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Oncologie : Article pp.141-147 du Vol.9 n°3 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Généralités médicales et spécificités thérapeutiques des cancers du nouveau-né et du nourrisson

Cancer in Newborns and Infants— Generalities and Therapeutic Specificities

V. Minard-Colin

Reçu le 5 août 2015 ; accepté le 23 août 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméLes tumeurs malignes du petit enfant sont rares. En France, 190 cancers affectent chaque année un enfant de moins d’un an. Les plus fréquents à cet âge sont les leucé- mies, les tumeurs cérébrales et les neuroblastomes. La pré- sentation clinique, les types histologiques, le profil biolo- gique, la sensibilité au traitement et le pronostic de ces cancers du petit enfant sont souvent différents de ceux de l’enfant plus grand. Une prédisposition génétique est fré- quente et devra systématiquement être recherchée afin notamment de permettre un conseil génétique. La prise en charge devra être multidisciplinaire, réalisée dans un centre de référence et tenir compte des besoins physiologiques et psychologiques de l’enfant. Dans les formes de bon pronos- tic, les plus fréquentes, le traitement est fondé sur la chirur- gie conservatrice associée éventuellement à une chimiothé- rapie préalable adaptée à l’âge de l’enfant. Une surveillance seule permet parfois d’observer la régression spontanée des lésions. Dans les formes de pronostic plus sévère, comme les tumeurs rhabdoïdes et les leucémies néonatales, de nou- veaux médicaments sont nécessaires.

Mots clésCancer · Nouveau-né · Nourrisson · Tumeur néonatale

AbstractMalignant tumors in newborns and infants are rare.

In France, 190 new cases are diagnosed each year in children less than 1 year. The most frequents are leukemia, brain tumors, and neuroblastoma. Clinical presentation, histologic types, biological behavior, response to therapy, and progno- sis are different from that of older children. Genetic suscep- tibility is frequent and need to be investigated for genetic

counseling. Multidisciplinary treatment is required in expert centers and will include the physiologic and psychological needs of young children. The majority of these cancers are of good prognosis, and treatment is based on conservative sur- gery eventually in addition with age-adapted chemotherapy.

Spontaneous regressions have also been observed. In poor- prognosis cancers, such as rhabdoïd tumor and neonatal leu- kemia, new therapies are urgently needed.

Keywords Cancer · Neonate · Infants · Neonatal tumor

Introduction

Les tumeurs malignes du petit enfant sont rares. En période néonatale (1ermois de vie), elles représentent environ 2 % des tumeurs malignes de l’enfant [1–5]. Beaucoup moins rares à cet âge sont les tumeurs bénignes, bien souvent dépistées en période anténatale et dont la plus fréquente est le tératome sacrococcygien. Les cancers du nourrisson de moins d’un an représentent quant à eux près de 10 % des cancers de l’enfant.

Au total, en France, parmi les 1 700 hémopathies et tumeurs malignes solides diagnostiquées chaque année chez l’enfant de moins de 15 ans, environ 190 affectent un enfant de moins d’un an [6]. Les données américaines du SEER (Surveillance, Epidemiology, and End Results Program) [7] rapportent les taux d’incidence suivants pour 1 000 000 d’enfants de moins d’un an sur la période 2008–2012 : toutes tumeurs malignes : 237, dont leucémies : 50,4 ; neuroblastomes (NBL) : 49,2 ; tumeurs cérébrales : 46,6 ; rétinoblastomes : 29,2 ; sarcomes des tissus mous : 19 ; tumeurs germinales : 18,6 ; tumeurs rénales : 14,8 ; tumeurs hépatiques : 11,1 et autres tumeurs

< 5. Enfin, la mortalité par cancer ne représente que moins de 1 % des causes de mortalité de l’enfant de moins d’un an, la majorité de ces tumeurs étant de bon pronostic.

