II. PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES DES HUILES ESSENTIELLES
2.1 Activité antibactérienne
C’est l’activité la mieux étudiée par les scientifiques, même s’il est difficile de comparer
les résultats publiés du fait de la grande variabilité des HE (chimiotype) et de l’absence de
protocole de normalisation pour l’évaluation in vitro de leur pouvoir bactéricide.
Pour évaluer le pouvoir anti-infectieux d’une HE, on procède à un aromatogramme. Cet
examen a été créé en 1971 par le Docteur Girault en reprennent le principe de l’antibiogramme.
C’est un moyen de mesurer in vitro le pouvoir antibactérien des HE.
a) L’aromatogramme
Principe :
On ensemence une boîte de Pétri avec le germe à étudier provenant d’un prélèvement
biologique effectué sur un patient, dans une cavité ou une muqueuse (crachats, frottis vaginal,
mucus, pus, selles, urines…). Différentes HE sont mises en contact direct ou indirect, puis la
boîte est mise en étuve à 37,5°. Au bout de 24 à 48 heures (selon les souches), on observe les
résultats. Des auréoles claires, circulaires et de diamètre différent apparaissent.
Il existe trois principales techniques :
-
Sur gélose (milieu solide) : C’est la première technique qui a
été exploitée. On mesure en millimètres le halo d’inhibition
produit par des disques de papier filtre imprégné d’HE que l’on
a placé au sein d’une gélose ensemencée en boîte de Pétri.
Toutefois, cette méthode favorise les HE qui diffusent dans la
gélose au détriment des autres HE qui ont également un
pouvoir antiseptique.
- En microatmosphère : C’est une version évoluée de la méthode précédente. Cette fois-ci,
le disque imprégné d’HE est disposée au centre du couvercle de la boîte de Pétri, et non en
contact avec la gélose. La boîte de Pétri est fermée, couvercle en bas et placée dans une
étuve à 37 °C. On mesure par la suite le halo d’inhibition des colonies microbiennes situées
sur l’aire d’évaporation de l’HE. Il est à noter qu’on favorise l’effet des substances les plus
volatiles.
- Sur bouillon (milieu liquide) : Dans cette méthode, il faut solubiliser chaque HE étudiée
en utilisant un agent émulsionnant qui ne doit pas interférer dans les résultats. Pour cela,
l’agent émulsionnant doit répondre à 3 critères :
o Être inerte bactériologiquement,
o N’avoir aucune action synergique antiseptique pour l’HE,
o Être inerte chimiquement (ne pas entrer en interaction avec aucun des constituants
de l’HE à tester).
è Exemple : le tween 20 et 80
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, pour que les résultats d’un
aromatogramme soient exploitables, il faut que la technique employée soit fiable et
reproductible. Cela consiste à pratiquer plusieurs aromatogrammes en même temps et sur le
même germe et à obtenir des résultats identiques. La même technique de laboratoire doit
toujours être utilisée. De même que pour l’antibiogramme, il existe une réserve de principe à la
transposition in vivo de résultats obtenus in vitro.
Illustration 21 : Exemple d'aromatogramme
De plus, pour pouvoir interpréter un aromatogramme, il faut s’assurer de la qualité et de
la constance chimique des HE. Cette notion nous renvoie encore une fois à l’importance de
travailler avec des HE chémotypées. Il faut comparer la qualité « composition » de l’HE que
l’on étudie avec une aromathèque de référence (bibliothèque des HE analysées
biochimiquement et considérées comme d’excellente qualité).
b) Indice aromatique
Pour déterminer le pouvoir antiseptique d’une HE, il faut alors établir son indice
aromatique. C’est en 1977 que Paul Belaiche (professeur en pharmacologie) définit cet indice
et établit une classification du pouvoir antimicrobien des HE.
Cela correspond au rapport entre le diamètre, exprimé en millimètres, du halo
d’inhibition obtenu pour chaque HE et celui d’une HE idéale et fictive donc l’action germicide
serait maximale dans 100% des cas. Cet indice de croix est mesuré après 24 heurs d’incubation
à 37°C. Il permet d’évaluer le pouvoir bactéricide de l’HE pour un germe donné. Pour le
calculer, on attribue un nombre de croix en fonction du diamètre d’inhibition.(25)
Indice des croix : - De 1 à 2 mm : +
- De 2 à 3 mm : ++
- Plus de 3 mm : +++ (activité germicide maximale)
On additionne ensuite le nombre total de croix obtenues pour chaque HE pour obtenir
l’indice de croix. Pour définir l’indice de croix d’une HE idéale et fictive dont l’action
germicide est maxima dans 100 % des cas, il suffira de faire multiplier le nombre d’HE étudié
par le chiffre 3.
Calcul :
Pouvoir antimicrobien = Indice de croix d′une HE idéale,efficace à 100%Indice de croix de l′HE à tester
Le résultat est compris entre 0 et 1 : plus l’indice aromatique se rapproche de 1, plus
l’HE est germicide.
Exemple : (26)
Ainsi pour 36 HE testées, il y aurait dans l’idéal (activité germicide maximale)
36 x 3 = 108 croix. (Indice de croix d’une HE idéale)
Exemple :
Origan d’Espagne (Thymus capitatus)
- 29 +++ soit 29x3 = 87 +
- 2 ++ soit 2x2 = 4 +
- 5 résistants
Total pour les 36 HE testées : 87 + 4 = 91
L’indice aromatique est donc 91/108 = 0,84
En faisant cet indice sur de nombreuses souches, la moyenne des
indices pour l’Origan d’Espagne est 0,87.
