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1.7 Conclusion

2.1.4 Physico-chimie du combustible

2.1.4.1 État de l’art Comportement du combustible

Le calcul thermomécanique d’évolution du combustible en 3D consiste en une résolution couplée de l’équation de la chaleur transitoire et d’un problème de mécanique non linéaire supposé en petites déformations, chacune modifiant à chaque pas de temps les conditions limites de l’autre. Les aspects chimiques des gaz de fission et de corrosion sont également pris en compte. La suite s’attache à décrire ces trois composantes.

Le comportement thermique du combustible est obtenu en résolvant l’équation de

la chaleur, qui s’écrit :

ρcp ∂T ∂t + ~∇ · ~Qs= Pvol (2.22) avec : T : la température (K) ; ~

Qs : le vecteur de flux thermique surfacique (W.cm−2) ;

Pvol : la puissance calorifique volumique engendrée par la source de chaleur

(W.cm−3) ;

ρ : la masse volumique (g.cm−3) ;

cp : la capacité thermique massique à pression constante (J.K−1.kg−1).

On relie la densité de flux de chaleur à la température par la loi de Fourier : ~

Qs= −λ · ~∇T (2.23)

où λ est la conductivité thermique. À ces deux équations viennent s’ajouter les condi- tions initiales (CI) et les conditions limites (CL), que l’on peut écrire :

CI : T (t = 0) = T0

CL : T = Tsurf (sur la surface) (2.24)

La Fig. 2.10 [57] représente une coupe radiale d’un crayon, avec (de la gauche vers la droite) la pastille combustible, puis la gaine et enfin le fluide caloporteur. On distingue entre chaque élément la présence de couches d’épaisseur variable au cours du temps (jeu pastille gaine, couche d’oxyde, couche limite).

Figure 2.10 – Coupe radiale d’un crayon combustible représentant les différents éléments à modéliser et un profil radial de température typique en conditions stationnaire et en régime nominal.

On peut préciser les conditions limites sur les températures extérieures de chaque élément, qui peuvent s’exprimer à partir des lois de la convection ou du rayonnement. Par exemple, l’équation caractérisant l’échange convectif entre la surface de la gaine est l’eau s’écrit :

~

Qc= hc(Tsurf − Tmod)~n (2.25)

hc représente le coefficient d’échange convectif,

~

nest un vecteur unitaire dirigé vers l’extérieur,

Tsurf correspond à la température de surface de la gaine et

CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART - CHOIX DES MODÈLES

De même,

~

Qr= σ(Tsurf4 − Tmod4 )~n ' σTmod3 (Tsurf − Tmod)~n (2.26)

caractérise les échanges par rayonnement.  représente l’émissivité et σ la constante de Stefan-Boltzmann. On remarque que cette équation peut être ramenée à une condition aux limites du type convection en factorisant par (Tsurf − Tmod) et en identifiant un

coefficient d’échange équivalent

hr = σTmod3

Il est ainsi possible d’écrire ces deux conditions limites en une seule avec un coefficient d’échange total htot = hc+ hr.

La température du fluide réfrigérant étant connue (calcul thermohydraulique), on peut, grâce aux formules précédentes, remonter successivement aux températures de surface extérieure de la gaine puis à un profil de température dans la gaine. Pour obtenir la température de surface de la pastille, on définit un coefficient de transfert thermique hgap entre la pastille et la gaine qui vérifie :

Qs= hgap(Tcomb− Tgaine)

Dans cette équation, Tcomb et Tgaine représentent respectivement les températures ex-

terne combustible (pastille) et interne gaine. Ainsi, en résolvant les équations (2.22) et (2.23) à la fois dans la gaine et dans le combustible, on est en mesure de tracer le profil radial de température comme indiqué par la courbe en rouge sur la Fig.2.10 qui représente un profil stationnaire à puissance nominale.

