K RAMP
Analise appliquée. Essai d’application de l’analise algébrique au phénomène de la circulation du sang
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 3 (1812-1813), p. 77-93
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77
ANALISE APPLIQUÉE.
Essai d’application de l’analise algébrique
auphéno-
mène de la circulation du sang ;
Par M. KRAMP ,
,professeur , doyen de la faculté des sciences de l’académie
deStrasbourg.
CIRCULATION DU SANG.
1.
SOUMETTRE à
l’analise littérale le mouvement du sang dans les vaisseaux du corpsanimal ?
c’est là unproblème auquel, depuis plus
d’un
siècle,
onparaît
avoir renoncé. Les efforts deBorelli, Keil, J urin, Sauvages ,
Bernoulli et autres hommes célèbres sont connus :leurs
longues démonstrations ,
fondées sur uneapplication
vicieusede
principes qui pouvaient
êtrejustes
en eux-mêmes, n’ont conduit àaucun résultat
certain ;
leurs ouvrages sont oubliés et leterme
même d’Iatromathèmaticien est tombé enmépris.
Au milieu de cette immense variété de forcesqui agissent
ensemble dans les corpsvivans,
tant animaux quevégétaux ,
il existepourtant quelques
loiscertaines
qui permettent d’appliquer
à laphysiologie
ducorps animé,
les
principes généraux
del’équilibre
et du mouvement ; c’est ce queje
me proposed’assayer
dans ce mémoire.2.
Imaginons
une massequelconque ,
lancée par une force deprojection quelconque ,
etqui , après
avoiréprouvé à chaque
instantl’effet des forces accélératrices et retardatrices
qui
auront puagir
sur
elle ,
aitacquis,
au bout dutemps t,
la vitesse u.Désignant
parP la somme des
forces accélératrices
etpar Q
la somme des forcesretardatrices ,
on auradu=(P-Q)dt; équation qui
ne repose surTom. III II
78 CIRCULATION
aucune
hypothése ,
etqui,
par sasimplicité
et sagnéraliété,
estapplicable
à toutes lessuppositions
de mouvemensquelconques.
3. Elle nous
présente
les trois cas deP=Q,
deP>Q
et dePQ.
Dans les deux derniers cas , le mouvement seraaccéléré
ou bien il sera
retardé,
du moinspendant
l’élément detemps
dt.Dans le
premier
cas, la vitesse restera lamême ;
et, si cette mêmeégalité
avait lieu dans tous lespoints
dusystème
il en résulterait pour le corps un mouvementrigoureusement
uniforme. Onvoit,
deplus ,
que l’uniformité de mouvement ne peut avoirlieu,
à moinsqu’à
tous lespoints
dusystème ,
la somme des forces accélératriceset celle des forces retardatrices ne soient
rigoureusement égales
entre elles.
4. L’équation du=(P-Q)dt
estapplicable
au cas d’un fluide cir- culant dans un canalétroit;
seulement alors il faudra entendre paru, non la vitesse actuelle du
fluide ,
mais leproduit
de cettevitesse
multipliée
par la section ducanal, lequel exprimera
laquantité
de fluidequi , pendant
l’élément detemps ,
aura traversécette section. Tant que, dans tous les
points
dusystème,
on auraP=Q,
le mouvement du fluide sera telquè ,
dans destemps égaux,
il passera par
chaque
section du canal desquantités
de fluiderigoureusement égales
entreelles ;
conditionqui
ne saurait avoirlieu,
a moins que, dans tous les
points
dusystème,
il n’existe uneégalité parfaite
entre les forces accélératrices et les forces retarda-trices
qui agissent
sur le fluide.5.
L’application
de cesprincipes
au mouvement du sang est facile.A
chaque contraction ,
le c0153ur chassed’un
côté dansl’aorte ,
del’autre dans le tronc des artères
pulmonaires
une onde de sang, évaluée à deux onces, à peuprès,
mais dont laquantité
est heu-reusement indifférente pour
l’objet
que nous nous proposons. Ilcommunique
à chacune des deux ondes un certaindegré
devitesse,
résultant des contractions
partielles
de ses tibresmusculaires ,
etd’autant
plus
difficile à déterminerqu’il
doitdépendre
d’une infinité de circonstancesqu’il
serait assez téméraire de vouloir soumettre au -DU SANG.
