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Accès à la formation aux nouveaux outils et aux nouvelles pratiques numériques

5.4 L ES ENJEUX ORGANISATIONNELS

5.4.2 Accès à la formation aux nouveaux outils et aux nouvelles pratiques numériques

canaux de transfert de connaissance et en faire bénéficier l’ensemble du secteur agricole. Les entités rencontrées sont unanimes : le virage numérique s’effectuera de manière d’autant plus rapide et harmonieuse que les données seront mises en commun, analysées au bénéfice de tous (en accord avec les besoins formulés sur le terrain : rentabilité et aide à la décision), et les résultats des études diffusés en sensibilisant les agriculteurs. Cet état des lieux met tout naturellement en évidence un autre enjeu important : la formation et l’expertise offertes par le secteur public.

Les acteurs que nous avons rencontrés au cours de nos entretiens expriment une problématique triple au niveau de la formation sur le numérique. D’abord, il existerait selon eux encore peu d’offres pour la formation initiale de la relève et pour la formation continue concernant les nouvelles technologies et l’agriculture de précision. Ensuite, selon eux, les moyens et le soutien à la formation manquent, ce qui laisse peu de liberté et d’opportunité aux producteurs désirant le faire de prendre le temps pour se former. Enfin et toujours selon les personnes que nous avons interrogées, il existerait au Québec un décalage assez important entre les formations accessibles et les compétences aujourd’hui nécessaire à la relève agricole.

Ceci étant dit, les acteurs rencontrés sont conscients que le virage numérique est un défi de taille pour les institutions de formation et d’enseignement, car il nécessite de nouvelles compétences dans des champs qui ne sont pas traditionnels. La structure organisationnelle et financière de ces institutions crée certaines rigidités qui peuvent ralentir l’absorption d’un tel changement.

Notre étude a tenté d’évaluer si ces perceptions étaient véritablement présentes dans la réalité.

Au niveau collégial, le diplôme d’étude collégiale (DEC) en gestion et technologies d’entreprise agricole est offert dans 9 établissements. Il existe aussi des diplômes professionnels, ainsi que des formations en ligne. Malgré cette offre et une progression du niveau de formation chez les jeunes agriculteurs, 20 % des jeunes agriculteurs établis ne possèdent pas de formation liée à l’agriculture (Fédération de la relève agricole du Québec, FRAQ). Et si la FRAQ souligne l’importance d’assurer une formation en agriculture cohérente sur tout le territoire québécois, aucune mention spécifique n’est faite au sujet des formations aux nouvelles technologies numériques. En date de cette étude, les instituts de technologie agroalimentaire (ITA) proposent quelques cours sur l’agriculture de précision et les nouvelles technologies. Des robots de traite ont commencé à être installés à l’ITA de Saint-Hyacinthe à l’automne 2019. La formation professionnelle et technique n’irait peut-être pas aussi loin et aussi vite que le voudraient certains acteurs interrogés, mais il semblerait, après vérification, que les formations techniques suivraient somme toute assez bien la vague numérique qui a commencé à déferler sur les champs. Dans tous les cas, les acteurs concernés sont sensibilisés aux défis du numérique en agriculture et mettent en place des formations permettant aux futurs producteurs de pouvoir naviguer sur cette vague.

Au niveau universitaire, trois établissements offrent des programmes à tous les niveaux (baccalauréat, maîtrise, DESS, doctorat et formation continue) : l’Université Laval, l’Université McGill et l’école vétérinaire de l’Université de Montréal. À l’Université Laval, bien qu’il n’existe que peu de cours dans les programmes de baccalauréat en agronomie entièrement dédiés au numérique, plusieurs cours intègrent des notions et sensibilisent les étudiants. Une nouvelle ressource professorale dans le domaine de l’informatique et des données massives a d’ailleurs été embauchée à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation au cours de cette étude. L’Université McGill possède une équipe de recherche dirigée par le professeur Viacheslav Adamchuk. Le PASS (Precision Agriculture & Sensor Systems Research Team) travaille sur de développement de diverses technologies numériques appliquées au secteur agricole et a développé le logiciel NumericAg, un système de décision développé pour aider les producteurs et les conseillers à utiliser efficacement le numérique. Ce système demeure cependant un exercice académique et n’est pas conçu pour des utilisations commerciales. Pour ce qui est de ressources analysant la rentabilité économique des technologies numériques, notre étude souligne une importante lacune au niveau provincial.

Les professeurs-chercheurs ayant des expertises dans le numérique sont toujours cependant peu nombreux et pour cause, nos entretiens ont révélé que les compétences de ces chercheurs proviennent de domaines très différents de l’agronomie. Ces compétences sont d’une part très prisées et donc très en demande sur le marché du travail, mais aussi, ces ressources professorales s’ajoutent à celles déjà en place dans un contexte où le nombre de professeurs n’augmente pas nécessairement.

Tout comme dans le cas de la formation professionnelle et technique, les acteurs concernés sont sensibilisés aux défis du numérique et de plus en plus de cours intègrent des notions permettant une meilleure compréhension des outils et des données. Cependant, selon l’avis de certaines personnes rencontrées, les formations universitaires n’iraient pas encore assez loin et ne changeraient pas encore assez vite. Toutefois, l’adoption de l’approche-programme, qui permet une meilleure cohérence de la formation et met l’emphase sur le développement de compétences transversales, pourrait permettre d’offrir une formation intégrant davantage le numérique en agriculture.

Nous avons demandé aux producteurs s’ils croyaient être suffisamment formés et informés pour bien utiliser les technologies présentes sur leur ferme. Les figures suivantes présentent les résultats obtenus.

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Figure 28: Perceptions des producteurs sur leur niveau de formation et d’information pour bien utiliser les technologies présentes sur leur ferme

Croyez-vous que vous êtes suffisamment formé et informé pour bien utiliser les technologies présentes sur votre ferme ?

Globalement, on constate qu’un peu plus de la moitié des répondants, toutes productions confondues, se considère comme suffisamment formés et informés pour bien utiliser les technologies présentes sur leur ferme. Des différences sont toutefois à relever en fonction de certaines données socioéconomiques :

- Différences en fonction de la région : chez les producteurs de grains et les producteurs laitiers, il semble que les producteurs en régions urbaines se considèrent comme beaucoup plus informés pour bien utiliser les technologies présentes sur leur ferme (pour les producteurs de grains 75 % contre 44 des répondants en régions centrales et 33 % en régions éloignées ; pour les producteurs laitiers, 88 % contre 69 des répondants en régions centrales et 71 % en régions éloignées). L’inverse est constaté chez les producteurs en serre (60 % des répondants des régions éloignées se considèrent suffisamment informés contre 50 % en régions urbaines et 65 % en régions centrales).

- Différences en fonction de l’âge : Pour les producteurs de grains et les producteurs laitiers, il semble que les plus jeunes soient plus nombreux à se considérer suffisamment informés.

- Différences en fonction de la présence de relève ou non : Les producteurs en serre qui ont une relève sont plus nombreux à se considérer suffisamment informés (68 % contre 40 % de ceux qui n’ont pas de relève). Il s’agit de la situation inverse chez les producteurs laitiers (69 % contre 83 % de ceux qui n’ont pas de relève).

- Différences en fonction du type de production : Les producteurs en serre qui produisent du biologique sont moins nombreux à se considérer suffisamment informés (43 % contre 71 % de ceux qui n’ont pas de relève). Il s’agit d’un élément à explorer puisque rappelons-le, les producteurs en serre produisant du bio étaient les plus nombreux à avoir recours aux technologies numériques.