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Etape 4 : Recherche d’emploi

6.3 Première simulation

7.1.1 Analyse de sensibilité

On conduit une analyse locale de sensibilité du comportement macroéconomique du modèle à la durée du cycle de production (dFp).

Paramètres

On fait varier la durée du processus de production (dFp) entre 1 et 24 mois4. Tous

les autres paramètres du scénario de base restent inchangés. Pour chaque valeur du paramètre (dFp), on lance 10 fois la même simulation, en faisant varier la graine du générateur de nombres aléatoires entre 0 et 9. On laisse se dérouler la simulation pen- dant 50 ans (soit 600 itérations) et on enregistre les valeurs des principales variables macroéconomiques observées à la fin janvier 2050.

Le tableau 7.1 présente les paramètres de l’analyse de sensibilité.

Paramètre étudié dFp Intervalle des valeurs étudiées [1; 24] Valeur de référence (scénario de base) 6

Pas 1

Nombre de simulations par valeur 10 Nombre total de simulations 240

Table 7.1 – Analyse de sensibilité du modèle à la variation de la durée du processus de production – Paramètres

Conjectures

A la limite, si on abaissait la durée du cycle de production jusqu’à 0 — la mar- chandise serait alors immédiatement disponible — il est raisonnable de penser qu’on retomberait dans le cas du circuit classique dans lequel le profit est impossible. En revanche, plus on allonge la durée du cycle de production, plus une unité monétaire a de temps pour circuler dans l’économie avant de se retrouver face à la marchandise

4. Cet intervalle encadre la valeur du paramètre dans le scénario de base (dFp =6 mois). De plus, il faut que dFp > 0 pour que l’économie soit une économie monétaire de production, et que dFp ≤ 24 puisque la durée maximale du crédit est fixée à 24 mois.

pour la production de laquelle elle a été créée. Allonger la durée du cycle de produc- tion revient à augmenter la vitesse de circuit revenu–consommation relativement à celle du circuit force de travail–marchandise. On s’attend à ce que cet allongement ait un rôle positif sur le niveau des profits relativement à celui des salaires :

Conjecture 4 La part des profits s’élève avec l’allongement de la durée du processus de production.

Dans le chapitre précédent, on a observé une remarquable stabilité de la répartition des revenus des ménages entre salaires et profits, stabilité qui témoigne, selon nous, de l’existence d’une coordination macroscopique émergente entre le marché des biens et le marché du travail5. On s’attend à ce que cette coordination macroscopique se

manifeste par une corrélation positive entre le niveau des salaires et des prix lorsqu’on fait varier la durée de production :

Conjecture 5 Il existe une corrélation positive entre le niveau des prix et celui des salaires.

Les profits constituent une source de revenu supplémentaire dans le circuit ; ils entrent en concurrence avec les salaires pour l’achat du produit. Si la conjecture 4 est vérifiée, alors on doit observer aussi un renforcement de la demande et donc de l’activité : Conjecture 6 La demande et l’activité se renforcent avec l’allongement de la durée du processus de production.

Si l’on observe effectivement un renforcement de la demande et de l’activité avec l’allongement de la durée du processus de production, alors les entreprises doivent pouvoir rembourser plus facilement leurs crédits. Cependant, si la durée de produc- tion se rapproche de la durée maximale du crédit, il sera de plus en plus difficile aux entreprises d’écouler leur production à temps pour pouvoir rembourser la banque. Si la durée de production est supérieure à la durée maximale du crédit, aucune en- treprise ne peut réussir à rembourser la banque à temps et la clôture du modèle est impossible :

Conjecture 7 L’allongement de la durée du processus de production entraîne une augmentation des difficultés des entreprises à l’approche de la durée maximale du crédit et conduit à une crise systémique pour toutes les durées supérieures.

Variables observées

Le comportement du modèle est étudié à travers l’observation de la sensibilité de 8 variables6 :

– prix (valeur nominale moyenne constatée le dernier mois), – salaires (valeur nominale moyenne constatée le dernier mois), – production (volume total constaté la dernière année),

– chômage (taux moyen constaté la dernière année),

– vitesse de la monnaie (rapport du revenu de la dernière année et de la masse monétaire du dernier mois),

– part des profits (rapport de la somme des profits distribués la dernière année et de le revenu total des ménages la dernière année),

– taux de créances douteuses (rapport de l’encours de créances douteuses et de l’encours total de la banque, le dernier mois),

– faillites (nombre de faillites depuis le début de la simulation).