79calcul. Il est indifférent encore que les
degrés
devitesse,
communi-qués
par les deux ventricules aux deux ondes de sang, soientégaux
ou
inégaux
entre eux.6. L’onde de sang lancé dans
l’aorte , y éprouve,
dès sonentrée,
l’action des différentes forces retardatrices dont on
peut
voir lé dénombrement dans les ouvrages de nos célèbresphysiologistes
etdont l’effet va en
augmentant depuis
le tronc de l’aortejusques
auplus petits
rameauxartériels ,
etaugmente
encorependant
le retourpar le
système
veineux. On aura doncdu=-Qdt;
cequi
donneu=Const.-Qdt. Ainsi
donc la vitesse du sang au bout dutemps
t sera
égale
à la’ vitesse initiale del’onde ,
moins une certaine fonction dutemps t, qui
nécessairement va enaugmentant.
Il résulte de làqu’indépendamment
des forcesaccélératrices ,
la vitesseinitiale de l’onde ne saurait être
conservée ;
que son mouvement bien loin d’êtreuniforme ,
serait bientôtépuisé ;
et que, dans des in- tervalles detemps égaux ,
il nepourrait jamais
passer desquantités égales
de fluide par une section donnée dusystème.
7.
Cependant
la condition d’un mouvement uniforme du sang estindispensable
au maintien des forcesqui ,
dans l’état d’une santéparfaite , peuvent
seulesprésider
à toute cette classe nombreuse de fonctions animalesqui dépendent
de sa circulation entièrement libre.,11 est essentiel
qu’à chaque
battement du coeur les deux oreillettesreçoivent
des deux troncs veineux desquantités
de sangrigoureu-
sement
égales
à celles que les deux ventricules lancent dans les deux troncsartériels ;
il estessentiel ,
deplus
que cetteégalité
aitlieu pour
chaque partie
du corps enparticulier ;
sansquoi
laquantité
de sang que cette
partie
doitcontenir,
dans l’état desanté,
ne sauraitrester la même.
Galien,
àqui
la circulation dusang
étaitinconnue, définissaAit
fort bien l’Inflammation parsanguinis influxus copiosior
quam pars
postulat ,
et il avait raison. Cetinfluxus copiosior
estl’effet fort naturel d’un mouvement accéléré du sang , à son entrée dans la
partie.
Ilpeut y
avoir de même un mouvementretardé;
et,quoique
Galien n’enparle
pas aussiclairement ,
on voitqu’il
doit80
en résulter un état
opposé
aupremier,
etqui exigera,
pour saguérison,
un traitement contraire.
8.
L’équation
différentielle du mouvement du sang, dans l’état desanté,
sera doncdu=o;
cequi
revient àP=Q.
l’existence de la force accélératriceP ,
et sonégalité
à la somme des forces retar-datrices Q ,
est donc bienprouvée.
Elle doit résider dans les vais-seaux
eux-mêmes ,
et sur-tout dans les artères. Leur irritabilité n’est pas absolumentdémontrée ;
mais leurs dilatations et contractions tombent sous les sens, et on ne voudra pas lesregarder
commeles effets d’une
simple
élasticité. Dans ce cas , lasystole , égale
tout au
,plus
a ladiastole,
feraitregagner a
l’onde ledegré
devitesse que celle-ci lui aurait fait
perdre ;
cequi n’ajouterait
rienà sa vitesse absolue. Je serais
disposé à
croire que, dans le batte-ment des artères, la
systole
estplus
forte que ladiastole ,
etqu’en
ceci consiste
peut-être l’avantage
que doit avoir sur lasimple
élas-ticité cette force vitale
particulière qui
anime les vaisseaux artériels.Dans tous les cas , nous
désignerons
par P cette forceaccélératrice
à l’endroit da
système qui répond
autemps
t ; nous auronsdonc,
pour condition
indispensable
du mouvement du sang, dans l’état desanté , P=Q; c’est-à-dire,
que laforcé
vitale des artères doit êtrepartout égale
à la somme des résistances.9. Tant que cette
équation
de condition du=o ouP==Q
seramaintenue ,
le sangcoulera ,
dans lesystème
des vaisseauxsanguins ,
comme s’il circulait dans le vide
parfait ;
et la conservationrigou-
reuse de la vitesse
primitive , imprimée
par la contraction du c0153ur,permettra , jusqu’à
un certainpointa l’application
de l’analise. Soient A.... La masse entière du sang;B.... La masse de l’onde que le ventricule
gauche
chasse-dansl’aorte ;
u.... La vitesse
-primitive
que cette onde a reçue du c0153ur;V.... Le volume entier ou la
capacité
dusystème ;
n... Le
nombre
desbattemens , pendant
letemps
donné T.1 o. La masse entière du sang sera donc
partagée
en unnombre
DU SANG.
