La déduction naturelle
Cours d’introduction à la logique au semestre d’automne 2007
Feuille d’accompagnement pour le cours du 14 novembre 2007
Philipp Keller
Points à retenir du dernier cours
1. Une interprétation propositionnelle atomique attribue des valeurs de vérité aux phrases simples.
Elle est la base pour une interprétation propositionnelle qui attribue des valeurs de vérité à toutes les formules du langage
philipp.keller@lettres.unige.ch
.
2. Une interprétation propositionnelle correspond à une possibilité logique et à une ligne dans une table de vérité.
3. Les notions sémantiques “tautologie”,“contradiction”,“satisfaisabilité” et “conséquence séman- tique” peuvent être définies en termes d’interprétations propositionnelles.
4. Un ensemble de phrases est satisfaisable si et seulement s’il y a une interprétation qui rende vraies toutes les phrases de cet ensemble.
5. Un calcul syntaxique (un calcul axiomatique, un calcul d’arbres ou un calcul de la déduction naturelle) est dit “correct” si tous ses théorèmes sont des tautologies.
6. Un tel calcul est dit “complet” si toute tautologie en est un théorème.
7. La méthode des arbres nous fournit un test de consistance : elle nous permet d’établir si oui ou non un ensemble de phrases est consistant. Si l’ensemble en question est effectivement consis- tant, elle permet également de trouver une interprétation qui rende vraies toutes les phrases de cet ensemble.
8. Prouver une phrase L
par la méthode des arbres revient à montrer que toutes les branches de l’arbre de sa négation
φp¬φ se ferment.
9. Puisqu’elle est correcte, la méthode des arbres nous permet également d’établir si une phrase q
est ou non une tautologie : elle l’est si et seulement si l’arbre de sa négation
p¬φ ne contientφ
que des branches fermées.
10. La méthode des arbres nous permet également de tester un argument pour sa validité, en vérifiant le caractère tautologique de l’implication correspondante.
Les suppositions
Dans un calcul axiomatique, il faut d’abord trouver les bons axiomes, en faire des substitutions perti- nentes et ensuite appliquer les bonnes règles d’inférence dans le bon ordre ; en appliquant la méthode des arbres, on décompose successivement la formule initiale en cherchant une interprétation sous laquelle elle est vraie.
La méthode de la réduction à l’absurde ne s’insère dans aucune de ces catégories, puisqu’elle utilise essentiellement la notion d’une“supposition”. Dans la langue naturelle, une supposition est l’énonciation d’une phrase qui manque de force assertoire. C’est l’usage des suppositions qui caractérise la méthode de la déduction naturelle.
Une réduction à l’absurde : 1
q
` p→ prémisse
2
q
` q→ ¬ prémisse
3
p
p `∗ supposition
4
p
p `∗ q de (1) et (3) avec ( )
5
MP
p `∗ ¬p de (2) et (4) avec (MP)
Une preuve conditionnelle :
1 ` p→ prémisse
2
q
` p→(q→r prémisse
3
)
` ¬ prémisse
4
r
p `∗ supposition
5
p
p `∗ q de (1) et (4) avec ( )
6
MP
p `∗ q→r de (2) et (4) avec ( )
7
MP
p `∗ r de (5) et (6) avec ( )
8
MP
` p→r de (4) et (7) par ( )
9
PC
` ¬p de (3) et (9) par ( )
Les règles d’introduction et d’élimination
MT
` pφ→ ⊥q
` p¬φq ¬I ` p¬¬φq
` φ ¬E
` √
` φ
` pφ∧√q ∧I ` pφ∧√q
` φ ∧E ` pφ∧√q
` √ ∧E
` φ
` pφ∨√q ∨I ` √
` pφ∨√q ∨I
` p¬φq
` pφ∨√q
` √ ∨E φ `∗ φ
φ `∗ √
` pφ→√q →I
` φ
` pφ→√q
` √ →E
` p√→φq
` pφ→√q
` pφ↔√q ↔I ` pφ↔√q
` pφ→√q ↔E ` pφ↔√q
` p√→φq E
Les règles de la déduction naturelle
La règle des suppositions n
↔
φ `∗ supposition
Modus ponens (modus ponendo ponens) m
φ
`pφ→√ .
. .
. . . n
q
` .
. .
. . . o
φ
`√ de ( ) et ( ) par (m n MP)
Modus tollens (modus tollendo tollens)
m `pφ→√
.. .
.. . n
q
`p¬√ ..
.
.. . o
q
`p¬φq de (m) et ( ) par (n )
Preuve conditionnelle m
MT
φ `∗ supposition
. ..
