La plupart du temps, le législateur prévoit que les autorités de l’Etat disposent d’un pouvoir
d’approbation des décisions prises par les personnes dirigeantes. L’exercice de ce pouvoir est
amé-nagé d’une manière plus ou moins contraignante. Parfois l’approbation doit être explicite : la décision
1095 HAURIOU (M.), note sous CE, 10 nov. 1916, Passion et Porte c. Chambre des notaires de l’arrondissement d'Issoire, S. 1918-1919 III p. 17.
1096 Cf. CHAUVET (C.), Le pouvoir hiérarchique, thèse droit, Paris II, 2011, Paris, LGDJ, 2013, pp. 96 et 130 ; RE-GOURD (S.), L’acte de tutelle en droit administratif français, thèse droit, Toulouse I, 1978, Paris, LGDJ, 1982, p. 39.
1097 Sur ce point, voir CHAUVET, Le pouvoir…, op. cit., pp. 97-98 ; REGOURD, L’acte…, op. cit., pp. 186-189.
1098 ODENT, « Le contrôle… », art. cit., p. 111.
1099 MASPETIOL (R.), « La notion de service d’intérêt public et la théorie juridique des institutions corporatives », DS 1944 p. 169.
1100 EISENMANN, Centralisation…, op. cit., p. 73. Voir aussi CHAUVET, Le pouvoir…, op. cit., p. 132 : « ce qui est recherché par l’acte hiérarchique est d’imposer la volonté d’un organe à la volonté d’un autre organe ».
1101 Cf. BEZIN (G. de), Des autorisations et approbations en matière de tutelle administrative, thèse droit, Toulouse, 1906, Toulouse, Fournier, 1906, pp. 22-26 ; REGOURD, L’acte…, op. cit., pp. 125-227.
1102 C’est parce que l’activité de l’Ordre de médecins institué par la loi du 7 octobre 1940 échappe à l’exercice de telles prérogatives que Marcel Martin dit de ses organes qu’ils sont « entièrement situés en dehors de la hiérarchie administra-tive » (note sous CE Ass., 2 avr. 1943, Bouguen, art. cit., p. 243). Approuvant ce point de vue : CELIER, note sous CE Ass., 2 avr. 1943, Bouguen et Musin [2 esp.], art. cit.
n’est alors exécutoire qu’à partir du moment où elle a été expressément approuvée
1103. Parfois
l’ap-probation peut n’être que tacite : la décision est immédiatement exécutoire si elle est explicitement
approuvée par l’autorité de contrôle, mais elle peut aussi l’être simplement par son silence gardé.
Deux cas sont alors possibles : la plupart du temps, la décision est exécutoire si, dans un délai
déter-miné, elle n’a pas rencontré d’opposition de la part de l’autorité de contrôle
1104; parfois elle peut être
exécutoire dès son édiction, mais ne devenir définitive que si, dans un délai déterminé, l’autorité de
contrôle n’a pas opposé son veto
1105. Dans tous les cas, la personne garde l’initiative de l’acte : c’est
toujours elle qui intervient en premier lieu, et elle a toujours la possibilité de ne pas prendre la décision
en définitive, c’est-à-dire de la retirer même si elle a été approuvée
1106.
Parfois, même si c’est rare, les textes prévoient que les autorités de l’Etat détiennent un
pou-voir d’homologation des règlements qu’édictent les personnes dirigeantes
1107. L’autonomie laissée à
l’organisme est alors extrêmement large, puisque l’homologation ne constitue qu’une «
reconnais-sance par l’autorité publique de l’objet qui lui est soumis »
1108. Il s’agit pour cette autorité de constater
simplement l’existence de la décision ainsi que « sa non-illégalité manifeste »
1109. L’acte
d’homolo-gation est « perfecteur » de l’acte homologué : le second peut sans homolod’homolo-gation produire des effets
de droit ; le premier lui donne une force obligatoire
1110. L’initiative décisionnelle de l’auteur de l’acte
homologué est donc préservée dans la mesure où l’acte objet de l’homologation existe et produit des
effets de droit avant d’être homologué. Surtout, l’auteur de l’acte peut librement le modifier après
l’homologation, même si, pour continuer à se prévaloir de l’aval de l’autorité de contrôle, il devra
obtenir une nouvelle homologation de sa décision
1111.
A l’égard de certaines personnes dirigeantes, les autorités de l’Etat disposent, en vertu des
textes, d’un pouvoir d’annulation des décisions prises, s’accompagnant du pouvoir d’en suspendre
l’exécution
1112. Ces deux pouvoirs préservent l’autonomie fonctionnelle de ces personnes dans la
1103 Voir par ex. : l’Ordre des experts comptables et des comptables agréés (art. 49 (al. 2) et 50 (al. 6) de la loi du 3 avr. 1942 instituant cet Ordre et réglementant les titres et les professions d’expert comptable et de comptable agréé).
