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Article pp.451-462 du Vol.24 n°6 (2004)

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Focus

6

es

Entretiens de Nutrition Institut Pasteur de Lille

Extraits

Vins, bière, alcool et santé

Rédacteur en chef invité :

Jean-Michel Lecerf

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SCIENCES DES ALIMENTS, 24(2004) 451-462

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Les stratégies de santé publique autour de l’alcool

P. Mélihan-Cheinin1

SUMMARY

The public health strategies about alcohol

Alcohol consumption is a major public health issue in terms of medical and social consequences. A strong commitment of the State is needed in this field to reduce the overall national consumption, a major determinant of health problems. Focusing on it opens an avenue for effective public health intervention. An efficient policy requires evidence-based interventions, such as restricting the physical access to alcohol, a dissuasive fiscal policy or drink-driving counter-measures. In order to be comprehensive and to tackle the scale of the health and social burden, this strategy should provide for complementary and accompanying measures with limited impact and often higher costs, such as school-based education or treatment for alcohol abuse. The three main priorities of the Government: cancer, road-safety and handicap all have in common alcohol. These priorities provide an opportu- nity for a revival of an efficient policy in this field, such as the 5 year Plan on illegal and legal drugs.

key words

alcohol, public health, policy, evaluation, taxation.

RÉSUMÉ

L’alcool constitue un enjeu majeur de santé publique en termes de domma- ges tant somatiques que sociaux. La consommation totale du pays consti- tue un déterminant majeur de troubles de la santé, et centrer l’attention sur elle ouvre un boulevard pour une action de santé publique efficace. La pour- suite de l’efficacité exige l’adoption de mesures fondées scientifiquement, comme les restrictions d’accès à l’alcool, la dissuasion fiscale ou la répres- sion de l’alcool au volant. Pour être complète et à la hauteur des enjeux sanitaires et sociaux, cette stratégie doit prévoir des mesures d’accompa- gnement, à l’impact moindre et aux coûts souvent plus élevés, comme l’éducation à l’école ou le soin de la dépendance alcoolique. Les trois priori- tés du Gouvernement que sont le cancer, la sécurité routière et le handicap, ont en commun l’alcool et sont des opportunités pour une relance de la poli-

1. Chef du Bureau des Pratiques addictives - Direction générale de la santé - Ministère de la Santé et de la Protection sociale - 8, avenue de Ségur - 75007 Paris - France.

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tique dans ce domaine, ainsi que le Plan quinquennal sur les drogues illicites et licites.

Mots clés

alcool, santé publique, politique, évaluation, taxation.

L’alcoolisme est une question de santé publique majeure qui souffre d’une absence de réponse adaptée à l’échelle des enjeux sanitaires, comme le souligne le dernier rapport public de la Cour des Comptes (1).

Pourtant, une politique vigoureuse est légitimement attendue. Elle doit se fonder sur des preuves scientifiques.

1 – UNE ÉPIDÉMIE INDUSTRIELLE MAJEURE MARQUÉE PAR UNE ASYMÉTRIE CONSIDÉRABLE AU BÉNÉFICE DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES

Enjeu national, la lutte contre l’alcoolisme se heurte à des obstacles écono- miques importants dans notre pays, mais également au niveau communautaire.

Avec la contribution majeure de l’alcool à la mortalité précoce, ce poids des intérêts en jeu caractérise l’alcoolisme comme une « épidémie industrielle » pour reprendre l’expression de l’économiste Béatrice Majnoni d’Intignano1 (2).

Ainsi, malgré la forte décroissance des quarante dernières années, la France reste parmi les plus grands consommateurs d’alcool. Plus de 60 % des hom- mes et près de 30 % des femmes consomment quotidiennement un ou plu- sieurs verres de boissons alcoolisées (3).

Dans ce contexte de diminution globale de la consommation moyenne d’alcool, les Français ont modifié la structure de leur consommation entre 1970 et 1994, réduisant celle du vin, qui demeure majoritaire (60 % de la consomma- tion d’alcool pur), au profit de la bière et des spiritueux (3). Le nombre de per- sonnes ayant une consommation excessive d’alcool est estimé à six millions, dont deux millions seraient dépendantes (3).

L’alcool est la troisième cause de mortalité en France, à titre principal ou comme facteur associé (cancers, maladies cardio-vasculaires, santé mentale). Il est responsable de 45 000 décès par an (5). Au total, il contribue à 14 % des décès masculins et 3 % des décès féminins. Enfin, le coût social est estimé à 17,6 milliards d’euros, soit près de 1,4 % du PIB (6).

