Universit´e Pierre et Marie Curie – Paris 6 Examen semestriel Licence de Math´ematiques MA380 – Analyse Hilbertienne et Num´erique
18 janvier 2006 9h30 `a 12h30
R´esoudre chaque probl`eme sur une feuille s´epar´ee. Les appareils ´electroniques et les documents sont interdits. Les solutions devront ˆetre r´edig´ees de mani`ere ri- goureuse. Lorsque des r´esultats du cours seront utilis´es, ils devront clairement ˆetre
´enonc´es. On notera que certaines questions peuvent ˆetre r´esolues ind´ependamment.
Probl`eme I. (50 points) Dans tout le probl`eme, H d´esigne un espace de Hilbert r´e´el, h· | ·i son produit scalaire et k · kla norme associ´ee.
1. Soit (xn)n≥0 une suite orthonormale de H.
(a) Montrer que (xn)n≥0 est une famille libre de H.
(b) ´Enoncer l’in´egalit´e de Bessel.
(c) Soient netm deux entiers naturels distincts. Montrer que kxn−xmk ≥√
2. En d´eduire que (xn)n≥0 n’est pas une suite de Cauchy.
(d) Donner trois propri´et´es caract´erisant le fait que (xn)n≥0 est une base hilbertienne deH.
(e) Soit V = vect(xn)n≥0 et soit PV l’op´erateur de projection surV. i. Montrer que : (∀x∈ H) PVx=P
n≥0hx|xnixn.
ii. Utiliser directement (e)i. pour montrer que PV est auto-adjoint.
2. D´esormais,H est l’espace de Hilbert des fonctionsx: [0,1]→Rtelles que R1
0 |x(t)|2dt <+∞, muni du produit scalaire : (∀(x, y)∈ H2) hx|yi=R1
0 x(t)y(t)dt. On d´efinit une suite (xn)n≥0
de H par (fonctions de Rademacher)
(∀n∈N)(∀t∈[0,1]) xn(t) = signe sin(2nπt)
, o`u signe(α) =
1 si α >0;
0 si α= 0;
−1 si α <0.
(a) Tracer le graphe des fonctionsx0,x1 etx2.
(b) Montrer que (xn)n≥0 est une suite orthonormale de H. Pour l’orthogonalit´e, on pourra proc´eder comme suit :
i. Soientn∈Net (a, b)∈R2. Montrer que, si 2n(b−a)∈Nest pair, alorsRb
axn(t)dt= 0.
ii. ´Ecrire, pour tous entiers n > m≥0, hxn|xmi=P2m−1 k=0
R(k+1)2−m
k2−m xn(t)xm(t)dt.
(c) On pose
x: [0,1]→R:t7→
0 si 0≤t <1/4;
1 si 1/4≤t≤3/4;
0 si 3/4< t≤1.
i. Soitn∈N. Calculer hx|xni.
ii. En d´eduire que (xn)n∈N n’est pas une base hilbertienne deH.
Probl`eme II.(50 points) SoitHl’ensemble des fonctionsx:R→Rpaires 2π-p´eriodiques telles que Rπ
−πx(s)2ds <∞. On munitHdu produit scalaire et de la norme d´efinis par
(∀(x, y)∈ H2) hx|yi= 1 π
Z π
−π
x(s)y(s)ds et kxk= s
1 π
Z π
−π
x(s)2ds.
Soit T l’op´erateur lin´eaire de H dans H donn´e par T y: s 7→ −y00(s). On s’int´eresse `a l’´equation diff´erentielle
d(vt)
dt +T vt= 0H, v0 ∈ H donn´e,
(1)
o`u t 7→ vt est une application continˆument diff´erentiable de [0,+∞[ dans H. On rappelle que la d´eriv´ee de t7→vt en t0 est d´efinie par
d(vt) dt
t0
= lim
h→0
vt0+h−vt0
h ∈ H, cette limite ´etant prise au sens de la norme sur H. On admettra que (1) admet une unique solution pour toutv0∈ H.
1. Soit V un espace pr´ehilbertien r´eel de dimension finie N. On notehh· | ·iison produit scalaire.
Soit S un endomorphisme auto-adjoint positif de V.
(a) Soit λune valeur propre deS. Que peut-on dire de λ?
(b) On note λ0 < λ1 < . . . λN−1 les valeurs propres de S, que l’on suppose simples. Soit en
un vecteur propre de S associ´e `a λn, que l’on suppose de norme 1. Calculer hhen|epii pour netp entiers compris entre 0 etN −1.
(c) Soit v:t 7→ vt une application continˆument diff´erentiable de [0,+∞[ dans V v´erifiant d(vt)
dt +Svt= 0V pour toutt≥0. On d´efinitαn:t7→ hhvt|enii. ´Ecrire l’´equation v´erifi´ee parαn, puis calculer αn(t) en fonction de αn(0), λn ett.
