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L’opposition entre les acteurs se pose ici assez peu en termes de producteurs de nuisances d’une part et de victimes d’autre part, mais plutôt en groupes antagonistes défendant des intérêts divergents, chacun se positionnant en victime des autres usagers.

1-AGRICULTEURS ET PROFESSION AGRICOLE

Comme nous l’avons déjà souligné, il apparaît clairement que l’ADAYG joue un rôle important en tant que représentante d’une bonne partie de l’agriculture iséroise.

A l’échelle du Pays Voironnais, l’agriculture représente encore une surface importante. La politique menée par la communauté d’agglomération du pays Voironnais est affichée comme étant une déclinaison de celle définie par l’ADAYG, et l’agriculture est envisagée à la fois comme un acteur économique à part entière et comme un acteur de l’aménagement du territoire. Le contexte politique de l’agriculture voironnaise n’est donc pas tout à fait neutre, lorsqu’on sait le poids non négligeable de cette association dans les décisions politiques de la grande agglomération grenobloise.

D’une manière générale, les agriculteurs eux-mêmes ne semblent pas disposer d’un pouvoir local significatif. Toutefois, il semble falloir distinguer deux « types » d’agriculteurs. Les exploitants de la plaine de l’Isère ont un fort pouvoir économique local (maïsiculture à hauts rendements, noiseraies) mais semblent également bénéficier d’un pouvoir de lobbying intéressant. Leurs intérêts semblent en particulier être bien relayés par l’ADAYG même s’ils sont peu présents localement dans la vie politique municipale. Certains, notamment du côté des protecteurs de la nature, leurs reprochent d’être « chez eux », surs de leur force et d’être indifférents aux réglementations environnementales.

Plus au nord (cœur du Voironnais, collines et Valdaine), les agriculteurs bénéficient encore par endroit d’une légitimité, qui est toutefois fragilisée par une « prise de pouvoir » des citadins et par une pression foncière contre laquelle les revenus agricoles permettent difficilement de faire face. Il semble que cette

61 agriculture, contre son gré, soit moins soutenue par la profession en tant que force économique de production, mais davantage dans la perspective d’une multifonctionnalité fortement encouragée.

L'attitude des agriculteurs face à la situation foncière ambiante n'est pas toujours très claire. Ce fut notamment le cas lors du remembrement de Voiron, vis à vis duquel les exploitants concernés n'ont pas su se positionner. Une forte ambivalence apparaît par ailleurs dans le comportement de certains agriculteurs propriétaires, en raison du fort attrait financier de la revente, notamment lorsqu'il n'y a pas reprise de l'exploitation. S’ils sont à cet égard souvent accusés par les élus, d’autres soutiennent que l'activité agricole est d’une certaine manière bien "contrainte" de participer au marché foncier à l'heure de la retraite (absence de repreneur).

D’une manière générale, la perception locale de l'agriculture n’est pas très positive dans le Voironnais. Il n’y a pas de considération, comme cela peut être le cas ailleurs en Isère et en particulier dans la région urbaine grenobloise, du rôle d'entretien et de gestion de l'espace par l'activité agricole. Ainsi, bien que la politique agricole du Voironnais soit pour certains l'une des plus complètes de l'Y actuellement, elle serait perçue localement comme porteuse d’une image de tradition et de ruralité plutôt associée une forme d’archaïsme.

2-LE POSITIONNEMENT DES ELUS LOCAUX

Un discours dominant dépeint des élus locaux principalement préoccupés par la recherche d’activités permettant d’augmenter les revenus liés à la taxe professionnelle. Ceci expliquerait le positionnement d’une majorité de maires assez peu favorables au maintien d’exploitations agricoles peu lucratives sur leur commune, le second argument reposant sur les plaintes toujours plus importantes des résidents face aux nuisances olfactives et sonores. Ainsi, si les entretiens réalisés ne nous permettent pas d’avoir une idée d’ensemble quant au positionnement ou à la participation des élus aux conflits sur leur commune, il a souvent été entendu que les maires prennent souvent position aux côtés de leurs électeurs, parfois contre leur propre opinion. Ce fut apparemment le cas à Réaumont, où le maire « écolo » aurait essayé de défendre jusqu’au bout le projet d’établissement de l’élevage de volailles biologique, pour finalement se plier à l’opposition générale. Il serait intéressant de vérifier quel rôle joue le pouvoir local dans la « prise de pouvoir des citadins » dont il a souvent été question lors des entretiens (cf. plus bas).