8Id’ondes égal à A B.
Letemps employé
par chacune de cesondes ,
pour
parcourir
tout le volume dusystème,
seraégal
àl’espace divisé
par la
vitesse,
ou aV u.
La fractionnV Tu
exprimera
le nombre des battemensqui
auront lieu dans le mêmetemps.
Ainsidone,
lemouvement du sang devant être
regardé
comme uniforme et continudans l’état
de santé,
cequi
suppose nécessairement que le nombredes
ondes estégal
à celui des contractions du c0153urqui
ontlieu , pendant
letemps
quechaque
ondeemploie
àachever
entièrementsa
circulation
on auranV tU = A B,
ounBV=ATu; équation géné-
rale et
applicable
non seulement à l’état desanté ,
mais à toutmouvement du sang , dès
qu’on
le suppose parvenu à l’état d’uni- formité. La vitesse du sang sera doncproportionnelle
directement a lafréquence
dupouls ,
à la masse da l’onde et à lacapacité
du
système,
etréciproquement
à la masse entière du sang.11.
Quoiqu’on
ait raison de supposer que , dans l’état desanté,
lesystème
desvaisseaux sanguins
est entièrementrempli
on auraitpourtant tort
deregarder
le volume dusystème
commeégal
à lamasse du sang, ou de faire
A=V,
enprenant
ici pourA,
lionla masse elle-même mais le volume
qu’elle
occupe. Ilfaut,
eneffet
que A
Soit moindre queV,
sansquoi
la circulation du sang devien- draitphysiquement impossible.
C’est àquoi
la nature a pourvu,en donnant à nos vaisseaux l’extensibilité dont ils ont
besoin ,
pourentretenir le mouvement. De la
systole
ilspassent
à ladiastole ,
àl’arrivée de
chaque
nouvelle onde. Dans lepremier
de ces deuxétats,
il serapermis
de supposerV=A; mais,
dans lesecond,
on aura
V>A ;
et l’excès de lafraction - sur l’unité, ou V A-I,
sera ce que nous entendons par
grandeur
ouquantitè
dupouls.
Or,
en vertu del’égalité nBV=ATu,
on aura - = Tu nB ;ainsi
la
grandeur
dupouls
seraproportionnelle
à la vitessedu. sang,
divisée82
par
lafréquence
dupouls,
ensupposant
toutefois une valeur cons-tante à B , masse de l’onde que le coeur chasse dans
l’aorte , à
chacune de ses contractions. Et
effectivement,
nous voyons que dans le dernier stade des maladiesaiguës,
lepouls
devientplus petit,
à mesurequ’il
devientplus fréquent.
D’un autrecôté,
uneaugmentation
dans lagrandeur
dupouls
nous faitprésumer,
touteschoses étant
égales d’ailleurs ,
uneaugmentation proportionnée
dansla vitesse du sang.
I2. De cette même
égalité nBV=ATU, on
tire immédiatement la conclusionA=nBV Tu; c’est-à-dire ,
que la masse du sang ne sauraitchanger,
à moins quequelques-unes
desquantités n B, Y’ u,
outoutes ensemble ne
reçoivent
unchangement proportionné.
