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L’analyse de contenu a permis de mettre en évidence trois mécanismes de défense proximaux, immédiatement après la situation de saillance de mortalité :

, le rejet, en réponse à une peur trop forte, qui consiste à s’engager dans des comportements distractifs et à reporter le problème dans le futur ;

, l’acceptation neutre qui consiste à accepter l’idée, sans précaution particulière ; , l’acceptation positive qui consiste à accepter l’idée, en l’intégrant de façon positive

3. Les mécanismes de défense distaux après distraction

Au niveau inconscient, i.e. après distraction, que deviennent les objectifs de vie les plus prioritaires ? Quels sont les comportements recherchés ? Et quelles sont alors les motivations sous-jacentes ?

Nous avons ensuite cherché à mettre en évidence les besoins et les motivations suscités par les rappels de sa propre mortalité parmi les individus seniors après distraction. En effet, la distraction permet de placer les pensées liées à la mort en dehors de l’attention focale, tout en restant accessibles (dans le préconscient) et les travaux liés à la TMT montrent que les rappels de la mortalité ont plus d’effet après une distraction. Ainsi, après avoir abordé la perspective de fin de vie, des questions liées à l’utilisation des medias dans la vie quotidienne ont été posées au répondant. Puis, nous avons voulu cerner l’effet de la saillance de mortalité sur les besoins à satisfaire, les motivations et les objectifs visés après distraction. En particulier, l’analyse de contenu a permis d’envisager un lien entre l’attitude à l’égard de l’idée de sa propre mort et les mécanismes de défense distaux. Ainsi, selon l’attitude à l’égard de l’idée de sa propre mort, il est possible de distinguer deux profils distincts.

D’une part, les individus qui paraissaient les plus mal à l’aise face à l’idée de fin de vie et qui, en ce sens, avaient une attitude de rejet, évoquaient très vite (bien avant l’élément de distraction) leur désir de s’évader et de se distancer de leur peur ou de tout ce qui peut

être un frein à leur bien-être. En ce sens, après distraction, nous avons cerné un réel besoin

d’évasion pour ces individus, essayant de se distancer de la routine ou de l’ennui. Ce besoin d’évasion s’est notamment traduit par une volonté de regagner un contact social : « je veux sentir la vie, parler avec des gens, surtout pour ne pas me sentir seule » ; « c’est important pour moi de voir du monde, tous les jours, pour éviter d’être trop dans la routine ». Cela se traduit également par un investissement dans diverses activités de loisirs (cinéma, théâtre) qui favorise là encore l’évasion. Ainsi, leurs motivations semblent tournées vers certains types de besoins à satisfaire :

, un besoin de contrôle sur leur propre vie: ils multiplient les activités, ce qui leur permet de donner de la valeur au temps restant à vivre (« j’ai peur de ne pas avoir le

stratégiques liées à la famille ou d’autres liées à leurs associations. Ce besoin de contrôle explique également la volonté de regagner des contacts sociaux et en particulier, de retrouver des rôles sociaux perdus avec l’avancée en âge, dans un objectif de socialisation (Smith et Moschis, 1984 ; Smith, Moschis et Moore, 1982, 1985). Le processus de socialisation leur permet d’éviter des affects négatifs potentiels liés à la solitude et à la perte de contrôle sur leur vie.

, un besoin de sens : face aux rappels de sa propre mortalité, ces individus seniors souhaitent également donner du sens à leur vie. La mort est alors une menace qui est susceptible de venir ébranler ce qui fait sens pour eux. De ce fait ils cherchent à se raccrocher à des relations significatives : cela peut être la famille, les amis de clubs ou d’associations, l’investissement dans des activités bénévoles ou d’autres activités significatives à leurs yeux pour éviter des affects négatifs. Certains soulignent leur volonté de conserver leur rôle, au sein de leur famille, de leur club ou plus généralement, dans la société afin de redonner du sens à leur existence : « je cherche au moins à participer à plusieurs activités, à m’investir dans mon association, sinon ma vie n’a plus de sens ! » ; « je pense qu’il faut à tout prix se fixer une ligne de conduite, des projets, même après la retraite… c’est ce que je tente de faire, et ça me permet de trouver un sens à ma vie » ; « plus que ma mort, j’ai peur que ma vie n’ait pas de sens ».