Le diagnostic des tumeurs du nouveau-né est souvent réa- lisé en période anténatale grâce aux examens d’imagerie modernes tels que l’échographie souvent associée à une

V. Minard-Colin (*)

Département de cancérologie de lenfant et de ladolescent, Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant,

F-94805 Villejuif cedex, France

e-mail : veronique.minard@gustaveroussy.fr DOI 10.1007/s11839-015-0535-1

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imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale. Une réu- nion de concertation pluridisciplinaire est alors nécessaire impliquant obstétriciens, néonatologistes, chirurgiens, biolo- gistes, radiologues, psychologues/psychiatres et oncologues pédiatres pour proposer une stratégie médicale et informer au mieux la famille. Les questions de l’interruption théra- peutique de la grossesse, du déclenchement prématuré de l’accouchement et de la prise en charge obstétricale et néo- natale devront notamment être abordées. Malgré tout, il est souvent difficile de donner un diagnostic précis sur l’image- rie anténatale et surtout d’évaluer le pronostic de ces tumeurs. Plus que les enjeux oncologiques, c’est le retentis- sement de ces masses sur les organes en croissance ainsi que la position familiale qui seront décisionnels.

La présentation clinique, les caractéristiques biologiques et le pronostic des tumeurs malignes du petit enfant sont différents de ceux de l’enfant plus grand. À cet âge, certains tissus embryonnaires, ayant pourtant à l’examen anatomo- pathologique des critères de haute malignité, gardent une capacité de différenciation, voire de régression spontanée rendant le pronostic de certaines de ces tumeurs très favo- rable. La prise en charge est complexe du fait de la rareté des cas et du jeune âge de l’enfant qui rend la chirurgie dif- ficile, la chimiothérapie délicate à manier et la radiothérapie souvent impossible à utiliser eu égard aux séquelles qu’elle risque d’engendrer.

Nous aborderons dans cette revue les caractéristiques générales des tumeurs malignes du nouveau-né et du nour- risson, en abordant en particulier certaines tumeurs les plus fréquentes et particulières à ce jeune âge, ainsi que les enjeux thérapeutiques spécifiques.

Caractéristiques générales des tumeurs malignes du petit enfant

Facteurs de risque–Étiologies

Peu de facteurs de risque environnementaux ont été identi- fiés dans les cancers de l’enfant en général et dans ceux du tout-petit en particulier. L’exposition durant la grossesse aux radiations ionisantes, à certains pesticides ainsi que l’alcoo- lisme et le tabagisme maternel semblent augmenter le risque de cancer mais de façon limitée [8,9]. Certains traitements antirétroviraux, donnés aux femmes VIH positives durant leur grossesse pour éviter la transmission du virus à leur enfant, sont potentiellement génotoxiques, et leur associa- tion à un risque accru de cancer chez l’enfant doit être encore analysée avec un suivi suffisant [10]. Un excès de risque de développer des tumeurs a enfin été suspecté chez les enfants nés suite à une procréation médicalement assistée (PMA), mais une étude récente anglaise portant sur plus de 100 000 enfants nés entre 1992 et 2008 suite à une PMA n’a

pas montré de risque accru chez ces enfants, excepté et de façon très limitée de développer un hépatoblastome ou un rhabdomyosarcome (RMS) [11].

La découverte d’une tumeur maligne chez un tout-petit, a fortiori si elle est associée à des antécédents familiaux de cancer (exemple : syndrome de Li-Fraumeni, mutationp53, sarcomes et leucémies), à une dysmorphie (exemple : syn- drome de Noonan, mutationPTPN11, leucémies et NBL), à des tâches cutanées (exemple : neurofibromatose type 1, mutation/délétion NF1, leucémies et tumeurs solides), à des malformations (exemple : syndrome de WAGR, micro- délétion 11p13, néphroblastomes) ou si la tumeur se présente de façon multifocale (exemple : néphroblastomes bilatéraux, mutationWT1), doit faire suspecter une susceptibilité géné- tique à développer des tumeurs. De même, la découverte de certaines tumeurs doit faire proposer systématiquement à la famille une consultation génétique (exemple : tumeurs rhab- doïdes intra- et extracérébrales et mutationSMARCB1/INI1, pleuropneumoblastome et mutationDICER1). Environ 10 % des tumeurs de l’enfant sont aujourd’hui associées à une anomalie génétique connue, mais ce pourcentage est en hausse constante du fait du développement de nouveaux outils de biologie moléculaire [12]. L’intérêt du conseil et de l’analyse génétique est multiple : d’une part, il permet au médecin de répondre, au moins en partie, à une question fréquente et légitime des parents : pourquoi mon enfant a-t-il développé un cancer ? D’autre part, l’identification d’une susceptibilité génétique nécessite dans certains cas l’adapta- tion des traitements qui peuvent s’avérer plus toxiques ou moins efficaces et permet une surveillance adaptée. Enfin, et cela concerne en particulier ces parents le plus souvent jeunes dont le tout-petit a déjà un cancer, en cas de nouvelle grossesse, l’identification préalable d’une anomalie géné- tique permet de proposer aux parents un diagnostic anténa- tal, voire un diagnostic préimplantatoire.

