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La déduction naturelle

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Texte intégral

(1)

cours d’introduction à la logique, UniL, Philipp Blum 27 mars 2019

Points à retenir de la dernière leçon

1. Une valuation propositionnelle atomique attribue des valeurs de vérité aux phrases simples.

Elle est la base pour une interprétation propositionnelle qui attribue des valeurs de vérité à toutes les formules du langage L.

2. Une valuation propositionnelle correspond à une possibilité logique et à une ligne dans une table de vérité.

3. Les notions sémantiques « tautologie », « contradiction », « satisfaisabilité »et « consé- quence logique »peuvent être définies en termes de valuations propositionnelles.

4. Un ensemble de phrases est satisfaisable si et seulement s’il y a une valuation qui rende vraies toutes les phrases de cet ensemble.

5. Un calcul syntaxique (un calcul axiomatique, un calcul d’arbres ou un calcul de la déduction naturelle) est dit « correct »si tous ses théorèmes sont des tautologies.

6. Un tel calcul est dit « complet »si toute tautologie en est un théorème.

7. La méthode des arbres nous fournit un test de consistance : elle nous permet d’établir si oui ou non un ensemble de phrases est consistant. Si l’ensemble en question est effectivement consistant, elle permet également de trouver une valuation qui rende vraies toutes les phrases de cet ensemble.

8. Prouver une phraseϕpar la méthode des arbres revient à montrer que toutes les branches de l’arbre de sa négation ⌜¬ϕ⌝se ferment.

9. Puisqu’elle est correcte, la méthode des arbres nous permet également d’établir si une phraseϕest ou non une tautologie : elle l’est si et seulement si l’arbre de sa négation⌜¬ϕ⌝ ne contient que des branches fermées.

10. La méthode des arbres nous permet également de tester un argument pour sa validité, en vérifiant le caractère tautologique de l’implication correspondante.

Les suppositions

Nous avons rencontré deux manières de construire des preuves :

1. le calcul axiomatique HC, où il faut d’abord trouver les bons axiomes, en faire des substi- tutions, et enfin appliquer la règle d’inférence MPdans le bon ordre ;

2. la méthode des arbres (ou : la méthode des tableaux analytiques), où l’on décompose successivement la formule initiale en cherchant une valuation sous laquelle elle est vraie.

La méthode de la réduction à l’absurde, que l’on a introduite comme règle d’introduction de la négation, ne s’insère dans aucune de ces catégories car elle utilise essentiellement la notion de «supposition». Dans la langue naturelle, une supposition est l’énonciation d’une phrase qui manque de force assertorique

C’est l’usage des suppositions qui caractérise la méthode de la déduction naturelle que l’on abordera dans cette leçon.

(2)

Considérons le début d’une preuve que¬pà partir des trois prémisses «p→q», «p→(q→r)» et «¬r» :

1 p→q, p→(q→r),¬r p→q prémisse

2 p→q, p→(q→r),¬r p→(q→r) prémisse

3 p→q, p→(q→r),¬r ⊢ ¬r prémisse

4 p→q, p→(q→r),¬r, p p supposition

5 p→q, p→(q→r),¬r, p q de (1) et (4) par (MP) 6 p→q, p→(q→r),¬r, p q→r de (2) et (4) par (MP) 7 p→q, p→(q→r),¬r, p r de (5) et (6) par (MP) Nous commençons la preuve aux trois premières lignes par une énumération des prémisses : toutes les autres phrases de la preuve seront des conséquences logiques des trois prémisses (1), (2) et (3). Nous introduisons une supposition à la ligne (4). Nous la rajoutons à la colonne gauche et marquons le signe « » pour la relation de déductibilité avec une astérisque : cette astérisque dans « » nous rappelle que nous n’avons encore rien prouvé sans condition. Les lignes 4 à 7 sont toutes gouvernées par la supposition quep– nous avons prouvé, à la ligne (7), «r» sous la supposition que p(indiqué par l’astérisque dans « »). Pour pouvoir dire que l’on a réellement prouvé la vérité d’une certaine formule propositionnelle, il faut enlever cette supposition et passer de « » à «». Comment se défaire d’une supposition ?

