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la France et l'Europe. C'est sans doute pour cela aussi que c'est une association nationale ("Robin des bois") qui engage une action en justice. De la même manière, le conflit, très médiatisé, autour des dates de fermeture de la chasse aux migrateurs dépend d'un débat national, et même européen (cohérence avec la directive Oiseaux de 1979)

Section 2 - Un aperçu général des tensions et conflits dans le pays de

Caux

Les enquêtes de terrain (annexe 1) ne signalent que peu de conflits relatifs aux aspects industriels de territoire. Malgré la conscience du risque chez les populations et de l'administration (voir chapitre 6) et des cas de pollution fréquents et graves, rapportés par la presse, très peu d'actions en justice sont engagées. A cet égard, alors que la presse se fait l'écho de la présence des associations de protection de l'environnement dans les conflits autour de la chasse, elle ne relate que peu ou pas d'investissement de ces associations sur des questions industrielles. De l'importance de l'industrie dans l'économie découle aussi sans doute le fait que les conflits relatés ne sont que très rarement des conflits d'anticipation.

Par contre, la question conflictuelle centrale du Pays de Caux est celle du couple ruissellement/érosion.

1-L'EMERGENCE D'UNE ORGANISATION TERRITORIALE ISSUE DU RISQUE D'INONDATION

Une série de paramètres contribue à favoriser le ruissellement érosif. Parmi eux, la nature de la roche mère et du sol joue un rôle particulièrement important. La roche calcaire, prédominante, se fracture sous l'effet de l'eau et, petit à petit, se crée un système karstique –réseau de cavités – favorisant un transfert rapide des eaux infiltrées dans le sol. De plus, le sol limoneux, très riche, est en même temps très sensible à l'érosion et au ruissellement (formation de croûte de battance). A ces paramètres géologiques et pédologiques vient s'ajouter l'occupation humaine du sol. D'un côté, l'accentuation de l'urbanisation est synonyme d'imperméabilisation des surfaces, donc d'accroissement du ruissellement. De l'autre, l'agriculture s'est modifiée en privilégiant les cultures comme la betterave, le lin ou la pomme de terre, plus intéressantes économiquement que les prairies, mais aussi source d'érosion et de ruissellement.

101 Le couple érosion / ruissellement est lui-même à l'origine de plusieurs phénomènes :

• des inondations et coulées de boue pour les communes, qui créent des risques importants pour les populations ;

• l'érosion des sols agricoles ; • la pollution des captages ; • le débordement des rivières ;

• une mortalité importante des œufs et des alevins, qui a des conséquences sur l'écosystème des rivières et sur la pratique de la pêche ;

• la pollution de la mer (par des produits phytosanitaires, des bactéries, du plomb, etc.) et des eaux de baignade y compris les eaux fluviales par exemple le Dun), ce qui est préjudiciable au tourisme. Après des années d'épisodes parfois dramatiques de coulées de boue et de désorganisation des méthodes de lutte, le Préfet a ordonné la création des syndicats de bassin versant. Financés en partie par l'Agence de l'eau, mais aussi par les communes du bassin versant53, les syndicats, par leur démarche transversale visent

l'efficacité, la cohérence, ainsi que des moyens financiers pour des mesures curatives et préventives. Leurs compétences sont la lutte contre l'érosion, le ruissellement et les inondations par coulée de boue en milieu rural. Leurs actions portent sur la mise en place d'ouvrages de lutte contre les inondations, mais aussi sur la sensibilisation et le travail avec les agriculteurs (haies, bandes enherbées, etc et surtout interculture). Ils travaillent aussi avec la Direction Départementale de l'Equipement et Réseau Ferré de France, sont de plus en plus sollicités par les communes sur des questions d'urbanisme54 et les chasseurs coopèrent parfois avec

eux.

Les syndicats ont du faire prendre conscience de leurs responsabilités aux acteurs locaux, agriculteurs, autres usagers de l'espace et communes. Des communes qui ne sont pas égales devant le risque, étant donné que celles de l'amont des bassins versant sont plutôt source de ruissellement alors que les communes en aval subissent les coulées de boue. En organisant les financements et en coordonnant les organismes (chambre d'agriculture, collectivités locales, etc.) autour de la question de la lutte contre le ruissellement, l'érosion et les inondations par coulée de boue, les syndicats ont entraîné l'émergence d'une cohérence territoriale axée sur les unités "bassin versant".

