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III/ DEUXIEME NIVEAU D’ANALYSE : LE GROUPE NOMINAL

H- Le rôle de la prosodie

I- Le problème des adjectifs de couleur

2) Anthropologie et physiologie des couleurs

Le philosophe C. L. Hardin, dans son ouvrage Color for Philosophers (1988) donne un bon éclairage sur le sujet d’un point de vue à la fois anthropologique, physiologique et philosophique/linguistique. L’auteur se pose la question de savoir combien de noms de couleur sont nécessaires et suffisants pour décrire toutes les couleurs perçues. La réponse 115 David Lodge, La conscience et le roman, A la réflexion, Paris, Payot & Rivages, 2004, pp. 255-256.

116 Peirce, C. S., The New Elements of Mathematics, 4 vol., La Hague, Mouton, 1976, vol. IV p. 45, cité par Christiane Chauviré.

117 Austin, J. L., Sense and Sensibilia, Oxford, Clarendon Press, 1962 (Le langage de la perception, trad. par P. Cochet, Paris, Armand Colin, 1971), cité par Sandra Laugier.

offerte par la théorie du physiologiste Hering est qu’il y en a exactement six, un pour chacune des couleurs élémentaires. Deux de ces couleurs sont achromatiques (noir, blanc), et quatre sont chromatiques (rouge, jaune, vert et bleu). The Natural Color System classe chaque couleur par son degré de ressemblance avec ces six couleurs canoniques. Davidoff (1991) a mis au jour un schéma fonctionnel modulaire pour la perception des couleurs, la catégorisation et le nom attribué fondé sur des modèles de performance révélés par les déficits neuronaux. Taft & Sivik (1992) ont tenté de donner une connotation aux couleurs, c’est-à-dire de déterminer la charge sémantique des termes de couleur dans la vie de tous les jours : active-passive, positive-négative (au sens évaluatif, c’est-à-dire d’inscription des termes sur une échelle bipolaire, sans marquage de préférence pour positif), chaude-froide,

éclatante-discrète, pour ne nommer que quelques-unes des catégories proposées aux sujets

interrogés et qui reposent sur des adjectifs souvent utilisés pour décrire les couleurs. La seule catégorie qui soit stable culturellement (l’anglais, le suédois, le russe et le croate ont été étudiés) est celle qui attribue aux couleurs une qualité chaude ou froide. La caractérisation analogique la plus commune est l’attribution de l’étiquette ‘teinte chaude’ (warm) au rouge et au jaune et ‘teinte froide’ (cool) au vert et au bleu. Cela est sans doute lié, d’après moi, à l’apprentissage scolaire précoce de cette catégorisation dans les arts plastiques. Parfois une terminologie kinétique est utilisée : advancing pour rouge et jaune vs

receding pour vert et bleu. D’autres sujets encore assimilent la distinction de teinte à une

variation dans l’intensité ou la brilliance lorsqu’ils parlent de ‘teintes pâles’ (light) pour rouge et jaune et de ‘teintes foncées’ (dark) pour vert et bleu. D’un point de vue culturel, la valeur émotionnelle des couleurs est confuse : peut-on parler d’un ‘happy yellow’ ? La polarité des adjectifs de couleur du corpus littéraire assigne en effet à ces couleurs une valeur sémantique positive ou négative symbolique ou argumentative, qui oriente l’esthétique du portrait. Ainsi, dans le portrait de la femme de Curley, qui sera tuée par Lennie à la fin du roman (Of Mice and Men, Steinbeck, London, 1974, Pan Books Ltd, p. 31) : « Her finger-nails were red. Her hair hung in little rolled clusters, like sausages. She wore a cotton house dress and red mules, on the insteps of which were little bouquets of red ostrich feathers. » Les trois adjectifs red ont été catégorisés en positifs, en raison de l’impact attracteur, excitant qu’ils véhiculent combinés à finger-nails, mules, feathers. Dans le troisième portrait de Tess à son arrivée à Blackmoor Vale, où elle est engagée comme trayeuse (Tess of the d’Urbervilles, Thomas Hardy, Harmondsworth, 1981, Penguin English Library, p. 157) : « Her face had latterly changed with changing states of mind, continually

