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Quelques éléments d’épidémiologie : Vaccine ou la mise en relation d’une pathologie avec une

2. FAIRE DU CANCER DU COL UN PROBLEME DE SANTE PUBLIQUE SAILLANT :

2.2. L E CANCER DU COL , UNE URGENCE SANITAIRE ET EPIDEMIOLOGIQUE  ?

2.2.1. Quelques éléments d’épidémiologie : Vaccine ou la mise en relation d’une pathologie avec une

L’épidémiologie est une branche très importante de la médecine préventive, pouvant être définie comme « l’étude de la distribution, de la fréquence et des causes des maladies humaines, mais aussi l’étude des atteintes à la santé et des applications des mesures de santé publique, voire de prévention spécifique des maladies et de tout ce qui menace la santé » (Coura, 2004 : 425). Son vocabulaire est constitué principalement de statistiques, de probabilités, de modèles mathématiques et de notions telles que la « prévalence », l’« incidence », la « mortalité » et le « fardeau d’une maladie ». Ses outils permettent d’objectiver l’impact d’un problème de santé sur une population donnée, dans un territoire donné, opérant par là le passage de la clinique, caractérisée par le colloque singulier entre médecin et patient, à la santé publique, gérant des populations. En effet, avec l’épidémiologie, il ne s’agit pas de s’intéresser aux cas individuels, mais bien de les constituer en

« population » dont seulement l’une ou l’autre caractéristique est significative, opérant par-là une réduction autour d’un élément. Par exemple, un groupe de personnes ne sera pris en compte que dans la mesure où il partage des caractéristiques communes de sexe, d’âge, de statut infectieux, de maladie, etc. En comptant et objectivant des phénomènes biologiques tels que la maladie et la mort et en les inscrivant dans une dimension collective, cette discipline les traduit ainsi en un souci politique.

L’un des suppléments de la revue Vaccine35 est justement consacré à l’épidémiologie du cancer du col. Publié en novembre 2007, le but de ce rapport est d’évaluer le fardeau de la maladie afin d’aider les personnes en charge de la santé publique et celles et ceux qui prendront les décisions ou élaboreront les recommandations à propos de la vaccination :

«  The Immunization, Vaccines and Biologicals department of the World Health Organization (OMS) and the Cancer Epidemiology and Registration Unit of the Institut Català d’Oncologia have developped the WHO/ICO Information Centre on HPV and Cervical Cancer (HPV Information Centre) to evaluate the burden of disease and to help facilitate the implementation of the newly developped HPV vaccines » (2007 : iv).

Cette citation nous permet de voir que les calculs statistiques et données épidémiologiques ne sont pas séparés de leur utilisation pour la décision et l’action. Il ne s’agit pas de produire un savoir uniquement pour l’avancement d’une science qui serait détachée de ses usages sociaux, mais bien de créer un savoir utile pour l’action politique en santé publique. Ainsi, dans l’introduction du rapport, la science, avec sa prétention à l’objectivité, ne paraît pas séparée de ses enjeux politiques et sociaux, séparation qui s’opère par la suite, comme nous allons le voir.

Ce rapport présente des données concernant le fardeau de la maladie, sa prévalence, la distribution des types HPV, la couverture de dépistage et les co-facteurs contribuant au développement du cancer du col utérin, donnant d’abord des données mondiales, puis passant chaque pays en revue. Il s’agit non pas de décrire le cancer du col en tant que maladie en soi, mais bien de le mettre en relation avec des populations données et des territoires donnés, c’est-à-dire de décrire le cancer du col utérin tel qu’il est présent dans une population. Il s’agit de compter des cas et de les mettre en relations avec certaines variables, afin de pouvoir faire du cancer du col de l’utérus une entité objectivée et quantifiable et, à terme, de mesurer l’impact de la vaccination. En effet, c’est dans le but d’implanter la vaccination HPV qu’il devient nécessaire de penser le cancer du col en termes épidémiologiques.

35 Journal officiel de la société internationale pour les vaccins, servant d’interface entre la communauté scientifique, les domaines de la recherche et du développement et les professionnels sur le terrain. L’adresse de son site Internet est la suivante :

http://www.elsevier.com/wps/find/journaldescription.cws_home/30521/description#description Consulté le 29.10.2009.