2-L'INDUSTRIE, GEANT DE L'ECONOMIE EN SEINE MARITIME

La situation géographique de notre territoire d'étude en fait un axe d'échange privilégié entre la capitale et la mer. L'estuaire de la Seine est le débouché d'une voie de communication fluviale pour la capitale et fait du port du Havre l'avant port de Paris. Le Havre est le premier port français en valeur et deuxième en volume. L'industrie représente donc une part importante de l'économie de la région. Après le secteur tertiaire (69,5 % des emplois), c'est elle qui emploie le plus de travailleurs (21,7 %), loin devant la construction (6,2 %) et l'agriculture (2,6 %) (Données INSEE, recensement 1999).

L'implantation industrielle, ancienne, connaît aujourd'hui un renouvellement. Elle est caractérisée notamment par des sucreries, des usines textiles, deux centrales nucléaires, etc. De grosses usines classées SEVESO (raffineries notamment) sont concentrées sur l'Estuaire de la Seine, à proximité des ports du Havre et de Rouen. La Seine Maritime oriente donc son développement vers l'industrie, source d'emploi, notamment au travers du projet Port 2000. Ce projet, engagé en 1998, prévoit de doubler la capacité d'accueil du Port Autonome du Havre. Démarré à l'automne 2001, le chantier ouvrira en 2005 un quai d'un kilomètre, avec pour objectif une extension sur quatre kilomètres supplémentaires. Face au poids considérable de ce secteur, les préoccupations environnementales, ou même touristiques, sont plutôt négligées lorsqu'elles sont en concurrence avec le développement économique (Port 2000 par exemple). Il est intéressant de noter que l'Europe joue un rôle important dans la prise en compte de ces questions. Ainsi, l'un de nos interlocuteurs nous expliquait qu'elle avait constitué un levier pour le classement en Réserve Naturelle. Les associations, investies dans la protection des milieux (Groupement Ornithologique

53 Le partage du budget entre les communes est basé sur "la règle des trois tiers" : % de surface de la commune sur le Bassin

Versant ; % de la population sur le Bassin Versant ; % de la richesse fiscale (taxes professionnelles,…). Une démarche nouvelle qui consiste à faire payer une commune pour des travaux qui ne seront pas réalisés chez elle.

54 Il existe cependant toujours des résistances car les travaux pour maîtriser les ruissellements peuvent ralentir, peser

102 Normand et SOS Estuaire), et les usagers (pêcheurs, chasseurs, exploitants des roseaux, agriculteurs) s'opposaient au grignotage du territoire par l'industrie. Ils se sont alors tournés vers l'Europe, qui a fait pression sur l'Etat français, déjà en difficulté sur la question de la désignation de sites Natura 2000 (dans l'Estuaire comme dans le reste de la France) et désireux d'obtenir le soutien financier de la communauté pour le projet Port 2000. L'Etat français s'est alors engagé à classer une partie de l'Estuaire en Réserve Naturelle et des mesures compensatoires ont été inclues dans le projet Port 2000. Les associations avaient déjà utilisé ce moyen de pression au moment de la construction du Pont de Normandie (annoncée en 1987) et avaient là encore obtenu des mesures compensatoires.

3-PERIURBANISATION ET PRESSION FONCIERE.

Le territoire de la Seine Maritime est marqué par une forte urbanisation, liée à la présence de plusieurs villes dont les aires d'influence tendent à se rejoindre. Les deux principales sont Le Havre (109 924 habitants en 1999) et Rouen, chef lieu du département et de la région (106 560 habitants en 1999). Fécamp (21 027 habitants en 1999), moins importante, et Dieppe (34 653 habitants en 1999), plus éloignée, jouent néanmoins un rôle dans l'urbanisation, notamment pour leur attrait touristique. Cette urbanisation importante contribue à accroître la pression foncière. D'autres paramètres, comme les risque d'inondations par coulées de boue et par débordement de rivières, ainsi que les problèmes de bétoires et marnières55,

viennent réduire les possibilités de construire et donc augmentent encore la pression autour du foncier. Cette pression foncière s’accompagne d’une concurrence importante entre les différents usages de l’espace: construction d'habitations, construction d'ouvrages de lutte contre les inondations, protection des milieux, développement industriel, installations agricoles,...