Nous avons vu que la règle d’élimination pour l’implication matérielle (→E) était la règle d’in- férencemodus ponens(MP) :

⊢p→q

⊢p

⊢q E ou MP

Dans la deuxième leçon, nous n’avions pas les ressources suffisantes pour introduire la règle d’introduction correspondante (I), celle de lapreuve conditionnelle(PC) :

p p ... p q

p→q I ou PC

Avec cette règle à notre disposition, continuons notre preuve que ¬p:

1 p→q, p→(q→r),¬r p→q prémisse

2 p→q, p→(q→r),¬r p→(q→r) prémisse

3 p→q, p→(q→r),¬r ⊢ ¬r prémisse

4 p→q, p→(q→r),¬r, p p supposition

5 p→q, p→(q→r),¬r, p q de (1) et (4) par (MP)

6 p→q, p→(q→r),¬r, p q→r de (2) et (4) par (MP)

7 p→q, p→(q→r),¬r, p r de (5) et (6) par (MP)

8 p→q, p→(q→p),¬r p→r de (4) et (7) par (PC)

9 p→q, p→(q→p),¬r ⊢ ¬r→ ¬p de (8) parconversion(CP)

10 p→q, p→(q→p),¬r ⊢ ¬p de (3) et (9) par (MP)

À la ligne (8), nous avons enlevé notre supposition quepen la transformant en l’antécédent d’une implication qui a comme conséquent une chose prouvée sous cette supposition. Ici, par exemple, il s’agit d’appliquerPCaux lignes (3) (où la supposition a été faite) et (7), où nous avons annoncé ce qui a été prouvé sous cette supposition. La ligne (9) a été obtenu par une règle d’inférence

(3)

dérivée, appelée « conversion », dont le schéma est le suivant :

ϕ→ψ

⌜¬ψ→ ¬ϕ⌝ CP

D’une importance particulière pour les suppositions est la réduction à l’absurde : elle nous permet de conclure, sur la base d’un arrière-plan gardé fixe, qu’une certaine supposition ne peut pas être vraie. En soi, cependant, elle ne détermine pas quelle formule était coupable de l’engendrement de la contradiction. Considérons la preuve suivante :

1 p→q, q→ ¬p p→q prémisse

2 p→q, q→ ¬p q→ ¬p prémisse

3 p→q, q→ ¬p, p p supposition

4 p→q, q→ ¬p, p q de (1) et (3) par (MP) 5 p→q, q→ ¬p, p ¬p de (2) et (4) par (MP)

6 p→q, q→ ¬p ⊢ ¬p de (3) et (5) parréduction à l’absurde Dans cette déduction naturelle, nous avons d’abord supposé quep, à la ligne 3. Cette supposition nous a amené à affirmer que que¬p, à la ligne 5, ce qui est contradictoire avec notre précédente hypothèse. À partir de cette impasse, nous pouvons conclure que notre supposition était fausse, et donc que¬p– sous aucune supposition et parréduction à l’absurde : si la supposition quep nous mène à une contradiction, alors¬p(ligne 6).

Les règles de la déduction naturelle

Nous avons déjà montré qu’il y a des théorèmes du calcul axiomatique qui correspondent à des règles d’inférences de la déduction naturelle : la règle dérivée de conversion CP, par exemple, correspond au théorème « (p→q) (¬q→ ¬p) » de HC. Il s’agit d’un phénomène général : normalement, les calculs axiomatiques consistent en de nombreux axiomes et une seule règle d’inférence – modus ponens (MP). Les calculs de la déduction naturelle – comme celui de la méthode des arbres – n’ont pas d’axiomes, mais de nombreuses règles d’inférences pour déduire des théorèmes à partir des prémisses. Chacune de ces règles nous permet de continuer notre preuve d’une étape, si nous avons déjà établi un certain nombre d’autres : ces autres étapes sont alors mentionnés dans la colonne droite de la preuve, et toutes leurs suppositions sont héritées à la nouvelle ligne. La difficulté principale des preuves par la méthode de la déduction naturelle consiste alors à tenir compte de ces suppositions.

