BIOFUTUR 262 • JANVIER 2006 11
É D I T O R I A L
I
l est rare de voir se dérouler sous nos yeux une vraie révolu- tion scientifique. Il est encore plus rare que celle-ci soit à ce point rapide que ses retombées thérapeutiques soient quasi immédiates dans la prise en charge quotidienne des malades. C’est pourtant ce qu’on a vu au cours des vingt dernières années, avec la remise en cause totale de notre vision de la physiopathologie de l’ulcère gastroduodénal, qui a modifié radicalement la prise en charge pharmacologique de cette maladie.L
es deux partenaires indissociables de cette pathologie sont la bactérie Helicobacter pyloriet le malade lui-même. Longtemps, l’attention et les efforts thérapeutiques se sont focalisés sur le patient que certains considéraient comme LE responsable de l’hypersé- crétion gastrique à l’origine de l’ulcère. La bactérie, bien que connue et décrite, n’était alors au mieux considérée que comme une conséquence « logique » de la pathologie.De simple témoin opportuniste, elle est passée au fil des ans au statut de premier suspect puis enfin de seul coupable.
L
e dossier du mois se déroule en deux temps : dans le premier, Francis Mégraud présente Helicobacter pylori, vue par le bactériologiste. Dans le deuxième, Jean-François Bergmann témoigne de la révolution thérapeutique qui a fait passer cette maladie chronique parfois invalidante en simple affection aiguë, « banalement » traitée par une association d’antibiotiques et de molécules réduisant l’acidité gastrique.L
es deux prix Nobel qui ont marqué cette marche en avant exemplaire de la pharmaco- logie ont été attribués en 1988 à Sir James Black et bien entendu cette année même à Barry Marshall et à Robin Warren.T
out ceci n’est pas sans conséquence sur les travaux scientifiques à venir. D’ores et déjà, cette nouvelle approche inspire des travaux de recherche qui soupçonnent une étiologie infectieuse pour diverses maladies classées « psychosomatiques ». Il est donc probable que l’histoire d’Helicobacter pylorine restera pas isolée et, on peut l’espérer, sera suivie d’autres révolutions.Jean-Marc Grognet Directeur scientifique au CEA
© WIKLUND/SCANPIX SUEDE/SIPA
Helicobacter pylori et l’ulcère digestif :
une révolution sous nos yeux
Barry Marshall et Robin Warren, lauréats du prix Nobel de médecine 2005 pour avoir découvert, il y a plus de vingt ans,
que la plupart des ulcères gastroduodénaux n’étaient ni incurables, ni liés au stress, mais causés par la présence d’une bactérie, Helicobacter pylori.
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