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formations 5.1 Introduction

5.2 La formation Melff-pilote (2012)

5.2.4 Analyse qualitative : étude des interactions

Rappelons que, les forums ont générés 517 messages. Ces messages étaient-ils constitutifs d’une certaine « interactivité garante de l’apprentissage » (Henri, 1992) ? Pour définir cette interactivité j’ai eu recours aux conceptions d’Henri France (1992) et de François Mangenot (2007).

5.2.4.1 Messages interactifs

S’inspirant de la définition de l’interactivité donnée par Bretz (1983), Henri France identifie les critères d’analyse permettant de préciser la contribution au processus d’apprentissage à distance de l’interactivité par les Téléconférences Assistées par Ordinateur (T.A.O.); notamment par l’interactivité véritable et la quasi-interaction. Pour Bretz l’interactivité véritable implique un émetteur d’information et un récepteur qui interviennent en alternance et intervertissent leurs rôles à chaque tour de parole. L’émetteur devient récepteur pendant que le récepteur devient émetteur. Henri opérationnalise cela en ces termes :

Pour qu'il y ait interaction véritable il faut donc trois actions :

 un message de A à B

 un message de B à A élaboré en fonction de l'information transmise par A

un message de A en réponse à celui de B. (1992)

Elle précise que la quasi-interaction ne comporte que deux actions : un message de A vers B et un message de B vers A. Partant de ce point de vue d’Henri, je parle de messages interactifs pour désigner tout message faisant partie soit des interactions véritables soit des quasi-interactions. Il s’agit de message qui est une réaction ou une réponse à un autre message, ou bien un message qui appelle d’autres messages, bref un message qui par ses propriétés peut être considéré comme étant une "participation interactive". Selon Célik (2011)

Il y a participation interactive non seulement quand une contribution répond explicitement à une autre générant un fil de discussion, mais également quand les participants construisent leur savoir en s’appuyant sur les contributions des autres participants, en faisant des références explicites ou implicites aux messages des autres.

Ainsi donc, A partir de ces éclairages terminologiques, on peut 458 messages interactifs comme indiqué dans le tableau 5.4 ci-dessous.

Nombrede messages interactifs

Group_AR1 220

Group_AR2 238

Total 458

Tableau 5.4 : Nombre de messages interactifs et distributions par sous-groupe

5.2.4.2 Les dialogues réflexifs

Plus d’un tiers des messages du corpus est interactif, sachant que l’interaction favorise l’apprentissage, il est désormais question de savoir si ce corpus renfermait des échanges témoignant d’un quelconque apprentissage pendant les interactions et dans l’expérience en général.

Pour ce faire, j’ai adopté la terminologie proposée par Lamy et Goodfellow (1998) pour caractériser les échanges entre participants d’un forum de discussion, notamment le monologue, la conversation et le dialogue réflexif ;

- le "monologue" est un message solitaire – qui peut avoir été inspiré par des messages postés par d'autres participants, mais il ne fait pas référence à ceux-ci, et ne requiert ni ne suggère de réponse.

- le "dialogue réflexif" s'applique aux interactions impliquant une réflexion sur la langue.

- enfin le terme "conversation" désigne des échanges de type purement socio-affectif. Les dialogues réflexifs, les échanges incluant une réflexion sur la langue sont le point focal de cette analyse. Il y a dans le corpus des échanges aboutis, qui correspondent aux interactions véritables de Bretz, et que j’appelle ici Dialogue Réflexifs Réussis (DRR). Il y a également dans ce corpus des échanges sur la langue qui ne sont pas aboutis, appelés ici Dialogues Réflexifs Incomplets(DRI). La différence établie entre un DRR et un DRI est qu’avec un DRR, on est dans le cadre d’une interaction qui fait effet. Une interaction à laquelle l’apprenant remarque que son ou sa partenaire dans la conversation fait explicitement ou implicitement des corrections (Gass, 2002). L’attention de celui qui est en situation d’apprentissage est attirée sur la ou les formes déviantes de son discours amenant celui-ci à produire des énoncés modifiées. Avec un DRI, nous sommes dans le cadre d’une interaction qui porte sur la langue mais qui n’est pas complète. En d’autres termes, il s’agit d’un échange dans lequel

