opinion. Le film de Tim BURTON est, par certains passages, très proche de l’œuvre originale notamment avec les chansons des Oompas Loompas. Le film est cependant davantage centré sur le personnage de Willy WONKA à cause des nombreux flashbacks qui retracent son enfance. Par ces flashes, le spectateur découvre le père tyrannique du chocolatier ; ce sont eux qui renforcent l’extravagance et la complexité du personnage.

Voici quelques relevés d’opinions sélectionnés sur Internet qui rendent comptent de l’adhésion du public à l’œuvre de Tim BURTOn. Dans un second temps, nous essaierons d’expliquer les raisons de ce succès :

« La magie de BURTON y est et ça nous transporte, comme toujours! » 62

« Dans le film, le lecteur de Roald DAHL retrouvera avec plaisir le monde sucré de Willy WONKA (le chocolatier) ainsi que la burlesque et émouvante petite famille de Charlie BUCKET. »63

« Rivières de chocolat, pelouse à manger, arbres à bonbons, tout l’univers fantastique de l’usine de chocolat imaginée par Roald DAHL est admirablement rendu grâce à l’équipe technique du film qui a travaillé à partir des dessins de Tim BURTON. »64

« Charlie et la chocolaterie est une gourmandise cinématographique. Les décors ultra-colorés sont sublimes et Johnny DEPP est absolument parfait en directeur fou de la chocolaterie. Une mise en scène alléchante. Un pur régal. »65

« Féérique ! Charlie et la chocolaterie reprend parfaitement l'esprit de l'œuvre littéraire originale. Tim BURTON nous livre comment son imagination a perçu le livre, et force est d'admettre qu'il a, une énième fois, l'esprit fertile ! Orchestré par un Johnny DEPP étincelant, amusant, captivant, la chocolaterie nous donne faim du film que l'on dévore comme une boite de chocolat, sans prendre gare à notre ligne. »66

Lance WELDY explique qu’à l’image de n’importe quel film de Tim BURTON, « Charlie et la

chocolaterie suscite un étourdissement visuel par ses décors et ses effets spéciaux notamment

par la façon dont Tim BURTON a filmé les Oompa Loompas »67. Elle ajoute que le réalisateur a intégré la notion de transformation avec beaucoup de talent. La transformation de Violette BEAUREGARD en compétitrice hors pair est notamment très réussie. Cette mâcheuse de chewing-gum veut remporter le prix final, ce que l’on ne retrouve pas chez Roald DAHL. De même, BURTON modifie le personnage de Willy WONKA. Il lui attribue un passé et ce passé rapporté « sert d’explication au dédain de WONKA, non seulement pour les parents, mais également pour les enfants qui ont connu une meilleure enfance que lui, qu’ils le méritent ou

62 Auteur anonyme. Disponible sur : http://cinenode.com/ 63 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.critikat.com/. 64 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.allocine.fr/. 65

Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.allocine.fr/.

66 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.allocine.fr/.

67 TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres,

non ». Ryan GILBEY démontre que ces flashbacks sont très intéressants pour le spectateur pour comprendre que Willy WONKA n’est pas un personnage malveillant et sans eux, le doute serait permis. Le personnage est complexe parce que sa situation personnelle l’est aussi ; il est en train de revivre sa propre enfance qui a été douloureuse.

D’autres relevés d’opinions sélectionnés rendent compte au contraire de la déception du public qui n’a pas été réceptif à l’œuvre de Tim BURTON :

« Les décors sont atroces […] Pourtant l'univers personnel de cet illustre réalisateur qu'est Tim BURTON aurait pu coller au bouquin de Roald DAHL. Mais ça manque d'envergure, et Johnny DEPP joue un Willy WONKA beaucoup trop proche de la bouffonnerie, tout en manquant de grâce et de charisme. Franchement ça risque de faire peur aux enfants. Quel loupé ! Je préfère le film de 1971 ».68

« Je n’ai pas apprécié ce qui se passe dans la chocolaterie, la répétition des scènes où les "vilains" enfants sont punis avec ces chansons nulles qui rappellent les Walt Disney en pire encore, les enfants qui étaient avec moi n'ont pas aimé ces passages non plus ! ».69

« Je n’ai pas apprécié l'omniprésence de Willy WONKA (pourtant parfaitement incarné par Johnny DEPP) un peu trop mis en avant, et Charlie un peu trop en retrait... ».70

« Johnny DEPP m’a déçu, les chansons, le reste des acteurs [...] et le fait qu'un si beau livre ait été abîmé par un film si nul... »71

3 raisons pourraient expliquer ces critiques négatives :

Selon Lance WELDY, si le film de Tim BURTON n’est pas réussi – les critiques semblent aller dans le même sens – c’est à cause du personnage de Willy WONKA. Celui-ci fait preuve de trop

d’enfantillages, Johnny DEPP a « la voix haut perché d’un garçon qui entre dans la puberté. Il fait toujours des remarques sur les activités des enfants qui se conduisent mal, mais il se

68

Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.allocine.fr/.

