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Il est intéressant de se centrer en premier lieu sur la représentation du personnage de Charlie BUCKET dans le livre et dans le film ; elle est assez proche et en cela, Tim BURTON a bien fait ressortir à l’écran ce que le lecteur perçoit de ce personnage. L’image a façonné ce petit héros qui revêt les traits d’un enfant « classique », auquel il est facile de s’identifier.

Si de part et d’autre, la question de la place de Charlie en tant que héros se pose, Roald DAHL apporte une réponse en le désignant expressément, dans son avant-propos, comme le héros de l’histoire. D’autres personnages auraient pu en effet occuper cette place et notamment Willy WONKA,très présent dans l’histoire, à l’inverse de Charlie, que l’on voit beaucoup moins. Roald DAHL donne très peu de clés sur les caractéristiques physiques ou morales de ce supposé héros. Il est en revanche plus éloquent sur sa condition sociale. Cette présentation révèle finalement la personnalité d’un héros effacé et discret pour lequel le lecteur peut facilement éprouver de la sympathie et de la compassion. L’acteur choisi par Tim BURTON pour incarner Charlie est un jeune garçon, frêle, fragile qui suscite de l’empathie. Il a les traits doux, il parle avec lenteur et respect quand il s’adresse aux grandes personnes. Charlie est un héros malgré lui ; ce n’est pas lui qui fait le lien entre les personnages qu’il rencontre par hasard. Celui qui fait le lien, c’est le pétulant Willy WONKA dans sa chocolaterie. Charlie est tout l’inverse, il est dans la modération et lors de l’ouverture de la chocolaterie, alors que toute la famille est en joie, il est le seul à prendre le recul nécessaire et à s’interdire de rêver : « Ce serait épatant, grand papa. Mais c’est sans espoir ».

Dans le film, Tim BURTON accentue cet aspect réservé de l’enfant qui après avoir trouvé le ticket d’or explique à sa famille qu’il va le vendre pour lui venir en aide. Au moment de recevoir la chocolaterie, Charlie doute, il est inquiet pour les siens ; c’est un héros très raisonnable qui se satisfait de sa condition modeste, pourvu qu’il soit avec les siens. C’est finalement le destin qui le rattrape sans qu’il n’ait rien demandé. Il est plus spectateur de sa propre vie plutôt qu’acteur et ce n’est que lorsqu’il gagne son ticket d’or qu’il devient enthousiaste, qu’il dégage une vraie énergie ; il fait une arrivée triomphale dans la maison où il prononce une phrase qui s’étend sur onze lignes. Il renvoie une joie immense et c’est la seule fois qu’il parle aussi longtemps. Habituellement, il s’émerveille de tout ce qu’il voit, mais il reste très sobre. Dans le film de Tim BURTON, il est présenté un peu différemment : il se permet de donner des leçons à Willy WONKA pour que celui-ci renoue avec son père et il obtiendra gain de cause. Willy WONKA va changer son regard sur la famille de Charlie. Cet enfant qui s’émerveille de tout écoute attentivement les mises en garde des adultes et ce sont les ordres qu’il reçoit qui conditionnent ses actions. Dans la chocolaterie, il est le seul à agir de la sorte puisqu’on a vu que les autres enfants n’avaient que faire des conseils et autres recommandations. D’ailleurs face à eux, l’enfant reste sur la réserve. Il n’a pas confiance en lui et il ne s’exprime qu’avec des suppositions. La encore, cette caractéristique le distingue des autres enfants qui sont très sûrs d’eux et qui tiennent tête à Willy WONKA.

La sagesse, la discrétion et l’obéissance sont des caractéristiques largement développées dans le livre et dans le film. On peut cependant noter que dans le film, Charlie parle davantage et qu’il questionne Willy WONKA à plusieurs reprises. Il veut notamment comprendre pourquoi il a fait ouvrir sa chocolaterie. C’est également lui qui déclenche les flashbacks qui permettent à WONKA de replonger dans ses souvenirs.