(d) D´eduire de ce qui pr´ec`ede une expression devten fonction de (λn)0≤n≤N−1, (en)0≤n≤N−1, v0 ett.
(e) Question bonus :D´emontrer que si λ0 >0,alorsvt→0V quand t→+∞.
2. Dans toute la suite du probl`eme, l’espaceHet l’op´erateurTsont ceux d´efinis dans le pr´eambule du probl`eme.
(a) Calculer les valeurs propres et vecteurs propres de T. (b) L’op´erateur T est-il born´e ?
3. On pose d´esormaisen:s7→cos(ns) sin∈N∗ et e0: 7→p
1/2. Calculer hen|emipour netm dans N.
4. Soit VN = vect(e0, . . . , eN−1) et PN le projecteur sur VN. Calculer PNT −T PN. On note d´esormais TN =T|VN la restriction deT `a VN.
5. Soit t7→vt la solution de (1). D´emontrer que d(PNvt)
dt +TN(PNvt) = 0H. 6. D´eduire de ce qui pr´ec`ede que
(vt)N:s7→ 1 2π
Z π
−π
v0(q)dq+
N−1
X
n=1
e−n2tcos(ns) π
Z π
−π
v0(q) cos(nq)dq
! .
7. Question bonus : On admet que (en)n∈N est une base hilbertienne deH. D´eduire de ce qui pr´ec`ede une expression de vt(s) en fonction de t,setv0.
Paris 6 – Licence de Math´ematiques – Analyse Hilbertienne et Num´erique Solution de l’examen de janvier 2006
Solution du Pb I :
1. (a) Soient (yi)1≤i≤p un sous-famille finie de (xn)n≥0 et (αi)1≤i≤p ∈Rp tels que Pp
i=1αiyi = 0H. Alors, pour toutj∈ {1, . . . , p}, on obtient par orthonormalit´e, 0 =hPp
i=1αiyi |yji= Pp
i=1αihyi |yji=αj. Donc (yi)1≤i≤p est libre.
(b) (∀x∈ H) P
n≥0| hx|xni |2 ≤ kxk2.
(c) Par orthonormalit´e,kxn−xmk2 =kxnk2−2hxn|xmi+kxmk2 = 1−(2×0) + 1 = 2. On ne peut donc avoirkxn−xmk →0 quandm, n→+∞.
(d) i. (xn)n≥0 est maximale orthonormale ; ii. T
n≥0{xn}⊥ ={0H};
iii. (xn)n≥0 est totale : vect(xn)n≥0=H; iv. (∀x∈ H) x=P
n≥0hx|xnixn(Fourier) ; v. (∀(x, y)∈ H2) hx|yi=P
n≥0hx|xni hy|xni (Parseval).
(e) i. Soitx∈ H. Puisque (xn)n≥0est totale dansV, c’est une base hilbertienne deV. Donc par FourierPVx=P
n≥0hPVx|xnixn. Mais puisquex−PVx⊥V, on a (∀n∈ H) hPVx|xni=hPVx−x|xni+hx|xni=hx|xni. DoncPVx=P
n≥0hx|xnixn. ii. Soientx ety dans H. Alors par bilin´earit´e et continuit´e du produit scalaire, on a
hPVx|yi=
* X
n≥0
hx|xnixn|y +
=X
n≥0
hx|xni hxn|yi
=X
n≥0
hx| hxn|yixni=
* x|X
n≥0
hxn|yixn +
=hx|PVyi.
2. (a) Trains de motifs rectangulaires p´eriodiques `a ±1 avec passages `a 0.
(b) Il est clair que (∀n∈N) kxnk2 =R1
0 |xn(t)|2dt=R1
0 dt= 1. Pour l’orthogonalit´e :
i. On remarque que xn a 2n−1 p´eriodes de longueur 21−n sur [0,1] et que l’int´egrale sur une p´eriode estRa+21−n
a x(t)dt = 0. Supposons que 2n(b−a) = 2p,p∈N. Alors b−a=p2n−1 et l’intervalle [a, b] couvre doncp p´eriodes, d’o`u Rb
a xn(t)dt= 0.
ii. Soient deux entiers n > m≥0. Alors
hxn|xmi= Z 1
0
xn(t)xm(t)dt=
2m−1
X
k=0
Z (k+1)2−m k2−m
xn(t)xm(t)dt
=
2m−1
X
k=0
±
Z (k+1)2−m k2−m
xn(t)dt
| {z }
=0 d’apr`es i. car 2n (k+1)2−m−k2−m
=2n−m
= 0.
