• Aucun résultat trouvé

L’organisation du travail en milieu carcéral

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L’organisation du travail en milieu carcéral"

Copied!
58
0
0

Texte intégral

(1)

PRINCIPIANO Daphnée Madame BEAUCARDET Hélène GIOVENAL Olivier

Master 2 Droit des relations de travail dans l’entreprise

RAPPORT DE RECHERCHE

« Le droit du travail d’une société libre se juge au droit du travail dans ses prisons » Philippe Auvergnon

L’organisation du travail en milieu carcéral

L’organisation du travail en milieu carcéral

(2)

2008/2009

REMERCIEMENTS

L’élaboration de ce rapport dont le sujet est sensible n’a été possible qu’avec la collaboration de professionnels que nous souhaitons sincèrement remercier.

- Le Professeur Michel BUY qui a permis et validé le choix de ce rapport.

- Madame Hélène BEAUCARDET, Inspectrice du travail et tutrice de ce rapport, pour nous avoir conseillé durant son élaboration, aussi bien sur la recherche de la problématique que sur le suivi de notre travail. En outre, Madame BEAUCARDET nous a permis de visiter la Maison d’arrêt de Luynes à deux reprises.

- L’ensemble de l’équipe du Théâtre OFF et plus spécialement Madame ORTIZ qui nous a permis de rencontrer d’anciens détenus dont les témoignages ont enrichi humainement ce rapport.

- Monsieur LEVY directeur et Monsieur LE PUIL chargé des relations extérieures du centre de détention de Luynes qui ont facilité notre immersion dans le milieu carcéral.

- Monsieur MAILLES, Directeur et le capitaine LAUTISSIER chargé des relations extérieures du Centre pénitentiaire de la Farlède pour leur chaleureuse disponibilité.

- Monsieur LEBERT chef d’unité privée et Giani CATHUS responsable de production du groupe IDEX du Centre pénitentiaire de la Farlède.

- Les personnels pénitentiaires ainsi que les travailleurs-détenus qui ont bien voulu témoigner sur leur condition.

(3)

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS...2

SOMMAIRE...3

GLOSSAIRE...4

INTRODUCTION...6

I. LES MODES DE GESTION REGISSANT LE TRAVAIL EN MILIEU CARCERAL...13

A. La gestion publique...14

1. La Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP)...14

2. Le régime du travail en concession...15

B. L’intervention d’un groupement privé : la gestion déléguée...20

1. Les relations contractuelles entre l’Administration pénitentiaire et le groupement privé 21 2. Les moyens de prospection des groupements privés : les relations entre le groupement et ses clients...26

II. L’ACCES DES DETENUS AU TRAVAIL...29

A. Un accès restrictif à des postes aliénants : une procédure imprécise...30

1. Les conditions d'accès à l'emploi carcéral...30

2. Les différents postes disponibles...34

B. L’absence de reconnaissance d’un contrat de travail...38

1. Une dérogation aux dispositions du Code du travail...40

2. Une application résiduelle du Droit commun du Travail...47

CONCLUSION...53

BIBLIOGRAPHIE...54

ANNEXES...56

TABLE DES MATIERES...57

(4)

GLOSSAIRE

Les définitions du présent glossaire sont issues du vocabulaire juridique de Gérard CORNU ainsi que du lexique établi par le sénateur Paul LORIDANT dans son rapport de juin 2002.

Cantiner, cantinage : Dépenser, consommer. En prison, il n’est possible d’acheter des produits qu’en passant par la cantine de l’établissement.

Centre de détention : Etablissement pénitentiaire accueillant des condamnés majeurs présentant les meilleures perspectives de réinsertion. Leur régime de détention est orienté principalement vers leur resocialisation.

Centre pénitentiaire : Etablissement pénitentiaire spécialisé destiné à recevoir certaines catégories de condamnés à de longues peines privatives de liberté.

Classement : Décision prise par le Directeur d’établissement d’autoriser le détenu à travailler en l’affectant à un emploi.

Concessionnaire : Entreprise privée qui développe des activités de travail pour les détenus dans les établissements pénitentiaires.

Etablissement pour peine : Etablissement pénitentiaire qui reçoit exclusivement des condamnés dont le reliquat de peine est au moins égal à un an. On distingue différents types d’établissements pour peine : Les centres de détention et les maisons centrales.

Maison centrale : Etablissement pénitentiaire où sont détenus les condamnés à des peines privatives de liberté de longue durée ( plus d’un an ) qui ne sont pas affectés à des centres de détention.

Maison d’arrêt : Etablissement pénitentiaire destiné à recevoir les prévenus incarcérés et les condamnés à des peines d’emprisonnement de courte durée (moins d’un an).

(5)

PACTE 1 : Plan d’action pour la Croissance du travail et de l’Emploi en milieu pénitentiaire n°1.

Ce plan pour la période 1997-2000 visait essentiellement au développement et à la qualification de l’emploi des détenus en production,activité identifiée comme principal levier de progression du travail en établissement pénitentiaire.

PACTE 2 : Plan d’action pour la Croissance du travail et de l’emploi en milieu pénitentiaire n°2 Appliqué de 2000 à 2003 ce plan visait à favoriser l’insertion professionnelle des détenus à travers l’ensemble des possibilités de travail existant en milieu carcéral.

Programmes 13 000, 4000 et 13 200 : Programmes de construction mixte. La construction puis la gestion courante sont assurées par des entreprises privées. La garde, le greffe et la direction demeurent de la responsabilité de l’administration pénitentiaire et de son personnel.

Programme « entreprendre » :Initié en 2008 ce programme vise à communiquer largement sur le travail pénitentiaire notamment en direction des entreprises privées. Il s’engage par ailleurs à améliorer encore les infrastructures, les modes d’organisation et les procédures du travail en détention.

RIEP : Régie industrielle des établissements pénitentiaires : Organisme de l’administration pénitentiaire qui développe des activités de travail pour les détenus dans les établissements.

SMAP : Salaire Minimum de l’administration Pénitentiaire : taux horaire minimum de rémunération des détenus.

SPIP : Service pénitentiaire pour l’insertion et la probation : Le SPIP participe à la prévention des effets dé-socialisants de l´emprisonnement sur les personnes détenues, aide à préparer leur réinsertion sociale et favorise le maintien des liens familiaux et sociaux.

(6)

INTRODUCTION

« L’État de Droit ne doit pas cesser à la porte des prisons » Albert Camus1.

Le milieu carcéral est toujours sujet à polémiques en France, que ce soit avec l’annonce de l’implantation de « call center » dans deux prisons2 ou plus récemment autour de l’adoption du projet de loi pénitentiaire voté par le Sénat le 6 mars dernier et qui va être prochainement présenté devant l’Assemblée Nationale.

Quatre objectifs principaux se dégagent de ce projet3 : développer les aménagements de peine, généraliser la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes, garantir les droits fondamentaux des détenus et s’engager pour leur réinsertion.

Tout comme les précédents, ce projet a pour ambition de remédier au problème de la surpopulation carcérale et a donc pour finalité d’améliorer les conditions de vie des personnes incarcérées.

Quelques chiffres soulignent ce phénomène de surpopulation carcérale : le 1er Septembre 2007, les prisons françaises comptaient 60 777 personnes détenues pour 50 731 places disponibles ; parmi les établissements pénitentiaires français, 140 avaient une occupation supérieure à 120%4.

L’un des axes importants de cette réforme est le développement du travail carcéral, valorisé comme facteur de réinsertion des détenus. Cette loi s’inscrirait donc dans une politique d’ensemble, visant à « moderniser » le système pénitentiaire français, initiée par les PACTE 1 et 2 et par le projet « ENTREPRENDRE ».

1 « Réflexions sur la peine capitale » Albert Camus 1957.

