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Apports de l’approche factorielle

Dans le document Thèse. Docteur de l Université Paris V (Page 24-28)

1 CADRE HISTORIQUE

1.3 Apports de l’approche factorielle

1.3.1 Principe général

Alors que les échelles d’intelligence ont été conçues par des psychologues qui mettaient surtout l’accent sur le caractère global de l’intelligence et cherchaient à évaluer celle-ci par un indice unique comme le QI, les batteries de tests factoriels ont été élaborées dans le cadre d’une conception plus analytique des capacités intellectuelles, où l’accent est mis sur la diversité des aptitudes. La mise au point des tests factoriels ne s’est pas fondée sur une théorie très élaborée de l’intelligence, le choix des situations inclues dans ces tests reposant sur des considérations très empiriques. Comme pour les échelles d’intelligence, l’idée sous-jacente à la conception des tests factoriels était de diversifier le plus possible les situations d’évaluation, mais cette fois-ci avec une volonté plus affirmée de souligner la diversité des aptitudes intellectuelles plutôt que l’unicité de l’intelligence. Cette approche se caractérise principalement par la méthode d’analyse statistique multidimensionnelle utilisée pour choisir les épreuves. Les méthodes d’analyse factorielle exploratoire sont utiles lorsque l’on n’a pas d’idées a priori sur les facteurs impliqués dans la réussite à un ensemble d’épreuves. Il s’agit de partir de relations empiriques entre ses épreuves afin de déterminer l’existence de facteurs communs susceptibles d’expliquer les co-variations de performance entre certaines d’entre elles. Le principe de l’analyse factorielle repose donc sur le calcul de corrélations entre des épreuves prises deux à deux dans le but de rechercher des groupes d’épreuves qui corrèlent plus entre elles qu’avec les autres. Si c’est le cas, on infère l’existence d’un facteur commun de variation à ce groupe d’épreuves. Le travail du psychologue sera alors de donner un sens à ce facteur, en cherchant en quoi les épreuves qui le saturent se ressemblent, et en quoi elles sont différentes des autres.

1.3.2 La théorie bifactorielle de Spearman

C’est à un psychologue anglais, Charles Spearman, que l’on doit la première méthode d’analyse factorielle. Il prend acte des faiblesses de la psychologie expérimentale telle qu’elle est pratiquée par les disciples de Wundt, dont il fait partie. Spearman déplore le manque d’applications découlant de l’étude des sensations élémentaires et se pose la question de savoir en quoi la mesure de temps de réaction dans des situations somme toute peu écologiques pourrait faire avancer la compréhension de la nature humaine et des processus mentaux supérieurs. C’est précisément l’incapacité à faire un lien entre des activités psychiques élémentaires étudiées en laboratoire et des activités psychiques de haut niveau impliqués dans la vie de tous les jours qui a posé problème à Spearman, et il mentionne, non sans humour : « Quand nous affirmons que la décision de Regulus de voter contre la paix avec Carthage n’était rien d’autre qu’un conglomérat de sensations visuelles, auditives et tactiles se trouvant à des stades variés d’intensité et d’association, il y a un risque indéniable que quelques précieux éléments psychiques nous aient glissé entre les doigts. » Il va alors chercher à mettre au point une méthode scientifique appropriée pour établir la relation fonctionnelle entre ces processus élémentaires et des activités mentales plus complexes. Toute la difficulté réside dans le fait que cette relation n’est pas pure, dans le sens où elle est contrariée par des facteurs de variation. Elle ne peut donc apparaître que sous la forme d’une tendance plus ou moins forte. Il rapporte en 1904 les résultats d’une analyse effectuée sur des mesures prises auprès de 36 lycéens. Elles comprenaient les notes scolaires de quatre matières (latin/grec, français, mathématiques, anglais) et des scores à deux épreuves de discrimination auditive. L’idée générale de sa démarche consiste à établir à quel point les variabilités interindividuelles retrouvées dans les disciplines scolaires sont liées à celles observées dans des tests tirés de la psychologie expérimentale, qui reflètent des activités cognitives de bas niveau. Autrement dit, il cherche ce qu’il y a de commun entre des sensations élémentaires et les activités intellectuelles. Il postule l’existence d’un facteur général d’intelligence qui serait mis en œuvre dans toutes les situations. Spearman observe en effet que les intercorrélations entre ses mesures peuvent être expliquée par un facteur unique. Sur la base de ce résultat, il propose sa théorie bifactorielle de l’intelligence en indiquant que les performances sur une tâche intellectuelle dépend de deux facteurs : un facteur général, commun à toutes les tâches (g), et un facteur spécifique à la situation (s), qui reflète le fait que les intercorrélations ne sont pas parfaites.