1104 Voir par ex. : le Comité professionnel de l’art musical et de l’enseignement libre de la musique (art. 11 de la loi du 14 oct. 1943 relative à la constitution de ce Comité).
1105 Voir par ex. : le Comité national interprofessionnel des chevaux et mulets (art. 3 (al. 2 à 5) de la loi du 12 avr. 1941
relative à la production, au commerce, à l’utilisation des chevaux et mulets).
1106 Cf. REGOURD, L’acte…, op. cit., p. 202.
1107 Voir par ex. : le Comité central des groupements interprofessionnels forestiers (art. 4 (7°) de la loi du 13 août 1940
relative à l’organisation de la production forestière).
1108 FARDET (C.), « La notion d’homologation », Droits, 1998, n°28, p. 183.
1109 Ibid.
1110 Cf. ibid., pp. 191-192.
1111 Cf. ibid., p. 184.
1112 Voir par ex. : la Corporation de la marine de commerce (art. 17 (al. 1er) de la loi du 27 mars 1942 portant organisation
mesure où ils s’appliquent à des actes déjà inscrits dans l’ordonnancement juridique : ces décisions
sont donc édictées sans la moindre contribution de l’autorité de contrôle
1113. Les autorités de l’Etat
disposent aussi parfois, selon les textes, d’un pouvoir d’autorisation de certaines de leurs
déci-sions
1114. L’exercice de ce pouvoir ne porte pas atteinte à l’initiative décisionnelle de ces personnes
dans la mesure où l’autorisation est toujours subordonnée à leur demande préalable et qu’elles
peu-vent en définitive renoncer au bénéfice de l’autorisation
1115.
Enfin, le législateur prévoit généralement que les autorités de l’Etat disposent d’un pouvoir
de substitution d’action
1116. Cette prérogative leur permet de prendre des décisions à la place des
personnes dirigeantes en cas de carence de leur part
1117. Ces mesures de substitution sont considérées
comme prises au nom de ces personnes : elles engagent leur responsabilité propre. En exerçant ce
pouvoir, l’autorité de contrôle a donc le dernier mot : c’est pourquoi certains auteurs considèrent que
la substitution d’action relève du pouvoir hiérarchique
1118. Cette prérogative préserve pourtant
l’ini-tiative décisionnelle des personnes contrôlées dans la mesure où elles conservent le premier mot : ce
sont elles qui choisissent de ne pas agir. C’est d’ailleurs pourquoi l’exercice de ce pouvoir est «
su-bordonné à une mise en demeure restée infructueuse »
1119. Le juge administratif annule les mesures
de substitution lorsque le refus d’agir n’est pas établi ou lorsque l’organisme auquel l’autorité de
contrôle substitue son action n’a pas été mis en demeure d’agir
1120.
Les différents procédés précédemment évoqués ont en commun de permettre aux autorités de
l’Etat de « remédier par elle[s]-même[s], sans intermédiaire, à ce que l’action ou l’inaction [des
per-sonnes dirigeantes] peut avoir de défectueux »
1121, en respectant leur initiative dans la prise de
déci-1113 Cf. REGOURD, L’acte…, op. cit., p. 202.
1114 Voir par ex. : les comités d’organisation, pour imposer aux entreprises une cotisation dont le produit couvrira leurs dépenses administratives (art. 4 (al. 1er) de la loi du 16 août 1940 concernant l’organisation provisoire de la production
industrielle).
1115 Cf. REGOURD, L’acte…, op. cit., pp. 202-203.
1116 Voir par ex. : la Corporation des pêches maritimes (art. 16 de la loi du 13 mars 1941 relative à l’organisation
corpo-rative des pêches maritimes). Sur cette prérogative de contrôle : PLESSIX (B.), « Une prérogative de puissance publique
méconnue : le pouvoir de substitution d’action », RDP 2003 pp. 579-629 ; VIGNES (C.-H.), « Le pouvoir de substitu-tion », RDP 1962 pp. 753-801.
1117 Pour un exemple : décision n°17 du Comité d’organisation des confitures du 9 juillet 1943 prise par son commissaire du gouvernement (DS 1944 p. 291).
1118 Voir ainsi : CHAUVET, Le pouvoir…, op. cit., pp. 140-141 et 308-326. Pour Benoît Plessix, il ne s’agit ni d’un pouvoir hiérarchique, ni d’un pouvoir de tutelle mais d’une prérogative de puissance publique d’un genre particulier (cf. PLESSIX, « Une prérogative… », art. cit., pp. 597-602).
1119 CHAPUS, Droit administratif…, op. cit., tome 1, p. 410.
1120 Cf. REGOURD, L’acte…, op. cit., p. 204.