1. « Les épidémies industrielles concernent les maladies ou les morts précoces (entre 15 et 70 ans) provo- quées par la commercialisation licite ou illicite des produits dangereux pour la santé ou pour la vie, par des industries puissantes et organisées qui déploient des stratégies internationales, cohérentes et à long terme. »

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La taille de l’asymétrie entre les forces engagées dans la prévention – 54 M € pour le soin et la prévention en 2001 –, d’un côté, et les intérêts mar- chands – 17,3 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes pour les produc- teurs de boissons alcooliques en 2001 –, de l’autre, marque le paysage des stratégies sanitaires conduites et, surtout, de celles qui n’ont pu l’être (1).

Ainsi, à l’occasion du débat sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique, le Sénat a dû retirer, en février 2004, un amendement parlementaire prévoyant une mise en garde pour les femmes enceintes sur les emballages d’alcool, qu’il venait pourtant d’adopter. Autre exemple, en 2003, le Gouverne- ment n’a pu modifier la fiscalité sur le vin, pourtant quasiment inchangée depuis 1982.

Au Royaume-Uni, la lecture comparée du rapport sur la réduction du risque alcoolique en Angleterre de l’Unité stratégique près du Premier ministre britan- nique publiée en mars 2004 (7), avec sa version intermédiaire de septembre 2003 bien plus vigoureuse, illustre également cette asymétrie au bénéfice de l’industrie des alcools, comme le suggère un récent éditorial du British Medical Journal (8). À titre de comparaison, les recommandations de l’Académie des sciences médicales britannique publiées quelques jours plus tôt restent bien plus ancrées dans des considérations purement sanitaires (9).

Au niveau communautaire, le développement d’une politique européenne de lutte contre l’alcoolisme est freiné principalement par les deux obstacles suivants : la promotion de l’auto-réglementation par les alcooliers réunis au sein du Groupe d’Amsterdam, afin d’éviter tout encadrement de la communication commerciale à l’initiative des autorités, et le soutien apporté par la Commission elle-même, par la voie de sa direction de l’agriculture (DG-AGRI) à une campagne de promotion du vin en vue, notamment, d’en augmenter la consommation (10).

2 – DES RÉPONSES PARTIELLES, VOIRE INADAPTÉES, ET DES CHOIX DE CONTOURNEMENT

Aujourd’hui en France, l’essentiel des acteurs de la lutte contre l’alcoolisme est concentré dans le secteur médico-social et dans la prise en charge des per- sonnes dépendantes. La Cour des comptes souligne, ainsi, qu’en 2001, les deux tiers des crédits de l’assurance-maladie sont affectés aux soins (CCAA et équipes hospitalières en alcoologie), le solde à la prévention (1).

Pourtant, l’essentiel des obstacles à une politique plus vigoureuse contre l’alcoolisme dépasse largement le seul cadre de la médecine, et s’enracine davantage dans des rapports de force défavorables à la santé publique. La priorité donnée au système spécialisé plutôt qu’à la médecine de première ligne est un signe de plus de l’incompréhension, voire du déni, des enjeux sanitaires de la consommation d’alcool en France. Ainsi, le développement d’une appro- che thérapeutique des usages à risque en médecine de ville reste expérimental (cf. le programme « Boire moins, c’est mieux » soutenu par la DGS, la Mildt et la Ligue nationale contre le cancer).

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En revanche, le professeur Claude Got attribue la diminution tendancielle depuis quarante ans de la consommation d’alcool dans notre pays aux mesures contre la violence routière et l’ivresse au travail, davantage qu’aux efforts de prévention de l’alcoolisme et aux soins spécialisés (11). La diminution des achats de boissons alcoolisées des ménages coïncide, en effet, avec la défini- tion d’un taux d’alcoolémie au volant.

3 – DES VOIES POSSIBLES VERS DE RÉELLES STRATÉGIES COMPLÈTES ET FONDÉES

La comparaison avec le tabac, loin d’être accablante pour les acteurs de la lutte contre l’alcoolisme, pourrait, à l’inverse, être source d’inspiration.

3.1 Clarifier les objectifs

Le récent rapport de l’Académie des sciences médicales du Royaume-Uni rappelle que l’objectif général de toute stratégie de lutte contre l’alcoolisme doit viser la réduction de la consommation par habitant (9). Est, en effet, établie une corrélation entre celle-ci, la prévalence de la consommation abusive et les ris- ques sanitaires associés. En France, la Stratégie d’action alcool 2000-2004 du ministère de la Santé est construite sur des bases similaires.