Nous allons discuter maintenant de quelques règles d’inférences en détail. Prises ensemble, ces règles nous permettent de démontrer toute tautologie de la logique propositionnelle : elles forment un calcul correct et complet par rapport à la sémantique donnée de la logique propositionnelle.

La règle des suppositions

À n’importe quel stade de la preuve, nous avons le droit d’introduire une supposition, à condition que nous la marquions dans la deuxième colonne à partir de la gauche :

n ϕ ϕ supposition

(4)

Modus ponens (modus ponendo ponens)

La règle de modus ponens (abrégée «(MP)» ou «(E)») nous permet de passer d’une implica- tion matérielle et de son antécédent à son conséquent :

m ϕ→ψ

... ...

n ⊢ϕ

... ...

o ⊢ψ de (m) et (n) par (MP)

Modus tollens (modus tollendo tollens)

La règle de modus tollens (abrégée «(MT)») nous permet de passer d’une implication matérielle et de la négation de son conséquent à la négation de son antécédent :

m ϕ→ψ

... ...

n ⌜¬ψ

... ...

o ⌜¬ϕ⌝ de (m) et (n) par (MT)

La règle de modus tollens remplace la règle de conversion. Si on a prouvé «p→q» et «¬q », la conversion de la première nous donne «¬q→ ¬p» et «¬p» s’ensuit par (MP). Avec (MT), nous pouvons en déduire «¬p» sans aucune étape intermédiaire.

Preuve conditionnelle

La règle de la preuve conditionnelle (abrégée «(I)» ou «(PC)») nous permet de transformer une sous-preuve (une preuve gouvernée par une supposition) en une preuve d’une implication matérielle ; elle nous permet de déduire une implication si et seulement s’il est possible de prouver par d’autres moyens que le conséquent de l’implication peut être dérivé de son antécédent.

m ϕ ϕ supposition

... ...

n ϕ ψ

... ...

o ϕ→ψ⌝ de (m) et (n) par (PC)

Dans la ligne (o), nous déchargeonsla suppositionϕpar laquelle nous avons commencé la sous- preuve de (m) à (n) et nousconditionalisons le résultat intermédiaireψ qui était gouverné par la suppositionϕ.

L’introduction et l’élimination de la double négation

La règle de l’élimination de la double négation ((¬E) ou (DN)) est la suivante :

m ⌜¬¬ϕ

... ...

n ⊢ϕ de (m) par (DN)

(5)

De la même manière, nous pouvons introduire une double négation (par exemple pour une ap- plication éventuelle de (MT)) :

m ⊢ϕ

... ...

n ⌜¬¬ϕ⌝ de (m) par (DN)

La réduction à l’absurde (reductio ad absurdum)

La règle de la réduction à l’absurde ((RAA) ou (¬I)) nous permet de convertir une sous-preuve particulière (qui part de la supposition quepet qui en dérive une contradiction) en une preuve que¬p:

m ϕ ϕ supposition

... ...

n ϕ ψ

... ...

o ϕ ⌜¬ψ

... ...

p ⌜¬ϕ⌝ de (m), (n) et (o) par (RAA)

Sous la suppositionϕ(lignem), nous avons démontré à la foisψ(lignen) et⌜¬ψ⌝(ligneo). Or ψ et⌜¬ψ⌝ ne peuvent pas être vrais ensemble. Nous pouvons donc conclure que la supposition initialeϕétait fausse et écrire⌜¬ϕ⌝à la lignep. Nous avons réduit à l’absurde la suppositionϕ et donc prouvé sa négation.

