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Quelques études sur les interactions en ligne du point de vue de l’approche interactionniste acquisitioniste

Communication Médiatisé par Ordinateur (CMO)

3.4.9 Quelques études sur les interactions en ligne du point de vue de l’approche interactionniste acquisitioniste

De nombreux travaux existent qui ont essayé d’appliquer aux interactions en ligne les principes interactionnistes appliqués aux interactions en classe dans le cadre de l’apprentissage d’une L2. (Pellettieri, 2000 ; Fernández-García & Martínez Arbelaiz, 2002 ; Kötter, 2003 ; Smith, 2003 ; Wang, 2006). Je présente ici ceux de Nicolaev et de Rézeau.

3.4.9.1 L’étude de Viorica Nicolaev (2010)

Viorica Nicolaev (2010) étudie Les négociations de sens dans un dispositif d'apprentissage des langues en ligne synchrone par visioconférence. Elle se donne pour objectif de déterminer dans quelle mesure un dispositif d’apprentissage d’une langue seconde peut favoriser l’acquisition de celle-ci. Elle s’appuie pour son étude sur le contexte d’un projet qui met en relation des apprentis-tuteurs et des étudiants américains. Il s’agit du projet « le français en 1ère ligne » de l’année 2008/2007 qui a réuni dix apprentis-tuteurs de FLE, étudiants à l'université Lyon 2, et dix-sept apprenants de français, étudiants à l'Université de Californie Berkeley dans un environnement vidéographique synchrone (Skype). Par rapport au profil des acteurs, les apprenants de français étaient âgés de 19 à 31 ans et avaient le niveau B1 en français. Les apprentis-tuteurs français, eux, avaient entre 23 et 45 ans. 7 tuteurs sur 10 avaient une expérience d'enseignement du FLE en classe de langue. La formation en ligne s'est déroulée pendant sept séances de 45 minutes. Les interactions en ligne avaient lieu une fois par semaine et s'inscrivaient dans le cadre pédagogique d'un cours de français. Les tâches ont été conçues par les apprentis-tuteurs français en fonction du contenu thématique du manuel utilisé par les apprenants américains. Lors des interactions, les apprentis-tuteurs français accompagnaient des binômes d’apprenants. La problématique de l’étude tournait autour de trois questionnements qui sont : Les interactions en ligne synchrones dans un dispositif vidéographique sont-elles favorables à générer des séquences de négociation de sens ? Le type de tâche a-t-il un impact sur l'apparition des négociations de sens ? Quel est l'impact de l'environnement vidéographique synchrone sur la structure et la nature discursive des séquences de négociation de sens ? Pour répondre à ces questions, Nicolaev se base sur les méthodologies interactionnistes et analyse le corpus constitué des échanges issus de trois types de tâches. Pour le codage, elle applique le modèle à quatre éléments de Varonis & Gass (1985): Le déclencheur → le signal → la réponse → la réaction à la réponse

- Le signal (S) est l'énoncé utilisé pour exprimer la non-compréhension. - La réponse (R) représente la réparation du problème de communication. - La réaction à la réponse (RR) constitue la réponse à la réparation. - La confirmation (C) constitue une nouvelle réponse à la réaction.

Elle mène ensuite une analyse quantitative (par type d’élément du modèle) ainsi qu’une analyse qualitative sur ses données (texte, vidéos et transcriptions). Ses résultats l’amènent à la conclusion que les interactions synchrones en ligne dans un dispositif vidéographique sont susceptibles de déclencher des négociations de sens similaires à celles qui existent en présentiel. Elle constate que les tâches de type « échange d’information » et échange d’opinion seraient plus favorables à l’apparition de séquences de négociation de sens que les tâches de type « prise de décision ». Nicolaev constate également que les déclencheurs de négociation sont de type lexical et que les problèmes sont signalés de manière explicite. Elle note enfin que la multimodalité aurait un impact positif dans l'expression et l'élucidation d'un problème de compréhension dans la mesure où le non verbal, facilité par la vidéo, peut permettre d’indiquer ou de résoudre un problème.

3.4.9.2 L’étude de Joseph Rézeau

La seconde étude présentée dans cette partie est celle faite par Joseph Rézeau (2004) sur l’apport du forum de discussion dans un cours de langue étrangère en direction d’étudiants spécialistes d’autres disciplines. En effet, dans le cadre d’un cours d’anglais appliqué à l’archéologie, il cherche à voir si le dispositif qu’il met en place suscite des dialogues réflexifs, considérés comme le type d'échanges le plus favorable à l'acquisition de la langue étrangère. Le dispositif est de type « apprentissage mixte » ; trois heures consécutives par semaines avec en parallèle un contenu axé sur des textes à lire et des exercices linguistiques accessibles. Ces textes et exercices sont complémentaires ou similaires à ceux étudiés en classe. Il mène une enquête auprès de 30 participants pour évaluer le dispositif.