. .. n
φ
φ `∗
. . .
. . . o
√
`pφ→√q de (m) et ( ) par (n ) Introduction et élimination de la double négation
m
PC
`p¬¬φ .
..
. .. n
q
`φ de ( ) par (m )
m
DN
` ..
.
.. . n
φ
`p¬¬φq de (m) par ( )
Réduction à l’absurde (reductio ad absurdum) m
DN
φ `∗ supposition
. ..
. .. n
φ
φ `∗
. ..
. .. o
√
φ `∗ p¬√
. ..
. .. p
q
`p¬φq de (m),( ) et ( ) par (n o RAA)
Introduction de la conjonction
m `
.. .
.. . n
φ
` ..
.
.. . o
√
`pφ∧√q de (m) et ( ) par (n I)
Elimination de la conjonction m
∧
`pφ∧√ .
..
. .. n
q
`φ de ( ) par (m E)
m
∧
`pφ∧√ ..
.
.. . n
q
`√ de ( ) par (m E)
Iintroduction de l’équivalence matérielle m
∧
`pφ→√ ..
.
.. . n
q
`p√→φ .
..
. .. o
q
`pφ↔√q de (m) et ( ) par (n I)
Elimination de l’équivalence matérielle m
↔
`pφ↔√ .
..
. .. n
q
`pφ→√q de (m) par ( E)
m
↔
`pφ↔√ ..
.
.. . n
q
`p√→φq de (m) par (↔E)
Introduction de la disjonction
m `
.. .
.. . n
φ
`pφ∨√q de (m) par ( I)
m
∨
` ..
.
.. . n
√
`pφ∨√q de (m) par ( I)
Elimination de la disjonction m
∨
`pφ∨√ ..
.
.. . n
q
φ `∗ supposition
.. .
.. . o
φ
φ `∗
.. .
.. . p
χ
√ `∗ supposition
. ..
. .. q
√
√ `∗
. ..
. .. r
χ
`χ de ( ),m ( ),n ( ),o ( ) et ( ) par (p r E)
Quelques exemples
1.
1
∨
p∧q ` p∧ prémisse
2
q
p∧q ` p de (1) par ( E)
3 ∧
p∧q ` q de (1) par ( E)
4 ∧
p∧q ` q∧p de (2) et (3) par ( I)
2.
1
∧
p `∗ supposition
2
p
p `∗ (1)
3
p
`p→p de (1) et (2) par (PC)
3.
1 p→q, q→r ` p→ prémisse
2
q
p→q, q→r ` q→ prémisse
3
r
p→q, q→r, p `∗ supposition
4
p
p→q, q→r, p `∗ q de (1) et (3) avec ( )
5
MP
p→q, q→r, p `∗ r de (2) et (4) avec ( )
6
MP
p→q, q→r ` p→r de (3) et (5) avec ( )
4.
1
PC
p→ ¬q ` p→ ¬ prémisse
2
q
p→ ¬q, p∧q `∗ p∧ supposition
3
q
p→ ¬q, p∧q `∗ p de (2) par ( E)
4 ∧
p→ ¬q, p∧q `∗ ¬q de (1) et (3) par ( )
5
MP
p→ ¬q, p∧q `∗ q de (2) par ( E)
6 ∧
p→ ¬q ` ¬(p∧q) de (2),(4) et (5) par ( )
5.
1
RAA
¬(p→(p→q)) `∗ ¬(p→(p→q supposition 2
))
¬(p→(p→q)), q `∗ supposition 3
q
¬(p→(p→q)), q, p `∗ supposition 4
p
¬(p→(p→q)), q, p, p `∗ supposition 5
p
¬(p→(p→q)), q, p `∗ p→q de (4) et (2) par ( ) 6
PC
¬(p→(p→q)), q `∗ p→(p→q) de (3) et (5) par ( ) 7
PC
¬(p→(p→q)) `∗ ¬q de (2),(1) et (6) par ( )
8
RAA
` ¬¬(p→(p→q)) de (1),(2) et (7) par ( ) 9
RAA
` p→(p→q) de (8) par ( ) 6.
1
DN
p∨q ` p∨ prémisse
2
q
p∨q, p `∗ supposition
3
p
p∨q, p `∗ q∨p de (2) par ( I)
4
∨
p∨q, q `∗ supposition
5
q
p∨q, q `∗ q∨p de (4) par ( I)
6
∨
p∨q ` q∨p de (1,2,3,4,5) par ( E)
7.