Diagnostic clinique–Imagerie

En dehors du diagnostic anténatal que nous avons abordé ci- dessus, le diagnostic est porté devant des symptômes et signes cliniques très variables et qui sont fonction du site primitif de la maladie et de son extension. Les particularités cliniques de ces tumeurs du jeune enfant sont : 1) une crois- sance parfois très rapide, notamment pour les tumeurs embryonnaires, contrastant avec ; 2) un état général long- temps conservé et la pauvreté des symptômes ; 3) un retard diagnostique fréquent pour les tumeurs cérébrales du fait de la plasticité de la boîte crânienne à cet âge et des signes cliniques souvent tardifs en dehors de la macrocéphalie ; 4) des formes cliniques uniques à cet âge et parfois diffici- les de diagnostic pour le pédiatre non spécialiste telles que le syndrome de Pepper (NBL métastatique associant une tumeur souvent surrénalienne, des métastases hépatiques

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volumineuses, des nodules sous-cutanés souvent bleutés et une atteinte médullaire) (Fig. 1) ou leblueberry muffin baby, papulonodules disséminés inflammatoires plus ou moins bleutés pouvant révéler chez le nouveau-né des métastases de RMS alvéolaire ou des localisations de leucémie aiguë myéloblastique (LAM) et surtout ; 5) la nécessité d’évaluer de façon attentive et répétée le retentissement clinique lié notamment au volume tumoral chez ces enfants encore très jeunes et fragiles (difficultés alimentaires, respiratoires, uri- naires, etc.).

Une imagerie devra être réalisée afin d’orienter le diag- nostic et de préciser l’extension locale et locorégionale, et cela au mieux avant la biopsie. Les techniques d’imagerie non irradiantes devront être privilégiées à cet âge, telles que l’échographie et l’IRM, cette dernière pouvant être réa- lisée en général avant l’âge d’un an sans sédation ni anes- thésie générale. À l’imagerie, les diagnostics différentiels des tumeurs malignes à cet âge sont les tumeurs bénignes qui sont beaucoup plus fréquentes (notamment les héman- giomes dans les parties molles) et les malformations congé- nitales qui peuvent se présenter sous des formes pseudotu- morales très trompeuses.

Histologie–Biologie

Une cytoponction pour les masses superficielles, souvent réalisée lors de l’imagerie, peut être d’un apport diagnos- tique essentiel pour orienter le diagnostic et les examens ultérieurs. La biopsie sous anesthésie générale, au mieux à l’aiguille de taille adaptée, guidée par l’imagerie et réalisée par un radiologue expérimenté, reste cependant le plus sou- vent indispensable. Dans certains cas (NBL métastatiques en particulier), l’évolution rapide de la tumeur et la fragilité relative de l’enfant contre-indiquent l’anesthésie générale et nécessitent de débuter un traitement en urgence devant un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiolo- giques et sans biopsie préalable.

Principales tumeurs malignes du petit enfant Leucémies

Les leucémies, en particulier néonatales, sont la première cause de mortalité par cancer à cet âge [1,13]. Le tableau clinique comporte souvent une altération rapide de l’état général et une hépatomégalie associées dans plus de 60 % des cas à des nodules sous-cutanés, notamment dans les leucémies aiguës myéloblastiques. L’hyperleucocytose est fréquente. Le diagnostic, porté sur un examen du sang et de la moelle avec analyse cytologique, immunophéno- typique et moléculaire, devra toujours être confirmé dans un centre spécialisé, certaines réactions « pseudoleucémi- ques » post-infectieuses pouvant être trompeuses à cet âge [2,14]. Ces leucémies posent des difficultés tant cliniques qu’éthiques du fait de la gravité du pronostic et de la lour- deur et des séquelles potentielles induites par les traite- ments. Leur prise en charge n’est pas consensuelle et fait débat, en particulier pour les leucémies néonatales. La sur- vie des enfants de moins d’un an atteints de leucémie est de 60 % ; celle des formes néonatales est inférieure à 30 % [2,15].