Achaque
arrivée d’une
nouvelle quantité
de sucalimentaire ,
fourni par lespremières voies,
laquantité
que nousdésignons par A
sera aug-mentée ;
il en résultera que lafréquence
dupouls,
la masse del’onde
sanguine,
et lacapacité
dusystème
de nos vaisseauxsanguins
seront aussi
augmentés ;
mais la vitesse absolue du sang en sera diminuée. Ces trois conclusions sont assez bienprouvées
par l’ex-périence.
Il en résulte deplus qu’à chaque changement
de la masse dusang ,
désignée par A ,
l’uniformité dans son mouvement doit êtreinterrompue , jusqu’à
ce quel’égalité
entre les deuxproduits nBV
et ATu soit rétablie de nouveau.
I3. Cette même
égalité
fournit deplus
V=ATu nB ;
cequi
nousmontre que la
capacité
des vaisseauxsanguins
doit être considéréecomme une
quantité
très-variable. La dilatation des canaux artérielset veineux est une suite naturelle de leur
réplétion ;
leur abaisse-ment est la
conséquence
de leur inanition. Dans ce cas , lacapacité
V du
système peut
êtresupposée proportionnelle
à la masse A du sang : on aura doncu=nB; ainsi,
la vitesse du sang sera pro-portionnelle
à lafréquence
dupouls
et à la masse de l’onde.14.
Il est des caspourtant
où lacapacité
dusystème V
estDU SANG:
83commuée,
tandisque
la masse entièreA
du sang reste la même.Cela
arrive,
parexemple,
à la suite dechaque couche ;
cela aencore lieu immédiatement
après l’amputation
d’un membre dequelque conséquence. Alors, regardant A
et B comme desquantités
sensi-blernent constantes on aura V =
Tu n.
Ainsidonc,
lacapacité
dasystème
étantproportionnelle
à la vitesse du sang divisée par lafréquence
dupouls,
l’effet doit être uneaugmentation
dans la fré-quence du
pouls,
et un ralentissement dans la vitesse du sang. Lepremier
de ces deux effets est suffisammentprouvé
parl’expérience
et l’autre en est une
conséquence
nécessaire.15.
Jusqu’ici
nous avonssupposé P=Q
etdu=o;
ainsi le mou-vement du sang était censé
rigoureusement
uniforme. Il cessera del’être dès que cette
égalité
n’aura paslieu ;
et l’onpeut prévoir qu’il
sera accéléré dansle
cas deP>Q,
et retardé dans le casde Q>P.
Il en résultera deuxgrandes
classes de maladiesparfaite-
ment
opposées ;
et l’onvoit
que lerapport
de l’une à l’autre estcelui du
plus
aumoins,
dupositif
aunégatif.
16. Ce serait bien peu connaître les limites de nos
facultés
intellec-tuelles
aussi bien que celles des connaissances quel’observation
est en état de nous
fournir ,
qued’entreprendre
àintégrer l’équation
différentielle
du=(P-Q)dt,
tandis que les fonctions Pet Q,
aussibien
que la formeconjecturale qu’elles peuvent avoir,
sont desquantités
absolument inconnues pour nous. Tant
qu’il
serapermis
de les supposerindépendantes
dutemps t ,
on aura , enintégrant
u=(P-Q)t+Const.
Ainsi ,
l’accroissement ou ledécroissement de,
la vitesse sera pro-’portionnel
autemps.
Mais il est assez visible que cerapport
nepeut
se maintenir quedans
lespremiers
instans. Il cessera d’avoirlieu dès que les
quantités
Pet Q ,
dont lapremière exprime
lasomme des forces accélératrices et l’autre celle des forces
retardatrices,
seront devenues fonctions du
temps ;
et dès-lors il faudra renoncerà
intégrer l’équation
différentielledu=(P-Q)dt.
I7. Examinons d’abord
le cas de P>Q,
ou de dupositif.