1
∨
¬(¬p∧ ¬q) ` ¬(¬p∧ ¬q prémisse
2
)
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) `∗ ¬(p∨q supposition 3
)
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), p `∗ supposition 4
p
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), p `∗ p∨q de (3) par ( I) 5
∨
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) `∗ ¬p de (3),(2) et (4) par ( ) 6
RAA
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), q `∗ supposition 7
q
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q), q `∗ p∨q de (6) par ( I) 8
∨
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) `∗ ¬q de (6),(2) et (7) par ( ) 9
RAA
¬(¬p∧ ¬q),¬(p∨q) `∗ ¬p∧ ¬q de (5) et (8) par ( I) 10
∧
¬(¬p∧ ¬q) ` ¬¬(p∨q) de (2),(1) et (9) par ( ) 11
RAA
¬(¬p∧ ¬q) ` p∨q de (10) par (DN)
Résumé des règles
1. supposition : je peux supposer toute proposition (si j’en tiens compte ensuite) 2. MP: si j’ai déjàpφ→√qet aussi , je peux écrire .
3.
φ √
: si j’ai déjà
MT pφ→√qet aussip¬√q, je peux écrirep¬φ . 4.
q : si j’ai supposé
PC φet montré ensuite , je peux écrire√ pφ→√ . 5.
q : si j’ai déjà
DN p¬¬φq, je peux écrireφ; si j’ai déjàφ, je peux écrirep¬¬φ . 6.
q : si j’ai supposé
RAA φet montré qu’il s’ensuit√et aussip¬√q, je peux écrirep¬φ . 7.
q I: si j’ai déjà
∧ φet , je peux écrire√ pφ∧√ . 8.
q E: si j’ai déjà
∧ pφ∧√q, je peux écrire et aussi écrire . 9.
φ √
I: si j’ai déjà
∨ φ, je peux écrirepφ∨√q; si j’ai déjà√, je peux écrirepφ∨√ . 10.
q E: si j’ai montré
∨ pφ∨√qet que s’ensuit de et que s’ensuit également de , je peux écrire .
11.
χ φ χ √
χ
I: si j’ai déjà
↔ pφ→√qetφ√→φq, je peux écrirepφ↔√ . 12.
q E: si j’ai déjà
↔ pφ↔√q, je peux écrirepφ→√qet aussi écrirep√→φ .
Une heuristique pour la déduction naturelle
1. Y a-t-il des prémisses ou des propositions déjà démontrées de la forme q
pφ∧√ ? Si oui, alors :Utilisez (
q E).
2. Y a-t-il deux prémisses ou des propositions déjà démontrées de la forme
∧
φ,pφ→√ ? Si oui, alors :Utilisez (
q ).
3. Y a-t-il deux prémisses ou des propositions déjà démontrées de la forme MP
p¬√q,pφ→√ ? Si oui, alors :Utilisez (
q ).
4. La conclusion a-t-elle la forme MT
pφ→√ ? Si oui, alors :Supposez que
q
, prouvez que et utilisez (
φ √ ).
5. La conclusion a-t-elle la forme
PC pφ∧√ ?
Si oui, alors :Prouvez que
q
, prouvez que et utilisez (
φ √ I).
6. La conclusion a-t-elle la forme
∧ p¬φ ?
Si oui, alors :Supposez que q
, prouvez, sous cette supposition, que et que
φ √ p¬√ et utilisez
(
q ).
7. La conclusion est-elle une proposition simple “ RAA
”? Si oui, alors :Supposez “
p
¬p”, prouvez, sous cette supposition, que√et quep¬√ et utilisez (
q ).
8. La conclusion a-t-elle la forme RAA
pφ∨√ ? Si oui, alors :Il y a trois possibilités :
(i) essayez de prouver
q
, (ii) essayez de prouver ou (iii) essayez de réduire
φ
√
p¬(φ∨√) à l’absurde.
9. Y a-t-il des prémisses ou des propositions déjà démontrées de la forme q
pφ∨√ ? Si oui, alors :Essayez de prouver la conclusion à partir de
q
et à partir de et utilisez (
φ √ E).
10. Y a-t-il des prémisses ou des propositions déjà démontrées de la forme
∨ p¬(φ∨√) ? Si oui, alors :Essayez de prouver
q ou de prouver et utilisez (
φ √ I) pour obtenir une contra-
diction.
11. Pour dériver une contradiction d’une prémisse de la forme
∨
p(φ→√)qoup¬(φ∧√) , cherchez à dériver
pφ→√qoupφ∧√ . q
12. Pour dériver une contradiction d’une prémisse de la forme q
pφ→√q, dérivezφ, appliquez (MP)