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Chapitre II Techniques Expérimentales

II.3. Microscopie électronique en transmission

II.3.5. Aberrations et correcteur d’aberrations

Les différentes aberrations [Reimer 99] introduites par les lentilles électromagnétiques peuvent être compensées par le correcteur. Ces aberrations sont, tout comme dans les lentilles de verre en optique, de deux types : les aberrations géométriques et de l’aberration chromatique.

L’aberration chromatique provient du fait que le faisceau n’est pas parfaitement monochromatique (dispersion en énergie de la source) et que les électrons de différentes énergies ne sont pas déviés de la même manière par les lentilles. Il en résulte une variation de la distance focale en fonction de la longueur d’onde des électrons.

Les aberrations géométriques proviennent de différents phénomènes : • La défocalisation (C1)

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• L’aberration de sphéricité du troisième ordre (le célèbre Cs ou C3) • L’astigmatisme de premier ou deuxième ordre (A1 et A2)

• La courbure de champ • La coma (B2)

• Les distorsions (ou aberration de champ)

L’aberration de sphéricité

C'est une aberration d'ouverture qui peut être expliquée simplement en considérant le fait qu'une lentille électromagnétique est plus forte en ses bords qu’en son centre. Ainsi la déviation du faisceau est plus importante pour les rayons marginaux que pour les rayons paraxiaux. Les premiers convergent en un point F'm appelé foyer marginal et les seconds en un point F'p appelé foyer paraxial (Figure II.10). La longueur F'mF'p s'appelle l'aberration sphérique longitudinale. Tous les rayons situés à une distance h de l'axe optique de la lentille vont converger en un même point F'h situé entre F'm et F'p. Il y a accumulation de lumière sur une surface de révolution composée de deux caustiques : la caustique axiale F'mF'p et la caustique tangentielle ou sagittale en forme de flèche.

Figure II.10 : Aberration sphérique. Selon la distance à l’axe, tous les rayons ne convergent pas de la même

manière. Les faisceaux marginaux sont plus déviés. La lumière d’un faisceau parallèle est concentrée sur les caustiques [Surrel 99].

L’astigmatisme

L'astigmatisme est une aberration de champ. Le plan perpendiculaire au plan tangentiel qui contient le rayon principal s'appelle le plan sagittal (Figure II.11). Le phénomène d'astigmatisme provient du fait que les rayons contenus dans le plan tangentiel ne convergent pas à la même distance du système optique que les rayons contenus dans le plan

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sagittal. Au niveau du plan image sagittale, l'image du point B apparaît comme une ellipse très fortement aplatie dans l’axe du plan tangentiel. Réciproquement, dans le plan image tangentielle, l'image du point B est une ellipse de grand axe contenu dans le plan sagittal. La distance entre ces deux images s'appelle la distance d'astigmatisme. Au niveau d'un plan situé à peu près à mi-distance entre les images tangentielle et sagittale, l'image B' est un cercle appelé cercle de moindre diffusion ; c'est la meilleure image que l'on puisse obtenir sans correction.

Figure II.11 : Astigmatisme. L’image d’un point est une ellipse possédant un grand axe tangentiel ou sagittal

suivant le plan image considéré [Surrel 99].

Les axes principaux de l’ellipse formée ont une longueur proportionnelle à la distance à l’axe de B au carré et au demi-angle d’ouverture du rayon. Nous verrons qu’il est possible à l’aide de quadripôles d’éliminer l’astigmatisme de premier ordre (A1) pour des lentilles électromagnétiques rondes.

La courbure de champ

La courbure de champ provient du fait que l'image d'un objet plan de grande dimension se forme sur une surface paraboloïdale et non sur un plan. Tout comme pour l’astigmatisme l'écart varie comme la dimension de l'objet au carré.

