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Les adaptations

Parler des difficultés, c'est une partie de l'histoire de la planification.

L'autre partie, non moins intéressante, est celle de ses adaptations.

1. Du modèle "linéaire" au modèle "itératif"

Au début des années soixante, le modèle dominant du processus de planification était caractérisé par les éléments suivants :

- une suite de phases du processus qui allait, une fois pour toutes, dans l'ordre : - analyse du problème - élaboration des options - choix politique - mise en oeuvre ;

- une élaboration séquentielle de ces phases. Par exemple : au stade et au moment où les Chambres fédérales ont choisi le plan directeur des autoroutes en 1960, elles ne savaient rien sur les impacts de la construction des différents tronçons dans les régions. Etudier les effets, puis même l'opportunité de quelques tronçons était la tâche de la mise en oeuvre, confiée aux autorités administratives.

Les inconvénients de cette démarche sont évidents. Une décision concrète sans connaissance de ses effets réels risque d'être erronée. La rigidité du modèle linéaire - souvent voulue pour assurer la mise en oeuvre d'un projet - empêche de réexaminer les décisions antérieures du processus de planification.

Depuis, on sait par expenence que la définition d'un problème, la recherche de solutions, leur choix et l'évaluation des impacts sont des actions concomitantes. C'est l'argument de base d'un modèle que Léopold VEUVE appelle "planification itérative". Dans ce processus, on élabore plusieurs fois toutes les phases de la définition du problème jusqu'à l'étude des impacts. Les différents cycles d'étude servent à la participation des acteurs politiques ainsi qu'à la consultation des milieux touchés par le projet. Ainsi, le pré-projet se développe en projet définitif. Il peut subir des métamorphoses profondes ou même être écarté.

2. La signification de la participation et de la consultation

La large participation des acteurs politiques et la consultation des particuliers touchés par le projet jouent un rôle clef dans le modèle itératif. Tout d'abord, elles permettent de connaître les effets et les impacts sur les consommateurs ce dont toute planification se nourrit.

Puis, dans le modèle itératif, la participation peut être effective non seulement au niveau de la mise en oeuvre mais jusqu'au premier niveau de la définition du problème. Un des exemples les plus convaincants est fourni par les CFF. Au début des années septante, les CFF voulaient

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construire une nouvelle ligne à grande vitesse entre Genève et Saint-Gall.

Suite aux consultations auprès des communes et des cantons, les CFF ont totalement abandonné ce projet en faveur d'une amélioration générale du réseau, projet que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de "Rail 2000".

L'aspect le plus important, à mon avis, est le suivant: participation et consultation offrent la chance au processus de planification de devenir un processus d'apprentissage social. Tous les atouts de l'analyse scientifique, tout travail des experts est vain si les acteurs politiques et les particuliers ne l'utilisent pas comme élément de perception, d'évaluation et de décision. Cela exige de la coopération entre planificateurs, politiciens et particuliers, de la confiance et du temps.

Comme tout processus d'apprentissage, la planification itérative peut rater son but. Celui-ci peut ne pas être atteint si les autorités offrent la possibilité de consultation sans vouloir changer leur point de vue. La planification participative est une nouvelle expérience pour tous les acteurs. Une mauvaise expérience peut décourager administration et citoyens. Une fois de plus, il n'y a pas de recette de succès.

E. Perspectives

1. Deux formes de participation : référendum et consultation

Aujourd'hui, l'ouverture de la planification à la participation se fait sous deux formes. Dans les cantons alémaniques, le référendum administratif gagne du terrain. Si la décision sur la construction de nouvelles routes cantonales ou d'une usine hydro-électrique est soumise au vote du peuple, il y a une légitimité des décisions les plus importantes pouvant faciliter la mise en oeuvre d'une planification. Pour stimuler le processus social d'apprentissage, la consultation est l'instrument le plus approprié. De plus en plus, les autorités cantonales et communales s'en servent. Cependant, il y a une différence fondamentale par rapport au référendum. La consultation ne déploie pas d'effets juridiques ; elle ne lie pas les

autorités. L'appréciation des résultats de la consultation est donc un choix d'opportunité politique.

2. Limites de la stratégie de participation

Du point de vue du politologue, il est intéressant de constater que notre culture politique de la démocratie directe s'étend au champ de la planification. Si notre démocratie directe est unique, elle n'est pas parfaite. Son défaut le plus grave réside dans le fait que la participation démocratique représente les besoins et les intérêts de la génération actuelle mais pas ceux des générations à venir. Est-il légitime de planifier le monde de nos enfants ? Si l'on pose la question autrement : est-il légitime de décider à long terme sans évaluer, par l'instrument de la planification, les impacts sur les générations futures ?

3. Combinaison d'éléments centralisés et décentralisés

Le vocabulaire du politicien, du fonctionnaire et du scientifique évite le mot "planification". Cela n'empêche pas l'utilisation de plus en plus fréquente des instruments de la planification et ce, dans de nombreux domaines. Que nous parlions d'aménagement du territoire, d'agriculture, d'économies d'énergie, de transports ou d'environnement, nous nous heurtons toujours au même problème : il faut gérer de manière rationnelle des ressources limitées qui, du fait de leur rareté, sont sans prix sur le marché économique. S'il n'y a pas de marché, il faut le simuler, et si le marché local ou cantonal ne suffit plus, il faut le simuler au niveau national. C'est ce que fait la planification. Pourtant, la théorie et la pratique de la planification ont peut-être sous-estimé deux éléments : les ressources de mobilisation des structures locales et l'utilité de l'instrument du prix dans le domaine public. L'un des défis de la planification, et non des moindres, réside dans la combinaison d'éléments centralisés et décentralisés.

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BIBLIOGRAPHIE

BASSAND M. / BURNIER T. / MEYER P. / STUESSI R. / VEUVE L.

(1986) Politique des routes nationales, Acteurs et mise en oeuvre, Lausanne.

LINDER W. / WERDER H. / HOTZ B. (1979) Planung in der schweizerischen Demokratie, Bern.

LINDER W. (1987) La décision politique en Suisse, Genèse et mise en oeuvre de la législation (traduit de l'allemand par Jean Daniel DELLEY), Lausanne.

SCHARPF F. (1973) Planung im politischen Prozess, Frankfort.

LES INSTRUMENTS DE LA GESTION