2 Nouvel Observateur 24.11.2008.

3 Projet de loi pénitentiaire adopté par le Sénat le 6 mars 2009.

4 Extrait de la question écrite du sénateur Jean-Pierre Bel au Garde des Sceaux posée le 24 mars 2008.

(7)

Ce nouveau projet de loi participe d’une réflexion globale, déjà présente au XVIII° siècle dans la pensée de Beccaria et Voltaire : « Forcez les hommes au travail et vous les rendrez honnêtes » 5

Même si Travail et Prison sont deux notions ne semblant pas de primes abords propices à un rapprochement, tout au long de l’Histoire pénitentiaire différentes théories ont tenté de les associer.

À l’origine le travail étant un élément de la peine, le terme « travail pénal » était de mise.

Il est devenu ensuite un élément de réinsertion du détenu, un moyen d’amendement.

Un bref historique retraçant les grandes étapes du travail carcéral est nécessaire pour mieux appréhender le système actuel.

L’Ancien Régime soumettait les détenus à des travaux forcés. Le travail faisait partie intégrante de la peine et devait être harassant afin de punir le condamné. Il s’agissait également d’éviter l’oisiveté génératrice de révoltes et de profiter d’une main d’œuvre gratuite dans le but de réaliser d’importants travaux d’intérêt public.

Les différentes doctrines depuis le XVIIIème siècle se sont interrogées sur cette relation ambiguë entre travail et enfermement. Deux théoriciens semblent à l’ origine de la réflexion sur la valeur du travail pénitentiaire : Cesare Beccaria et John Howard. Leur analyse aboutit à faire du travail un moyen d’amélioration physique et morale du détenu.

La vision sociologique du travail pénitentiaire apparaît vers les années 1970 grâce l’important travail de Michel Foucault qui, dans son livre « Surveiller et punir »6, dénonce le caractère purement disciplinaire de la prison et montre qu’elle fait partie d’un système de pensée plus vaste dont le but est de maintenir la cohésion de la société en brimant l’individualité.

En 1972 une importante réforme a lieu ; tout en conservant le principe du travail obligatoire, elle supprime la notion de « travail-peine » pour la remplacer par celle de « travail du détenu » susceptible d’améliorer sa condition physique et morale.

5 Voltaire, Commentaire sur le livre des délits et des peines de Beccaria, X, De la peine de mort.

6 Michel Foucault « Surveiller et punir » édition « idées »

(8)

C’est enfin par une loi du 22 juin 1987 que le travail obligatoire est supprimé, la problématique du travail pénitentiaire a cependant continué à évoluer pour devenir aujourd’hui une question déterminante pour la dignité des personnes incarcérées. Désormais le travail des détenus est un droit, élément de traitement et d’amendement.

Cela s’illustre notamment par l’injonction faite à l’administration pénitentiaire, dans le cadre de la mission de service public qui lui est confiée, d’œuvrer pour la réinsertion du détenu.

Aujourd’hui travailler est un droit ouvert aux détenus : l’article 717-3-2 du Code de procédure pénale énonce : « Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. »

Cette présentation du droit positif apparaît conforme aux règles européennes et internationales.

Au niveau international, outre la convention OIT n°29 sur le travail forcé7, on peut citer, la Résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies n°45/111 du 14 décembre 1990 qui a adopté des « principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus ».

Au niveau européen, la recommandation n° R (87) 3 du Conseil de l’Europe de 1987 prévoit que le traitement des détenus doit avoir pour but le développement de « leur sens des responsabilités et de les doter de compétences qui les aideront à se réintégrer dans la société, de vivre dans la légalité et de subvenir à leurs propres besoins après leur sortie de prison ».

En d’autres termes, le travail devient un moyen de socialisation du détenu. Les intérêts du travail carcéral sont nombreux pour les détenus :

Il s’agit avant tout pour eux de se procurer les ressources vitales dans l’univers carcéral où tout a un coût. Le salaire obtenu par le détenu lui permet donc de vivre dans de meilleures conditions d’hygiène et de confort, plus respectueuses de sa dignité.

D’autre part le travail peut être un outil de réinsertion ; il s’agit d’apprendre un métier, un savoir- faire, qui pourront être valorisés à l’extérieur.

7 Convention de l’Organisation internationale du travail n°29 concernant le travail forcé obligatoire, 1930

(9)

Enfin, le travail est une occupation psychologiquement importante et valorisante dans le milieu carcéral où l’isolement et l’inactivité sont anxiogènes.

La notion de travail carcéral a suivi l’évolution des modes de gestion des établissements pénitentiaires. Initialement considérée comme un prolongement du pouvoir régalien de la justice, la gestion des établissements pénitentiaires été confiée exclusivement à l’Etat par le biais de l’administration pénitentiaire. Cependant, dès la fin des années quatre-vingts le bilan de la gestion publique s’avère décevant et l’idée d’une privatisation émerge. En effet, jugée trop chère et trop lente, la gestion publique ne semble pas suffisamment armée pour faire face à un taux de surpopulation important et pour assumer seule une rénovation indispensable du parc pénitentiaire.

C’est dans ce contexte que la loi du 22 juin 1987 sur le service public pénitentiaire est adoptée ; l’idée est de profiter de l’expérience des groupements privés afin d’introduire une dynamique concurrentielle dans la gestion des prisons. L’article 2 de la loi prévoit que « les fonctions autres que celles de direction, de greffe et de surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé ». Le législateur fait donc une distinction, au sein du service public pénitentiaire, entre les missions qui relèvent de la responsabilité directe de l’Etat telles que celles de direction, de greffe ou de surveillance et celles qui peuvent être déléguées comme par exemple les fonctions d’intendance et de logistique ou encore le soutien à l’administration dans sa mission de réinsertion. C’est dans cette dernière catégorie que se situe l’organisation du travail pénitentiaire qui sera, dans le cadre d’une gestion mixte, entièrement déléguée au groupement privé.

Bien que les intentions à l’origine puissent apparaître louables, le travail tel que nous l’avons vu pratiqué en milieu carcéral, comporte de nombreuses lacunes qu’il convient d’évoquer :

(10)

Le chômage, fléau social à l’extérieur, n’épargne pas la Prison véritable loupe grossissante des problèmes de société.

Plus grave encore, le vide juridique concernant les modes de recrutement laisse une place importante à l’arbitraire et suscite de nombreux dysfonctionnements.

Les listes d’attentes sont longues du fait de la surpopulation carcérale et d’une conjoncture économique peu favorable. En effet, les tâches proposées relèvent essentiellement du secteur industriel, secteur très sensible aux aléas économiques.

De plus, parler de réinsertion est un peu utopique car les tâches confiées aux détenus, loin d'être qualifiantes, sont répétitives et aliénantes.

Enfin, il est difficilement justifiable que les règles applicables à cette relation de travail effectuée dans des conditions, certes particulières, soient si éloignées des fondements du droit commun du travail.

Cette présentation amène tout naturellement aux problématiques suivantes : parmi les différents modes de gestion des prisons, quel est celui qui favorise le mieux l'accès du détenu au travail ? Quel cadre juridique régit cette relation de travail atypique?

Dans ce rapport, ne seront pas exposées les techniques innovantes comme la semi- liberté, ou le bracelet électronique permettant au détenu d’exercer une activité professionnelle hors des locaux de la prison.

D’autre part, nous n’évoquerons pas le thème du « travail d’intérêt général » qui doit être assimilé à une peine et non pas à un travail en tant que tel étant donné qu’il ne donne lieu à aucune rémunération.

Nous nous limiterons donc à une analyse de l’organisation du travail pénitentiaire, c'est- à-dire celui effectué par les détenus, dans la prison et qui recouvre les activités professionnelles exercées au service général ou en ateliers de production.