À la naissance, les LAM prédominent, et dans la première année de vie, leur incidence est équivalente aux leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL). Les LAM, souvent associées à un réarrangement du gèneMLL[15], sont le plus souvent de type M4, M5 et M7 selon la classification FAB (French- American-British) et sont de meilleur pronostic que les LAL en particulier chez le nouveau-né [16]. De façon remarquable, des rémissions spontanées ont été observées, surtout chez les enfants présentant une trisomie 21 et notamment dans les for- mes cutanées isolées [17]. Les LAL, également associées fré- quemment à un réarrangement de MLL, sont de pronostic redoutable en particulier chez le nouveau-né avec des survies rapportées inférieures à 20 %, et ce, malgré des traitements intenses [18].

Fig. 1 Neuroblastome Ms ou syndrome de Pepper néonatalTumeur surrénalienne avec métastases hépatiques (A) et nodules sous- cutanés bleutés (B)

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Tumeurs du système nerveux central (SNC)

Les tumeurs du SNC forment un groupe très hétérogène de tumeurs qui siègent surtout à l’étage sus-tentoriel (désigna- tion anatomique de la partie du SNC située au-dessus de la tente du cervelet) chez le nouveau-né et le nourrisson [19,20]. La prise en charge de ces tumeurs est complexe du fait notamment des séquelles neurologiques induites par la maladie et la chirurgie et de l’impossibilité d’utiliser la radio- thérapie, arme thérapeutique pourtant centrale dans de nom- breuses tumeurs cérébrales, eu égard aux séquelles qu’elle risque d’engendrer. Le principal signe clinique est la macro- céphalie, associée plus ou moins rapidement à des troubles du développement psychomoteur. Le diagnostic est souvent tardif, quand la tumeur est volumineuse, du fait de la plasti- cité de la boîte crânienne à cet âge et des signes tardifs d’hy- pertension intracrânienne.

Les tumeurs du nouveau-né sont quant à elles souvent diagnostiquées en anténatal, grâce aux échographies com- plétées par des IRM fœtales [21]. Malgré tout, il est souvent très difficile sur ces examens d’imagerie de prédire le type de tumeur, et c’est surtout le retentissement de la masse sur le cerveau en croissance qui guidera la prise en charge médi- cale (hydrocéphalie, macrocéphalie, désorganisation plus ou moins agénésie des structures cérébrales). Dans une série de 250 tumeurs néonatales, Isaacs rapporte une survie de seu- lement 28 % [19,20]. Les principaux facteurs pronostiques sont la taille et le site de la tumeur, le type histologique (les tératomes, tumeur la plus fréquente à cet âge, et les tumeurs neuroectodermiques primitives ayant le plus mauvais pro- nostic), l’opérabilité et l’état clinique de l’enfant.

Les tumeurs rhabdoïdes tératoïdes atypiques (Fig. 2) sont des tumeurs rares et particulièrement agressives du jeune enfant. Elles se développent suite à l’inactivation biallélique du gène suppresseur de tumeurSMARCB1/INI1et peuvent siéger dans ou en dehors du système nerveux central et notamment alors au niveau du rein [22]. Un syndrome de prédisposition associé à une mutation germinale du gène suppresseur de tumeurSMARCB1/INI1(le plus souvent de novo mais parfois liée à un mosaïsme germinal parental, d’où la nécessité d’un conseil génétique) est présent dans près de 50 % des cas lorsque la tumeur rhabdoïde est diag- nostiquée avant l’âge d’un an [23]. Les tumeurs peuvent sié- ger en sus- ou sous-tentoriel ou dans la moelle épinière. En immunohistochimie, la perte d’expression d’INI1 permet le diagnostic. Malgré des traitements lourds associant chimio- thérapie intense, chirurgie et radiothérapie chez les plus grands enfants, la survie est inférieure à 30 % [24].

Nous n’aborderons pas enfin les autres tumeurs telles que les papillomes ou les carcinomes des plexus choroïdes, les gliomes malins, les médulloblastomes et les tumeurs neu- roectodermiques primitives qui à ce jeune âge ont souvent un profil biologique et une sensibilité aux traitements diffé- rents de ceux des enfants plus grands.