L’analyse de la sensibilité est complétée par l’analyse graphique des corrélations entre certaines variables dépendantes :

– taux de chômage et taux d’inflation (courbe de Phillips),

– taux de chômage et taux d’emplois vacants (courbe de Beveridge), – vitesse de la monnaie et inflation,

– nombre de faillites et taux de créances douteuses, – niveau des prix et niveau des salaires.

Résultats

Les graphiques de la figure 7.1 (page 197) présentent les signatures individuelles7

du paramètre dFp pour chacune des 8 variables dépendantes étudiées.

6. Lors du développement d’un modèle aussi complexe que le nôtre, l’immensité de la tâche force le modélisateur à parer sans cesse au plus pressé, et à laisser à plus tard le développement de certains points importants. Ainsi, une fois menées nos analyses de sensibilité, nous regrettons de ne pas avoir prêté plus d’attention à la définition des variables observées : certaines sont des variables annuelles, d’autres mensuelles, l’une d’elles (le nombre de faillites) est même définie sur 50 ans. Cela pose des problèmes de cohérence, en particulier pour les mesures de stabilité. Certaines variables sont très redondantes (taux de chômage et volume de la production) tandis que d’autres (taux d’épargne moyen, salaire réel moyen) font cruellement défaut. Malheureusement, développer ces nouveaux indicateurs et relancer les milliers de simulations nécessaires aux analyses de sensibilité était impossible compte tenu de nos contraintes. Nous devons donc prendre notre parti de ces limites, tout en les gardant à l’esprit dans la suite de l’analyse, avec la volonté d’améliorer ces points dans la prochaine version du modèle.

Phases : On peut distinguer cinq phases selon la valeur du paramètre :

dFp = 1 : Aucun résultat n’est disponible. La crise est systémique et les simulations s’interrompent prématurément.

1 < dFp ≤ 4 : L’économie est en crise. Le chômage est élevé (supérieur à 11%), la production est faible. La faiblesse des prix et des salaires nominaux indique une situation déflationniste. La part des profits est inférieure à 30%.

4 < dFp ≤ 10 : L’allongement de la durée du cycle de production entraîne la crois- sance de la part des profits, la hausse des prix et des salaires nominaux, ainsi que la hausse de la production et la baisse du chômage. La situation est fa- vorable aux entreprises, ainsi qu’en témoigne le niveau modéré des créances douteuses et le faible nombre de faillites.

10 < dFp ≤ 17 : L’économie connaît un mouvement contradictoire. La part des profits poursuit sa progression, mais la production ralentit légèrement tandis que le chômage augmente. Les salaires nominaux stagnent, tandis que la croissance des prix est irrégulière. Les mouvements des prix et des salaires paraissent néanmoins fortement liés. Enfin, la hausse des créances douteuses et du nombre de faillites montre que la situation des entreprises devient de plus en plus difficile.

17 < dFp : Aucun résultat n’est disponible. La crise est systémique et les simulations s’interrompent prématurément.

Part des profits : Conformément à la conjecture 4, on observe que la part des profits dans la répartition du revenu s’élève avec l’allongement de la durée du cycle de production (fig. 7.1f) — c’est-à-dire avec l’augmentation de la vitesse du circuit revenu–consommation relativement à la vitesse du circuit force de travail–marchandise. La relation est très nettement linéaire, la variabilité très faible : il semble que l’on soit en présence d’une relation fondamentale du modèle.

Cependant, lorsque la durée du cycle de production est inférieure à 4 mois, cette relation n’est plus vérifiée ; des études plus poussées devront être menées sur ce point.