L’équilibre mécanique est caractérisé par un champ de déplacement qui est l’inconnue

du problème. Ce champ est décrit dans le cadre des petites déformations, permettant de modéliser les évolutions quasi statiques (assimilables à un enchaînement d’états d’équilibre) et sert à calculer un champ de contraintes ~σ qui vérifie à tout instant :

~

∇ · ~σ= 0 (2.27)

Cette équation ne suffit pas à déterminer le champ de déplacement. Pour cela, il faut se donner la relation liant le champ de déplacement à la contrainte, c’est-à-dire les lois de comportement mécaniques des matériaux, ainsi que les conditions aux limites mécaniques [74]. Ces dernières peuvent être réparties en plusieurs catégories :

— D’origine mécanique : la pression interne en surface de la pastille et en surface interne de la gaine, la pression du réfrigérant en surface externe de la gaine, le déplacement radial bloqué au centre du combustible, le contact entre la pastille et la gaine, le frottement entre la pastille et la gaine où encore la fissuration de la pastille,

— D’origine thermique : la déformation thermique du combustible et de la gaine, — D’origine physico-chimique : la densification liée à la porosité, le gonflement du

combustible dû aux produits de fission solides et gazeux et le gonflement sous irradiation de la gaine.

Pour préciser certaines de ces conditions limites, ainsi que pour relier le champ de dé- placement à la contrainte, voici un rapide aperçu des lois de comportement mécanique existantes :

— loi de fissuration de la pastille et de la gaine, traduite sous forme de seuil,

— loi de fluage de la pastille ou de la gaine, correspondant à la variation de volume due au flux neutronique, dont les paramètres caractérisent un matériau donné, — loi de plasticité de la pastille ou de la gaine, décrivant le durcissement du matériau

sous irradiation.

Les comportements mécaniques différenciés des pastilles et des gaines sont importants dans la mesure où ils modifient les contraintes subies par ces éléments, mais également les transferts thermiques entre eux (modification du hgap).

L’évolution chimique du combustible est causée entre autres par l’apparition des

produits de fission et par le phénomène de corrosion. En fissionnant, l’uranium ou le plutonium donnent naissance à d’autres éléments chimiques appelés produits de fis- sion. Ces éléments sont variés et peuvent être soit solides soit gazeux. Certains sont solubles dans la pastille de combustible alors que d’autres ne le sont pas et sont donc en saturation dans la matrice combustible qu’il cherchent à quitter au cours de l’irra- diation [68]. Dans tous les cas, les aspects physico-chimiques de ces produits de fission sont d’une grande importance, puisque la pastille est susceptible de gonfler lors de l’apparition de ces produits de fission (solides et gazeux), modifiant ses propriétés mé- caniques. La libération des gaz de fission est également un phénomène à prendre en compte. Ces gaz (xénon et krypton principalement) se déplacent vers le jeu pastille- gaine, où ils contribuent à la phase gazeuse et modifient la composition chimique et la pression des gaz dans le jeu. La valeur du coefficient d’échange hgap entre la pastille

et la gaine peut alors être modifiée. Plusieurs descriptions de l’état de la pastille sont alors nécessaires pour prendre en compte les différentes vitesses de diffusion suivant que ces gaz soient entre les joints de grain, ou à l’intérieur des grains [68].

L’oxydation de la gaine en zirconium a lieu de chaque côté de la gaine (interne et externe), mais est prépondérante au contact du fluide primaire. Cette réaction chimique produit de la zircone, qui modifie les propriétés thermiques (coefficient d’échange avec le fluide) et mécaniques (tenue sous contrainte) de la gaine. Ces comportements sont néanmoins très complexes et dépendent de nombreux facteurs, pour plus de précisions voir [68].

Alcyone est le code de calcul de référence dans la plate-forme PLÉIADES développée au CEA pour l’analyse multidimensionnelle du comportement thermomécanique et physico- chimique des crayons de la filière des réacteurs à eau sous pression (REP). Il simule le com- portement d’un crayon combustible sous flux neutronique (évolution et transitoire).