Neuroblastomes

Le NBL est une tumeur fréquente du très jeune enfant, et c’est la tumeur solide la plus fréquente à la période néonatale [7]. Il siège surtout au niveau de la glande surrénalienne, mais peut se développer à tout niveau du système nerveux sympathique. Le diagnostic peut être anténatal ou chez le

Fig. 2 Tumeur rhabdoïde et tératoïde atypique au diagnostic (A) et à la récidive en cours de traitement dans le lit opératoire et sous forme de métastases leptoméningées (B)

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nourrisson fortuit sur une échographie demandée pour une autre raison ou porté suite à des symptômes liés à la tumeur et/ou son extension [25]. Le spectre de la maladie est large, allant d’une petite tumeur surrénalienne à une tumeur plus étendue ou métastatique. Cette dernière, appelée syndrome de Pepper ou Ms, associe une tumeur le plus souvent surré- nalienne à des métastases hépatiques, médullaires et/ou sous-cutanées plus ou moins bleutées (Fig. 1). Le NBL du jeune enfant peut régresser spontanément et éventuellement après une croissance initiale. En l’absence de symptôme ou de biologie défavorable, le standard est la surveillance seule [26]. Un traitement par chimiothérapie adaptée aux jeunes enfants peut être nécessaire soit du fait d’un profil molécu- laire moins favorable (anomalies segmentaires chromoso- miques), soit du fait du retentissement clinique de la masse primitive et/ou des métastases en particulier hépatiques (hypertension artérielle, douleurs, troubles respiratoires, ali- mentaires, etc.). Le pronostic est très bon avec des survies supérieures à 90 % [27]. Certains NBL, exceptionnels chez le nouveau-né et rares chez le nourrisson (< 10 %), sont associés à une amplification somatique de l’oncogèneNMyc et sont plus agressifs, nécessitant un traitement adapté.

Sarcomes des tissus mous

Nous abordons ici les sarcomes des tissus car, même s’ils sont moins fréquents que les rétinoblastomes dans la pre- mière année de vie, ils posent des difficultés diagnostiques et thérapeutiques particulières à cet âge. D’une part, le diag- nostic peut être difficile, et le risque de confusion avec une tumeur bénigne est important du fait notamment de l’intense activité mitotique tissulaire. Dans certains cas difficiles, la mise en évidence d’anomalies moléculaires spécifiques à certains groupes tumoraux peut être très utile au diagnostic, et il sera également nécessaire de conforter le diagnostic par une relecture systématique. D’autre part, ces tumeurs, et notamment les RMS (les plus fréquentes dans la première année de vie avec les fibrosarcomes infantiles [FI]), nécessi-

tent un traitement multidisciplinaire qui devra prendre en compte les séquelles induites à cet âge par les traitements, et notamment par la chirurgie et la radiothérapie [28]. Enfin, à cet âge, une « même » maladie peut présenter un profil biologique et un pronostic très différent et souvent bien meil- leur que pour le plus grand enfant ou l’adulte (exemple : FI).

Le FI (Fig. 3) peut être présent dès la naissance et survient toujours avant quatre ans. La tumeur siège alors sur les mem- bres et particulièrement au niveau des extrémités. Une trans- location chromosomique aboutissant au gène de fusion ETV6-NTRK3 a été identifiée. Le traitement de référence est la résection chirurgicale qui doit être conservatrice. La chimiothérapie, le plus souvent efficace, est indiquée au préalable en cas de tumeur inopérable. Le pronostic des FI est excellent avec une survie globale de 80 à 100 % selon les séries [29]. Le RMS néonatal est une tumeur rare à cet âge (0,5 à 1 % des RMS). La tumeur siège principalement au niveau des membres ou du tractus génito-urinaire (Fig. 4).

Le traitement est fondé sur une chimiothérapie adaptée et sur une chirurgie aussi conservatrice que possible. Le pronostic des RMS des enfants de moins d’un an est le plus souvent comparable à celui des enfants plus âgés [30].