Le ministère de la santé a retenu l’objectif d’une diminution de 20 % de la consommation annuelle d’alcool par habitant de plus de 15 ans (en litres) sur la période 2004-2008, comme indicateur de performance.

« L’alcool est un bon ami et un mauvais ennemi », a-t-il pu être écrit. La question particulière d’un supposé effet protecteur notamment au plan cardio- vasculaire de la consommation d’alcool quel que soit le type de boisson, identi- fié par certains travaux auprès de populations ciblées, peut paraître rendre ardue la tâche des décideurs. Pour répondre à cette difficulté apparente, l’Aca- démie des sciences médicales du Royaume-Uni propose d’atteindre l’objectif général de réduction de la consommation par habitant sans augmenter la pro- portion d’abstinents dans la population générale.

3.2 Fonder les politiques sur des preuves scientifiques

Mais partager cet objectif général ne garantit pas nécessairement de parve- nir aux mêmes conclusions. Ainsi, les deux rapports britanniques publiés en mars 2004 visent la réduction de la consommation moyenne avec des recom- mandations d’action très différentes.

Encore faut-il puiser dans la littérature internationale sur l’efficacité des actions de lutte contre l’alcoolisme.

À titre indicatif, dans le cadre d’un travail financé par l’Organisation mon- diale de la santé (OMS) une équipe universitaire britannique a récemment classé une série de mesures de lutte contre l’alcoolisme suivant quatre critères :

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efficacité à réduire le fardeau de santé publique associée à cette consomma- tion, qualité scientifique des évaluations disponibles, valeur interculturelle des mesures et leur coût (12). La plupart des études revues sont quasi expérimenta- les compte tenu de la thématique, elles ont été conduites dans la dernière décennie et publiées en anglais. Une attention particulière a été donnée à leur qualité, ainsi qu’à leur caractère culturellement ouvert. Les auteurs ont fait éga- lement appel à des relectures extérieures.

Le tableau 1 comprend également le coût supposé de l’intervention et la population cible, ainsi que des commentaires. Les actions sont notées de 0 à 3.

Quand l’impact est inconnu, un point d’interrogation le signale.

Tableau 1

Estimation de la valeur des interventions et des stratégies politiques contre l’alcoolisme.

Type de stratégie

ou d’intervention Efficacité Qualité des références

Valeur interculturelle

des tests

Coût de la mise

en œuvre

Population ciblea (PC) et commentaires Réglementer la disponibilité

matérielle des boissons alcooliques

Interdiction totale des ventes 3 3 2 Élevé

PG ; risques importants de marché noir coûteux à supprimer. Inefficace sans application.

Âge minimum d'achat 3 3 2 Faible

RE ; réduit les dangers de l’alcoolisme mais ne l’élimine pas. L’efficacité dépend étroitement des mesures d’application.

Rationnement 2 2 2 Élevé

PG ; touche particulièrement les buveurs excessifs mais difficile à mettre en place.

Monopole étatique des ventes

au détail 3 3 2 Faible

PG ; efficace à condition d’être dans le cadre de la poursuite d’objectifs sanitaires et d’ordre public.

Restriction des jours et des heures d'ouverture des débits de boissons

2 2 2 Faible

PG ; efficace dans certaines circonstances.

Restriction de la densité de

débits de boissons 2 3 2 Faible

PG ; exige une durée importante pour sa mise en place quand les débits ont été concentrés en raison de la variété des intérêts en présence.

Mettre en jeu la responsabilité juridique du personnel de service des débits

3 1 1 Faible

RE ; exige une définition juridique de la responsabilité.

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Accessibilité différente aux produits suivant le degré alcoolique de la boisson

2 2 1 Faible

PG ; testé la plupart du temps pour les bières.

Taxation et prix

Taxes sur les alcools 3 3 3 Faible

PG ; l’efficacité dépend de la vision du Gouvernement et du mode de contrôle de la production et de la distribution des boissons.

Des taxes élevées peuvent conduire à des trafics.

Modifier l'environnement lié à la vente de boissons alcooliques

Politique de refus de servir les

clients ivres dans les débits 1 3 2 Moyen

RE ; à elle seule, la formation est sans efficacité. Les mesures d’application à l’extérieur du débit sont fondamentales.