3 - UNE CAPACITE DE STRUCTURATION ASSEZ FORTE DES PROPRIETAIRES, RESIDENTS ET NEO-RURAUX

La puissante capacité de mobilisation des propriétaires renforce l’idée que le foncier tient une place prédominante dans le Voironnais et alimente bon nombre des conflits d’usage qui s’y déroulent. La création du comité de défense ADEPREV (association de défense des exploitants et propriétaires contre le remembrement du Voironnais) à l’occasion du remembrement de Voiron illustre tout à fait la ténacité et la capacité d’agitation de cette mobilisation. Les propriétaires fonciers se sont également manifestés, sous d’autres formes d’organisation, pour demander une meilleure information sur Natura 2000 (association chirennoise de défense des propriétaires fonciers), sur l’épandage de boues de papeterie ou encore dans le cadre de la préemption posée par le conseil général à Chirens.

Dans le même ordre d’idée, le Voironnais se caractérise par une véritable force de structuration des résidents face à un voisinage contraignant (exploitation agricole, carrière) ou à tout projet menaçant (projet de bretelle autoroutière, projet de rocade…). Cette structuration se matérialise fréquemment par la création d’associations qui sont présentées comme étant très actives et ayant une forte capacité d’organisation et d’information. La situation est telle que l’idée d’une « prise de pouvoir par les citadins » est revenue assez régulièrement dans les entretiens. A noter que dans l’expression de beaucoup, le mot « citadins » continue à décrire les néo-ruraux...

Un phénomène intéressant est celui d’une rapide appropriation de ‘leur’ espace rural par de nouveaux arrivants, qui pratiquent la politique du « personne après moi » en s’opposant en particulier à une densification de l’habitat autour de leur récent lieu d’implantation.

Il reste donc à vérifier la part respective des néo-ruraux et des ruraux de plus longue date lors de ces mobilisations. Il serait par ailleurs important de pouvoir évaluer la part d’appartenance des résidents à la

62 catégorie des propriétaires fonciers pour mieux comprendre le degré de recouvrement des motivations propres à chacune de ces catégories.

4-LES USAGERS DE LA NATURE

Plusieurs associations de protection de la nature interviennent sur le territoire voironnais. Contrairement à d’autres secteurs rhônalpins, la FRAPNA ne semble pas jouer ici un rôle déterminant dans les conflits mais se positionne davantage comme l’interlocuteur privilégié au niveau des négociations et des décisions politiques départementales. Elle a notamment occupé une place non négligeable lors des discussions pour l’élaboration du schéma directeur.

En ce qui concerne plus spécifiquement les conflits liés à un usage de protection et de valorisation de l’environnement, le principal protagoniste est l’agence pour la valorisation des espaces isérois remarquables (AVENIR). Cette association est la délégation iséroise du conservatoire régional des espaces naturels et est en grande partie financée par le conseil général. Comme nous l’avons dit plus haut, elle est la principale gestionnaire des sites protégés du pays voironnais et constitue donc le premier interlocuteur des opposants aux actions de protection.

En Isère, les fédérations de chasse et de pêche opèrent un réel investissement dans leurs missions de préservation des milieux (réalisation d’études, information, volonté de participer aux prises de décision politiques…) A ce titre, elles apparaissent davantage ici comme des acteurs de l’usage de nature plutôt que de l’usage récréatif.

La participation de ces trois pôles au volet environnemental des décisions politiques départementales est effective. Tous ont notamment participé à l’élaboration de l’inventaire faune-flore du pays voironnais, récemment commandité par la communauté d’agglomération et en cours de parution. Des divergences assez fortes sont toutefois apparues entre la FRAPNA et l’AVENIR d’une part et les fédérations de chasse et de pêche d’autre part. Ces divergences sont principalement basées sur des positionnements idéologiques concernant les finalités de gestion des milieux naturels : les premières mènent une action ciblée sur des milieux rares et menacés, ce que condamnent les secondes qui privilégient une approche écosystémique et de qualité de l’environnement dans sa globalité et dans sa diversité. Il est probable que cette division affaiblit le poids de cette catégorie d’usage plus qu’elle ne le consolide.

Plus localement, il est important de signaler l’existence d’un autre acteur, le comité écologique Voiron- Chartreuse (CEVC), qui intervient dans de nombreux conflits du voironnais. Plutôt situé dans l’action militante, le CECV s’est fortement mobilisé lors du remembrement de Voiron contre ce projet, mais plus généralement contre la destruction des zones naturelles et agricoles. Il joue également un rôle de veille, en recommandant par exemple des tests physico-chimiques pour l’épandage des boues de papeterie.