Le fardeau (burden) du cancer du col de l’utérus est évalué en fonction de l’incidence36 de celui-ci et de la mortalité37 qu’il provoque. On apprend ainsi qu’en Suisse (Vaccine, 2007 : C194), 389 femmes sont diagnostiquées avec un cancer du col de l’utérus et que 108 femmes meurent de cette maladie chaque année sur une population de 3,16 millions de femmes comptées et prises en compte à partir de 15 ans. Ces chiffres sont ensuite évalués en rapport avec l’incidence et la mortalité des autres cancers. On apprend alors que le cancer du col est classé au 10ème rang des cancers les plus fréquents chez les femmes en terme d’incidence et le 16ème en terme de mortalité, et le 3ème plus fréquent chez les femmes entre 15 et 44 ans en termes d’incidence et de mortalité. La notion de prévalence38 est également importante pour mesurer l’impact des HPV sur une population. Elle peut être précisée en calculant celle des types HPV – il y en a plus d’une centaine – ou en se focalisant sur les HPV 16 et 18 ce qui permet de décrire le nombre de cas qui peuvent potentiellement être prévenus par les deux vaccins anti-HPV commercialisés.

Ces chiffres et statistiques disent à la fois beaucoup et très peu. Ils renvoient une image à la fois très précise de l’impact du cancer du col sur une population donnée, et en même temps très complexe, complexité qui renvoie à l’histoire naturelle de la maladie. En effet, on peut voir dans ce rapport que l’entité cancer du col de l’utérus est divisée en lésions de bas grade, de haut grade et cancer invasif, on voit qu’il est possible d’avoir un statut HPV positif et d’avoir une cytologie normale et qu’il y a de nombreux types d’HPV. Cette complexité de l’histoire naturelle pose des questions quand elle doit être traduite en termes épidémiologiques. Quels sont les éléments pris en compte et comptés ? Le nombre total de lésions, le nombre de cancers invasifs, de lésions de haut grade ? Faut-il prendre en compte la prévalence élevée de HPV ou le nombre de cancers déclarés ? Ces chiffres disent ainsi très peu en eux-mêmes. Une centaine de femmes mortes par année, est-ce beaucoup ou peu ? Qu’est-ce que cela signifie en termes de santé publique ? Comment décider que ce taux est suffisamment haut pour intervenir ou pas ? Cela les chiffres ne nous le disent pas. C’est par la comparaison avec d’autres cancers, par exemple, que les chiffres commencent à être

36 « The number of new cases arising in a given period in a specified population. This information is collected routinely by cancer registries. It can be expressed as an absolute number of cases per year or as a rate per 100’000 persons per year. The latter provides an approximation to the average risk of developing a cancer » (Vaccine, 2007 : C222)

37 « The number of deaths occuring in a given period in a specified population. It can be expressed as an absolute number of deaths per year or as a rate per 100 000 persons per year » (Idem).

38 « The proportion of subjects who tested HPV-positive according to an HPV DNA test. HPV prevalence is comuputed among different pre-defined groups such as women with normal cytology, women with low-grade lesions, women with high-grade lesions, or women with invasive cervical cancer.» (Vaccine, 2007 : C222)

interprétés. On peut en effet imaginer que plus le cancer sera classé haut, plus il sera susceptible de faire l’objet de mesures de santé publique. Si le but du rapport est bien de mesurer l’importance du fardeau du cancer du col de l’utérus et par conséquent implicitement de permettre de justifier et légitimer la vaccination par les chiffres et statistiques relevés, les données sont présentées de manière neutre et objective sans qu’elles ne s’insèrent explicitement dans un discours qui leur donne du sens, opérant par là une séparation entre les données scientifiques brutes et les usages politiques et sociaux qui en seront faits. Il est alors intéressant de se pencher sur la manière dont ces chiffres sont présentés dans les articles, scientifiques, médicaux ou de la presse romande et les documents officiels de la santé publique, afin d’analyser comment ils sont utilisés, avec quels effets et en soulevant quels enjeux.

2.2.2. La version épidémiologique du cancer du col de l’utérus dans les discours

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