Former les personnels et partons de débits de boissons à mieux gérer les situations conflictuelles

1 1 1 Moyen

RE

Codes de pratiques volontaires

pour le service dans les bars 0 1 1 Faible RE ; inefficace sans

application.

Application de la réglementation et des obligations légales dans les débits

2 1 2 Élevé

RE ; la discipline dépend étroitement des mesures d’application.

Promotion d'activités et

événements sans alcool 0 2 1 Élevé

PG ; preuves pour la plupart fondées sur des programmes alternatifs pour les jeunes.

Mobilisation communautaire 2 2 1 Élevé

PG ; le caractère durable des changements n’a pas été démontré.

Éducation et persuasion Éducation à la santé à l'école

primaire 0 3 2 Élevé

RE ; peut accroître les connaissances et changer les attitudes, mais sans effet sur le comportement.

Éducation à la santé dans le

secondaire 0 1 1 Élevé idem

Messages de service public 0 3 2 Moyen

PG ; messages de modération aux buveurs, messages pour augmenter l’adhésion du public aux mesures politiques.

Type de stratégie

ou d’intervention Efficacité Qualité des références

Valeur interculturelle

des tests

Coût de la mise

en œuvre

Population ciblea (PC) et commentaires

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Messages sanitaires 0 1 1 Faible

PG ; élève la prise de conscience sans changement de comportement.

Réglementation de la promotion de l'alcool

Interdictions de publicité 1 2 2 Faible

PG ; très forte opposition des alcooliers, peut être contourné par le placement produit à la télévision et au cinéma.

Contrôle du contenu des

publicités ? 0 0 Moyen

PG ; souvent l’objet d’accords d’auto-réglementation par les industriels, qui sont rarement respectés et surveillés.

Mesures contre l'alcool au volant

Contrôles de la sobriété des

conducteurs 2 3 3 Moyen

PG ; effets à court terme des campagnes des forces de l’ordre.

Tests d'alcoolémie au hasard 3 2 1 Moyen

PG ; assez difficile à mettre en place, dépend du nombre de conducteurs directement touchés.

Abaisser les seuils

d'alcoolémie légale 3 3 2 Faible

PG ; les réductions sont d’ampleur limitée, mais encore significative.

Suspension administrative du

permis de conduire 2 2 2 Moyen AD

Tolérance zéro pour les jeunes

conducteurs 3 2 1 Faible RE

Permis probatoire pour les

nouveaux conducteurs 2 2 2 Faible

RE ; cet effet peut être également dû à la « tolérance zéro » dans certaines études.

Opérations conducteurs

désignés 0 1 1 Modéré

RE ; efficace pour empêcher les conducteurs ivres de prendre le volant mais sans impact sur les accidents liés à l’alcool.

Traitement et intervention précoce

Intervention brève auprès des

buveurs à risque 2 3 3 Moyen

RE ; les professionnels de première ligne manquent de formation et de temps pour réaliser ces tâches.

Traitement de la consommation excessive d'alcool

1 3 3 Élevé

AD ; population réduite car la plupart des pays disposent de peu de services spécialisés.

Type de stratégie

ou d’intervention Efficacité Qualité des références

Valeur interculturelle

des tests

Coût de la mise

en œuvre

Population ciblea (PC) et commentaires

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La réduction de l’accessibilité aux boissons alcooliques et l’arme fiscale constituent les stratégies les plus efficaces. Réduire le nombre de points de vente et les heures d’ouverture permet de baisser l’accès à l’alcool. À l’inverse de ce qui a pu être observé pour le tabac, l’intérêt préventif de l’interdiction de la vente aux mineurs semble clairement établi. Ces deux types de mesures se caractérisent par un fort niveau de preuve scientifique, une forte valeur intercul- turelle et, surtout, par la faiblesse du coût de ces réglementations. Autres mesures efficaces : la lutte contre l’alcool au volant ainsi que le repérage pré- coce des buveurs à risque par des interventions brèves.

En revanche, l’éducation à l’école ou au collège, les campagnes de commu- nication, le soin aux personnes dépendantes à l’alcool et les messages sanitai- res sur les produits semblent d’un rapport coût/bénéfice moins encourageant.

Cette revue de la littérature internationale sur les stratégies et modes d’inter- vention en santé publique en matière d’alcool, souligne la nécessité de déve- lopper travaux d’évaluation et expérimentations préventives dans notre pays.

Ainsi en 2004, en France, le ministère de la santé a retenu un premier pro- gramme d’études comprenant l’évaluation de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs de moins de 16 ans et celle d’expérimentations en régions du repérage précoce et de l’intervention brève.