fluctuating between beauty and ordinariness, according as the thoughts were gay or grave. One day she was pink and flawless ; another pale and tragical. When she was pink she was feeling less than when pale ; her more perfect beauty accorded with her less elevated mood ; her more intense mood with her less perfect beauty. » Les deux adjectifs pink sont classés en positifs en raison du contraste qu’ils offrent avec pale, qui associe le teint de Tess avec une beauté plus ordinaire, moins parfaite. Enfin, dans le portrait de Sally, vue par I, narrateur-personnage qui porte le nom de l’auteur, Chris Isherwood (Goodbye to Berlin, Christopher Isherwood (1939), cité par David Lodge (The Art of fiction, Penguin Books, 1992, p. 66)) : « Sally laughed. She was dressed in black silk, with a small cape over her shoulders and a little cap like a page-boy’s stuck jauntily on one side of her head […] As she dialled the number, I noticed that her finger-nails were painted emerald green, a colour

unfortunately chosen, for it called attention to her hands, which were much stained by

cigarette-smoking and as dirty as a little girl’s. She was dark enough to be Fritz’s sister. Her face was long and thin, powdered dead white. She had very large brown eyes which sould have been darker, to match her hair and the pencil she used for her eyebrows. ‘Hilloo,’ she cooed, pursing her brilliant cherry lips as though she were going to kiss the mouthpiece […]. » Si l’adjectif black est positif associé à la soie (silk), les adjectifs suivants,

emerald green, powdered dead white, brown sont négatifs en raison de leur caractère non

esthétique implicite ou explicité par le cotexte.

D’un point de vue physiologique, le passage d’un environnement neutre à un environnement rouge provoque chez un humain une hausse de sa pression sanguine, de sa température et de sa respiration (symptômes de l’émotion), puis une baisse en-dessous de leur taux de base au bout de cinq ou dix minutes. L’inverse apparaît quand un sujet passe d’un environnement neutre à un environnement bleu. On sait également que les très jeunes enfants ont une préférence marquée pour la couleur rouge, et lorsque les philosophes citent une couleur dans un exemple, il s’agit habituellement du rouge.

D’un point de vue physique, l’origine des couleurs des objets réside dans les interactions de la lumière avec les électrons, à l’intérieur d’une bande étroite d’énergie qui coïncide avec l’étendue moyenne du spectre de radiation solaire tel qu’il est mesuré sur la Terre. La mesure est la longueur d’ondes et l’unité le nanomètre (nm), c’est-à-dire un milliardième de mètre. Le bleu du ciel résulte de l’éparpillement différentiel de la lumière du soleil dans l’atmosphère. Le bleu de l’eau a deux sources distinctes : si la surface est plane, l’eau va refléter la lumière du ciel, bleue par beau temps, grise par temps couvert ; le bleu

résiduel dépend de l’énergie caractéristique des transitions vibrationnelles de ses électrons moléculaires, ce qui se produit beaucoup plus facilement à basses énergies, les infra-rouges étant donc fortement absorbés.