(11)

Cette étude, essentiellement axée sur le droit du travail, peut sembler paradoxale dans la mesure où il n’existe pour le moment aucun cadre juridique régissant le travail carcéral ; cependant cela se justifie par l’impérieuse nécessité de pointer le vide juridique existant. Il est étonnant que la plupart des études sur ce sujet aient été effectuées par des pénalistes. Les spécialistes du droit du travail semblent peu concernés par la question du travail pénitentiaire qui n’a d’ailleurs jamais été évoquée tout au long de notre parcours universitaire.

Nous avons proposé à l’ensemble de notre promotion un questionnaire8 reprenant les principales caractéristiques du travail carcéral tel qu’il est pratiqué actuellement dans les prisons françaises. Les résultats sont sans appel : des étudiants censés être des « spécialistes » en droit du travail n’ont presque aucune connaissance de l’application de cette matière en milieu carcéral. A titre d’exemple :

- 61% des personnes interrogées pensent que les dispositions du Code du travail régissent la situation du détenu travailleur et seulement 10% ont répondu exactement qu’il s’agissait du Code de Procédure Pénale.

- 30% considèrent à tort que le détenu travailleur est en droit de saisir le conseil des prud’hommes et 40% estiment que le salarié détenu n’a pas droit à être pris en charge en cas d’accident du travail alors que dès 1946 il a été reconnu que la législation des accidents du travail devait lui être appliquée.

Nous avons pensé qu’une étude théorique ne donnerait qu’un pâle reflet de la réalité actuelle du travail carcéral, aussi avons nous souhaité inscrire ce rapport dans une réalité de terrain.

Nous avons donc rencontré des personnes impliquées dans ce contexte : Directeurs de centre pénitentiaire, de groupement privé, détenus travailleurs, Inspecteur du travail, ainsi que des responsables des services pénitentiaires d’insertion professionnelle. Leurs témoignages sont le cœur de notre étude.

8 Annexe n°1 : « Questionnaire sur le travail carcéral »

(12)

Notre rapport s’articule selon deux axes :

- dans un premier temps, l’analyse des différents modes de gestion régissant le travail en milieu carcéral (I) en distinguant la gestion traditionnelle publique (A) des cas spécifiques d’intervention d’un groupement extérieur privé (B)

- dans un deuxième temps, l’étude du travail carcéral en lui-même (II), en analysant les conditions d’accès au travail et le type de postes proposés (A) puis les conditions de mise en œuvre de ce travail selon la problématique particulière de son encadrement juridique (B).

(13)

I. LES MODES DE GESTION REGISSANT LE TRAVAIL EN MILIEU CARCERAL

Les activités professionnelles peuvent s'exercer à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire. Le présent rapport va exclusivement s'attacher à l'exercice d'une activité professionnelle à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire.

Nous posons clairement une double question : entre une gestion exclusivement publique et une gestion semi privée quelle est celle qui est la plus productive et la plus favorable à l’objectif de réinsertion du détenu ? Comment les impératifs de production et de réinsertion pourraient ils coïncider ?

Les articles D101 alinéa 3 et D103 alinéa 1 du Code de procédure pénale définissent les différents régimes du travail pénitentiaire à l'intérieur des établissements de gestion publique (A), on peut notamment citer le travail en régie, ou le travail en concession ainsi que la possibilité pour un détenu de travailler pour son propre compte ou pour une association agréée.

Dans le cadre de la gestion publique, l’établissement pénitentiaire prend seul la charge de l’organisation du travail en prison.

Cependant ce mode de gestion, jugé insuffisant sur le plan productif, a été doublé par un système de gestion mixte. Ainsi la loi du 22 juin 1987 a organisé l'intervention des partenaires privés au sein de nouveaux établissements pénitentiaires. La particularité de ces établissements réside dans le fait que les activités professionnelles et de formation sont déléguées au secteur privé (B).

(14)

A. La gestion publique

Les détenus peuvent être autorisés à travailler pour leur propre compte par le chef d'établissement ou pour le compte d'associations constituées en vue de préparer leur réinsertion sociale et professionnelle9. Cependant, ces modes de travaux étant très marginaux, nous nous sommes surtout attachés à détailler le travail effectué par les détenus dans le cadre de la Régie industrielle (1) et de la Concession (2).

1.La Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP)

La régie industrielle a été créée en 1951 afin de compenser le nombre insuffisant de postes de travail en concession. Sous ce régime l’organisation du travail pénitentiaire est prise en charge par l’Administration Pénitentiaire qui fait travailler les détenus pour son propre compte.

Dans ce cadre les détenus effectuent une tâche au service général ou en ateliers et sont encadrés par le personnel technique de l’administration. Cette dernière se charge ensuite d’écouler les produits ainsi fabriqués et de récolter le bénéfice qui s’en dégage.

La RIEP est délocalisée à Tulle et bénéficie d’une autonomie financière. Ainsi, les recettes et dépenses sont gérées par un compte spécial du Trésor : « le compte de commerce ». Le rôle de ce compte est de retracer les opérations relatives à la fabrication et à la vente d’objets divers dans les ateliers industriels ainsi que les travaux de bâtiment effectués pour le compte des établissements pénitentiaires.

Les fonds récoltés sur le compte spécial servent à financer le coût des matières premières, du renouvellement du matériel, la rémunération du travail des détenus, les frais généraux et le remboursement au budget général des traitements et indemnités des agents affectés à la Régie Industrielle.

Depuis 1994 un Service Public à caractère Industriel et Commercial (SPIC), le « service de l’emploi pénitentiaire » est chargé de la gestion du compte spécial et des ateliers. D’après

9 D101 alinéa 3 du Code de procédure pénale.

(15)

l’article D103 du CPP, pour chaque site, une convention est conclue entre l’établissement pénitentiaire et le Service de l’Emploi Pénitentiaire.

A l’origine la production de la RIEP se limitait aux besoins de l’administration pénitentiaire. Les détenus étaient alors chargés de la fabrication d’uniformes ou de mobilier.

Aujourd’hui la diversité des produits fait de la RIEP un fournisseur indépendant ou un sous traitant auprès des partenaires extérieurs.

L’avantage de la Régie serait de proposer des postes plus formateurs et plus valorisants, cependant certains auteurs soulignent que ce type de gestion n’est pas très rentable en terme de rendement. En effet l’Etat n’est pas toujours un bon chef d’entreprise, ni un excellent commerçant, aussi le nombre de détenus employés en RIEP est-il largement inférieur à celui des emplois créés sous le régime de la Concession.

2. Le régime du travail en concession

Ce régime est défini à l'article D103 du Code de procédure pénale. Le contrat de concession permet à l'administration pénitentiaire d'autoriser une entreprise à employer des détenus dans des locaux situés à l'intérieur des établissements pénitentiaires. L'organisation de l'activité et le niveau de rémunération sont fixés en concertation lors de la conclusion du contrat de concession.

Il s’agit d’un contrat de Droit Public. Les clauses et conditions générales sont arrêtées par le Ministre de la Justice alors que les clauses et conditions particulières sont signées par le représentant de l'Entreprise et le Directeur Régional10.Les clauses et conditions particulières fixent, entre autres, la nature de l'activité, l'effectif employé, le montant de la rémunération brute et la durée de la concession.

Le contrat de concession a fait l'objet d'une réactualisation par la circulaire du 20 novembre 1998. Ainsi, en cas de litige entre le concessionnaire et l'administration pénitentiaire

10D104 du Code de procédure pénale.

(16)

(ou l'Etat lorsque ce dernier se subroge dans les droits de l'établissement pénitentiaire), le tribunal administratif sera compétent11.