1.3.3 Les aptitude primaires de Thurstone

Entre 1920 et 1930, les méthodes d’analyse statistique évoluent et deviennent un outil adapté au traitement des données psychométriques. Thurstone développe une méthode d’analyse factorielle qui souligne l’existence de la multiplicité des facteurs d’intelligence. On lui doit la première analyse factorielle d’envergure avec une batterie de 56 tâches proposées à 240 étudiants (Thurstone, 1938). En analysant la communauté des épreuves, c'est-à-dire la part de variance partagée par les épreuves, il identifie pas moins de 12 facteurs d’intelligence au lieu d’un seul facteur général. Il propose alors sept aptitudes primaires de l’intelligence : numérique (aptitude reflétant l’aisance avec les nombre, N), compréhension verbale (aspect sémantique de l’intelligence verbale, V), fluidité verbale (aspect quantitatif de l’intelligence verbal, W), induction (aptitude pour trouver une loi générale à partir d’un cas particulier, I), déduction (aptitude pour trouver une solution à partir d’une loi générale, D), Spatial (aptitude liée au traitement d’images mentales, S). Thurstone a proposé le principe de structure simple qui établit que chaque test ne peut être affecté qu’à un ou un petit nombre de facteurs. Sa méthode d’analyse factorielle permet d’optimiser les saturations d’un groupe de variables en ajustant les axes factoriels de manière à ce qu’il passe au plus près de ce groupe. Les travaux de Thurstone ont fait de nombreux émules qui ont dès lors cherché à identifier tous les facteurs d’intelligence. L’investigation de nouveaux domaines de compétences et le fait que plusieurs aptitudes identifiées par Thurstone peuvent se différencier en facteurs plus spécifiques ont considérablement étendu la liste des aptitudes supposées impliquées dans l’intelligence. Certains de ces facteurs sont assez larges et compréhensibles alors que d’autres sont très spécifiques et peuvent être considérés comme des sous-aptitudes d’un facteur plus large. Guilford (1967), va tenter de mettre de l’ordre dans cette multitudes d’aptitudes intellectuelles avec l’idée d’établir une classification rigoureuse de ces éléments. Il propose un modèle en trois facettes : opérations, productions et contenus. La combinaison de ces facettes permet de décrire précisément la nature d’une tâche mettant en jeu une aptitude intellectuelle.

L’ensemble de ces combinaisons permet de postuler l’existence de 120 facteurs, supposés indépendants par Guilford. Même si ce modèle a été abandonné, il illustre bien un aspect théorique des travaux sur l’intelligence et a laissé derrière lui un nombre considérable de tests dont certains restent intéressants.

1.3.4 Vers une modélisation hiérarchique de l’intelligence

Les premiers modèles de l’intelligence établis par Spearman ou Thurstone ont permis de faire évoluer le concept d’intelligence mais de nombreuses études suggèrent qu’ils ne sont pas satisfaisants pour décrire les capacités cognitives. D’une part, la défense d’un seul facteur d’intelligence n’est pas tenable pour expliquer toutes les différences inter et intra individuelles. A ce titre, beaucoup de modèles développementaux évoquent la différenciation des aptitudes au cours du temps (Weinert et Hany, 2003). D’autre part, une interprétation en terme d’aptitudes élémentaires encapsulées, indépendantes les unes des autres ne résiste pas devant la robustesse d’un facteur général de performance.

Une solution de compromis a été fournie par Burt, (1949) puis Vernon (1961) à travers un modèle dit hiérarchique de l’intelligence. Ces successeurs de Spearman affinent la théorie du facteur g en montrant l’importance de facteurs de groupe. Les facteurs impliqués dans l’intelligence sont répartis en plusieurs niveaux selon leur degré de généralité. On y retrouve un premier niveau correspondant au facteur général, puis un deuxième niveau correspondant à des facteurs de groupes et un troisième niveau impliquant des facteurs spécifiques. Par exemple le modèle hiérarchique de Vernon postule l’existence deux modules d’intelligence subordonnés à un facteur général. Le premier module, v:ed (Verbal-Educationnel) regroupe des aptitudes académiques comme les aptitudes numériques ou linguistiques. Le deuxième module, k:m (Kinesthésique-Moteur) regroupe des aptitudes perceptives, spatiales ou psychomotrices. Chaque aptitude peut également se subdiviser à un niveau inférieur.

Un autre exemple de modèle hiérarchique provient de l’école américaine qui exploite la brèche ouverte par Thurstone grâce à l’extraction de facteurs obliques. Au lieu de s’arrêter à cette première étape, (Cattell, 1963) procède au traitement des facteurs obliques et fait ainsi ressortir des facteurs de second ordre. Les plus importants sont l’intelligence fluide (Gf) et l’intelligence cristallisée (Gc). Les deux sont aussi bien envisagées comme des aspects de l’intelligence générale, et impliquent des capacités d’abstraction, de formation de concept et de perception de relation. Cependant Gf est utilisée dans des situations nouvelles alors que Gc est observée pour le traitement de contenus verbaux et conceptuels. Pour schématiser, Gf représente l’influence du substrat biologique d’intelligence et les capacités d’apprentissage sur le développement alors que Gc renvoie plus au savoir expérientiel lié à l’éducation. Cette distinction se retrouve dans le modèle factoriel cognitif récent proposé par Carroll (1993) qui, à l’issu d’une méta-analyse quasi exhaustive des travaux sur l’intelligence du XXème siècle,

va établir un modèle qui permet de décrire l’organisation des nombreuses aptitudes cognitives (voir figure p.20). Au premier niveau on retrouve des aptitudes mentales primaires qui reflètent soit des facteurs de difficultés (facteurs puissance), soit des facteurs de vitesse. Les corrélations qu’ils entretiennent permettent de dégager, à un deuxième niveau, huit facteurs de groupes larges. Ces facteurs sont aussi en corrélation ce qui amène Carroll à considérer un troisième niveau sur lequel on retrouve un facteur général d’intelligence.

Un modèle hiérarchique à trois niveaux de aptitudes cognitives d’après Caroll, J. B. (1993).

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