La perte de contrôle sur sa vie ainsi que le risque associé à une vie insignifiante semblent être des préoccupations fondamentales pour ceux qui semblent relativement plus sensibles à l’idée de fin de vie. Ces préoccupations donnent lieu à des précautions prises dans la vie quotidienne.

D’autre part, les individus qui acceptent mieux l’idée de leur propre mort semblent démontrer moins d’émotions négatives. La mort est perçue dans ce cas et au niveau conscient comme un défi pour mieux vivre. Au niveau inconscient (i.e. après distraction), ces individus interrogés évoquent ainsi leur volonté de profiter de tout ce que la vie leur

apporte et de se fixer des objectifs à atteindre. On distingue alors des motivations

tournées vers des besoins à satisfaire différents des premiers :

, un besoin d’émotion ou de stimulation émotionnelle positive: certains individus seniors recherchent simplement à « profiter de la vie ». Et lorsque nous leur demandons de préciser leur propos, ils prétendent vouloir avant tout « rechercher le

je souhaite avant tout me focaliser sur tout ce qui peut me faire plaisir… en gros, c’est maintenant ou jamais, alors je profite ! ». Ces verbatim illustrent ainsi la recherche d’émotions positives.

, un besoin de contentement et de satisfaction de soi : Cette motivation pousse les individus à satisfaire au mieux leurs engagements familiaux : ils déclarent en ce sens consacrer une part importante de leur temps et de leur budget à leur famille (« C’est important pour moi de me dire que j’ai réussi et que j’ai assumé mon rôle de père comme il le fallait »). D’autres assurent vouloir aller au bout de leurs objectifs personnels, quels qu’ils soient : « ce qui m’importe maintenant, c’est de faire à 100% ce que je me suis fixé, et de le faire bien » ; « je veux aller au bout des projets qui me tiennent à cœur, c’est le plus important à mon âge je pense » ; « je cherche à avoir le sentiment que j’ai atteint mon but » ; « je veux juste avoir le sentiment d’avoir donné le maximum et d’être allée au bout de ce que je pouvais réaliser dans ma vie » ; « je veux simplement être fier de moi et de tous mes projets ». Ces verbatim illustrent le besoin d’autosatisfaction.

, un besoin de dépassement de soi : certains veulent vivre et profiter de l’instant présent au maximum. Ils s’investissent notamment dans des activités plaisantes qui mettent en jeu l’excitation du gain et du défi (jeux divers, casino, activités sportives). Ce dépassement peut donc être physique, émotionnel ou sensoriel. Cette motivation se rapproche de la première, qu’est le besoin d’émotion, mais nous avons préféré les distinguer afin de mettre en évidence des différences d’intensité telles que nous les avons perçu à travers l’analyse de contenu : « je cherche souvent à dépasser mes limites » ; « je souhaite aller au bout » ; « je ne suis plus tout jeune, mais je peux encore en faire plus ! ».

La recherche d’émotion, de satisfaction de soi et de dépassement de soi semblait être plus présente parmi les individus seniors qui acceptaient mieux l’idée de leur propre mort au niveau conscient. Cela donne lieu à une véritable recherche de stimulation positive dans la vie quotidienne.

En définitive, après distraction, les individus seniors diffèrent dans l’orientation de leurs réponses liées aux objectifs de vie ou leurs comportements prioritaires. Il semble d’ailleurs que les motivations suscitées par la perspective de fin de vie diffèrent selon l’attitude à l’égard de la mort présentée au niveau conscient. En particulier, ce sont moins les

permis de distinguer deux grands types de besoins à satisfaire, qui font naitre des motivations à l’action :

, des besoins que nous appelons « existentiels » qui sont tournés vers la recherche de sens et de contrôle sur sa propre existence. Ils semblent propres aux individus seniors qui rejettent l’idée de leur propre mort au niveau conscient.

, des besoins que nous appelons « expérientiels » qui sont tournés vers la recherche d’une stimulation émotionnelle et d’un accomplissement de soi. Ils semblent propres aux individus seniors qui acceptent mieux l’idée de leur propre mort au niveau conscient.

Encadré 3.2.2. Les apports de l’étude qualitative relatifs aux mécanismes de défense