Le contrat de concession autorise toute personne physique ou morale de droit public ou privé à faire réaliser par les détenus des opérations de production de biens ou de services. Le concessionnaire peut être un commerçant ou un industriel ; il doit fournir à l'administration pénitentiaire un extrait de son inscription au registre du commerce et des sociétés délivré depuis moins d'un mois. Un nouvel extrait doit être fourni à chaque modification des mentions portées au registre du commerce et des sociétés. En cas de changement de la personne physique ou morale cocontractante, la poursuite de l'exploitation est soumise à l'agrément préalable et écrit de l'Administration pénitentiaire. Avant la signature du contrat, le chef d'établissement pénitentiaire doit s'assurer de la validité de l'attestation d'assurance couvrant les risques liés à son activité dans l'établissement.

L’article D104 du Code de procédure pénale prévoit que les contrats de concession d’une durée inférieure à trois mois où pour un effectif inférieur ou égal à cinq détenus, soient signés par l'entreprise concessionnaire et le chef d'établissement pénitentiaire. Le directeur interrégional exerce un contrôle à posteriori des clauses du contrat portant notamment sur les taux de rémunération, le montant du capital garanti et les conditions d'exécution du contrat. Les contrats à durée indéterminée ou pour un effectif supérieur à cinq détenus sont signés par l'entreprise concessionnaire, le chef d'établissement et le directeur interrégional ou le chef de la mission d’outre-mer. Le chef d'établissement se positionne, dans tous les cas, dans le cadre de la politique définie par le directeur régional.

Le contrat de concession est, sauf clause particulière, conclu pour une durée indéterminée. Cependant, si l'obtention de certains résultats ou si la nature de l'activité le nécessite, un contrat d'une durée n'excédant pas trois mois peut être conclu.

11 Arrêt de la CAA de Versailles du 2 avril 2008.

(17)

Le contrat de concession peut prendre fin à tout moment, sous réserve d'un préavis minimum de dénonciation de trois mois de la part du concessionnaire ou de l'administration.

Cependant une suspension sans préavis peut être prononcée par l'administration pénitentiaire dans deux cas :

- en cas de faute du concessionnaire ou en cas d'infraction à la réglementation pénitentiaire. Dans cette hypothèse le concessionnaire ne percevra aucune indemnité.

- en cas de force majeure ou d'urgence liée à l'exercice de ses missions. Le concessionnaire a dans ce cas la possibilité de percevoir une indemnité.

Le retrait de l'agrément est de la compétence du directeur interrégional mais, en cas d'urgence, il peut y avoir suspension par le chef d'établissement. En cas de rupture du contrat de concession, les aménagements immobiliers restent la propriété de l'Etat.

L'administration pénitentiaire reste l'interlocuteur principal des détenus et de l'entreprise concessionnaire et à ce titre :

- fournit gratuitement des locaux adaptés à l'activité professionnelle, (un état des lieux est dressé à l'entrée et au départ du concessionnaire),

- entretient et met les locaux en conformité avec la législation du travail, - recrute les détenus en fonction des critères formulés par l'entreprise, - assure la surveillance et garantit la sécurité,

- répartit l'ensemble des rémunérations et reverse les prélèvements sociaux, - envoie un relevé des rémunérations et des charges patronales en fin de mois.

L'entreprise concessionnaire quant à elle :

- implante ses outils de production et équipe les locaux attribués, - assure l'encadrement technique et le contrôle de sa production,

- réalise l'approvisionnement en matières premières et l'enlèvement des produits finis,

- rémunère le travail en versant à l'établissement pénitentiaire l'ensemble des salaires et charges afférentes à ses activités.

(18)

Concernant la rémunération, les taux horaires ou journaliers, les tarifs journaliers, les tarifs à la pièce sont fixés par le concessionnaire après accord du chef d'établissement. Dans tous les cas, le niveau mensuel moyen des rémunérations ne peut être inférieur au salaire minimum de rémunération (ou SMR). Les taux de rémunération sont affichés dans l'atelier et doivent comporter deux signatures : celles du chef d'établissement et celle du concessionnaire.

Les références utilisées pour calculer les rémunérations sont le SMR (calculé à partir du SMIC) et la cadence du détenu travailleur. Les salaires doivent être régulièrement révisés en fonction des éléments de référence indiqués ci-dessus. Cependant, il n'y a pas de clause d'indexation automatique des salaires. Les révisions sont négociées entre le concessionnaire et le chef d'établissement.

Le contrat de concession est un contrat de droit public ; son contentieux relève donc du tribunal administratif. L'adhésion du concessionnaire au contrat de concession entraîne automatiquement la mise en gage de toutes les marchandises et du matériel au profit du Trésor.

Un inventaire contradictoire doit donc être dressé. Le chef d'établissement doit alors consigner par écrit, par lettre recommandée avec avis de réception, les marchandises et le matériel mis en gage.

Cependant, pour pallier d'éventuels retards de paiement, le chef d'établissement peut également, s'il le juge utile, demander au concessionnaire un chèque bancaire ou un cautionnement avalisé par une banque. La garantie demandée doit être en rapport avec le volume d'activité et les renseignements obtenus sur la santé financière de l'entreprise.

L'administration recrute les détenus demandeurs d'emploi en fonction des critères formulés par l'entreprise. Les détenus sont désignés par le chef d'établissement en tenant compte de leurs capacités physiques, intellectuelles et professionnelles. Le concessionnaire peut demander alors une période d'essai.

(19)

Le travail en concession connaît un développement important. Cependant, lorsque les entreprises emploient des prisonniers pour répondre à leur problème de flexibilité, leur activité est très fluctuante. De ce fait le nombre d’entreprises ayant eu une relation ininterrompue avec l’administration pénitentiaire est faible.

Sur le plan économique, la multiplicité des partenaires concessionnaires peut créer des problèmes de répartition des attributions, aussi la gestion déléguée à un groupement, par l’unicité partenariale quelle propose, permet le plus souvent une meilleure gestion ainsi que des responsabilités plus clairement définies.

(20)

B. L’intervention d’un groupement privé : la gestion déléguée

L’article 2 de la Loi du 22 juin 1987 qui a réformé le service public pénitentiaire a permis de confier à un groupement privé une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l’aménagement d’établissements pénitentiaires. Depuis 1987, divers programmes immobiliers se sont succédés :

- En 1987, sur appel d’offres, la construction et une partie de la gestion de 21 établissements ont donc été attribués à des groupements d’entreprises privées. Ce programme est plus connu sous la dénomination de « programme 13 000 » par référence au nombre de places de détention à créer.

- La loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice a poursuivi cette initiative en lançant la construction de six nouveaux établissements qui ont été achevés en 2004 dans le cadre du programme « 4000 ». Nous avons eu la chance de pouvoir visiter un établissement construit dans le cadre du programme 4000 situé à la Farlède dans le Var.

Cet établissement a été mis en service en avril 2004.

- La loi de programmation pour la justice de 2002 a prévu un ambitieux programme de modernisation du parc immobilier pénitentiaire par la construction de 13 200 places de détention. Ce programme « 13 200 » prévoit l’édification d’une quinzaine de centres pénitentiaires.

La gestion déléguée est une forme de gestion mixte dans laquelle l’Administration Pénitentiaire « externalise » à des prestataires privés le fonctionnement courant d’un établissement. Les missions régaliennes de direction, de surveillance et de greffe sont quant à elles conservées par l’administration pénitentiaire.

La délégation de service public ne peut porter que sur les fonctions de maintenance (mobilière et immobilière) de restauration, de cantine et d’hôtellerie, de santé, de formation professionnelle et d’encadrement du travail des détenus. Ainsi, dans ce type de gestion, le

(21)

développement du travail en atelier et au service général ont fait partie des activités confiées au secteur privé.

Nous étudierons les relations contractuelles entre le groupement privé et l’administration pénitentiaire (1) avant de nous intéresser aux stratégies commerciales de ce même groupement vis-à-vis de ses clients (2).