D’après cette règle, si votre interlocuteur pose une hypothèse («p») dont on peut prouver qu’elle nous mène à une contradiction («q∧ ¬q»), alors cette hypothèse doit être rejetée et sa négation

« ¬p» peut être affirmée.

L’introduction et l’élimination de la conjonction

La règle d’introduction de la conjonction (∧I) nous permet d’inférer «p∧q» si on a déjà prouvé quepet queq :

m ⊢ϕ

... ...

n ⊢ψ

... ...

o ϕ∧ψ⌝ de (m) et (n) par (I)

L’élimination de la conjonction se fait en inférant un des conjoints de la phrase conjonctive :

m ϕ∧ψ

... ...

n ⊢ϕ de (m) par (∧E)

(6)

Il est immatériel quel est le conjoint en question :

m ϕ∧ψ

... ...

n ⊢ψ de (m) par (E)

L’introduction et l’élimination de la disjonction

Les règles d’introduction de la disjonction sont duales aux règles d’élimination de la conjonction :

m ⊢ϕ

... ...

n ϕ∨ψ⌝ de (m) par (I)

Ceci vaut pour les deux côtés de la disjonction :

m ⊢ψ

... ...

n ϕ∨ψ⌝ de (m) par (I)

L’introduction de la disjonction est un ajout qui, bien qu’il puisse sembler inutile, ne change pas la validité de la phrase. L’élimination de la disjonction est un peu plus complexe et présuppose la règle des suppositions. Considérons le schéma de preuve suivant :

m ϕ∨ψ

... ...

n ϕ ϕ supposition

... ...

o ϕ χ

... ...

p ψ ψ supposition

... ...

q ψ χ

... ...

r ⊢χ de (m), (n), (o), (p) et (q) par (E)

L’idée qui motive cette règle d’inférence est la suivante : si une disjonction «p∨q» a été établie, et qu’on montre que de «p» il s’ensuit «r», et que de «q» il s’ensuit également «r» ; alors, de la disjonction «p∨q », il s’ensuit quer. Nous pouvons donner une interprétation graphique de (E) comme suit :

ϕ∨ψ

ϕ ψ

AA AAU

AA AAU

ξ

(7)

L’introduction et l’élimination de l’équivalence matérielle

Puisque l’équivalence matérielle est simplement l’implication matérielle ‹ réciproque › , nous avons comme règle d’introduction :

m ϕ→ψ

... ...

n ψ→ϕ

... ...

o ϕ↔ψ⌝ de (m) et (n) par (↔I)

Les règles d’élimination nous montrent que l’équivalence est simplement la conjonction des deux implications matérielles :

m ϕ↔ψ

... ...

n ϕ→ψ⌝ de (m) par (E)

L’élimination de l’équivalence peut se faire en favour des deux implications implicites :

m ϕ↔ψ

... ...

n ψ→ϕ⌝ de (m) par (↔E)

Les preuves par déduction naturelle

L’usage des prémisses nous permet d’éviter des substitutions. Pour montrer, par exemple, la commutativité de la conjonction, une simple preuve de quatre lignes nous suffit :

1 p∧q p∧q prémisse

2 p∧q p de (1) par (E)

3 p∧q q de (1) par (E)

4 p∧q q∧p de (3) et (2) par (∧I)

De la prémisse «p∧q », nous concluons quepà la ligne (2) et que q à la ligne (3). Comme la règle d’introduction de la conjonction (I) nous laisse le libre choix entre les deux conjoints, nous pouvons conclure queq∧pà la ligne (4), démontrant ainsi que dans une conjonction, l’ordre des conjoints n’importe peu.

Dans la colonne de gauche, on énumère les lignes ; dans la deuxième, on met des prémisses (qu’il n’y a pas dans cet exemple) et des suppositions ; dans la troisième, soit « » (si on est en train de démontrer une phrase sous une supposition), soit «» (si on n’a pas fait de supposition ou éliminé toutes celles que l’on a faites) ; dans la quatrième colonne, la phrase principale ; dans la cinquième, la manière dont on est arrivé à la phrase principale : s’il s’agit d’une prémisse, d’une supposition ou de la conclusion d’une règle d’inférence.