Plusieurs schémas de calcul sont disponibles permettant de choisir la dimension souhaitée pour la modélisation (1D, 2D ou 3D) et le niveau de complexité de la modélisation. Le schéma 1D permet de modéliser un crayon combustible sur toute sa hauteur et donne ainsi accès aux variations radiales (intra pastille) et axiales (pastille/pastille) des grandeurs calculées. Il per- met également d’accéder aux grandeurs intégrales (pression interne, fraction de gaz relâché, allongement). Le schéma 3D permet d’accéder à une description mécanique fine du compor- tement de la pastille combustible tenant compte de ses spécificités géométriques (évidement et chanfrein par exemple) et de son interaction avec la gaine. De la même manière, Alcyone propose au choix de l’utilisateur des modèles physico-chimiques plus industriels favorisant

CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART - CHOIX DES MODÈLES

le temps de calcul et d’autres modèles plus précis permettant une simulation plus fine des phénomènes physiques se produisant sous irradiation. Les principales grandeurs calculées au cours de l’irradiation du crayon (qui peuvent être comparées à des mesures au cours de l’étape de validation) sont :

— les températures du combustible, de la gaine et du réfrigérant,

— l’évolution géométrique du combustible et de la gaine : rayon pastille et gaine, allon- gement crayon et colonne,

— la densité du combustible,

— la production et le relâchement des gaz de fission stables (Xe + Kr), — la production et le relâchement d’hélium,

— l’épaisseur de corrosion externe de la gaine, — les volumes libres et la pression interne.

D’autres grandeurs sont également accessibles, comme :

— les contraintes et les déformations du combustible et de la gaine, — les concentrations en Uranium, en Plutonium ou en Gadolinium,

— la quantité de gaz, le rayon des bulles et le gonflement intra et inter granulaire, — l’épaisseur de rim, etc.

2.1.4.2 Modélisation mise en œuvre

L’équation que nous utilisons dans notre modélisation est l’équation de la chaleur (Éq. (2.22)). Les effets mécaniques ainsi que les aspects chimiques ne sont pas pris en compte. Cette équation est simplifiée en supposant que :

— le régime est stationnaire ; — la géométrie est cylindrique ;

— il n’y a pas de transfert thermique suivant l’axe vertical, tout se fait radialement (vers le fluide), et donc que ~Qs= Qs~r.

On obtient ainsi : 1 r d dr  rQs  = Pvol (2.28) D’où, Qs= r 2Pvol (2.29)

La température de surface de la gaine est alors obtenue en utilisant le coefficient d’échange total htot entre le fluide et la gaine (obtenu en associant les équations de transfert thermique

(2.25) et (2.26)) :

Qs= htot(Tsurf − Tmod) (2.30)

Cette température de surface de gaine issue indirectement du calcul de thermohydraulique du fluide primaire constitue une des conditions limite pour la résolution de l’équation de la chaleur qui s’écrit donc avec les différentes hypothèses :

−1 r d dr  rλ(T )dT dr  = Pvol (2.31)

L’autre condition limite étant :

dT

dr(r = 0) = 0 (2.32)

qui est une conséquence de la symétrie de révolution autour de l’axe vertical. On ne résout pas cette équation ici, on peut en trouver la démonstration dans la littérature.

Une fois la température dans la pastille trouvée, on utilise la formule de Rowlands [48] pour calculer une température effective, qui est utilisée pour la neutronique. Cette formule est simplement une pondération entre la température au bord et entre celle au centre de la pastille.

2.1.4.3 Justification des hypothèses

La première hypothèse formulée pour le calcul simplifié du comportement du combustible consiste à ne considérer que l’aspect thermique et de suppose que les géométries de la pastille et de la gaine ne changent pas. Cette modélisation ne nous permet donc pas d’étudier les risques de rupture de la gaine par interaction pastille-gaine (qui sont par ailleurs écartées en fonctionnement nominal, voir Annexe B), ou de capter les évolutions du jeu entre la pastille et la gaine qui provoquent des variations de la constante de transfert thermique entre elles. Cependant, un calcul de thermomécanique serait bien trop coûteux en termes de temps de calcul, ce qui pourrait réduire la qualité de l’optimisation à venir.