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la négociation de sens est interrompue sans que l’on ait l’impression que l’apprentissage a eu lieu, dans la mesure où il n’y a pas production d’un résultant modifié. Les corrections faites par le partenaire de l’apprenant ne sont pas prises en compte par ce dernier. Du moins les données telles qu’elles se présentent dans le cas des DRI ne nous permettent pas de dire que l’apprenant a appris des corrections qui ont été explicitement ou implicitement apportées à son énoncé. Cf. figure 5.7

locuteur Titre du message Contenu

afar2-7 Janefrancis 14/06/2012

14:50:44, En venant pour la fete, j'apporterai de la viande(soya) et du poulet... j'apporterai aussi une bouteille de jus et un cadeau pour Paul.je vais

l'offrir une chaussure et un chapeau rouge comme cadeau

tm blaise

14/06/2012 15:00:33 Petite correction janefrancis, on offre quelque chose à quelqu'un est-ce que tu peux reprendre ta dernière phrase? afar2-7 Janefrancis

14/06/2012 15:23:33 Re: petite correction je vais chapeau rouge comme cadeau lui offrir une chaussure et un tm blaise

14/06/2012 15:36:47 Re: petite correction

C’est bien

afar2-7 Janefrancis

14/06/2012 15:40:48 Re: petite correction Merci monsieur

Figure 5.7: exemple de DRR où l’attention de l’apprenant est explicitement attirée sur la forme déviante de son énoncé, l’amenant à la modifier pour obtenir une forme correcte

La figure ci-dessus présente l’exemple d’un dialogue réflexif réussi entre un apprenant et son tuteur. Suite à la production de l’apprenant, le tuteur attire son attention sur l’utilisation erronée de du pronom complément et lui propose une correction implicite qui consiste à rappeler à l’apprenant la règle qui sous-tend l’utilisation de cette catégorie grammaticale. Celui-ci repère la faute et produit un énoncé modifié qui permet de penser que cette notion a été acquise et que potentiellement il y a eu apprentissage.

Contrairement à l’exemple de la figure 5.7, la figure 5.8 ci-dessous donne à voir un exemple de dialogue réflexif incomplet entre une apprenante et une apprenante experte. La dernière attire l’attention de la première apprenante en reformulant explicitement son énoncé. Mais malheureusement, l’échange s’arrête sans que l’on sache si l’apprenante a pris connaissance des corrections effectuées ou non. En tout cas on peut dire de cette séquence qu’elle n’est pas potentiellement acquisitionnelle.

Locuteur Titre du message Contenu

efar2 leisly

26/04/2012 16:25:23

Re: présentation Salut!

je m'appelle Leisly et je suis au departement de"journalism and mass communication… J'aime beaucoup visionner surtout les films romantiques; je deteste le sport en particulier le football ... Je suis très heureuse de faire votre

connaissance. je suis pour vous aider.

A plus!

afar2_4 levai 26/04/2012 16:42:05

Re: présentation pourquoi tu detest le sport tu ne sais pas que cebon pour les

fille? ques-ce que ce bon dans ton programe efar2 leisly

26/04/2012 16:51:49

Re: présentation c'est juste que je suis nulle en … Et je ne comprends pas bien

ta question.

efar2 leisly

26/04/2012 17:08:02

Re: présentation On dit : pourquoi tu détestes le sport? Ne sais-tu pas que

c'est bien pour les filles? … tu dois conjuguer le verbe détester à la deuxième personne de singulier et ce verbe doit prendre «s» … j'ai séparé l'une de tes phrases en deux parce que … ceci permet de mieux respirer en parlant et de mieux comprendre ce que tu dis .Et ta dernière phrase je ne la comprends pas.

Figure 5.1: Exemple de DRI dans lequel l’on peut voir que la réflexion sur la langue n’a pas donné lieu à un énoncé modifié de la part de l’apprenant. Ce qui fait penser que l’apprentissage n’a pas eu lieu.

