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CHAPITRE 1 LE CONTEXTE SOCIÉTAL PRÉSIDANT L’ÉDUCATION À LA

1.2 L’examen du processus démocratique pour éclairer le cadre d’exercice de la

1.2.1 L’instauration de la démocratie dans les États d’Afrique noire

1.2.1.1 Une amorce du processus de démocratisation: facteurs exogènes et endogènes

indépendances, mais au début des années 1990, un grand nombre d’entre eux a adopté un régime politique démocratique. Un tel renversement de la situation peut être attribué à ce que d’aucuns ont appelé le « vent de l’Est », lequel est associé à l’effondrement des régimes communistes dans les pays d’Europe orientale. Cet effondrement a contribué à l’affaiblissement des régimes autoritaires des États africains. Selon Conac (1993), aussitôt

après sa prise de pouvoir, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, convaincu de la situation désastreuse dans laquelle était plongé son pays, entame des réformes à la fois politiques, économiques et sociales inspirées par la perestroïka (reconstruction) et la glasnost (transparence). À son avis, ces réformes en URSS ont eu un effet boule de neige dans l’ensemble des pays est-européens de l’empire soviétique qui s’effondrent les uns après les autres.

Un tel effondrement a influencé de manière significative la vie politique dans les États africains. D’abord, il a délégitimé les régimes autoritaires africains en les laissant orphelins d’un modèle qui les avait largement inspirés et sur lequel ils prenaient appui pour justifier leur propre dictature. Ensuite, il leur a fait perdre un allié de poids dans la mesure où englués eux-mêmes dans de sérieuses difficultés qui exigeaient d’importantes mesures d’assainissement, les pays d’Europe de l’Est, dont l’Union soviétique en tête, ne pouvaient plus continuer à soutenir les États africains comme ils le faisaient auparavant. Soulignons enfin l’effet de peur ou d’espoir que cet effondrement de l’empire soviétique a eu respectivement chez les dirigeants africains et leurs populations. Pour ce qui est des dirigeants, ainsi que le précise Mba (1991), les images présentant les conditions tragiques qui ont marqué la chute du président Ceausescu en Roumanie, du reste très admiré par ceux-ci, leur ont fait prendre conscience de la possibilité qu’eux aussi pouvaient être appelés un jour à rendre des comptes à leur peuple. Du côté des populations qui suivaient ces évènements en direct sur les médias occidentaux, il y avait un regain de confiance et de courage dans la mesure où, comme le note l’auteur, celles-ci comprenaient que ces révolutions d’Europe de l’Est leur offraient un exemple à suivre si elles voulaient sortir de la situation d’oppression dans laquelle leurs dirigeants les avaient placés. Comme on peut le voir, on peut remarquer que ces évènements ont fait en sorte que la peur change de camps.

L’effondrement des régimes communistes est également à l’origine de profondes mutations observées sur le plan de la coopération entre les puissances occidentales et les pays africains. Ces mutations ont aussi participé de manière significative à la « tentation » de la démocratie dans ces États, si l’on peut dire. Selon Bolle (2001), la chute de l’empire soviétique, qui marque la fin du monde bipolaire et met un terme à la « guerre froide », a

suscité un changement d’attitude des puissances occidentales à l’égard des dirigeants africains. Ne faisant plus face à l’expansion communiste qu’il fallait endiguer à tous les coups, notamment en Afrique et au nom de laquelle elles avaient toujours manifesté une certaine compréhension à l’égard des régimes autoritaires que ces dirigeants incarnaient, les puissances occidentales ont mis en place, la France en tête22, la « conditionnalité

démocratique ». Par-là, l’auteur entend leur choix de renforcer la coopération avec ces régimes en contrepartie des progrès que ceux-ci consentaient à réaliser sur le plan de la promotion des droits humains. Rappelons, comme le font certains auteurs (Whitehead: 2004; Hugon: 1993), que cette position de la France n’était pas isolée puisque plusieurs bailleurs de fonds (fonds monétaire internationale, Banque mondiale, Union européenne) leur ont emboité le pas en introduisant dans les accords de coopération signés avec les États africains des dispositions faisant clairement référence à une telle exigence.

Si le processus de démocratisation des États africains a été grandement influencé par la conjoncture internationale, il résulte également de la dynamique sociopolitique locale. À ce propos, Conac (1993) souligne que, dans les années 1980, ces pays étaient confrontés à une crise économique aiguë qui s’est traduite par une baisse significative des recettes publiques en raison de la mévente des matières premières et de la chute de la parité du dollar américain en tant que monnaie d’échange international. Selon lui, cette situation les avait obligés à solliciter régulièrement l’aide des bailleurs de fonds internationaux qui leur imposent alors des plans d’ajustement structurel. Ces plans proposaient des mesures d’assainissement drastiques sur le plan de la gestion économique en leur demandant par exemple de privatiser des entreprises publiques, de dégraisser les effectifs de la fonction publique et de réaliser des baisses des salaires des fonctionnaires. Il faut dire, ainsi que le rappelle l’auteur, que la mise en œuvre de ces mesures fut à l’origine d’une tension sociale vive qui a fini par se transformer en un mécontentement généralisé des populations dans la mesure où, reconnaissons-le, celles-ci participaient à la détérioration de leurs conditions de vie déjà précaires du fait de la corruption et de la gabegie des élites au pouvoir dans ces

22 C’est justement d’après l’auteur ce discours que le président Mitterrand tient aux chefs d’État africains à

l’occasion du sommet France-Afrique de la Baule tenue le 20 juin 1989 en leur indiquant clairement que s’ils ne consentaient pas à une ouverture démocratique, ils auraient dorénavant de grandes difficultés à obtenir le soutien de la France pour résoudre les difficultés socioéconomiques auxquelles leurs pays étaient

États. Un tel contexte montre combien de fois les dirigeants africains étaient pris en tenaille entre, d’une part, les pressions internationales et, d’autre part, le soulèvement de leurs concitoyens et concitoyennes. C’est pourquoi, précise l’auteur, ils n’eurent d’autres choix, parfois à leur corps défendant, que d’ouvrir leur régime aux exigences du libéralisme, mais en empruntant des voies parfois différentes. Selon Dia (2010), si quelques-uns l’ont fait en créant de simples commissions chargées de réformer les institutions politiques, un grand nombre d’entre eux comme le Gabon ont plutôt convoqué des conférences nationales23

pour y parvenir. Organisées sous le mode de la palabre africaine, celles-ci avaient la responsabilité de concevoir un nouveau cadre politique qui devait servir de socle à un fonctionnement réellement démocratique de ces États, mettant ainsi un terme aux régimes autoritaires qui les avaient dirigés jusque-là.