Vitesse de la monnaie : La relation entre la durée du cycle de production et la vitesse de la monnaie est elle aussi nettement linéaire (fig. 7.1e). On est alors tenté de mettre en relation l’évolution de la vitesse de la monnaie avec celle de la part des profits : si les profits constituent un revenu supplémentaire qui vient s’ajouter aux salaires dans la formation du revenu global, alors l’allongement de la durée du cycle de production doit se traduire par une augmentation du revenu global par rapport

à la masse monétaire, ce que reflète effectivement l’accélération de la vitesse de la monnaie.

Activité : La conjecture 6, selon laquelle l’allongement de la durée du cycle de production alimente la demande et l’activité à travers la hausse des profits, n’est vérifiée que tant que 4 < dFp ≤ 10. Lorsque 10 < dFp, le comportement du modèle devient plus complexe. Bien que la part des profits continue à croître avec la durée du cycle de production, l’activité plafonne et le chômage repart à la hausse (fig. 7.1c et. 7.1d).

Faillites et crise : L’impact de la durée du cycle de production sur les faillites des entreprises (fig. 7.1h) apparaît comme contradictoire :

dFp ≤ 6 : le nombre de faillites croît très rapidement avec la baisse de la durée du cycle de production. Pour dFp = 1, les faillites sont si sont nombreuses que la crise est systémique et les simulations s’interrompent prématurément.

6 < dFp : le mouvement s’inverse, le nombre de faillites augmente avec la hausse de la durée du cycle de production. Cette hausse, nettement linéaire, conduit à une crise systémique pour dFp > 17.

Ces résultats sont l’expression de la contradiction dans laquelle se trouvent placées les entreprises qui composent le système :

– plus la production prend de temps, plus le système s’éloigne du cas limite des modèles classiques de circuit dans lesquels les entreprises ne peuvent réaliser de profits, ni payer les intérêts dus à la banque, plus la situation macroéconomique est favorable aux entreprises prises collectivement ;

– mais simultanément, plus la production prend de temps, moins chacune des entreprises dispose de temps pour parvenir à écouler le produit et rembourser la banque dans le délai requis — la durée maximale du crédit étant fixée à 24 mois.

Le minimum de la courbe des faillites indique la valeur de dFp pour laquelle — tous les autres paramètres étant fixés à leur valeur de référence — les effets de ces logiques contradictoires sur les faillites d’entreprises se compensent exactement. La conjec- ture 7, selon laquelle le système doit connaître la crise lorsque la durée du cycle de production tend vers la durée maximale du crédit semble ainsi confirmée ; cepen- dant on remarque que le système entre en crise bien avant que la durée du cycle de production n’atteigne la durée maximale du crédit et cet écart reste à comprendre.

Corrélations : Les graphiques de la figure 7.1 (page 198) permettent de rechercher d’éventuelles corrélations entre certaines variables dépendantes du modèle lorsque l’on fait varier le paramètre dFp. Le graphique 7.1i (courbe de Phillips) montre l’exis- tence d’une relation inverse entre le chômage et l’inflation. Sur le graphique 7.1j (courbe de Beveridge), la relation inverse entre taux de chômage et taux d’emplois vacants est beaucoup moins nette, ce qui reflète les rigidités du marché du travail8.

La relation entre vitesse de la monnaie et inflation est complexe : alors que l’inflation et la vitesse de la monnaie paraissent corrélées pour les vitesses inférieures à 3.4, ce n’est plus le cas au-dessus de ce seuil (fig. 7.1k). L’absence de corrélation claire entre le nombre de faillites et le niveau des créances douteuses (fig. 7.1l) reflète l’in- fluence contradictoire de l’allongement de la durée du cycle de production pour les entreprises.

En revanche, le graphique 7.1m montre qu’il existe une très forte corrélation entre les salaires et les prix. Cette corrélation vient confirmer l’existence d’une coordination macroscopique émergente entre la formation des salaires sur le marché du travail et la formation des prix sur le marché des biens (conjecture 5). Cependant, cette corrélation n’est pas linéaire, et au fur et à mesure que la durée du cycle de production s’allonge, les salaires s’élèvent à un rythme moins rapide que les prix, traduisant l’affaiblissement du salaire réel. Lorsque les prix dépassent 500, la corrélation est beaucoup moins marquée. Les graphiques 7.1a et 7.1b montrent que ce changement de régime intervient lorsque dFp > 10.