Le84 CIRCULATION
mouvement du sang sera sensiblement
accéléré ;
et, sansvouloir
soumettre à un calcul
rigoureux
la solution del’équation du=(P-Q)dt,
on voit
pourtant
que lesconséquences
de ce mouvement accéléré doiventêtre celles
qui
suivent : accumulation de la massesanguine
dans lesystème veineux
et parconséquent
à la surface du corps; ellepénétrera
avec force dans ces
petits
vaisseauxqui
sont invisibles dans l’étatnaturel ;
de là ces yeuxétincelans,
ces battemensfréquens
du coeuret des
artères ;
cette force et cettefréquence
dupouls ;
cetterespi-
ration
embarrassée ;
ces urinescolorées,
cescéphalagies ;
cette foulede
symptômes
enfin dont l’ensemble constitue cette classe de mou- vemens fébrilesqui
est connue sous le nom dePyrexies.
18. L’autre cas de
PQ,
ou de dunégatif
a pour suite unmouvement du sang retardé. L’onde de sang
qui,
àchaque
batte-ment, rentre dans le c0153ur, par le tronc du
système veineux ’
estmoindre alors que celle que le c0153ur chasse dans l’aorte. Le sang s’accumulera
donc,
dans lesystème artériel ,
en laissant entièrement vides lespetits
canaux dusystèrne veineux,
et en se retirant enpartie
desgrandes
veines. L’évacuation du c0153ur , àchaque
batte-ment, ne sera
qu’incomplette ; continuellement,
mais faiblementirrité ,
iléprouvera
des contractionspetites,
maisplus fréquentes
que dans l’état
naturel ;
le resserrement et la contraction des vaisseaux,veineux
de lasurface y
leurdisparition ,
lapâleur répandue
surtout le corps, la diminution de
l’embonpoint ,
les yeuxlanguissais;
tels sont les
symptômes
que l’on doitregarder
comme la suitenaturelle de cet état où la somme des résistances est
plus grande
que celle des forces vitales des
artères,
etdétermine,
en consé- quence,le
refoulement de la massesanguine
vers l’Intérieur du corps.I9. Et tels sont les deux genres
opposés
de maladiesqui
doivent nécessairement avoir
lieu,
dès quel’égalité
entre la sommedes forces vitales et celle des résistances n’est
plus maintenue 3
cequi
rendimpossible
cette uniformité dans le mouvement du sangqui
estpourtant
la conditionindispensable à
l’état de santéparfaite.
Le mouvement alors sera
accéléré,
dans le casde P>Q; retardé,
dans
DU SANG.
85dans le cas de
PQ.
L’un et l’autre des deux étatsopposés
fontnaitre les
symptômes
-que de toustemps
on adésignés
par la dénominationgénérale
defièvres.
Les deux classesopposées
ont été,parfaitement
reconnues ; mais onignorait
la causephysique
de cettedifférence, laquelle pourtant
estgéométriquement démontrée ,
etsusceptible
d’être énoncée par uneéquation
différentielle fortsimple.
ro. Il est assez naturel de
désigner
les mouvemens fébriles de lapremière
classe par la dénomination d’étatpositif,
et ceux de laseconde par celle d’état
négatif ;
attendu que la différence de l’une à l’autre est effectivement celle duplus
aumoins,
dupositif
aunégatif.
Les dénominations defiévre positive
etde fièvre négative
seraient toutefois assez
impropres.
On se sert du motfièvre
pourdésigner
la maladieentière,
dontchaque
accès est souventmarqué
par des
symptômes qui
annoncent alternativement l’un ou l’autre des deux états. C’est ainsi quechaque
accès de la fièvre intermittente ordinaire commencetoujours
par lefrisson , qui porte
tous lescaractères de ce que nous avons nommé état
négatif;
il est suivipar la seconde
période qui
est celle de lachaleur ,
et danslaquelle
on reconnaît le passage du
négatif
aupositif ;
vient enfin la crise del’accès, qui
rétablit tout dans l’état natureld’égalité
entre laforce vitale des artères et la somme des résistances.
21. La fièvre n’est donc
jamais
une maladie du c0153urlequel uniquement
destiné à donner à l’ondela première impulsion ,
nepeut prendre
aucunepart
aux variations de vitessequ’elle peut éprouver
dans son cours. Elle ne
dépend
pas nonplus
de la vitesse absolue du sang très-variable enelle-même ,
et affectée par les causes lesplus légères.