PCetRAAnous permettent de démontrer des tautologies, c’est-à-dire des phrases dont les preuves ne nécessitent pas de prémisses :

1 p p supposition

2 p p de (1)

3 p→p de (1) et (2) par (PC)

(8)

Si nous avons deux lignes identiques comme dans notre exemple, il n’est pas nécessaire de les répéter. Nous aurions pu écrire également :

1 p p supposition

2 p→p de (1) et (1) par (PC)

Si on a des prémisses, on commence par les incorporer dans la preuve. Supposons que nous voulions prouver «p→r» à partir des deux phrases «p→q» et «q→r». Nous commençons avec l’énonciation de ces prémisses comme suit :

1 p→q, q→r p→q prémisse

2 p→q, q→r q→r prémisse

Cette règle d’incorporation des prémisses correspond au fait que l’on a, dans un calcul axioma- tique,HCTh⊢ϕpour toute formuleϕ∈Th. Puisque nous cherchons à établir une conclusion conditionnelle (à savoir «p→r»), nous supposons son antécédent :

1 p→q, q→r p→q prémisse

2 p→q, q→r q→r prémisse

3 p→q, q→r, p p supposition

Cette supposition nous permet d’appliquer (MP) : nous obtenons ainsi « q » – ce qui, avec la deuxième prémisse, nous permet la dérivation de «r» :

1 p→q, q→r p→q prémisse

2 p→q, q→r q→r prémisse

3 p→q, q→r, p p supposition

4 p→q, q→r, p q de (1) et (3) par (MP)

5 p→q, q→r, p r de (2) et (4) par (MP)

En appliquant de la règle de la preuve conditionnelle, nous avons établi notre conclusion sous aucune supposition à partir des deux prémisses originales :

1 p→q, q→r p→q prémisse

2 p→q, q→r q→r prémisse

3 p→q, q→r, p p supposition

4 p→q, q→r, p q de (1) et (3) par (MP)

5 p→q, q→r, p r de (2) et (4) par (MP)

6 p→q, q→r p→r de (3) et (5) avec (PC)

La dernière ligne nous assure maintenant que l’on peut prouver « p→r » des deux prémisses

«p→q» et «q→r». En d’autres mots, nous avons prouvé le séquent «p→q, q→r⊢p→r».

Essayons de déduire «¬(p∧q) » à partir de «p→ ¬q ». Nous commençons par l’énonciation de la prémisse et supposons la négation de la conclusion désirée, en vue de (RAA). Sous cette supposition, nous cherchons à déduire une contradiction ; (RAA) nous permettra alors de conclure que la supposition est fausse et que par conséquent sa négation est vraie :

1 p→ ¬q p→ ¬q prémisse

2 p→ ¬q, p∧q p∧q supposition

3 p→ ¬q, p∧q p de (2) par (E)

4 p→ ¬q, p∧q ¬q de (1) et (3) par (MP)

5 p→ ¬q, p∧q q de (2) par (E)

6 p→ ¬q ⊢ ¬(p∧q) de (2), (4) et (5) par (RAA)

(9)

La règle de la réduction à l’absurde est particulièrement utile pour prouver des théorèmes, comme dans l’exemple suivant d’une preuve inconditionnelle «¬(p∧ ¬p)» :

1 p∧ ¬p p∧ ¬p supposition

2 p∧ ¬p p de (1) par (E)

3 p∧ ¬p ¬p de (1) par (E)

4 ⊢ ¬(p∧ ¬p) de (1), (2) et (3) par (RAA)