Au total donc, soixante-treize dialogues réflexifs ont été comptabilisés parmi lesquels e vingt-six dialogues réflexifs réussis contre quarante-sept dialogues réflexifs incomplets ;

Dialogues réflexifs DRR DRI

Group_AR1 35 12 23

Group_AR2 38 14 24

total 73 26 47

Tableau 5.5 : Nombre de dialogues réflexifs de DRR et de DRI

Les vingt-six dialogues réflexifs réussis correspondent à soixante-sept messages interactifs tels que définis un peu plus haut dans cette partie. Et par rapport à l’ensemble des 458 messages interactifs recueillis, cela représente une faible proportion : 13% seulement.

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Figure 5.5.2 : Proportion de messages interactifs constituants les DRR par rapport au nombre total de messages interactifs

Au regard de la figure 5.9 ci-dessus, il apparait clairement qu’il y a eu, pendant la phase pilote de notre projet, très peu d’échanges pouvant permettre de dire que l’apprentissage a été facilité. Aussi fallait-il à savoir quelles pouvaient en être les causes. Il se trouve que beaucoup de messages n’avaient pas reçu de rétroaction de la part du tuteur ou des experts, à cause (peut-être) de la nature quasi synchrone des échanges qui a fait qu’ils soient submergés de message. La structure des activités et la nature des instructions données ont fait que les stagiaires s’engagent dans des corrections sur la forme et le sens à la fois, et pour certains sans en avoir les capacités.

Alors, quelques leçons ont été tirées quant à la phase d’expérimentation proprement dite qui devait suivre, à savoir :

 Faire en sorte que les tuteurs et les experts fassent le plus de rétroactions possibles  Utiliser les différents temps ou phases d’un forum pour amener les stagiaires à

travailler d’abord sur la forme et ensuite sur le sens.

 Donner aux stagiaires le temps de préparer leurs messages, du moins les premiers qui sont des réactions aux consignes données.

 Donner également l’occasion aux tuteurs et experts de lire les messages et engager les apprenants dans des dialogues réflexifs réussis.

Au regard de ce qui précède, l’on pourrait penser que le dispositif Melff pilote tel qu’il a été implémenté, n’a eu aucun apport pour le cours de français fonctionnel pour lequel il a été conçu, ou même pour les étudiants qui l’ont testé. L’analyse des données issues du post

questionnaire nous fait croire que Melff pilote a eu un apport non négligeable sur

l’expérience d’apprentissage des stagiaires. En effet 100% d’entre eux estiment que les activités autour des forums ont contribué à améliorer leurs compétences en écriture, notamment en ce qui concerne le vocabulaire et l’orthographe. Tous pensent que le projet leur a permis d’améliorer leurs connaissances du français. La moitié explique cela par le fait qu’ils ont bénéficié de plus de temps d’interaction en français et aussi, ils ont pu discuter avec des personnes dont le niveau était plus élevé que les leurs. Tous ont reconnu que Melff-pilote est un complément parfait à la formation qu’ils ont reçue en salle de classe. Les arguments avancés par ceux qui ont voulu bien expliquer leurs points de vue, sont que le

13% 87% 0% 0% % de messages interactifs impliqués dans les DRR % de messages interactifs ne constituant pas de DDR

projet « permet de passer de la théorie à la pratique ». Ou encore qu’il constitue un « environnement de révision pour les plus faibles ».

En fin de compte, le projet Melff dans son aspect ingénierie de la formation a été satisfaisant. Sur le plan de la recherche, il a été mitigé mais encourageant. Il a permis aux stagiaires d’être exposés à un grand nombre d’intrants linguistiques qui ont pu capter leur attention. Comme ils le disent eux-mêmes, ils ont pu être sensibilisés à un certain vocabulaire ainsi qu’à l’orthographe. Cette conscience, ou plutôt cette attention comme le dit Robinson, 2003).,« is the process that encodes language intrant, keeps it active in working

and short-term memory, and retrieves it from long-term memory" (C’est le lieu de penser que les stagiaires ont été exposés à des intrants compréhensibles de niveau supérieur n+1, et que même s’ils n’ont pas produit de résultants qui permettent d’attester de l’acquisitions de certaines structures présentes dans ces intrants, les ont traitées et stockées dans leur mémoire et pourront y recourir lors des productions futurs.