Un exercicequelconque
du corps!)plus long-temps
soutenu que de coutume ; une
passion
un peuviolente ;
un excèsquelconque
commis dansl’usage
desalimens,
etc. ,provoquent
une vitesseaugmentée
du sang, unpouls plus fréquent
que de coutume,et un accroissement de
chaleur ;
mais personne ne sera tenté dedésigner
cet état par le nom de fièvre. Tant que subsisteral’égalité
entre la somme des forces vitales et celle des
résistances,
le mou-Tom. III. I2
86
vement uniforme du sang sera maintenu par la
simple
cessàtiondes causes accidentelles
qui
avaientprovoqué
unpareil
état ; larépar-
tition
égale
de la massesanguine,
dans les deuxsystèmes
artérielet
veineux,
se rétablirad’elle-même,
et tout rentrera dans l’état naturel.22. L’état
positif, indiqué
parP>Q, peut
avoir deux causesgénérales ;
la force vitale des artères seratrop grande
ou bien lasomme des résistances sera
trop petite.
La force vitale des artères tient ausystème
nerveux ; des observationsanatomiques
nous donnentlieu de croire que le nerf
intercostal ,
et sesramifications ,
étenduesdàns toutes les
parties
du corps , sontdestinés ,
par lanature, à
maintenir cette force. Unedisposition
vicieuse dans cettepartie irnpor-
tante du
système peut augmenter
cette même force au delà dela mesure
naturelle
ellepetit
aussi l’affaiblir aupoint qu’elle
nesaurait
plus
balancer la somme des résistances.Indépendamment
dela force
vitale,
unedisposition
vicieuse du sangpeut
exciter desmouvemens fébriles La masse
sanguine
estsujette
à secoaguler ;
et cette tendance continuelle doit être
comptée parmi
lesprincipales
résistances que le sang rencontre dans son cours. Bien loin de la
regarder
comme undéfaut,
nousla jugeons
absolument nécessaire pourprévenir
l’état deP>Q,
etempêcher
ainsi que le mouvement du sang, d’uniformequ’il
devaitêtre,
ne devienne accéléré. L’obser- vation a suffisammentprouvé qu’un
sangchargé
departicules
bilieusesest
très-disposé
àproduire
despyrexies ;
tandis que laprésence
dela
pituite ,
dans cette même masse, provoque l’état entièrementopposé.
Il
parait
donc que cette tendance naturelle aucoagulum
est diminuéepar la
première
des deux causes , etaugmentée
par la seconde.De
plus,
nous aimons àreconnaitre
dans laprésence
ducalorique,
une des
grandes
causesqui
influent sur cette mobilité de la massesanguine ;
ces accès de fièvresinflammatoires, qui
suiventdepuis
l’état de la
transpiration supprimée ,
etle’
refoulement ducalorique
dans l’intérieur du corps , nous rendent cette assertion fort
probable.
23. Au défaut
d’intégrer l’équation du=(P-Q)dt,
dans le cas87
DU SANG
de
P>Q,
nous pouvonsprévoir
que cet état nepeut
pas se sou- tenirlong-temps.
Le sang accumulé dans lesystème veineux, trouverait,
en y entrant , une somme de résistances
supérreures
à ce que doitêtre Q
dans l’étatnaturel ; ainsi ,
au bout dequelque temps,
l’équilibre
entre Pet Q
sera de lui-mêmerétabli ;
mais l’une etl’autre
quantités
serontplus grandes
que l’état de santé nepeut
lecomporter.
Le mouvement de la massesanguine
sera revenu de lui-même à l’étatd’uniformité ;
mais la vitesse du sang seraaugmentée
au
point
où elle doit nécessairement troubler la marche deplusieurs
fonctions
naturelles ;
la masse serainégalement répartie
entre lesdeux
systèmes ;
et , tant quel’équilibre
de ces deux forces se main-tiendra,
on voit quel’égale répartition
ne saurait se rétablir d’elle- même. Lessymptômes
de lapyrexie
resteront; seulement ilsn’augmen-
teront
plus.
L’accès sera parvenu à son maximum. Alors doitapprocher
le moment décisif
qui doit
prononcer sur le sort du malade. Il survientquelques signes précurseurs
duchangement qui
seprépare.