Il est souvent crucial de bien se servir de la règle des suppositions : elle nous permet de ‹ sortir › l’information que contiennent les prémisses. Pour pouvoir utiliser, par exemple, «q→r» dans une preuve qui a «p→(q→r)» comme prémisse, on suppose «p». Le choix des règles est non seulement motivé par les prémisses qui sont à notre disposition, mais également par la conclusion désirée : si la conclusion désirée a par exemple la forme d’une implication, on se servira de la règle de la preuve conditionnelle (PC). Dans le cas où la conclusion est une phrase simple ou une négation, on utilisera la réduction à l’absurde (RAA). Voici, pour donner un autre exemple, une preuve de «⊢ ¬(p∧ ¬p)» :

1 p∧ ¬p p∧ ¬p supposition

2 p∧ ¬p p de (1) par (E)

3 p∧ ¬p ¬p de (1) par (E)

4 ⊢ ¬(p∧ ¬p) de (1), (2) et (3) par (RAA)

La règle de supposition nous permet de ‹ conditionaliser › n’importe quelle ligne de notre preuve : si on a prouvé que q, par exemple, il suffit de supposer « p » pour dériver « p q » par la règle (PC). Il est donc aussi possible d’utiliser la même phrase plusieurs fois, par exemple pour prouver «p→(p→q)» à partir de «q » :

1 q q prémisse

2 q, p p supposition

3 q p→q de (1) et (2) par (PC)

4 q p→(p→q) de (3) et (2) par (PC)

La règle de preuve conditionnelle (PC) est d’une utilité particulière si on veut établir une conclu- sion de forme conditionnelle, comme le montre la preuve suivante de «¬p↔ ¬q⊢p↔q» :

1 ¬p↔ ¬q ⊢ ¬p↔ ¬q prémisse

2 ¬p↔ ¬q ⊢ ¬p→ ¬q de (1) par (E)

3 ¬p↔ ¬q ⊢ ¬q→ ¬p de (1) par (↔E)

4 ¬p↔ ¬q, p p supposition

5 ¬p↔ ¬q, p ¬¬p de (4) par (DN)

6 ¬p↔ ¬q, p ¬¬q de (3) et (5) par (MT)

7 ¬p↔ ¬q, p q de (6) par (DN)

8 ¬p↔ ¬q p→q de (4) et (7) par (PC)

9 ¬p↔ ¬q, q q supposition

10 ¬p↔ ¬q, q ¬¬q de (9) par (DN)

11 ¬p↔ ¬q, q ¬¬p de (2) et (10) par (MT)

12 ¬p↔ ¬q, q p de (11) par (DN)

13 ¬p↔ ¬q q→p de (9) et (12) par (PC)

14 ¬p↔ ¬q p↔q de (8) et (13) par (↔I)

La règle d’élimination d’une disjonction (∨E) semble un peu compliquée, mais correspond à un principe de raisonnement naturel. À partir d’une prémisse disjonctive, on peut démontrer n’importe quelle phrase dont la vérité ne dépend pas de notre choix du disjoint : même si nous

(10)

ignorons quel disjoint est vrai, nous pouvons dans tous les cas être certain d’une phrase qui s’ensuit des deux. Si lors d’un branchement de chemin, les deux m’amènent à un endroit, je vais y arriver peu importe lequel je prends. En utilisant la règle (∨E), nous démontrons la commutativité de la disjonction comme suit :

1 p∨q p∨q prémisse

2 p∨q, p p supposition

3 p∨q, p q∨p de (2) par (∨I)

4 p∨q, q q supposition

5 p∨q, q q∨p de (4) par (I)

6 p∨q q∨p de (1,2,3,4,5) par (E)

Il est à remarquer que souvent ils existent différentes preuves du même séquent. Voici, par exemple, une preuve de «p∧ ¬p⊢p» :

1 p∧ ¬p p∧ ¬p prémisse

2 p∧ ¬p,¬p ¬p supposition

3 p∧ ¬p,¬p p de (1) avec (E)

4 p∧ ¬p,¬p ¬p de (1) avec (E)

5 p∧ ¬p ⊢ ¬¬p de (3) et (4) avec (RAA)