1. Les relations contractuelles entre l’Administration pénitentiaire et le groupement privé A chacun des programmes mentionnés plus haut, correspond un type spécifique de partenariat public-privé, allant vers une privatisation plus poussée et incluant un nombre croissant de services.

- La délégation de services :

Elle correspond aux programmes 13000 et 4000. Dans ce cas l’entreprise est prestataire de service ; c’est souvent un groupement d’entreprises à direction unifiée qui est signataire du contrat avec l’Etat. Dans ce type de contrat, deux entreprises sont impliquées :

 L’une pour le bâtiment qui prend en charge la conception, la construction et la maintenance. Ainsi les murs appartiennent à l’entreprise privée, l’Etat est locataire sur 30 ans mais dispose d’une clause de reprise en cas de faute, de force majeure, d’ imprévision ou pour motif d’intérêt général.

 Une autre entreprise intervient concernant la gestion et la maintenance du centre.

- Le partenariat public-privé total :

Dans cette hypothèse l’Etat délègue à une même entreprise conception, entretien, et gestion courante. En 2008 trois prisons régies par ce type de gestion ont été attribuées à l’entreprise Bouygues.

(22)

Lorsque l’Administration pénitentiaire souhaite faire intervenir un groupement privé un appel d’offres doit être lancé. Le groupement privé qui le remporte signe avec l’administration pénitentiaire un contrat de longue durée. Trois grands groupements privés sont présents actuellement en France: GEPSA, SIGES, IDEX12

Dans les établissements que nous avons visités, il s’agissait de contrat pour 8 ans avec la société IDEX qui est leader de ce type de marché dans le Sud Est. Ce sont des contrats globaux, multiservices, couvrant de nombreuses prestations.

Un représentant du groupement privé ainsi que plusieurs salariés sont installés à l’intérieur même des locaux du Centre pénitentiaire. 13

Dans les établissements à gestion mixte, l’entreprise cocontractante assure l’organisation des activités de production et de service pour le compte de l’Etablissement pénitentiaire. Le travail pénitentiaire recouvre deux types d’activités :

- Les travaux liés à la maintenance et au fonctionnement de l’établissement.

Le nombre et la nature des emplois nécessaires au fonctionnement du service général sont définis contractuellement. Les détenus sont susceptibles d'occuper les postes de coiffeur, assistant bibliothécaire, ou encore écrivain public. Des personnes sont également affectées au fonctionnement des cuisines, de la cantine et au nettoyage des locaux.

- Les activités de production en atelier ou en cellule.

Le groupement privé peut faire fabriquer et commercialiser sa propre production et intervenir ainsi en qualité de sous-traitant ou confier la production à des concessionnaires. Le cocontractant de l’administration pénitentiaire élabore pour chaque activité un règlement d’atelier 14précisant les conditions d’organisation interne du travail, les modalités de rémunération et les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de

12 Annexe n°2 : répartition géographique des groupements privés

13 Annexe n°3 : Organigramme centre pénitentiaire de la Farlède et de la Maison d’Arrêt de Luynes

14 Annexe n°4 : Règlement des ateliers de production

(23)

sécurité. Ce règlement est soumis à l’approbation préalable du chef d’établissement et doit être affiché dans chaque atelier. Le groupement privé soumet par écrit à l’accord préalable du chef d’établissement tout projet de nouvelle activité en précisant la nature, la durée, le taux prévisionnel d’emploi et le mode de rémunération.

Le Directeur d’établissement conserve ses prérogatives quant à la gestion des détenus et à la surveillance des ateliers. Il peut ainsi pour des raisons d’indigence imposer le classement d’un détenu au groupement privé.

Dans ce type d’établissement à gestion mixte, la rémunération est liée à un seuil minimal de l’administration pénitentiaire (SMAP). Le groupement privé transmet chaque jour la liste des personnes prévues dans les ateliers pour le lendemain. De plus chaque soir le partenaire fournit au service de comptabilité de l’administration pénitentiaire le nombre de pièces effectuées par chaque détenu et le montant de la pièce à l’unité. Grâce à ces éléments l’administration pénitentiaire établit tous les mois les fiches de paie. Ainsi, même si le partenaire garantit le recouvrement des salaires et des charges sociales vis à vis de tierces entreprises, c’est l’administration pénitentiaire qui reste l’employeur direct des détenus et qui leur fournit les fiches de paye.

Pour ce qui est de la surveillance des détenus au travail, nous avons pu constater que des surveillants pénitentiaires sont constamment présents dans les ateliers afin d’intervenir en cas de problème de comportement d’un détenu.

Des employés du groupement privés appelés « contremaîtres » sont chargés pour leur part de gérer les ateliers. Ils contrôlent les produits à chaque étape de leur fabrication, du moment de la livraison des matières premières jusqu'à la remise au client du produit finalisé. Ils interviennent également afin de former les détenus et de contrôler la bonne exécution de la commande.15Les contremaîtres interrogés, considèrent que leur travail est très proche de celui réalisé à l’extérieur ; ils tutoient les détenus dans un climat de semi-confiance car pour certains cela fait plusieurs années qu’ils travaillent ensemble.

15 Annexe n°6 : Fiche d’évaluation par les contremaîtres des agents de conditionnement et des détenus contrôleurs.

(24)

Les détenus peuvent recevoir un avertissement non seulement pour des problèmes de comportement mais également en cas de « malfaçon du travail » ou de non respect des cadences. Cet avertissement est rédigé par un surveillant ou par un contremaitre ; au bout de deux avertissements une demande de déclassement sera faite auprès de la commission.16

La surveillance dans les ateliers reste donc à la charge de l'administration pénitentiaire, alors que le personnel du groupement privé est tenu de surveiller la bonne exécution du travail.

Le contrat de partenariat signé entre le groupement privé et l’administration pénitentiaire, permet théoriquement une détermination précise des obligations respectives des parties. Cependant, dans la pratique on assiste à des conflits de partage de responsabilités.

Par exemple le représentant du groupement privé IDEX que nous avons rencontré à la Farléde soulève la question de la visite médicale. Normalement chaque détenu-travailleur doit être suivi par un médecin qui se prononce sur son aptitude au travail et sur les éventuels aménagements nécessaires de son poste. Ainsi lorsqu’un détenu obtient une formation qualifiante telle que le permis de conduite de charriots automoteurs, il doit être impérativement examiné par un médecin avant que la formation soit validée.

Ce point pose un problème de responsabilité car seul le médecin du travail est compétent pour se prononcer sur l’aptitude du salarié or ce dernier ne peut pas intervenir en milieu pénitentiaire, les détenus-travailleurs n’étant pas considérés comme des salariés. Le service médical du centre pénitentiaire refuse quant à lui de se prononcer sur l’aptitude au travail du détenu. De ce fait le détenu ne sera pas examiné sur ce point.

Le groupement privé s’engage envers l’administration pénitentiaire sur la qualité et la quantité du travail fourni. Ainsi le partenaire, dans la mesure du possible, propose un emploi qui contribue au développement de compétences favorables à la réinsertion des détenus. De plus il est fixé contractuellement un seuil minimal de masse salariale en atelier de production ainsi qu’un nombre minimum de détenus au travail.

16 Annexe n°5 : Fiche d’avertissement

(25)

Dans les établissements visités ce seuil était pour le service général de 11 à 16% de l’effectif total et pour les activités de production de 12% en Maison d’arrêt et de 20% dans les établissements pour peine. Cela représentait au centre pénitentiaire de la Farlède l’engagement d’occuper 83 personnes tous les jours en ateliers (sur un total d'environ 700 détenus).

Cependant nous avons pu remarquer que le nombre de détenus-travailleurs était revu à la baisse du fait de l'annulation de nombreuses commandes (seulement 16 personnes étaient au travail dans les ateliers au moment de notre visite).