Il
doit,
eneffet,
arriver de deux chosesl’une ,
attendu que l’une des deux forcesdoit,
à lafin, l’emporter
sur l’autre. La marchedes maladies
nous faitvoir,
ou du moins elle rendtrès - probable
que , pour arriver à une fin
salutaire ,
il doit se faire unchange-
ment dans la mixtion même de la masse
sanguine.
C’est ce que lesplus
anciens maîtres de l’art ontdésigné
par le nom decoction,
terminée par la crise. Elle s’annonce ordinairement par des
frissons,
et par
plusieurs symptômes auxquels
on reconnaît l’étatnégatif
dela
fièvre ;
et cela doit êtreainsi ,
attendu que , pour passer de l’étatpositif à
celui dezéro,
il faut bien que la nature prenne une marcherétrograde.
La crise se termine par des évacuationsappelées critiques ,
etqui
donnent une preuve assez évidente duchangement
de mixtion
qui s’opère
dans la masse même du sang. Elle a visible-ment pour son double
but , d’opérer
unerépartition égale
de lamasse
sanguine
dans tous les vaisseaux du corps , et de rétablirl’équilibre, indispensable
dans l’état desanté
entre la force vitale des artères et la somme des résistances. -88
24.
Laprogression,
très-sensiblementarithmétique,
que lesjours critiques
forment entre eux aété,
dans tous lestemps ,
ungrand problème
à résoudreparmi
les maîtres de l’art.L’intégration
del’équation du=(P-Q)dt,
si elle étaitpossible,
éclaircirait sans doutece
mystère. Peut-être l’équation intégrale
se trouverait du nombre de celles dont les racinesprocèdent
dans uneprogression
arithmé-tique ;
et , si cetteconjecture
étaitfondée,
elle servirait au moinsà
répandre
un peu dejour
sur une desopérations
de la naturequi,
en s’écartant de la marche ordinaire dans l’état de santé ,
paraissent
d’autant moins
susceptibles
d’êtrereprésentées
par dessignes
et desexpressions algébriques.
25.
Mais ,
pour que cette crise soitheureuse ,
il faut quecette force P se
maintienne,
etqu’elle
continue à balancer la sommedes
résistances Q, augmentées
par l’entrée du sang dans lespetits
vaisseaux artériels et veineux. Cela n’arrive pas
toujours ;
il est assezfréquent ,
aucontraire ,
dans le cas sur-tout où le malade estdépourvu
des secours de
l’art ,
que la force vitale des artères succombe à lasomme des résistances. Alors
l’expression P-Q
deviendranégative;
le mouvement du sang , d’accéléré
qu’il était ,
deviendraretardé ;
et, par une suite dechangemens
faciles àconcevoir , d’après
lesprin- cipes qui
viennent d’êtreexposés ,
lafièvre , positive jusqu’alors,
deviendra
négative.
C’est ainsi que seproduit
ce que les maîtres de l’art ontdésigné
par le nom de mauvaisescrises ;
elles se recon-naissent a la marche de la
maladie
a la constitution connue du malade et à la constitutionépidémique ;
mais sur-tout à ce que lessignes diagnostics
de la fièvrenégative, précurseurs
de lacrise,
se soutiennent
trop long-temps 2
et que les forces du malade ne se rétablissent pas.26. La fièvre
négative qui
succède ainsi à la Lièvrepositive ,
estbien
plus dangereuse qu’elle
ne l’aurait été si elle s’étaitprésentée
dès le commencement.
Considérant ,
eneffet ,
que le sang alors estengagé
dans tout l’ensemble despetits
vaisseaux du corps, etqu’il
n’est
plus soutenu,
par la forcevitale
desvaisseaux,
nousdevins
89
DU SANG.
concevoir que son mouvement se
ralentira, qu’a
lalongue
il s’ar-rêtera
tout-à-fait ,
etqu’ainsi
la maladie se terminera par une inactiongénérale
et une immobilité absolue de la massesanguine.
Tant quela marche de la fièvre était
positive,
on a dû facilement concevoir l’idée d’un maximum : ce maximum aurait dû avoir lieulorsque ,
par l’entrée même du sang dans les
petits vaisseaux ,
la somme desrésistances serait redevenue
égale
à la somme des forces vitales desartères. Mais un
pareil
terme est contraire à l’idée d’une fièvrequi y
de
positive qu’elle
avaitété ,
est devenuenégative.
