Article pp.391-394 du Vol.2 n°4 (2004)

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Editorial

Le développement de services de formation en ligne a mis en évidence des besoins d’interopérabilité entre les ressources et les systèmes utilisés. De nombreux documents numériques sont développés pour la formation, qui, sans système d’indexation organisé, ne pourraient être retrouvés par d’autres formateurs ou apprenants. Si un document pertinent est trouvé hors de l’institution où l’on travaille, encore faut-il qu’on puisse l’exploiter dans l’environnement informatique mis à disposition. Dans certains cas, on voudra le modifier ou l’insérer dans un module plus vaste, comment le faire ? Ce concept d’interopérabilité se décline donc sous de multiples facettes : accessibilité, réutilisation, durabilité, adaptabilité, etc. En réponse à ces besoins, divers organismes internationaux ont commencé à faire des propositions de « normes et standards » qui inquiètent les acteurs de terrain : va-t-on

« standardiser ou normaliser l’acte éducatif » ?

Normes et standards présente des initiatives, propositions, questions suscitées par l’élaboration de normes et de standards pour la formation en ligne, et ce faisant, contribue à préciser des notions et processus encore bien souvent en émergence. Son objectif est également de souligner les paradoxes et défis engendrés par de telles initiatives.

Nous sommes en effet confrontés d’une part à la nécessité de proposer des

« mécanismes de régulation » permettant d’optimiser les échanges, de favoriser le partage, mécanismes aussi nécessaires pour développer un secteur marchand que pour promouvoir une libre diffusion de ressources, et d’autre part à un mouvement de normalisation dans un secteur où les concepts de base et les modèles sont loin d’être complètement définis. Par exemple, le vocabulaire utilisé ne fait pas encore l’objet d’un consensus, et surtout le caractère humain des relations et l’originalité de l’acte pédagogique s’accommodent mal des processus classiques d’élaboration de normes.

Les questions de standardisation ne font pas partie des préoccupations premières des acteurs de la formation ; beaucoup y voient une menace : « comment ? on voudrait standardiser cet espace de liberté que doit rester l’éducation ! » Cependant, certains sont confrontés aux problèmes d’interopérabilité de ressources numériques au travers des réseaux. Ils doivent essayer d’utiliser les standards existants et découvrent une complexité qui peut en décourager plus d’un. Un premier article est donc destiné aux néophytes, il a pour objectif de fournir des définitions, des exemples, des repères, des références complémentaires, mais surtout de montrer qu’au-delà des questions techniques qui émergent, l’élaboration de standards exige un consensus sur des modèles et des représentations encore à construire par les

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acteurs du monde de la formation. Et ce travail sur les modèles interroge et concerne tous les acteurs !

En effet, il semble bien qu’après plusieurs décennies d’introduction des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation, les vrais problèmes se manifestent, ceux qui nécessitent de décrire des informations, des savoirs et des savoir-faire, des processus avec la rigueur imposée par la modélisation informatique. Jusqu’à présent on a introduit de nouveaux supports, de nouveaux vecteurs pour la circulation des informations et parfois de nouvelles pratiques pédagogiques. On n’a pas eu besoin de concevoir et décrire des formations dans des formalismes compréhensibles par l’homme et interprétables, au moins partiellement, par la machine. Cette exigence nous arrive par une voie où on ne l’attendait pas, celle des échanges de ressources pédagogiques au sens large au travers du web. Elle a conduit à proposer des langages formels pour décrire certains aspects de la formation et constitue certainement un événement majeur dans l’histoire de l’éducation. Il ne faut donc pas s’étonner que ces débuts soient quelque peu chaotiques et que l’on n’ait pas encore de vrais retours d’usage. Il faudra du temps pour en mesurer le véritable impact, trouver la place des traitements automatiques au service des formateurs et des apprenants, écarter les mauvaises solutions, et finalement progresser dans un partage des tâches entre l’homme et la machine pour la diffusion de formations au bénéfice du plus grand nombre.