L’équipement physiologique ophtalmique joue également un rôle dans la perception des couleurs : les poulets, qui n’ont que des cônes, se couchent tôt car leur vision est nulle la nuit, alors que les chouettes, qui n’ont que des batonnets, ne sont d’aucune utilité le jour. Nous pouvons distinguer trois dimensions de couleur perçue : la teinte, la saturation et la brilliance. La teinte d’une couleur est sa rougeur (redness), sa verdeur (greenness), son caractère jaune (yellowness) ou bleu (blueness). Le blanc, le noir et les gris sont les couleurs sans teinte, car achromatiques. Des couleurs qui ont la même teinte peuvent différer dans l’intensité de cette teinte, c’est-à-dire la saturation : elles peuvent être très faiblement teintées et être ainsi proches du gris ; ou elles peuvent être fortement teintées. Enfin, les couleurs peuvent varier selon une échelle qui comporte des couleurs très pâles à une extrémité et des couleurs très éclatantes de l’autre : c’est la brilliance. Les humains percevant les couleurs se classent en deux groupes : celui qui a tendance à regarder la surface de l’objet coloré, c’est-à-dire la teinte, et qui inclut les observateurs naïfs (comme les enfants), et celui qui tient compte de l’intensité de la lumière et qui comprend les artistes et les observateurs entraînés (classification obtenue d’après la Brunswick ratio scale). Il est très difficile à quiconque percoit les objets sur un mode de surface de faire une claire différenciation entre la composante sensorielle et la composante cognitive de sa propre perception. Si la tâche est d’identifier une couleur en l’absence de référence standard, “ même pour de très bons observateurs, l’identification positive d’une couleur sans comparaison est de l’ordre de 30 couleurs, et pour les naïfs cela peut être plutôt de 8 à 10 ” (p. 89). Cette identification sans comparaison distingue clairement les adjectifs de couleur et les gradables à antonymes : en effet, en l’absence d’objet de référence, si on demande à un sujet de donner la couleur d’un petit carré vert projeté sur un écran, il saura le faire sans hésitation, mais si on lui demande de qualifier sa taille, ce sera plus difficile. Ceci s’oppose à la conception purement phénoménale (Merleau-Ponty, 1945 : 308) selon laquelle, “ Quand nous disons qu’un objet est gigantesque ou minuscule, qu’il est loin ou près, c’est souvent sans aucune comparaison, même implicite, avec aucun autre objet ou même avec la grandeur et la position objective de notre propre corps, ce n’est que par rapport à une certaine ‘portée’ de nos gestes, à une certaine ‘prise’ du corps phénoménal sur son entourage. ” Selon cette approche, il y a un étalon préobjectif des distances et des grandeurs, qui sont des dimensions

“ existentielles ”. Toutefois, si l’approche phénoménale semble pouvoir s’appliquer aux couleurs qui existent dans le monde par le biais de la mémoire perceptuelle (une fois encodée, la couleur est mémorisée et directement accessible), en revanche il y a une différence entre un carré vert, identifiable sans étalon de comparaison, et un grand carré, difficile à identifier sans référence à un petit carré. Du moins cela est vrai pour les objets abstraits.

Selon les scientifiques du XIXe siècle, il semblait naturel de supposer que toutes les expériences de couleur étaient le résultat des outputs neuronaux des trois types de récepteurs, proportionnellement mélangés comme les trois faisceaux lumineux primaires étaient mélangés et, donc, d’appeler les trois types de cônes respectivement les cônes bleu, vert et rouge. Depuis Hering, la phénoménologie de l’apparence des couleurs suggère qu’il n’y a pas trois mais quatre processus chromatiques fondamentaux et que ceux-ci sont classés en paires opposées : le processus ‘rouge’ (i. e. le processus qui donne lieu à la sensation de rouge) est opposé au processus ‘vert’, donc une augmentation de l’un se fait aux dépens de l’autre, et le processus ‘jaune’ est de la même façon opposé au processus ‘bleu’. Ne pas être rouge fait-il pour autant partie du concept d’être vert ?

En ce qui concerne la nomination des couleurs dans le langage, on peut remarquer une grande diversité transculturelle : le peuple Dani de Nouvelle-Guinée ne possède pas de mots abstraits pour les couleurs chromatiques (en fait, il possède un lexique de trois termes de couleur basiques, bien qu’il ait des équivalents de nos termes ‘clair’ et ‘foncé’. Selon Jules

Davidoff118, les Berinmio en Papouasie, Nouvelle Guinée, n’ont que cinq termes différents

pour désigner les couleurs. La procédure utilisée pour déterminer l’attribution d’un nom à une couleur (color naming) se fait par la présentation de 25 faisceaux de lumière monochromatiques, distincts sur le plan perceptif, à des sujets qui disposent d’un ensemble réduit de noms pour décrire leurs teintes. Pour accréditer l’idée que le commun des mortels n’utilise que peu de termes de couleur, un examen de 17 best-sellers a révélé que 97% des occurrences de mots de couleur recouvraient seulement dix types de couleur (Evans, 1948 : 230). D’après Jules Davidoff, la sensibilité maximale de nos cellules aux couleurs ne correspond pas à la longueur d’onde maximale émise par ces mêmes couleurs, donc il doit y