69 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.linternaute.com/. 70 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.linternaute.com/. 71 Auteur anonyme. Disponible sur : http://www.linternaute.com/.

comporte presque comme l’un d’entre eux »72

. Il rit tout le temps de manière un peu niaise, personne ne sait pourquoi et il n’arrive pas à se faire comprendre. Quand on lui pose une question, Willy WONKA doit consulter ses fiches pour s’expliquer. Finalement, le personnage « se comporte comme s’il ne pouvait pas penser par lui-même, et comme s’il avait besoin d’un aide mémoire pour se rappeler ce qu’il doit dire, tel un enfant récitant une poésie donnée en devoir »73. C’est particulièrement vrai lorsqu’il se présente aux visiteurs, il est d’entrée dans la caricature et donc peu crédible. Lorsque les feux d’artifice démarrent et que les marionnettes s’enflamment, les visiteurs s’inquiètent et la réaction de WONKA qui paraît subjugué les laisse perplexes.

Les critiques reprochent également à Tim BURTON d’avoir instaurer des scènes noires qui pourraient effrayer un jeune public. Roger CLARK confirme : « J’ai compté trois références au cannibalisme et des allusions diverses à des pratiques particulières impliquant des animaux »74. Pour lui, ce film ne serait pas adapté à des enfants, mais plutôt à un public d’adultes. La scène dans la Salle des noix, la manière dont Veruca SALT est capturée – l’acharnement des écureuils à la faire disparaître, la musique « effrayante » qui l’accompagne, sa disparition en ferait une « scène horrible ». Elle précise son point de vue : « Pendant près de trente longues secondes les écureuils, agissant comme des lapins ou des rats infestés par la peste ; courent partout sur son corps avant finalement de lui attacher les bras et les jambes. Sa disparition totale est […] vraiment perturbante »75

.

Enfin pour certains spectateurs, la fin du film serait décevante par rapport à l’œuvre originale. Le réalisateur ajoute « quelque chose qui ressemble fort à un dernier chapitre superflu, et rend le scénario très décevant, lorsque Charlie se voit offrir son rêve – la propriété de la chocolaterie – à condition qu’il abandonne sa famille comme WONKA l’a fait »76. Une fois de plus les critiques avancent le côté immature du personnage de Willy WONKA qui approche Charlie quelques temps plus tard, lui expliquant qu’il n’aime pas les parents parce qu’ils

72 TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres,

2007. Chap. 18, Une maison de chocolat divisée, p.163 à 175.

73

TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres, 2007. p.168-169.

74 TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres,

2007. p.168.

75

TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres, 2007. p.169.

76 TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres,

étouffent la créativité »77. Les rôles s’inversent et c’est finalement Charlie qui endosse le rôle du père pour guider Willy WONKA vers la réconciliation avec le sien. Une critique conclut « les dix minutes finales, tout en établissant la maturité de Charlie, ne servent qu’à distraire, et renforcent le côté enfantin de Willy WONKA »78.

A la lumière de ces critiques qui sont en partie recevables, on peut dire que le travail de Tim BURTON est remarquable sans être toutefois exemplaire. C’est généralement le cas avec les adaptations et il faut avoir à l’esprit ces différents aspects. Il va sans dire que l’œuvre de BURTON est éblouissante de par ses effets spéciaux notamment, mais qu’en revanche, le scénario est contestable. Pourquoi ne pas se servir alors de ces constats pour interroger les élèves ? Mener des débats en classe pour s’interroger sur la crédibilité du personnage de Willy WONKA ? Pour procéder à des comparaisons ? Il ne s’agit pas d’étudier le film en tant que tel, mais de le mettre en perspective pour faciliter l’appropriation de certains passages du livre. Les scènes les plus fidèles à l’œuvre originale auront-elles toute leur place dans le travail en classe ?

Après avoir identifié les difficultés que peut susciter l’analyse d’un film et pris connaissance des critiques, positives et négatives, à l’égard de l’œuvre de Tim BURTON, procédons à son analyse de manière à entrer dans l’univers du réalisateur : comment a-t-il abordé le sujet ? Quelles ont été ses sources d’inspiration, ses influences? Quels choix a-t-il opéré ? Il s’est parfois écarté de l’œuvre originale mais globalement il en a gardé l’esprit. Cet examen devrait permettre à l’enseignant de sélectionner les passages à étudier, le but étant comme évoqué précédemment, de facilité la compréhension à partir de deux œuvres qui se nourrissent et s’enrichissent mutuellement.

Pour être sûr que l’étude du film ou de séquences du film aura un impact positif sur l’analyse du livre, voyons qui est Tim BURTON.

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TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres, 2007. p. 169.

78 TRUNEL Lucie, GARCIA Joëlle, CHASSAGNOL Monique. L’univers de Roald Dahl. La joie par les livres,