6 p∧ ¬p p de (5) avec (DN)

Une autre preuve, plus courte, est la suivante :

1 p∧ ¬p p∧ ¬p prémisse

2 p∧ ¬p p de (1) avec (E)

Un dernier exemple nous montre comment nous servir de la règle (RAA) pour établir une conclu- sion positive :

1 ¬(¬p∧ ¬q) ⊢ ¬(¬p∧ ¬q) prémisse

2 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) ¬(p∨q) supposition 3 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), p p supposition 4 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), p p∨q de (3) par (I) 5 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), p ¬(p∨q) de (2)

6 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) ¬p de (3), (4) et (5) par (RAA) 7 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), q q supposition

8 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), q p∨q de (6) par (I) 9 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), q ¬(p∨q) de (2)

10 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) ¬q de (7), (8) et (9) par (RAA) 11 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) ¬p∧ ¬q de (5) et (8) par (I) 12 ¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) ¬(¬p∧ ¬q) de (1)

13 ¬(¬p∧ ¬q) ⊢ ¬¬(p∨q) de (2), (11) et (12) par (RAA)

14 ¬(¬p∧ ¬q) p∨q de (13) par (DN)

Nous répétons la ligne (2) aux lignes (5) et (9) et la ligne (1) à la ligne (12) pour permettre des applications de (RAA) à des lignes qui partagent leurs suppositions : ceci est permis parce que ce qui est prouvé sans supposition reste prouvé même si nous ajoutons d’autres suppositions. La double application de (RAA) aux disjonctions introduits aux lignes (4) et (11) nous permet de déduire une contradiction à la supposition de la négation de la conclusion voulue. Nous omettrons cette complication dans les preuves qui suivent.

Essayez de ‘faire sortir’ le contenu de ce que vous avez déjà démontré. Si vous avez des prémisses ou des phrases déjà démontrées de la forme⌜ϕ∧ψ⌝, utilisez (E). Si vous avez des prémisses ou

(11)

des phrases déjà démontrées de la forme⌜ϕ∨ψ⌝, essayez de prouver la conclusion à partir deϕ et à partir deψet utilisez (E). S’il y a une prémisse ou une phrases déjà démontrée de la forme

⌜¬(ϕ∨ψ)⌝, essayez de prouverϕou de prouverψet utilisez (∨I) pour obtenir une contradiction.

Il est très important de garder un œil sur le connecteur principales. La raison, par exemple, pourquoi dans les cas suivants, l’application de (MP) et de (MT) n’est pas possible :

¬(p→q) ̸⊢ ¬p→ ¬q

¬(p→q) ̸⊢ p→ ¬q

est que l’opérateur principale de la prémisse est la négation, et non pas l’implication.

Essayez de ‘simplifier’ le plus possible. S’il y a deux prémisses ou des phrases déjà démontrées de la formeϕ,ϕ→ψ⌝, utilisez (MP). S’il y a deux prémisses ou des phrases déjà démontrées de la forme⌜¬ψ,ϕ→ψ⌝, utilisez (MT).

Laissez-vous guider par la forme de la conclusion envisagée. Si elle a la forme d’une implication

ϕ→ψ⌝, supposez queϕ, prouvez queψet utilisez (PC). Si elle a la forme⌜ϕ∧ψ⌝, prouvez que ϕ, prouvez queψ et utilisez (I).

Si vous souhaitez obtenir une conclusion négative ou atomique, utilisez (RAA). Si la conclusion est de la forme⌜¬ϕ⌝, supposez queϕ, prouvez, sous cette supposition, queψet que⌜¬ψ⌝(pour n’importe quelle formule ψ) et utilisez (RAA). Si vous voulez prouver « p », supposez « ¬p », prouvez, sous cette supposition, queψet que ⌜¬ψ⌝ et utilisez (RAA).