118 Colours and names : A Whorfian analysis, Jules Davidoff, Colloque Language, Culture and Mind,

18-20 juillet 2004, Portsmouth. La théorie de Sapir-Whorf (émise par les linguistes américains Benjamin Whorf et Edward Sapir), au milieu du XXe siècle, stipule que la langue maternelle détermine entièrement la pensée, et donc la cognition humaine. Cette théorie déterministe a été remise en cause récemment par les avancées des sciences cognitives, qui ont montré qu’il existe dans la pensée humaine des mécanismes et des concepts indépendants du langage. Davidoff lui-même s’est inscrit en faux contre cette théorie en établissant la survenance du cerveau modulaire neuronal dans l’établissement des catégories de la couleur, mais semble revenir quelque

avoir des fluctuations dans la catégorisation et le nom attribué aux couleurs. Quand des couleurs ne sont pas pures sur un nuancier, comment les nommer ? Les couleurs qui sont à la frontière de deux couleurs, comme le turquoise (turquoise), qui est caractérisé comme un vert tirant sur le bleu (bluish green) ou un bleu tirant sur le vert (greenish blue), ou un bleu-vert (green-blue), sont en général exprimées par un nom composé. On peut trouver d’autres exemples : ainsi, yellowish green en anglais est traduit d’une façon analogique concrète en français par caca d’oie. Crimson et pink en anglais sont deux variétés de rouge qui ne sont pas rendues par des noms composés (mais qui ne sont pas non plus à la frontière de deux couleurs chromatiques). Toutefois, d’après Jules Davidoff, sur un continuum coloré et après entraînement sur une machine, des babouins ne peuvent faire la différence entre vert et bleu, donc a fortiori reconnaître les couleurs non pures. D’après le même auteur, le système de la mémoire inscrit les mots sur les couleurs et la catégorisation de la couleur est le mot de la couleur (rouge = n’importe quel objet rouge). L’encodage est-il perceptuel ou conceptuel ?

D’après Pylyshyn119, tout encodage est conceptuel, mais on ne sélectionne pas un objet par le

biais de la représentation conceptuelle. Quand on demande à un sujet de sélectionner « le petit carré vert » au milieu d’autres carrés rouges/verts et petits/grands, il le fait directement.

Toutefois, dans certaines atteintes du cerveau, la catégorie perceptuelle est maintenue, mais pas la mémoire du mot. La reconnaissance des couleurs, normalement directe, est donc un phénomène qui relève du discours intérieur quand elle est associée à d’autres traits sémantiques, mais il peut y avoir nouvelle lexicalisation ou recatégorisation. Le Basic Color

Terms de Brent Berlin et Paul Kay (1969), qui a reçu l’approbation de linguistes et

d’anthropologues, donne quatre critères principaux pour l’établissement d’un terme de couleur basique dans une langue (création d’une étiquette mentale) :

• qu’il soit monolexique, c’est-à-dire que sa signification ne puisse être dérivée de la signification de ses parties ;

• que sa signification ne soit pas incluse dans celle d’un autre terme de couleur ; • que son application ne soit pas restreinte à une étroite classe d’objets ;

• qu’il soit psychologiquement saillant pour tous les locuteurs (= qu’il présente une tendance à être cité au début d’une liste de termes de couleur, qu’il offre une stabilité de référence à tous les locuteurs et qu’il soit une occurrence de l’idiolecte de tous les locuteurs).

peu sur cette question. Pylyshyn, qui se situe dans le cadre de la cognition située, donne un encodage conceptuel et une sélection (reconnaissance de l’objet) perceptuelle.

119 Things and Places – How the mind connects with the world, conférences de Zenon Pylyshyn (Rutgers University) au CNRS puis salle des Actes à l’ENS, les 19 et 27 mai 2004.