Les mesures dont l’efficacité n’est pas fondée devraient clairement être considérées comme expérimentales, et comme telles accompagnées d’un dis- positif d’évaluation (8).

3.3 Optimiser les stratégies de contournement

La lutte contre l’alcool au volant constitue l’une des voies les plus efficaces pour parvenir à une réduction de la consommation d’alcool dans la population.

Les pays de la région Europe de l’OMS ont, d’ailleurs, le plus fréquemment retenu cette action dans leurs politiques nationales contre l’alcoolisme.

Auto-support et entraide 1 1 2 Faible

AD ; une mesure concrète, coût-efficace complémentaire ou alternative à une prise en charge spécialisée dans nombre de pays.

Traitement sous contrainte des conducteurs buveurs récidivistes

1 2 1 Moyen

AD ; les approches coercitives et répressives ont des effets peu prolongés dans le temps, et parfois détournent l’attention d’actions plus efficaces.

a. Chaque stratégie vise l’une des trois populations cibles (PC) suivantes : PG, la population générale des buveurs ; RE, les buveurs à risque élevé ou les groupes considérés comme particulièrement vulnérables aux effets néfastes de l’alcool (femmes enceintes, par exemple) ; AD, personnes dépendantes à l’alcool.

Source : Babor et al., 2003.

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Coût de la mise

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Population ciblea (PC) et commentaires

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« Réduire la mortalité, la morbidité et les handicaps résultant des accidents de la circulation liés à la consommation d’alcool » constitue le deuxième objec- tif de la Stratégie d’action alcool 2001-2004 du ministère de la santé (13). Dans ce cadre, un travail de sensibilisation a été réalisé dans le cadre des program- mes régionaux de santé (PRS) addictions. En 2003 et 2004, la DGS a apporté son soutien financier à l’association « La Route des Jeunes » pour des actions de prévention auprès de ce public particulièrement à risque. Le plan gouverne- mental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool 2004-2008 prévoit l’interdiction de la vente d’alcool dans les stations-service, actuellement autori- sée dans la journée.

En France, la fréquence accrue des contrôles par les forces de l’ordre et la publicité donnée à la priorité présidentielle sur ce sujet ont largement contribué à une accélération sensible de la diminution des ventes d’alcool en 2003, en particulier dans les lieux de consommation (cafés, restaurants…).

Dénormaliser l’alcool au travail est l’autre mode substitutif à une stratégie directe contre l’alcoolisme, qui a montré son impact. Il s’est agi pour les entre- prises de rechercher, ainsi, une amélioration de la sécurité. Dans le cas de notre pays, il s’agit de s’inscrire dans une démarche d’ensemble sur les pratiques addictives en milieu de travail qui inclut la consommation d’alcool. Elle devrait constituer un axe prioritaire de la politique gouvernemental dans ce champ.

3.4 Les mesures efficaces à promouvoir

L’Académie des sciences médicales du Royaume-Uni a identifié les deux mécanismes les plus à même de réduire la consommation moyenne d’alcool : les prix et l’accessibilité des boissons alcooliques (9). Le renforcement de lutte contre l’alcool au volant est, également, encouragée, avec une tolérance zéro pour les conducteurs de moins de 21 ans. Mais l’adoption d’une stratégie inter- ministérielle requiert un débat dans la société pour faire évoluer les représenta- tions.

La Stratégie d’action alcool 2001/2004 du ministère de la Santé a retenu les cinq axes prioritaires suivants (13) :

– réduire la consommation d’alcool pour réduire l’ensemble des risques à long terme liés à l’usage d’alcool (cancers et maladies cardio-vasculaires notamment) ;

– réduire la mortalité, la morbidité et les handicaps résultant des accidents de la circulation liés à la consommation d’alcool ;

– prévenir le développement de l’usage nocif et l’installation de la dépen- dance liée à l’alcool au cours de l’adolescence et au début de l’âge adulte ;

– développer l’accessibilité de modes de prise en charge efficaces pour les personnes en difficulté avec l’alcool sur le plan social (désinsertion, violen- ces familiales) et médical (dépendance, pathologies liées à l’alcool) ; – promouvoir la recherche, en particulier améliorer la qualité et la précision

du dispositif de suivi des usages et des consommations et de leur reten- tissement épidémiologique.