À partir de ce résultat, on en détermine trois groupes :
c) Classification des huiles essentielles
Les HE agissent en altérant la structure et la fonctionnalité de la membrane plasmatique des
bactéries. Les germes les plus sensibles par ordre décroissant sont les champignons et les
levures, puis les bactéries Gram + et enfin les bactéries Gram – (présence d’une membrane
externe). {Voir annexe 1 : liste des agents pathogènes}.
• Groupe 1 : Germicides majeurs (en Rouge dans le tableau suivant)
Indice aromatique entre 0,45 et 1
Action antiseptique forte et constante (peu dépendante du terrain). Ces HE agissent sur
les bactéries Gram + et -, ainsi que sur les champignons (Candida albicans). Elles possèdent
plutôt une action bactéricide que bactériostatique.
Cela concerne :
o Les aldéhydes aromatiques : cinnamaldéhyde (ex. : cannelle), cuminaldéhyde
o Les phénols monoterpéniques et aromatiques : carvacrol (ex : origan, sariette,
thym), thymol (ex : thym), eugénol (ex : girofle) : ce sont des bactéricides à
spectre large puisque 90% des bactéries pathogènes y sont sensibles. (27)
Précautions : Ces molécules étant dermocaustiques et hépatotoxiques, il est donc
important de respecter les précautions d’emploi. Elles doivent être utilisées uniquement chez
l’adulte et sous avis médical ou conseil officinal. Il est indispensable de les associer avec un
hépatoprotecteur (à hauteur de 15 à 25%), type citron, aneth, menthe ou romarin à verbénone
lors d’une utilisation par voie orale.
• Groupe 2 : Germicides médiums (en vertdans le tableau suivant)
Indice aromatique compris entre 0,1 et 0,45
Ce groupe comporte des HE actives sur de nombreux germes et présentent l’avantage
d’être plus facile d’emploi que les HE du groupe 1. Pour autant, le spectre d’action est plus
faible et le pouvoir antiseptique est inconstant et dépend du germe pathogène auquel il est
confronté.
Cela concerne :
o Les alcools monoterpéniques : géraniol (ex : géranium), linalol (ex : géranium,
lavande, myrte, petit grain bigarade), citronnellol (ex : eucalyptus, géranium),
thujanol (ex : marjolaine), alpha-terpinéol (ex : eucalyptus, cajeput, lavande, myrte,
niaouli, petit grain bigarade, pin sylvestre), menthol (ex : menthe),
terpinène-1-ène-4-ol (le plus actif ; ex : tea-tree, eucalyptus, lavande) ...
o Les aldéhydes monoterpéniques : citrals (géranial et néral) (ex : géranium),
citronellal (ex : eucalyptus), cuminal
• Groupe 3 : HE « aléatoires » dites de terrain (en noir dans le tableau suivant)
Elles ne présentent pas de réponse antiseptique constante et agissent en fonction du
terrain. Ce sont de bons antiseptiques atmosphériques en limitant la prolifération des germes
pathogènes aéroportés.
Cela concerne :
o Les carbures monoteréniques : limonène (ex. : citron, lavande aspic), alpha-pinène
(ex. : cyprès, genévrier, santal, gingembre), terpinène (ex. : citron) …
o Les époxydes monoterpéniques : 1-8 cinéole (ex. : hysope, laurier noble, lavande
aspic, verveine, romarin) ; oxyde de linalol
Huile essentielle Indice aromatique moyen Huile essentielle Indice aromatique moyen
ASPIC 0.089 HYSOPE 0.014
BASILIC 0.012 LAURIER 0.028
BERGAMOTE 0.025 LAVANDE 0.296
CAJEPUT 0.333 LEMON GRASS 0.021
CAMOMILLE 0.002 MENTHE 0.073
CANNELLE 0.687 MYRTE 0.250
CÈDRE 0.030 NIAOULI 0.100
CHÉNOPODE 0.025 NOIX DE MUSCADE 0.030
CITRON 0.085 ORIGAN D'ESPAGNE 0.873
CITRONELLE 0.036 PETIT GRAIN 0.171
CORIANDRE 0.049 PIN 0.317
CUMIN 0.014 ROMARIN 0.075
CYPRÈS 0.033 SANTAL 0.017
ESTRAGON 0.140 SARRIETTE 0.457
EUCALYPTUS 0.312 SASSAFRAS 0.002
FENOUIL 0.040 SAUGE 0.036
GENIÈVRE 0.015 SERPOLET 0.126
GÉRANIUM 0.187 TÉRÉBENTHINE 0.035
GINGEMBRE 0.014 THYM 0.711
GIROFLE 0.517 VERVEINE 0.018
L’indice aromatique est une aide dans la pratique courante. Il permet de savoir d’un
simple coup d’œil quelle HE est la plus active sur tel ou tel germe pathogène. Pour autant, dans
le cas de syndromes plus graves il reste nécessaire de procéder à un aromatogramme car
certaines HE ont une efficacité qui diffère en fonction du terrain (groupes 2 et 3).
Dans le document
CONSEILS ET UTILISATIONS DES HUILES ESSENTIELLES LES PLUS COURANTES EN OFFICINE
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