D’après l’ouvrage de Berlin-Kay, toutes les langues contiennent un terme pour ‘blanc’ et ‘noir’ ; si une langue contient trois termes, alors elle contient un terme pour ‘rouge’ ; si une langue contient quatre termes, alors elle contient un terme pour soit ‘vert’ soit ‘jaune’ (mais pas les deux) ; si une langue contient cinq termes, alors elle contient les termes pour ‘vert’ et ‘jaune’ ; si une langue contient six termes, alors elle contient un terme pour ‘bleu’ ; si une langue contient sept termes, alors elle contient un terme pour ‘marron’ ; si une langue contient huit termes ou plus, alors elle contient un terme pour ‘violet’, ‘rose’, ‘orange’, ‘gris’, ou une combinaison de ces termes. Dans un intéressant article, Marc Bornstein (1973) a soutenu que les locuteurs natifs de langues qui ne contiennent pas le terme ‘bleu’ ont tendance à être concentrés près de l’équateur. En effet, les peuples de cette région ont plus de pigmentation jaune de macula que ceux qui vivent plus près des pôles, avec la conséquence que moins de lumière à ondes courtes atteint leur rétine, ce qui les rend comparativement moins sensibles au bleu et moins capables de le distinguer du vert. En anglais, s’il existe un demi-million de couleurs commercialement différentes, le nombre de noms de couleurs utilisé dans le langage courant est bien moindre : l’Inter-Society Color Council-National Bureau of Standards Method of Designating Colors liste quelque 7500 noms de couleur, réduites à 267 classes d’équivalence. Les noms assignés à ces classes sont des noms composés de dix noms de teinte, trois noms achromatiques et quelques modificateurs comme

dark, light, very et –ish. La frontière entre rouge et jaune peut être décrite ainsi : 100% de

rouge = (unique) red ; 75% de rouge, 25% de jaune = yellowish red ; 50% de rouge, 50% de jaune = yellow-red (orange) ; 25% de rouge, 75% de jaune = reddish yellow, 100% de jaune = (unique) yellow.

Il y a deux positions matérialistes possibles permettant de relier les couleurs aux objets qui semblent les porter. Certains matérialistes, les objectivistes, soutiennent que les couleurs sont des constituants du monde physique, indépendants des humains et d’autres êtres sensibles. Ces propriétés constitutives, certes détectées par les êtres humains, mettent les couleurs dans un monde possible dans lequel les relations de causalité entre les couleurs et les systèmes perceptifs des humains n’existent pas comme elles existent dans le monde actuel. D’autres, les subjectivistes, pensent que, bien que les couleurs soient des traits des objets matériels, elles le sont seulement comme des dispositions qu’ont ces objets d’affecter les organismes d’une manière sensorielle appropriée selon les circonstances. Nos relations aux propriétés de couleur sont essentielles, non seulement à leur mise en évidence, mais aussi à leur existence. Sur cette réflexion d’ordre ontologique, Hardin conclut après analyse

que, “ puisque les objets physiques ne sont pas colorés, et que nous n’avons aucune bonne raison de croire qu’il y a des porteurs non physiques de phénomènes de couleur, et que les objets colorés devraient être soit physiques soit non physiques, nous n’avons aucune bonne raison de croire qu’il y a des objets colorés. Les objets colorés sont des illusions, mais pas des illusions infondées. Nous sommes normalement dans des états perceptuels sur le plan chromatique, et ce sont des états neuraux. ” (p. 111) Cette position fonctionnaliste, qui est la position dominante, recouvre les postions internaliste et externaliste, la deuxième étant la plus couramment soutenue, par exemple par Paul Churchland, “ … le caractère qualitatif de votre sensation-de-rouge peut être différent du caractère qualitatif de ma sensation-de-rouge, légèrement ou substantiellement, et la sensation-de-rouge d’une troisième personne peut être encore différente. Mais puisque ces trois états sont causés de façon standard par des objets rouges [ceci est réfuté par Hardin qui soutient que les objets du monde ne sont pas colorés] et nous conduisent tous trois à croire que quelque chose est rouge, alors ces trois états sont

des sensations-de-rouge, quel que soit leur caractère qualitatif intrinsèque120. ”

Merleau-Ponty (1945), dans sa Phénoménologie de la perception, défendait, quant à lui, une vision internaliste de la réception/construction de la couleur. Ainsi, lorsqu’il décrit (pp. V-VI) les “ enchâssements perceptuels ” (l’expression est la mienne) du rouge : du ressenti à l’objet, en passant par la manifestation de plus en plus concrète : “ Ainsi ma sensation du rouge est aperçue comme manifestation d’un certain rouge senti, celui-ci