La réalisation de ces objectifs est évaluée annuellement au regard de deux indicateurs :

- Le volume horaire correspondant au nombre d’heures pris en compte pour la rémunération des détenus,

- La masse salariale brute hors cotisations patronales

Si ces objectifs contractuels ne sont pas respectés, le groupement privé devra payer des pénalités à l’Administration pénitentiaire. Dans un des établissements visités, un représentant du groupement privé nous à confié avoir payé 35 000 € de pénalités à ce titre en 2008.

La crise économique actuelle n’arrange pas les choses : la prison est une sorte de loupe pour tous les problèmes de société, elle intensifie les clivages et élargit les fractures. Le chômage touche directement le travail en atelier.

Pour le Contrôleur général des lieux de privations de liberté, la situation du travail en prison est

"gravement préoccupante" en raison de "la faiblesse actuelle du volume" d'activité proposée aux détenus en ateliers.17

Ainsi afin de respecter le plus possible les engagements pris, le groupement privé adopte une politique active de prospection commerciale.

2. Les moyens de prospection des groupements privés : les relations entre le groupement et ses clients

Le groupement privé prend en charge les missions de prospection et de négociation commerciale. Un attaché commercial est affecté à un ou plusieurs centres pénitentiaires.

17 Nouvel Observateur 15 mai 2009 « Le travail carcéral préoccupe le contrôleur »

(26)

Les groupements privés prospectent les entreprises afin de les inciter à utiliser la main d’œuvre carcérale. Lors de notre visite, nous avons pu constater qu’une « journée porte ouverte » avait été organisée afin de démarcher les entreprises de la région en leur faisant visiter les ateliers.

Pour assurer sa mission, l’attaché commercial se déplace également dans divers salons d’entreprises régionaux, ou nationaux.

Les points mis en avant pour attirer les entreprises en prison sont essentiellement d'ordre financier :

- Le taux horaire beaucoup plus faible que celui pratiqué à l’extérieur,

- Le fait qu’IDEX soit certifié ISO 9001 et ISO 14001 (il s’agit de normes qui assurent la qualité du service fourni.),

- Les charges patronales réduites, - L'absence de charges administratives, - La gratuité des locaux

- Mais surtout la flexibilité de la main d'œuvre, donnée non négligeable dans la décision de l'entreprise privée.

La stratégie commerciale est définie par le responsable de zone, avec l’avis du directeur de la formation et du travail, du chef d’unité privé et du directeur du SPIP18. Ces orientations s’appuient sur une analyse approfondie des bassins d’emploi locaux, en concertation avec les partenaires extérieurs, tout en prenant en compte les contraintes liées aux configurations techniques des établissements.

Les établissements visités étant assez récents, la problématique de l’aménagement des locaux avait pu être prise en compte dès leur construction. Mais il est vrai que dans des centres pénitentiaires plus anciens, les contraintes de livraison par exemple sont de réels freins au développement du travail carcéral.

18 SPIP : Service pénitentiaire d’insertion et de probation

(27)

L’argument commercial peut être diffusé grâce à divers supports promotionnels ou audiovisuels : Internet, campagnes téléphoniques, actions de promotion diverses.

La particularité est que le groupement privé ne signe pas de contrat sur le long terme avec les entreprises clientes : il se comporte comme un prestataire de service qui conclut des commandes ponctuelles. Lorsqu’un client envisage le montage d’une pièce, ou son conditionnement, il prend contact avec « l’interface » IDEX. Cette dernière calcule, en fonction d’une cadence de travail et de charges fixes, un coût horaire pour la réalisation du produit. Ce coût ramené « à la pièce » est proposé au client sous forme de devis. Si le client accepte ce devis, le bon de commande est signé et l’on rédige un cahier des charges ainsi qu’un mode opératoire.

Le premier jour de la préparation de la commande le client peut venir contrôler lui-même l’exécution de la tâche dans le centre pénitentiaire.

Afin de satisfaire pleinement le client, le groupement IDEX à mis en place un contrôle interne automatique de 10% de la production. Le client a la possibilité de demander, s’il le juge utile, un contrôle plus poussé.

Les contrats signés s'apparentent à des contrats de sous-traitance, c'est-à-dire à des contrats par lesquels un donneur d’ordre fait effectuer une production par un prestataire qui la réalise en engageant sa responsabilité professionnelle. Ainsi le groupement privé se charge-t-il de la formation et de l’encadrement des détenus mais également, si nécessaire de l’achat de matériel.

Toute cette prospection commerciale tend à promouvoir la main d’œuvre carcérale avec plus ou moins de succès. On peut faire ici une comparaison avec les Centre d’aide par le travail (CAT) s’occupant des personnes déficientes mentales. En effet ces centres ont pour but de confier une activité productive à des personnes reconnues handicapées. La démarche de prospection est la même : il s’agit d’attirer les entreprises privées afin qu’elles fassent appel à cette main d’œuvre atypique.

(28)

Si le bilan des CAT est meilleur cela s’explique par sa médiatisation plus valorisante pour les entreprises qui sous traitent une partie de la production à des personnes handicapées

Ici encore l’emploi carcéral est mal perçu de la population globale qui considère inutile et injuste d’offrir du travail à une population « coupable » alors qu’il y a tant de demandeurs d’emploi qui mériteraient davantage. On retrouve dans cette réticence la constante psychosociologique dépréciative qui frappe ce groupe social.

Pour conclure nous pensons qu’en dépit d'une recherche constante de profit dont on pourrait craindre quelques dérives vers l’exploitation des détenus, l’apparition de la gestion mixte, par l’efficacité commerciale qu'elle génère semble favoriser une augmentation de l'offre de travail au profit des détenus.

On peut cependant remarquer que ce système propose des tâches peu gratifiantes et souvent répétitives qui ne sont pas susceptibles d’offrir une véritable expérience qualifiante à ceux qui le souhaiteraient en vu de leur élargissement futur.

(29)

II. L’ACCES DES DETENUS AU TRAVAIL

La loi du 22 juin 1987 supprime le travail obligatoire en prison. On peut cependant se demander si la suppression du travail pénal a pour autant fait naître un droit au travail pour le détenu. L’article D99 du Code de procédure pénale précise : « Les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu'il leur soit proposé un travail. »

A la lecture de cet article, il apparaît dérisoire de vouloir mettre son principe en application. En effet, devant le nombre croissant de détenus voulant accéder au travail, l'administration pénitentiaire éprouve les pires difficultés à honorer cette obligation qui ne semble, dès lors, être qu'une virtualité.

En plus d’encadrer les règles relatives au choix du détenu, à l’accès du détenu au travail, le

« Pacte 2 » prévoit également les règles applicables au détenu durant l’exécution de son travail.

Le régime s’appliquant aux détenus est un régime spécifique. À aucun moment, nous ne nous trouvons dans une relation de travail au sens juridique du terme.

La question est de savoir quelles sont les procédures mises en place pour sélectionner les détenus qui pourront exercer un travail ?

D’autre part, une fois les barrières de recrutement franchies, il est intéressant d'analyser les postes auxquels peuvent prétendre les détenus et les conditions dans lesquelles ils exercent ces fonctions.

Nous étudierons en premier lieu les procédures d'accès des détenus à l'emploi (A) avant de nous interroger sur l'absence d'application du droit commun du travail en milieu carcéral (B).

(30)

A. Un accès restrictif à des postes aliénants : une procédure imprécise

En matière de modalités de recrutement, comment serait-il possible d’appliquer en prison l’ensemble des règles de droit commun du travail ?

La situation des détenus-candidats à un emploi est assez éloignée de celle existant à l’extérieur de la prison (1). De plus quelle est la nature des différents postes offerts aux détenus- travailleurs(2) ?