Attention avec les disjonctions ! Si la conclusion a la forme⌜ϕ∨ψ⌝, il y a trois possibilités : (i) essayez de prouverϕ,

(ii) essayez de prouverψou

(iii) essayez de réduire⌜¬(ϕ∨ψ)⌝à l’absurde.

La méthode de la déduction naturelle consiste essentiellement en les douze règles suivantes : ces règles nous disent comment nous pouvons manipuler des séquences de symboles de la forme

« ϕ⊢ψ », en composant une preuve d’un certain théorème (« χ ») ou d’une phrase à partir de quelques prémisses («ζ⊢χ »).

Une notation en termes de déductibilité

Nous verrons la prochaine semaine que nous pouvons prouver ψ à partir de ϕ ψ) si et seulement si nous pouvons prouver l’implication deψ parϕ:ϕ→ψ⌝. Ce caractéristique de notre logique justifie notre règle d’inférence de preuve conditionnelle (PC).

Même en présence d’un tel « théorème de déduction », il est important de distinguer les conclu- sions conditionnelles des théorèmes. Une conclusion conditionnelle a la forme suivante :

(6.1) ϕ1, ϕ2, . . . , ϕn ⊢ψ

La conclusion ψ est ‘conditionnelle’ parce qu’elle dépend des prémisses ϕ1, ϕ2, . . . , ϕn. Nous appellerons toute expression de la forme (6.1) un « séquent  ». Un séquent est un schéma d’une inférence ; (6.1) dit qu’à partir des prémissesϕ1, ϕ2, . . . ϕn, on peut déduireψ. Parce qu’il contient des prémisses et une conclusion, la forme d’un séquent rappelle celle d’un argument. La différence entre ces deux objets est que le séquent est uniquement fait de noms de phrases de type ϕ et ψ, et qu’il est donc marqué par un niveau d’abstraction élevé : (6.1) est une affirmation du métalangage. Un argument, en revanche, est fait de phrases déterminées, telle que « tout événement physique a une cause physique ».

Un théorème, cependant, est un séquent qui manque de prémisses : (6.2) ⊢ψ

(12)

(6.2) dit queψpeut être prouvé sans aucune prémisse et que, par conséquent,ψest un théorème.

Ce sont des théorèmes qui, en premier lieu, sont appelés «(logiquement) vrais » ou «(logiquement) faux » et les séquents qui sont proprement dits « valides » ou « invalides ». Notre test sémantique de validité correspond donc maintenant à un test syntaxique de déductibilité. Nous avons dit qu’un argument de la forme « p; q; r; donc s » est valide si et seulement si l’implication matérielle correspondante « (p∧q∧r) s » est une tautologie. Étant donné le théorème de déduction, ceci revient à dire qu’un séquent « ϕ⊢ ψ » peut être prouvé si et seulement si l’implication correspondante est un théorème :ϕ→ψ⌝.

Les règles dérivées

Nous remarquons qu’il n’est pas le cas que toutes nos règles de déduction naturelle sont indé- pendentes – quelques-unes peuvent être définies en termes d’autres. Par exemple, nous pouvons nous passer de la règle de conversion (CP) en faveur des règles de supposition et de modus tollens (MT). De même, nous passer de la règle de modus tollens (MT), en remplaçant chacune de ses

applications par une application de (MP), suivi d’une application de (RAA) :

m ϕ→ψ

... ...

n ⌜¬ψ

... ...

q ϕ ϕ supposition

q+ 1 ϕ ψ de (m) et (q) par (MP)

o ⌜¬ϕ⌝ de (q), (n) et (q+ 1) par (RAA)

En voici une instance concrète :

1 p→q,¬q p→q prémisse

2 p→q,¬q ⊢ ¬q prémisse

3 p→q,¬q, p p supposition

4 p→q,¬q, p q de (1) et (3) par (MP)

5 p→q,¬q ⊢ ¬p de (3), (2) et (4) avec (RAA)

Une axiomatisation utilisant les onze autres règles sauf (MT) serait donc également correcte et complète.

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