La coma

La coma est une aberration difficile à décrire géométriquement. Elle est également difficile à distinguer de l’astigmatisme car elle induit également un étalement de l’image. La différence est que cet étalement n’est pas uniforme dans l’image mais dépend de la position. Cette aberration transforme un point en une image qui ressemble à une comète, d’où son nom. Selon la distance à l’axe optique et son angle d’incidence, un faisceau n’est pas focalisé

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exactement au même point. Ainsi, comme le décrit la Figure II.12, les faisceaux concentriques forment un cercle dans le plan image. Plus les faisceaux concentriques sont en bord de lentille, plus leur image est décalée par rapport à l’image du faisceau paraxial. De ce fait, l’image d’un point est la superposition de ces différents cercles.

Figure II.12 : Illustration de la coma. Les rayons provenant du point B traversent la lentilles selon des cercles

concentriques (ici C1 et C2) et sont projetés dans le plan image selon des cercles non-concentiques (C1’ et C2’).

[Hawkes 89]

Ainsi un cône de faisceau passant par un point à une distance r et un angle θ de l’axe est imagé en cercles de rayons proportionnels à θ2 et r. Les centres des cercles ne coïncident

pas avec le point image selon Gauss mais sont décalés dans la direction radiale d’une distance double au rayon du cercle. Dans le cas de lentilles électromagnétiques rondes, la queue de la coma n’est pas orientée toujours dans la même direction du fait du champ magnétique des bobines.

Les distorsions

Les distorsions n’affectent pas l’image ponctuelle mais l’image dans son ensemble. Les distorsions sont en réalité un effet de grandissement : Δr’=Dr3. Ainsi, pour une même

image, l’image paraitra bombée (D<0) ou alors creusée (D>0). Ces effets sont appelés respectivement distorsion isotrope en barillet et distorsion isotrope en coussinet (Figure II.13).

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Figure II.13 : Les distorsions affectent l’image dans son ensemble. Elles peuvent provenir des lentilles du

microscope mais également de la caméra CCD utilisée.

Il existe également, pour les lentilles électromagnétiques, des distorsions anisotropes qui ne dépendent pas uniquement de la distance à l’axe optique mais de l’angle. La Figure II.13 montre que pour ce type de distorsions il apparaît une déformation en rotation des coins de l’image (Δ

φ

=dr²). d est le coefficient de distorsion anisotrope, il disparait en l’absence de

champ magnétique.

Les distorsions proviennent des éléments qui grossissent l’image, c'est-à-dire des lentilles projecteurs [Hüe 05] mais également de la caméra. En effet l’agencement des fibres optiques dans la caméra entraine bien souvent une distorsion non négligeable (de l’ordre du pourcent). Les distorsions dues à la caméra peuvent avoir un tout autre aspect et n’affecter que certaines zones de l’image.

Expression général des aberrations

En réunissant les cinq types d’aberrations géométriques pouvant être rencontrés, nous pouvons exprimer dans l’espace réciproque le déphasage par rapport au front d’onde initial. Soit )Ψo(g la transformée de Fourier de l’onde dans le plan objet et Ψi(g) la transformée de

l’image dans le plan image et TM la fonction de transfert du microscope introduisant le retard de phase dans l’onde initiale :

)] ( exp[ ). ( ) ( ) (g o g TM o g i g i =Ψ =Ψ −γ Ψ (II.1)

Si nous considèrons le vecteur g comme étant, par la construction d’Ewald, relié à l’angle complexe de diffraction ω par la relation ω θ iϕ

e

= (avec θ l’angle de diffraction et ϕ l’angle dans le plan de diffraction) [Hawkes 89], la phase géométrique γ(g) introduite par le microscope peut s’écrire :

) ( 2 ) ( χ ω λ π γ g = (II.2)

Avec χ(ω) qui s’écrit en fonction des différents facteurs : C1 la défocalisation, A1 l’astigmatisme de symétrie 2, B2 la coma, A2 l’astigmatisme de symétrie 3, C3 l’aberration sphérique, S3 la star aberration (aberration en forme d’étoile introduite par les quadripôles qui est rectifiée par des octopôles associés), A3, B4, D4, A4, C5, A5 les ordres supérieures [Uhlemann 97].