Par ailleurs, dès qu’il arrive une mésaventure à l’un des enfants, il est le seul à s’inquiéter, ce qui traduit une certaine bonté. Il s’interroge sur leur avenir alors que les autres enfants ne lui prêtent aucune attention ; il n’y a eu aucun échange entre eux dans la chocolaterie. Pour autant, il ressent de la compassion pour ces enfants, il veut voir le meilleur en chacun d’eux.

Tant dans le livre que dans le film, Charlie BUCKET est présenté comme un enfant profondément gentil et dévoué pour sa famille. Ce n’est pas ses actions qui lui confère son statut de héros, c’est davantage sa manière d’affronter les difficultés sans jamais se plaindre, refusant que sa famille se sacrifie pour lui. Il ressent des émotions très fortes, quand il trouve le ticket, quand il entre dans la chocolaterie, quand il goûte les sucreries… Son statut de héros provient essentiellement de sa singularité, il est dans la simplicité et l’honnêteté ce qui tranche fortement avec les autres enfants. Cette attitude provient de sa condition sociale ; le manque le rend humble, conscient de ce que sont les vraies valeurs de la vie. Pour Roald DAHL et Tim BURTON, Charlie est un héros parce qu’il affronte vaillamment les difficultés ; jamais il ne se plaint tandis que les autres enfants, pour qui la vie est beaucoup plus clémente, sont toujours en train de gémir. Charlie est aussi un héros parce qu’il a le sens des responsabilités, il fait face aux situations difficiles et il refuse que sa famille se prive pour lui : « Ce matin, je l’ai bien entendu, sa mère a tenté vainement de lui abandonner son morceau de pain. Il n’y a pas touché. Elle a dû le reprendre ». Le héros accepte sa situation, affronte les difficultés, fait en sorte de pouvoir y pallier. La chance va le propulser, lui et sa famille, au rang de héros mais il détient déjà implicitement ce statut. Bien avant de trouver le ticket d’or, le lecteur avait déjà perçu qu’il était un enfant atypique, avec un comportement en tout point remarquable. Tim BURTON,à la fin de son film, accentue ce côté héroïque à la différence de Roald DAHL qui n’a pas insisté sur ce point. En effet, Willy WONKA explique à Charlie qu’il va devoir abandonner sa famille pour le rejoindre dans sa chocolaterie ce qui, selon lui, n’est pas un gros sacrifice. La réaction de Charlie rend compte de son attachement à l’égard de sa famille ; il refuse de renoncer à ce qu’il a de plus cher au monde. Il fait preuve d’une grande maturité en disant à Willy WONKA : « Alors je n’y vais pas ! Jamais je n’abandonnerai ma famille, pas pour tout le

chocolat du monde ». Willy WONKA est stupéfait ; à deux reprises il dit que « c’est bizarre ». La manière dont la scène est filmée est intéressante ; Willy WONKA est seul tandis que Charlie, légèrement sur le devant de la scène, est entouré de sa famille. Ce positionnement accentue d’avantage sa détermination. WONKA lui demande s’il est bien sûr de ce qu’il fait et Charlie plus déterminé que jamais lui répond sans même demander l’avis de ses parents : « J’en suis sûr ! ». C’est l’amour inconditionnel pour sa famille, qu’il n’abandonnerait pour rien au monde, qui en fait le vrai héros de l’histoire. Après cet épisode, bien qu’il ne vive pas dans la chocolaterie, on le voit avec ses parents, en train de réparer les dégâts causés par l’ascenseur de verre. Grand papa Joe est sorti de son lit, le père a retrouvé un emploi, il répare la machine qu’il avait remplacée quelques temps plus tôt. La famille réunie mange à sa faim tandis que l’on aperçoit Willy WONKA qui à l’inverse, sombre dans une dépression. On le retrouve allongé dans le cabinet d’un psychologue ; il explique être perdu, en manque d’inspiration, il n’a plus le moral. A ce stade de l’histoire, c’est bien Charlie qui prend une revanche sur la vie.