La seconde hypothèse consiste à considérer que le régime est stationnaire. Autrement dit, la puissance dégagée par le combustible est considérée comme transmise instantanément au fluide et la distribution de température résultant de l’équation de la chaleur est en permanence à l’équilibre. Cela peut se justifier grâce à quelques ordres de grandeur qui s’appuient sur les propriétés thermiques du combustible et de la gaine présentés dans le tableau 2.1.

Grandeur Unité Pastille Gaine

Rayon (r) m 4, 1.10−3 0, 65.10−3

Conductivité thermique (λ) W.m−1.K−1 3 17

Masse volumique (ρ) kg.m−3 10500 6500

Capacité thermique massique (cp) J.kg−1.K−1 350 105

Diffusivité thermique (α = λ/ρcp) m2.s−1 8.2.10−7 2, 5.10−5

Table 2.1 – Ordre de grandeur des caractéristiques thermiques de la pastille et de la gaine. Ces données servent au calcul de la diffusivité thermique, comme cela est fait pour de la justification des hypothèses de thermohydraulique (Section 2.1.3.3). La diffusivité étant une grandeur intensive au même titre que le coefficient de transmission thermique (inverse de la résistance), la diffusivité thermique de l’ensemble αts’obtient par :

1 αt = 1 αc + 1 αg

où αc et αg représentent respectivement les diffusivités thermiques du combustible et

de la gaine. Cette diffusivité thermique de l’ensemble nous permet alors d’approximer le temps caractéristique de transfert de l’information thermique puisqu’elle s’exprime par une distance au carrée divisée par un temps. Il suffit donc de diviser la distance caractéristique du problème (ici le rayon de la pastille ajoutée à l’épaisseur de la gaine) au carrée par ce coefficient de diffusion. On obtient un temps caractéristique τ d’environ 28 secondes. Ce temps

CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART - CHOIX DES MODÈLES

caractéristique correspond au temps nécessaire à l’établissement d’un régime permanent dans le barreau (radialement) et correspond donc également au temps nécessaire à l’évacuation de toute la puissance produite par le combustible vers le fluide caloporteur. Le pas de temps représentatif de l’évolution de la température combustible lors du transitoire de puissance doit donc être du même ordre de grandeur (ou plus grand) que ces 28 secondes pour pouvoir justifier cette hypothèse de stationnarité. En effet, si le pas de temps considéré est plus court, les calculs statiques effectués sont faux, alors qu’un long pas de temps ne nécessite pas de calculer les états intermédiaires et suppose le régime thermique permanent atteint.

La dernière hypothèse concerne le fait que les transferts thermiques sont supposés se faire uniquement radialement, impliquant des gradients de température bien plus importants entre le centre du crayon et le fluide caloporteur qu’entre deux points situés à la verticale l’un de l’autre. Là encore, une étude en ordre de grandeurs permet de justifier cette hypothèse. On sait que la température au centre de la pastille avoisine des 1000℃tandis que la température en paroi de gaine est de l’ordre de 400℃ (la température du fluide caloporteur est comprise entre 290 en bas du cœur et 325℃ en haut du cœur). Cela engendre un gradient de température de l’ordre de 1000 Kelvin par centimètre radialement. Concernant la dimension axiale, on note une différence de température du fluide primaire entre le haut et le bas du cœur d’environ 40℃. Cette variation de température étant directement en lien avec la variation de température au centre de la pastille, cette dernière ne dépasse pas la centaine de degrés sur la hauteur du cœur, conduisant à un gradient axial de l’ordre de la dizaine de degrés par centimètre au maximum. Le gradient radial est ainsi au moins deux ordres de grandeur plus grands que le gradient axial, ce qui justifie l’hypothèse de départ.