Fig. 3 Fibrosarcome congénital de lavant-bras

Fig. 4 Rhabdomyosarcome paratesticulaire chez un nourrisson de six mois, présentation clinique (A) et pièce opératoire (B)

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Spécificités thérapeutiques

La prise en charge des tumeurs malignes du nouveau-né et du nourrisson est délicate, fondée sur une multidisciplinarité et doit se déployer dans des centres de référence. Elle doit bien sûr tenir compte des besoins physiologiques (sommeil, allaitement, etc.) et psychologiques (possibilité de présence parentale continue) spécifiques du tout-petit et les respecter au maximum. Les soins de puériculture sont également adaptés : par exemple, les soins potentiellement douloureux doivent être réalisés durant l’allaitement ou après solution orale sucrée et avec tétine (nourrisson < 4–6 mois), les échel- les d’évaluation de la douleur sont adaptées à l’âge, les son- des gastriques doivent être posées par voie buccale et non nasale, etc.

Ces tumeurs sont heureusement le plus souvent de bon, voire d’excellent pronostic et de façon très intéressante peu- vent même régresser spontanément ou après quelques cures adaptées de chimiothérapie. Le premier principe est celui de primum non nocere, c’est-à-dire d’abord de ne pas nuire.

C’est le cas par exemple de petites tumeurs surrénaliennes difficiles, voire dangereuses à biopsier (risque d’hémorragie ou de rupture tumorale si la biopsie est réalisée par un radio- logue non expérimenté et/ou avec une aiguille de trop grande taille). C’est le cas aussi des NBL métastatiques associés à de volumineuses métastases hépatiques responsables parfois d’une instabilité respiratoire et hémodynamique. L’induction d’une anesthésie générale peut être dangereuse ou l’extuba- tion impossible après l’anesthésie. Dans ce cas, il faut savoir surseoir à la biopsie initiale et débuter en urgence un traite- ment par chimiothérapie devant un faisceau d’arguments et réaliser la biopsie dans un deuxième temps après réduction du volume tumoral.

À l’inverse, devant des tumeurs agressives et de pronostic réservé, il faut savoir intensifier progressivement les traite- ments s’ils sont bien tolérés. C’est le cas par exemple de certains RMS alvéolaires du nourrisson qui nécessitent une chimiothérapie intense comportant l’introduction progres- sive des alkylants puis éventuellement des anthracyclines.

Les modalités thérapeutiques doivent enfin tenir compte du très jeune âge des enfants. La chirurgie est difficile du fait bien sûr de la petite taille des organes, mais aussi pour les tumeurs qui se situent à proximité des vaisseaux du risque élevé de spasme artériel. La radiothérapie n’est quasiment pas possible avant l’âge d’un an, eu égard aux séquelles qu’elle engendrait, sauf éventuellement sur des zones très limitées ou avec des techniques adaptées. L’adaptation de la chimiothérapie à l’âge et au poids est essentielle en parti- culier chez le nouveau-né mais aussi chez le nourrisson de moins d’un an. D’une part du fait de l’immaturité enzyma- tique et d’autre part, et surtout, du fait de la formulation cor- porelle des tout-petits rendant les calculs de chimiothérapie

par rapport à la surface corporelle et non le poids dangereux.

Les adaptations de dose ne sont donc pas des réductions aboutissant à un sous-traitement, mais des calculs intégrant la biométrie du nourrisson. Cette adaptation sera de toute façon dynamique, tenant compte pour les cures suivantes de la gravité de la maladie, de la tolérance et de l’efficacité de la chimiothérapie.

Conclusion

Les tumeurs malignes du nouveau-né et du nourrisson sont rares, et leur prise en charge est complexe et pose des ques- tions médicales et éthiques. Dans les formes de bon pronostic, les plus fréquentes, le traitement est fondé sur la chirurgie conservatrice associée éventuellement à une chimiothérapie adaptée à l’âge de l’enfant. Parfois, une surveillance seule permet d’observer la régression spontanée des lésions. Dans les formes de pronostic plus sévère, comme les tumeurs rhab- doïdes et les leucémies néonatales, de nouveaux médicaments sont nécessaires, dirigés contre les anomalies moléculaires driverou conductrices de ces tumeurs. La meilleure compré- hension des mécanismes d’oncogenèse, et notamment de la permissivité du microenvironnement tumoral laissant se déve- lopper parfois in utero ces cancers, permettra à l’avenir de mieux traiter voire de prévenir ces tumeurs.

Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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