L’article d’Anne Lejeune décrit l’un de ces langages, la spécification IMS LD proposée par le consortium IMS, pour modéliser des situations d’apprentissage instrumentées par les technologies de l’information et de la communication. La démarche est délibérément informative, sans regard critique, avec l’objectif de simplifier, autant que faire se peut, la compréhension de cette spécification disponible sur le site web d’IMS. L’auteur montre d’abord sur quels concepts et quelles métaphores repose cette spécification, elle montre ensuite la démarche de conception liée à l’utilisation d’une telle spécification. Le lecteur y apprendra comment cette spécification a été élaborée et par qui, ce qu’elle contient, le modèle retenu pour représenter une situation d’apprentissage. Le document est illustré par des exemples de modélisation.

L’article suivant porte sur le suivi des apprenants au travers des principaux standards proposés. Le suivi des apprenants, c’est l’ensemble des réponses fournies à certaines questions, mais aussi l’historique d’interaction avec le système ainsi que le contexte de ces interactions. Les auteurs, Erik Gebers et Michel Arnaud, partent de leur connaissance de l’existant et de leur pratique d’environnements de formation ; ils proposent quatre critères pour décrire et comparer l’instrumentation du suivi de l’apprenant et concluent sur la nécessité d’étendre les standards existants pour prendre en compte de façon effective et efficace ce suivi.

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Editorial 393 Marie-Hélène Abel décrit ensuite les choix de standards effectués pour le projet de recherche MEMORAe qui considère une formation comme une organisation avec ses acteurs et ses ressources et propose de gérer ressources, informations et connaissances comme une mémoire organisationnelle fondée sur des ontologies. Elle présente notamment plusieurs standards possibles pour la description des ressources et des formalismes pour la représentation des connaissances sous forme d’ontologies.

Le standard adopté dans le projet, les « topic maps » ou « cartes de concepts », est également mis en avant dans les projets norvégiens évoqués dans l’interview qui clôt ce numéro.

Dans notre espace « rubriques », nous avons donné la parole à des praticiens du Cégep à distance du Québec, ils témoignent de leur volonté de mise en œuvre de standards pour résoudre des problèmes d’interopérabilité déjà rencontrés au sein de leur organisation et surtout des nombreuses questions qui restent à résoudre.

Enfin, nous avons une analyse plus synthétique et prospective de la question des standards pour la formation en ligne à l’échelle d’un pays, la Norvège. Cette analyse n’est que très peu technique et fait en quelque sorte écho au premier article en distinguant une vue technique, dite « étroite », des standards d’une vue plus large.

Du point de vue technique, l’interview montre de façon pragmatique les choix qui ont été faits en fonction des problèmes posés et des standards proposés. Dans un sens plus large, l’auteur parle d’emblée de « formalisation des pratiques du secteur éducatif liée à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication ». La lecture très tonique de ce texte est une autre façon de pénétrer dans le monde étrange des standards !

On aura noté au fil de cette présentation que les articles portent tous sur des études techniques. Ils étaient nécessaires pour permettre aux lecteurs une première approche des principales propositions. Notre appel à communication n’a pas suscité de proposition portant sur des études détaillées d’usages, avec conclusions à l’appui, ni de regards critiques sur l’ingénierie de ressources par agrégation d’autres ressources ou le bien-fondé des concepts choisis pour modéliser des situations d’apprentissage ou encore la neutralité annoncée de ces modèles par rapport à la diversité des cultures ou des approches pédagogiques. Nous le regrettons et espérons que de telles études viendront rapidement apporter des éléments de réponse aux nombreuses questions posées.

Il serait par exemple intéressant d’éclairer les échanges réels entre producteurs (marchands et non marchands) de contenus, en particulier dans la dimension interculturelle que devraient permettre ces normes et standards. Il serait également intéressant de comprendre si ces processus ont conduit à repenser, à modifier l’acte pédagogique. Quelles sont alors les appréciations des apprenants ?

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Nous souhaitons que ce numéro fournisse à nos lecteurs de premières clés pour déchiffrer ce terrain aride des spécifications de standards pour la formation en ligne.

Puissent-ils avoir l’envie de communiquer les leçons qu’ils tirent de leurs propres expériences de mise en œuvre ou de non mise en œuvre de standards ou bien les résultats des investigations entreprises afin d’éclairer notre avancée collective sur ce chemin à peine ouvert, mais déjà bien mouvementé, des standards pour la formation.

Monique Grandbastien LORIA, Université Nancy 1, France Ghislaine Chartron, INRP, France Gilles Gauthier, UQAM, Canada Robert Thivierge, Canada