La force vitaledes artères
ayant
succombé une fois à la somme desrésistances ,
nepourra lui redevenir
égale, qu’autant qu’elle
sera soutenue par dessecours
extraordinaires ,
etmdépendans
de la marche naturelle de lamaladie,
abandonnée à elle-même.27. Dans les accès de fièvres
intermittentes qui
tous commencentpas cet effet
négatif , indiqué
parPQ,
la natureemploie
unmoyen bien
simple
pouropérer
larépartition égale
de la massesanguine ,
et pour rendre de nouveau la force vitale des artèreségale
à la somme des résistances : c’est l’intensité aveclaquelle opèrent
alors toutes les forces musculaires pour pousser la massesanguine ,
accumulée dans lesystème artériel ,
pouropérer
sonpassage dans le
système veineux
et en effectuer ainsi larépartition égale
entre les deuxsystèmes.
Il en résulte une nouvelle forceaccélératrice, laquelle , ajoutée
à celle desartères,
la rendégale
à la somme des résistances. Mais au maximum des fièvres inflam-
matoires,
on nepeut guères compter
sur un accroissement d’intensité des forcesanimales,
affaiblies par la durée même de la maladie : elles sontréputées
nullesalors ;
le rétablissement del’équilibre,
entre les forces accélératrices et les forces retardatrices de la
circulation,
ne
peut plus
êtreexigé
de la nature, abandonnée àelle-même ;
ellea un besoin
indispensable
du secours de l’art.28. Ce que nous avons dit
jusqu’ici
sur les deux forcesdésignées
par P
et Q, regardait
la circulation du sang , considérée dans son entierdepuis
sa sortie du ventriculegauche,
dans le tronc del’aorte,
90
jusque
son entrée de la veine cave dans l’oreillette droite.Mais, l’équation du=(P-Q)dt
doit encore avoirlieu,
pourchaque partie
du
corps
enparticulier , indépendamment
dusystème
entier. Dès-qu’elle
n’estplus maintenue
il en résulte des affections locales dans le commencement, maisplus
ou moins graves suivant l’im-portance
de lapartie affectée,
etqui
doivent nécessairement provoquer, dans tout lesystème
des vaisseauxsanguins,
d’une manièreplus
ou moins
sensible 3
l’un des deux étatsdésignés
par les notationsP>Q
etP Q,
et par les dénominationscorrespondantes de fièvre positive
et defièvre négative.
29. La condition d’un mouvement
uniforme ,
danschaque partie
du corps, est encore fondée sur
l’équation
du=o ouP=Q.
Ellecessera d’avoir
lieu, lorsque
lesquantités
Pet Q
ne serontplus égales
entre elles. Dans le cas deP>Q,
la différentielle du deviendrapositive;
le mouvement du sang seraaccéléré,
durant son passage., par les vaisseaux de cettepartie ;
il s’accumulera donc dans lesveines ;
il entrera, avecplus
ou moins deforce ,
dans lespetits
vaisseaux veineux
qui,
dans l’étatnaturel ,
restent invisibles àl’oeil ;
il donnera un nouveau
degré
de vitesse à toute cette massede
sangqui
leprécède ;
il enrésultera,
pour tout l’ensemble dusystème,
ce que nous avons nommé
fièvre positive ;
et lapartie, elle-même,
sera affectée d’une
inflammation
locale. On voit que cette différenceP-Q peut
fort bien allerjusqu’à
détruire insensiblement la structure même des vaisseaux de lapartie ,
à provoquer lesphénomènes qui
annoncent la coction de cette masse, et enfin à établir la suppu- ration.
3o. Dans le cas
opposé
dePQ,
ladifférentielle
du deviendranégative ;
le mouvement du sang sera retardé dans lapartie ;
lesang commencera à se
ralentir ,
sur-tout dans les vaisseauxartériels,
tandis
qu’il abandonnera ,
peu à peu , lespetits
canauxveineux;
lesang dont ils seront
remplis
opposera une certaine résistance à lamasse