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À partir de 2004, la campagne de prévention de l’alcoolisme portée par l’INPES, s’articule autour de trois axes stratégiques :

– faire prendre conscience aux buveurs réguliers excessifs qu’ils sont dans l’excès ;

– faire évoluer les représentations masculines sur l’alcool ; – promouvoir l’abstinence pendant la grossesse.

Au plan législatif, cette volonté peut se traduire par un encadrement plus strict de la publicité autorisée, l’adoption d’avertissements sanitaires plus lisi- bles et plus utiles pour les consommateurs sur les publicités, l’interdiction totale de la vente d’alcool dans les points de vente de carburant, l’inscription, enfin, de messages de santé sur les conditionnements de boissons alcoolisées (notamment pour les femmes enceintes).

Au plan fiscal, une relance de ce dossier en vue d’y puiser des moyens nou- veaux pour le financement de l’action de santé publique dans ce domaine devrait être proposée. Elle pourrait, notamment, inclure une réévaluation des taxes sur les boissons les plus consommées et qui ont le moins évolué depuis longtemps.

La vigilance judiciaire contre les publicités illégales interrompue depuis 1998, a été relancée en 2003 par l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA) grâce au soutien de la DGS. À l’avenir, l’extension du droit d’ester en justice aux associations de consommateurs fami- liales, devrait favoriser son développement. La compétence donnée aux agents de la direction de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière de vérification des publicités pour l’alcool, s’inscrit dans ce cadre de recherche d’une meilleure application du code de la santé publique.

Mais pour être durable, une stratégie sanitaire doit non seulement avoir un impact sur la population générale, mais également être partagée. Dans ce cadre, le développement d’un programme d’éducation à la santé en milieu sco- laire et d’une offre de soins spécialisée aux personnes dépendantes à l’alcool s’impose, malgré un investissement dont la rentabilité en santé publique reste limitée.

3.5 Constituer un système d’information permettant l’évaluation des politiques

« Promouvoir la recherche, en particulier améliorer la qualité et la précision du dispositif de suivi des usages et des consommations et de leur retentisse- ment épidémiologique », constitue l’un des axes d’action de la Stratégie Alcool 2001-2004 (13).

Deux expertises collectives de l’Inserm ont été réalisées sur les effets sur la santé (6) et sur les dommages sociaux et dépendance (14).

En matière de surveillance, un groupe d’experts (IDA, Indicateurs en alcoolo- gie) a engagé, sous la responsabilité de l’OFDT, la mise à jour de l’ouvrage

« alcool à chiffres ouverts »1 afin de regrouper l’ensemble des données disponi-

1. GOT Claude et WEILL Jacques - L’alcool à chiffres ouverts - Seli Aslan, Paris, 1997.

(13)

Les stratégies de santé publique autour de l’alcool 461

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bles sur les consommations d’alcool en France. Cet effort sera approfondi par l’implication de l’Institut de veille sanitaire (InVS) dans la construction des indi- cateurs de mortalité, dans le cadre d’une approche en partenariat des institu- tions concernées.

La Stratégie Alcool arrive à échéance et pourrait offrir l’opportunité d’une démarche évaluative, dans la perspective, notamment, d’étudier l’opportunité d’États généraux de la lutte contre l’alcoolisme pour 2005, conformément à l’article 42 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Sur un plan plus général, la recherche d’un système de surveillance adapté aux enjeux de santé publique s’inscrit dans la démarche de pilotage de la per- formance des politiques publiques générée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que la DGS est la première administration centrale à adop- ter dès 2004.

4 – CONCLUSION

L’objectif d’amélioration de l’état de santé des Français doit viser la réduc- tion de la consommation d’alcool par habitant, quel que soit le produit con- sommé. Trancher entre une politique efficace et une qui ne l’est pas est, en définitif, une question qui se solde en termes de qualité de vie préservée et de morts évitées. Dès lors, l’échelle des enjeux exige de donner la priorité à la santé publique sur toute autre considération. Il s’agirait d’une démarche conforme au principe de précaution. L’Europe, également, est venue conforter l’action de la France, quand la Cour de justice des communautés européennes a estimé dans son arrêt du 13 juillet 2004, que le principe de libre prestation de services établi dans le Traité CE ne s’oppose pas à l’interdiction de publicité indirecte en faveur des boissons alcooliques à la télévision1.

L’adoption fin 2004 par le Parlement d’une mise en garde sanitaire sur les contenants d’alcools recommandant l’abstinence d’alcool pendant la gros- sesse, constitue une avancée importante dans ce sens.

1. CJCE, affaires C-262/02 et C-429/02, 13 juillet 2004.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Références

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