Chapitre II: Techniques expérimentales 3 4 * 3 * 3 3 2 * 2 3 * 2 * 2 1 2 * 1 * 4 1 ) ( 4 1 3 1 2 1 2 1 ) (ω ωω C ω A ω ω B ω A ωω C ω ω S ω A χ ⎩ ⎨ ⎧ + + + + + + ℜ = ⎭ ⎬ ⎫ + + + + + *6 5K 5 3 * 4 5 * 4 * 4 4 2 * 3 6 1 ) ( 6 1 5 1 A C A D B ω ω ω ωω ω ω ω (II.3)

Les termes de premiers ordres sont bien entendus les plus importants. Ainsi ressortent la défocalisation, l’astigmatisme de premier deuxième ordre, l’aberration sphérique et la star aberration.

Le correcteur d’aberration

Ce sont ces différentes aberrations existantes que le correcteur d’aberration (système développé par la compagnie CEOS) permet de minimiser et parfois d’éliminer complètement. Ce correcteur est installé sur la colonne entre la lentille objectif et la lentille de diffraction et est composé d’une succession de différents multipôles.

Historiquement [Houdellier 06], le correcteur d’aberration était une idée de Scherzer qui déjà en 1947 espérait introduire un Cs négatif pour contrebalancer le Cs positif des lentilles rondes. Puis vinrent dans les années 80 les propositions de Crew[Crewe 80], d’abord à un hexapôle puis à deux hexapôles et une lentille de transfert [Beck 79] [Crewe 82]. Mais Rose [Rose 90] démontra en 1990 que ces solutions ne pouvaient en aucun cas être appliquées comme correcteur d’image à cause de l’introduction d’une forte coma d’ordre 2 : B2.

Rose décrivit ainsi un correcteur composé de deux hexapôles symétriques avec deux jeux de lentilles de transferts, le grandissement de l’ensemble du système étant unitaire.

Les aberrations sphériques sont corrigées par les hexapôles HP1 et HP2 qui introduisent un Cs négatif pour compenser le Cs positif du microscope. Chacun des hexapôles introduit un astigmatisme du second ordre A2. Cet astigmatisme est supprimé en excitant de manière opposée les bobines de HP1 et HP2 (l’astigmatisme est proportionnel au courant traversant les lentilles alors que l’aberration sphérique varie en fonction du carré du courant). Cette suppression de l’astigmatisme du second ordre est rendue possible grâce au doublet de lentille TL21-TL22. Il permet de projeter dans le plan HP2 l’image du plan HP1 avec un grandissement unitaire sans inversion d’image.

Le doublet de lentille TL11-TL12 à l’entrée du correcteur permet d’aller chercher le plan de coma free à la sortie de la lentille objectif et de le projeter dans le plan HP1. Cela permet ainsi de minimiser la coma anisotrope B2. De plus, les lentilles TL11 et TL12 ont également des courants opposés pour ne pas introduire à leur tour de la coma (lentille de Stabenow).

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Figure II.14 : Correcteur de Cs et ses différents composants (lentilles de transferts, quadripôles, dipôles et

hexapôles [Houdellier 06].

Les quadripôles (QPOL) sont une pièce essentielle pour la correction de l’astigmatisme du deuxième ordre (A2). Comme on peut le voir sur la Figure II.15, ils possèdent deux plans de symétrie (xz et xy) et peuvent introduire un astigmatisme qui permet d’ajuster l’astigmatisme de l’ensemble de l’image. Ils sont utilisés par paire et la coïncidence des focales permet de régler finement l’astigmatisme.

Figure II.15 : Les quadripôles sont des pièces polaires qui introduisent un astigmatisme. Utilisés par paire, ils

permettent d’avoir un bon contrôle de l’astigmatisme d’ordre 2. [Hawkes 89]

Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, les quadripôles sont également source d’aberrations du troisième ordre (ellipse, star, rosette). Celles-ci sont rectifiées par des octopôles [Houdellier 05] [Rose 90] qui leur sont associés.

En définitive, le correcteur introduit un Cs négatif et l’ensemble du système optique a une aberration sphérique tendant vers zéro.