1. Les conditions d'accès à l'emploi carcéral

Le Code de procédure pénale contient des dispositions réglementant les moyens de recrutement ; une procédure élaborée est décrite par ledit Code19. En pratique, cette procédure est largement laissée à l'appréciation du chef d'établissement.

Lors de nos visites, le parcours du détenu arrivant nous a été décrit. Les détenus suivent

« un circuit d’arrivant » : ils sont reçus successivement par les différents responsables, c’est-à- dire le directeur, le responsable du travail, un travailleur social, un médecin, et un psychologue du travail. Un dossier leur est alors remis, comprenant un formulaire à remplir, intitulé

« Demande d’accès au travail ». Il appartient au détenu de concrétiser cette demande en retournant le formulaire dûment rempli. En effet, certains détenus ne souhaitent pas travailler car ils n’ont pas tous les mêmes besoins financiers, certains percevant une retraite, d’autres des mandats familiaux.

Concernant la procédure, la quasi-totalité des règles de référence a été instaurée par le

« Pacte 2 », promu par la Direction centrale de l’administration pénitentiaire pour la période 2000-2003 ; ce plan comprend des objectifs d’ordre qualitatif et prescrit le respect de règles destinées à encadrer l'accès au travail.

19 Article D. 99 du Code de procédure pénale. Bizarrerie de la codification, cet article se situe dans le chapitre « De l’exécution des peines privatives de liberté » et non dans le chapitre X « Des actions de préparation à la réinsertion des détenus ».

(31)

Pour des raisons de clarté, la procédure d'accès à l'emploi sera expliquée de façon chronologique : nous traiterons dans un premier temps de la demande d’emploi du détenu et nous terminerons par son recrutement.

Au cours de rencontres avec d’anciens détenus, ces derniers nous ont confié que les postes disponibles étaient surtout connus par « le bouche à oreille ». Ensuite le détenu pouvait postuler par lettre. Si la candidature était retenue, il devait passer divers tests de logique.

Tous les postulants sont ensuite reçus par un médecin qui vérifie leur forme physique.et psychologique Il s'agit là de témoignages ; il est dès lors intéressant d'opposer cet aspect pratique à l'aspect théorique du processus de démarchage du détenu pour l'obtention d'un travail.

Les deux visites effectuées nous ont éclairés sur les modalités officielles de la demande d’emploi du détenu. Cependant les règles tendent à varier selon l’établissement pénitentiaire considéré.

Dès son entrée dans le milieu carcéral, le détenu doit être informé du droit qui lui est ouvert de travailler durant l’exécution de sa peine. L’intéressé devra alors démontrer ses motivations et ses aptitudes auprès de l’Administration Pénitentiaire.

Dans certains cas, une telle demande peut être présentée aussi bien par écrit qu’oralement alors que dans d’autres établissements, elle doit être formulée obligatoirement par écrit. La requête peut être formulée soit sur papier libre, soit en remplissant un formulaire qui figure dans le livret d’accueil ou un bulletin spécial adressé au responsable local du travail.

Sur ce bulletin, les détenus doivent inscrire leur qualification éventuelle, leur demande de classement par ordre de préférence (formation - atelier - service général), leur situation financière et pénale et enfin leur motivation par demande détaillée. La demande doit être rapprochée d'un projet professionnel de réinsertion.

Le Pacte 2 recommande l’examen de chaque demande de travail émanant des détenus par une Commission de classement. Les maisons d’arrêt de Luynes et de La Farlede comportent

(32)

un tel dispositif. Cette Commission a un rôle très important dans l’attribution d’un travail au détenu. Elle est composée d'un représentant de l'Administration Pénitentiaire, d’un représentant de l'atelier-travail-formation (ATF), d’un contremaître, du chef de production, de la psychologue du travail, du Directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation.

Ces différents acteurs émettent un avis sur le classement du détenu en fonction de l'atelier envisagé, de son projet d'exécution de la peine, de ses expériences, de ses aptitudes mais également de ses besoins financiers.

Le chef d'établissement recueille tous les avis. Il ne s'agit que d'avis consultatifs, car il garde le dernier mot dans l'attribution d'un emploi. Par exemple, il peut imposer le classement ou le déclassement d'un détenu lorsqu'il le juge nécessaire.

Cependant Il va de soi que certains détenus ne peuvent pas exercer d’activités de groupe ou de tâches subordonnées du fait d’un profil psychologique en inadéquation totale avec une telle requête. De plus, le législateur est intervenu sur la problématique concernant l’affectation d’une tâche au détenu. Ainsi le travail de chaque détenu doit être choisi en fonction de ses capacités physiques et intellectuelles ; il est également intervenu sur les conséquences que l’obtention d’un travail peut exercer sur des remises de peine ou sur sa réinsertion20.

Une fois la décision de la Commission prise, les détenus sont avertis de leur classement par courrier. Cependant l'obtention de cette autorisation de travailler n’est pas suffisante pour assurer effectivement un travail au détenu : le contremaître (ou chef d’atelier) garde toujours le dernier mot concernant « l’appel » du détenu. Ainsi un détenu « bien classé » par la Commission n’est pas pour autant assuré d’être retenu par le chef d’atelier.

Le premier jour de travail le détenu signe un support d'engagement qui lui donne la qualification de détenu travailleur.

21. Ce document prévoit une période d'essai ou “période d'intégration” généralement d'un mois calendaire. Dès la signature du support d'engagement, le délai d'un mois de la période d'essai

20 Article D 115-1 du CPP sur les réductions de peine

21 Annexe n°7: Support d’engagement au travail pour un agent de conditionnement et un magasinier cariste

(33)

commence. Ce délai ne se trouve pas suspendu du fait des périodes d'inactivité du détenu travailleur. Il s'agit d'une durée calendaire et non d'une durée travaillée. Le contremaître que nous avons interrogé a souligné qu’il était parfois difficile pour lui d’évaluer sur un mois calendaire une personne dont la durée de travail peut varier en fonction des commandes.

A la fin de la période d'essai, le contremaitre remplit une grille d'évaluation de fin de période d'intégration22. La Commission de classement se réunit à nouveau et statue sur le sort du détenu en fonction de la grille d'évaluation. Ce n'est qu'après cet avis de la Commission que le détenu sera définitivement classé ou déclassé.

Bien que la Commission de classement ne soit pas tenue de motiver son refus, le recours devant le tribunal administratif est toujours possible pour le détenu ; dès lors la décision du tribunal devra être motivée. Le détenu aura alors accès aux motivations ayant justifiés le refus de la Commission de classement.

Il ressort de cette description et de nos entretiens avec les détenus que le mode de recrutement de la commission est totalement discrétionnaire laissant place à toutes formes d’arrangements individuels et collatéraux. Les détenus rencontrés témoignent clairement de l’opacité de l’offre et de l’opportunisme des désignations de classement.

Une fois sorti du long labyrinthe de la procédure de classement à quels postes le détenu peut-il prétendre?

2. Les différents postes disponibles

Le détenu peut espérer travailler soit pour le service général(a) soit en atelier(b).

22 Annexe n° 8 : grille dévaluation en fin de période d’intégration

(34)

La nature de ce travail, d’après les témoignages recueillis, est peu valorisante. Le détenu ne peut prétendre qu’à effectuer des tâches répétitives ne nécessitant la plupart du temps aucune formation. Cela ne fait qu'appuyer notre point de vue sur le fait que le détenu travailleur constitue une main d'œuvre « jetable, docile et vulnérable ».

De plus il est facile pour le contremaître de le remplacer d'un jour sur l'autre. Il en résulte une énorme instabilité propre au statut de détenu travailleur qui rend vaine toute perspective d’évolution sur les postes.

a. Le service général

Lorsque les détenus sont affectés au service général, ils sont chargés d’assurer le fonctionnement courant de la prison en vue de maintenir en état de propreté les locaux de la détention et d’assurer les différents travaux ou corvées nécessaires au fonctionnement des services de l’établissement pénitentiaire.