En ce qui concerne l’analyse qualitative, Rézeau s’appuie sur une typologie proposée par Lamy et Goodfellow (1998) pour caractériser les échanges qui ont lieu dans la plateforme WebCT qui sert de support à sa formation. Ainsi, il distingue le monologue, le dialogue réflexif et la conversation. Le monologue est défini comme message solitaire, pas interactif, qui ne suggère ni ne requiert de réponse. Le dialogue réflexif s’applique aux interactions impliquant une réflexion sur la langue. Le terme "conversation" quant à lui désigne des échanges de type purement socio-affectif. A partir de ces distinctions, le chercheur identifie dans son corpus des exemples de monologue (le message d’un participant en une langue autre que la langue cible, et qui n’a en plus rien à voir avec l’objet des discussions), la conversation dont les caractéristiques sont mises en avant, des dialogues réflexifs qui se déclinent en autocorrection, hétéro-correction entre pairs et reprises. Il termine son étude par une analyse quantitative des messages afin de déterminer les participants hyperactifs et les observateurs. Des 170 messages postés, Rézeau ne précise pas le pourcentage de

messages impliqués dans les dialogues réflexifs. Puisque l’un des objectifs du projet Melff est d’apporter de la valeur ajoutée au cours de français fonctionnel (sur le plan organisationnel et pédagogique), je vais broder sur cette typologie de Lamy & Goodfellow que Rézeau applique pour analyser les échanges qui ont eu lieu dans la première phase du projet (cf.5.2.2).

3.5 Conclusion

Dans ce chapitre, j’ai présenté, en trois points, le cadre théorique et conceptuel qui sous-tend ce travail de recherche. Dans le premier point, J’ai tout d’abord essayé de définir la notion « complexe » de dispositif afin de pouvoir mieux caractériser celui que j’ai mis en œuvre. Ainsi, j’ai souligné en suivant Blandin (2002) qu’un dispositif est un système formel d’apprentissage fondé sur une relation éducative spécifique. Cette définition permet d’analyser les dispositifs de formation dans la mesure où un dispositif peut combiner plusieurs systèmes d’apprentissage – le dispositif hybride par exemple. Il s’agit du point de vue global d’un dispositif, lié à l’ingénierie de formation. J’ai ensuite relevé qu’un dispositif pouvait se définir à partir d’un point de vue pédagogique, en mettant l’accent sur ensemble de procédures d’enseignement et/ou apprentissage incluant des moyens et supports construits en fonction des acteurs. Je considère ces deux points de vue dans ma conception du terme afin de mieux caractériser mon dispositif tant au niveau de la formation (sa structuration) qu’au niveau pédagogique. Ils ont en commun le fait qu’ils conçoivent le dispositif comme un ensemble de moyens agencés pour atteindre un but.

Il a été aussi abordé à ce niveau du chapitre, la notion de dispositif hybride. J’ai essayé de le caractériser en présentant quelques typologies proposées par la recherche : le référentiel Compétice (Haeuw, 2001), la typologie de formation hybride en formation hybride en langue (Degache et Nissen, 2008), typologie de dispositif hybride – projet Hyp-Sup ( Charleir et al., 2006). Ces typologies soulignent toutes le fait qu’un dispositif hybride articule présentiel et distanciel. Elles sont critiquées par Nissen (2014) qui considère que l’articulation entre les modes distanciel et présentiel va au-delà d’une simple superposition d’un mode au-dessus l’autre. Elle propose une nouvelle modélisation du fonctionnement des formations hybrides en langue qui repose sur cinq éléments définitoires qui sont : la nécessaire articulation entre le présentiel et le distanciel, le caractère variable des formations hybrides, l’interaction en ligne, la présence d’un tutorat et le fait que la formation hybride soit une formation spécifique. Au final, je retiens que le dispositif hybride se caractérise par l’articulation entre les phases de formation en présentiel et des phases de formation à distance, l’intégration des technologies de l’information et de la communication, les acteurs et leurs interactions et l’innovation. L’innovation est présentée dans ce chapitre comme point d’entrée pour l’observation du dispositif hybride. La démarche à adopter pour la piloter propose des éléments qui permettent de décrire le dispositif dans toute sa complexité. Parce que l’innovation est le fait de l’introduction de la technologie dans un dispositif de formation

d’apprentissage pour le français, j’ai traité des centres de ressources en relation avec le dispositif hybride. J’ai ainsi, dans une logique de dégager des caractéristiques qui me permettront de décrire mon dispositif, présenter quelques typologies de centre de ressources en langue, avant de conclure qu’il s’agit d’un espace différent de l’espace classe avec lequel il s’articule dans un projet pédagogique. Aussi, j’ai fait remarquer que les CRL tels qu’ils existent en Occident requièrent beaucoup de financement tant pour la création que pour le financement.

Dans le deuxième point du chapitre, il s’est agi de préciser la notion de communication quasi synchrone dans la communication en ligne. Présentée comme une modalité de la CMO, elle a été définie comme une communication asynchrone avec qui possède certaine qualités de la communication synchrone l’outil qui le caractérise a été appelé forum quasi synchrone. Ceci m’a amené à m’appesantir sur le forum de discussion comme objet d’étude.

Le troisième point du chapitre a traité de l’interaction en ligne et les différentes approches et théories à partir desquelles elle peut être étudiée. Ont été évoquées les théories interactionniste/acquisionniste, socio constructiviste, ainsi que les notions d’activités réflexives, de négociation de sens, etc.. Il se termine par la présentation de quelques études sur l’interaction en ligne du point de vue de l’approche interactionniste acquisionniste. L’étude que je mène ici implique la manipulation entre autres, des données issues d’échanges en ligne. Le chapitre qui suit porte sur la démarche méthodologique adopté tant pour la récolte des données que pour leur analyse. Aussi est-il présenté dans cette partie, le pan ingénierique du projet Melff qui porte sur sa conception et sa caractérisation.