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Partie 2 Analyse

2.1 The Little Coochi Snorcher That Could

2.1.2 Analyse de la traduction sur le plan microtextuel

Du point de vue de la traduction, certains points sont intéressants. Voici les différentes

Le premier élément que nous analyserons est la traduction du mot « nasty ». Il a été traduit par « mal », « sale » ou « affreux ». La traduction de Sztajn présente, à notre avis, un glissement de sens. En effet, ici, le personnage croyait que son « coochi » était « affreux » avant de rencontrer cette femme. Or, « nasty » en anglais qualifie plutôt les actes sexuels « interdits ».

Nous mettons de côté cette traduction et nous concentrerons sur les deux autres.

Dans ces deux versions, « sale » et « mal » sont deux interprétations différentes du mot anglais. À notre avis, dans ce contexte, « nasty » correspond à la définition du dictionnaire en ligne Merriam-Webster : « obscene, indecent ». Il apparaît donc que Barbaste et Deschamps ont opté pour deux interprétations légèrement différentes. Le Petit Robert définit « mal » comme :

« Contraire à une obligation, un principe moral », qui convient ici, car la femme de vingt-quatre ans initie une jeune fille de treize ans (ou seize ans selon les versions) au plaisir sexuel, ce qui, selon les valeurs de l’époque, est considéré comme critiquable sur le plan moral. Le mot « sale », en revanche, est défini comme ce « qui est impur, souillé » par le même dictionnaire. À notre

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avis, ce mot n’exprime pas vraiment la dimension morale, qui pourrait être restituée par un terme comme « indécent ». Or, le problème du registre se pose. En effet, le personnage évoque un souvenir qu’elle a vécu à treize ou seize ans en utilisant le vocabulaire d’une jeune fille, dont ce mot ne fait pas forcément partie. Sur ce point, les traducteurs ont bien rendu le vocabulaire d’une adolescente. En outre, ce mot véhicule également l’idée stéréotypée de l’interdit, des actes transgressifs qu’elle n’est pas censée commettre. Le choix est donc important et influencera l’interprétation.

Ensuite, pour traduire « she does everything to me », les traducteurs ont choisi respectivement « elle me fait toutes ces choses », « elle me fait un tas de trucs » et « elle me fait tout ». Les deux premières solutions donnent une impression relativement négative de ces actes, car les mots « choses » et « trucs » sont tous deux tirés du langage familier. Ainsi, il est non seulement suggéré que l’acte sexuel en question est peu connu, voire tabou, mais également qu’il est dévalorisé. En anglais, « everything » peut être perçu comme neutre et adéquatement rendu par le choix de Sztajn (« elle me fait tout »), qui semble plus pertinent que les autres options, ou même positivement, comme dans l’expression « he/she is everything to me ». Dans notre traduction, nous essaierons de valoriser ces actes.

Enfin, les formulations choisies pour traduire « everything that I always thought » sont discutables : « toutes ces choses que je croyais être », « des trucs que j’avais toujours cru que c’était », « tout ce que j’avais cru ». La deuxième solution semble très orale et peu fluide. En outre, elle donne l’impression que le personnage est peu cultivé, voire qu’il utilise un langage enfantin. Or, ce n’est pas une enfant qui s’exprime, mais une femme qui raconte un souvenir d’adolescente. Chaque épisode est présenté sous forme de journal intime et introduit par un sous-titre (« Memory : December 1965 ; Five Years Old », « Memory : Seven Years Old » (Ensler 2008) et ainsi de suite). Il est probable que le « journal » en question ait été écrit par l’adulte qui décrit ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Le vocabulaire et le registre ne seront donc pas forcément enfantins. Ainsi, les deux autres propositions semblent plus adaptées. Comme nous l’avons souligné, il serait intéressant de modifier la perspective et, au lieu de culpabiliser la femme, de renforcer le rôle que la société a joué dans cette vision, sans pour autant gommer l’aspect « conditionnement par les valeurs morales de la société ».

Nous pourrions également trouver un moyen de traduire « coochi snorcher » par un mot plus féministe. Nommer le vagin est un problème récurrent dans l’œuvre d’Eve Ensler. Elle y consacre d’ailleurs un monologue « The Vulva Club » (Ensler 2008, 85), qui, étrangement, n’a pas été traduit.