Par le service général les détenus contribuent au fonctionnement général de l'établissement, à son entretien courant et à celui des abords, à sa maintenance, à la préparation et à la distribution des repas ainsi qu'au fonctionnement de la buanderie.

L'organigramme du service général comporte également la plupart du temps un coiffeur, un assistant bibliothécaire, un écrivain public et un assistant en audiovisuel.

Certains emplois, pour des raisons de sécurité, sont interdis aux détenus, ainsi l’art D 105 du CPP prévoit expressément qu’aucun détenu ne peut être employé aux écritures de la comptabilité générale, au greffe judiciaire ou dans les services médico-sociaux.

L'organisation du service général prend en compte la nécessité de doter les détenus qui y sont employés de compétences professionnelles favorables à la qualité des services rendus. Elle est conforme aux règles d'hygiène et de sécurité particulières aux domaines d'activités concernés. 23

23 Annexe n°9 : Règlement spécifique Maintenance

(35)

Le financement des rémunérations et des cotisations sociales des détenus employés aux activités du service général est pris en charge directement par l'Administration.

La gestion des crédits budgétaires affectés au service général est assurée site par site par le chef d'établissement.

Le montant minimum journalier de rémunération par détenu est fixé par l'administration pénitentiaire pour l'ensemble des établissements. Il est réévalué chaque année conformément à l'évolution du SMIC horaire.

Il existe trois niveaux de rémunération journalière selon la qualification du détenu.

- Classe 1 : les ouvriers qualifiés : 13,03€

- Classe 2 : Les ouvriers spécialisés : 10,41€

- Classe 3 Les manœuvres occasionnels 7, 76 €

Malgré cette faible rémunération, largement inférieure à celle pratiquée en atelier, l’emploi au service général est fortement prisé par les détenus notamment parce que cela implique une certaine liberté au sein de la prison.

b. Les ateliers de production

Dans le cadre du travail en atelier, le recours à la main d’œuvre pénale se fait pour toutes sortes de productions, parfois de grandes « marques ».

A la Maison d’Arrêt de Luynes visitée, les détenus fabriquaient des coupes de sport pour la marque France Sport, des cartes postales pour Décathlon, et dans les ateliers de La Farlède, ils étaient employés à de l’emballage pour Yves Rocher et à des assemblages de produits pharmaceutiques pour Para Pharma.

Le travail en atelier consiste le plus souvent en des activités de conditionnement et de façonnage, ou encore de pliage, d’ensachage ou de tri. Ainsi les détenus fabriquent des cotillons ou des stickers ou encore procèdent au montage de bouchons de porcelaine, de panneaux de signalisation routière. De même ils peuvent être amenés à effectuer du montage publicitaire ou du collage d’étiquettes.

(36)

Au regard de cette liste non exhaustive, il est facilement compréhensible que le travail en atelier est souvent décrié, jugé inintéressant, aliénant et pas suffisamment formateur. Cependant des évolutions prometteuses doivent être soulignées.

Parfois, certaines activités requièrent un réel savoir faire, par exemple pour le contrôle et le montage de puces et de circuits électroniques de téléphonie mobile, ou pour la fabrication de moteurs d’avion. De plus la manipulation de certaines machines sophistiquées nécessite une réelle formation.24

Dans un autre domaine, il est important de noter le développement du secteur tertiaire dans les travaux proposés aux détenus. Ainsi a été expérimentée au centre pénitentiaire de Bapaume une plate-forme téléphonique de renseignements. Une cinquantaine de détenus sont occupés à ces postes. Le centre s’est équipé d’un espace High-tech, avec l’installation de téléphones, ordinateurs et casques. Ce type d’évolution est extrêmement intéressant car il permet aux détenus de bénéficier d’une formation et d’une expérience qu’ils pourront valoriser à l’extérieur dans un secteur très demandeur.

Cette expérience va dans le sens des mesures préconisées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté autorité indépendante jugeant "nécessaire, rapidement, de développer un dispositif actif de recherche d'offres de travail" ou encore "d'encourager de nouveaux modes d'activité" comme l'informatique.25

Enfin nous avons constaté qu’a l’occasion de ce travail en atelier se met en place une hiérarchisation des détenus, certains se hissant au poste de détenus-contrôleurs dont le pouvoir est ambiguë puisqu’ils ont un rôle de contrôle sur leurs codétenus.

Pour chaque activité est élaboré un règlement d'atelier26 détaillé, minutieux et tatillon, précisant notamment les multiples conditions d'organisation interne du travail, les modalités de

24 Annexe n° 10 Autorisation de conduite des chariots automoteurs de manutention

25 Nouvel Observateur 15 mai 2009 « Le travail carcéral préoccupe le contrôleur »

26 Annexe n° 4 : règlement des ateliers de production

(37)

rémunération et les diverses mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité. Ce règlement est signé par le chef d'établissement et il est affiché dans chaque atelier.

La rémunération minimale est le Seuil Minimum de Rémunération (SMR) fixé en Maison d'Arrêt et en Etablissement pour peines selon le barème établi annuellement par l'Administration Pénitentiaire. Il est indexé chaque année sur le SMIC horaire.

Tous les postes offerts aux détenus sont caractérisés par leurs spécificités répétitives, pénibles et finalement aliénantes. Dans un établissement visité nous avons été étonnés de voir que les détenus travaillent en journée continue de 7h 30 à 13 h 30 avec deux pauses de cinq minutes, debout sur des tréteaux rudimentaires sans chaises de repos.

Cette pénibilité sans repos concédé sur les postes de travail, s’ajoutant a une surmédicalisation calmante aux benzodiazépines, ne participe-t-elle pas d’une volonté d’anesthésie collective de cette population réputée inquiétante ?

Après ce que l'on pourrait qualifier de maelström juridique asservissant quant à l’accès du détenu au travail, il convient de s’intéresser maintenant aux conditions légales d’exécution de ce travail captif.

B. L’absence de reconnaissance d’un contrat de travail

Le travail carcéral est spécifique en ce qu’il n’y a pas de conclusion d’un contrat de travail de droit commun. En tant qu’étudiants de droit social, cette lacune nous a surpris car pareille situation à l’extérieur de la prison pourrait être qualifiée de relation subordonnée. Pourquoi les détenus travailleurs ne sont-ils pas considérés dans les prisons Françaises comme des salariés ?

Références

Documents relatifs

En effet, le jugement détermine la position légale et non la situation morale de l’individu : il est probable que, dans les réunions d’enfants considérés comme ayant

Il n’existe pour l’heure qu’une littérature médicale spartiate traitant de la dou- leur et de sa prise en charge en milieu carcéral.. Le peu de publications se

2- Panorama de l'offre et de l'organisation des soins aux toxicomanes en milieu carcéral : repérage à l'entrée, prise en charge en matière de toxicomanie, de dépendance à l'alcool

Le tableau de fréquences est un outil pratique, permettant le contrôle des fréquences de service des plats susceptibles d’influer significativement sur l’équilibre alimentaire

One reason for the controversial role of co-feeding transmission in Lyme disease is because systemic transmission of Borrelia spirochaetes from the reservoir host to the tick vector

Thèse dirigée par Benoit BASTARD, Directeur de recherche au CNRS (ISP Cachan) et Claude MACQUET, Professeur à l’Université de Liège. Soutenue le 25

The model predicts that inequality in a follower country is more likely to be good and less likely to be bad for the number of international patent flows towards this country the

Selon le consensus des enquêteurs, un trouble thymique est identifié chez plus de 2 détenus sur 10 interrogés (moins que dans l’enquête de prévalence, en particulier si