(c) i. hx|x0i =R3/4
1/4 x0(t)dt = R3/4
1/4 dt = 1/2. De plus, si n > 0, d’apr`es (b)ii, hx|xni = R3/4
1/4 xn(t)dt= 0 car 2n(3/4−1/4) = 2n−1 est alors pair.
ii. Si c’´etait le cas on aurait, d’apr`es (c)i, (Fourier) :x=P
n≥0hx|xnixn=hx|x0ix0 ≡ 1/2, ce qui est faux.
Solution du Pb II :
1. (a) Comme S est auto-adjoint positif, λ∈R+.
(b) On sait d´ej`a que hhen|enii = kenk2 = 1. De plus, si n 6= p, on a, puisque S est auto- adjoint,hhSen|epii=hen|Sepi,d’o`uλnhhen|epii=λphhen|epii,ce qui n’est possible que si hhen|epii= 0 puisque λn6=λp.
(c) Comme t 7→ vt est de classe C1 et que le produit scalaire est lin´eaire continu, donc de classe C1, en sa premi`ere variable, αn est de classe C1. Calculons sa d´eriv´ee : dαdtn = DDd(v
t)
dt |enEE
=hh−Sv|enii= − hhv|Senii =−λnhhv|enii =−λnαn. Donc αn(t) = αn(0)e−λnt.
(d) Comme (en)n∈Nest une base orthonorm´ee deV,vt=
N−1
X
n=0
αnen=
N−1
X
n=0
hhv(0)|eniie−λnten.
(e) Supposons que λ0 > 0. On a alors kvtk2 =
N−1
X
n=0
|αn(t)|2 =
N−1
X
n=0
|αn(0)|2e−2λnt, d’o`u
kvtk2≤e−2λ0
N−1
X
n=0
|αn(0)|2=e−2λ0tkv0k2,qui converge vers 0 quand ttend vers l’infini.
2. (a) On r´esout T(v) =λv,c’est-`a-direv00=−λv.Deux cas sont possibles : – Si λ < 0, cette ´equation a pour solutions v(s) = Ae
√−λs +Be−
√−λs. Pour que cette fonction soit paire, on doit avoirA =B, et pour qu’elle soit p´eriodique, donc born´ee, il faut queA= 0. On en d´eduit donc queλn’est pas valeur propre.
– Siλ= 0, alors la solution estv(s) =As+B, qui ne peut ˆetre p´eriodique que siA= 0.
– Si λ > 0, alors les solutions sont v(s) = Acos(√
λs) +Bsin(√
λs). Pour que cette fonction soit paire, il faut n´ecessairement que B = 0. On a donc v(s) = Acos(√
λs), qui n’est 2π-p´eriodique que si√
λ∈Z.
Ainsi, les valeurs propres de T sont λn = n2, et les vecteurs propres associ´es sont les fonctions en:s7→cos(ns)
(b) Si T ´etait born´e, on aurait kT(v)k ≤Mkvk pour un certainM ≥0.Or sin >√
M ,on a T(en) =n2en, et donc kT(en)k=n2kenk> Mkenk,ce qui est contradictoire.
3. Remarquons tout d’abord que ke0k2 = 2π1 Rπ
−π1ds = 1, et que pour n ≥ 1, on a kenk2 =
1 π
Rπ
−πcos2(ns)ds= π1 Rπ
−π 1
2 −12cos(2ns)ds= 1.D’autre part, si n6=p, on a hen|epi= 1
π Z π
−π
cos(ns) cos(ps)ds= 1 2π
Z π
−π
(cos(n+p)s+ cos(n−p)s)ds= 0.
4. Comme chaque en est vecteur propre deT,VN est stable par T. Donc siy∈ H,on aT PNy= T y∈VN, donc T PNy=PNT y.
5. Nous avons
d(PNvt) dt
t0
= lim
h→0
PNvt0+h−PNvt0
h = lim
h→0PNvt0+h−vt0
h =PN lim
h→0
vt0+h−vt0 h car PN est continu. Ainsi,
d(PNvt) dt
t0
=PN
d(vt) dt
t0
. D’autre part, d’apr`es la question pr´ec´edente, TN(PNvt) = T(PNvt) = PN(T vt). Donc, en utilisant (1), on obtient d(PdtNvt) + TN(PNvt) =PN
d(vt) dt +T vt
=PN(OH) =OH.
6. On applique donc la question 1d, avec V =VN etS =TN, et on obtient l’expression voulue.
7. Comme (en)n∈N est une base hilbertienne, `at fix´e,vN(t) converge vers vt quandN tend vers l’infini. L’expression obtenue `a la question pr´ec´edente implique donc que
vt(s) = 1 π2
Z π
−π
v0(q)dq+X
n≥1
e−n2tcos(ns) π
Z π
−π
v0(q) cos(nq)dq,
cette s´erie ´etant convergente pour la normek · k.