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Les traducteurs ont choisi « turlututu », « minou » et « coochi ». D’après nos recherches, cette expression en langue source semble avoir été inventée par la baby-sitter de cette jeune fille lorsqu’elle avait cinq ans pour désigner son vagin. En ce sens, le mot « turlututu » correspond au registre enfantin et comique. Il n’a pas forcément été inventé par les traducteurs, puisqu’ils sont deux à l’avoir utilisé dans la liste des termes pour désigner le vagin dans le premier monologue (Ensler 1999, 29; 2005, 20). Par conséquent, Barbaste est cohérente dans sa démarche, car elle réutilise ce terme ici, contrairement à Deschamps, qui choisit « minou », plus parlant et compréhensible, mais beaucoup moins original. Cependant, hors contexte, « turlututu » ne serait pas forcément compris dans le même sens. Enfin, le choix de Sztajn, qui conserve le mot anglais

« coochi » peut être intéressant, car il donne une couleur locale au texte. Toutefois, ce mot restera incompréhensible pour un lecteur francophone, car s’il ne l’a jamais entendu, il ne sait probablement pas comment le prononcer. La traductrice aurait pu choisir de mettre ce mot en italique ou d’ajouter la prononciation entre crochets afin d’indiquer qu’il s’agissait d’un emprunt de l’anglais.

Passons à présent à la phrase suivante. Voici les trois solutions qu’ont trouvées les traducteurs :

Ensler Barbaste Deschamps Sztajn

[…] Then she tells the

En premier lieu, nous étudierons la traduction de « boys », que l’Oxford Dictionary définit comme : « a male child or youth ». Barbaste et Sztajn ont choisi « garçons » et ont également opté pour la répétition. Étant donné l’âge de la protagoniste et le registre qu’elle utilise dans ce passage, il semble effectivement plus judicieux de parler de « garçon ». En effet, le Petit Robert en ligne définit le « garçon » comme un « enfant de sexe masculin » et par extension un « jeune homme, homme ». Deschamps, quant à lui, a choisi deux options (« mecs » et « homme »). Selon le TLFi, « mec » est un mot populaire et souvent péjoratif désignant un « individu de sexe

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masculin ». « Homme » est probablement trop générique en l’occurrence. En outre, ces mots font paraître la protagoniste plus âgée. Toutefois, l’aspect moderne qu’apporte ce mot peut être un des effets recherchés par Deschamps. Que la femme plus âgée utilise le mot « homme » est moins critiquable, car elle parle probablement des hommes du même âge qu’elle, voire plus âgés.

En second lieu, dans la proposition « make sure [that] I’m not around boys », l’accent est mis sur la fille. Sa mère veut faire en sorte qu’elle ne soit pas avec des garçons. Cependant, Barbaste et Deschamps ont opté pour un changement de perspective en choisissant des locutions impersonnelles qui accentuent l’absence de garçons : « qu’il y a aucun garçon dans les parages » et « qu’il n’y a pas de mecs dans les parages ». Sztajn a fait le choix de rétablir l’ordre de l’anglais ainsi que le sujet utilisé dans l’original et a choisi : « que je traîne pas avec des garçons ». Ici, la traductrice a bien rendu l’idée que la mère demande à la femme de s’assurer que sa fille ne fréquente pas de garçons.

Lorsque la femme répond à la mère, elle dit « there’s no boys around here ». En français, les choix véhiculent un sens légèrement différent. En effet, « il n’y a pas de garçon ici », « il n’y a pas un seul homme à l’horizon » et « il n’y a pas le moindre garçon dans le coin » ne marquent pas la même insistance. En effet, « pas de garçon » relève de la simple négation, tandis que « pas un seul » et « pas le moindre » viennent l’accentuer. Dans la traduction de Deschamps, « Alors là » renforce encore cette idée d’absence des garçons tout en ajoutant une pointe d’ironie.

Nous pouvons également mentionner que les traducteurs n’ont pas rendu l’inversion et l’écho présents en anglais dans cette phrase (« to be around boys », « there’s no boys around here »). Toutefois, il est difficile de trouver un équivalent à ce jeu de mots en français. Nous proposerions éventuellement « que je ne tourne pas autour des garçons » et « ici, aucun garçon ne lui tourne autour ». Ces deux phrases respectent l’écho, mais pas l’inversion.

2.1.3 ANALYSE DES STÉRÉOTYPES SUR LE PLAN MÉSOTEXTUEL