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Chapitre II Identités et représentations sociales dans le cadre du développement d’une citoyenneté européenne

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Chapitre II

Identités et représentations sociales dans le cadre du développement d’une citoyenneté européenne

« La souveraineté est à la nation ce que la liberté est à chacun d’entre nous. C’est-à-dire le droit de décider de son sort. De choisir son destin. Pour une femme, pour un homme, c’est le libre choix de son travail, son domicile, son chemin, son conjoint, son avenir.

Et bien il en va de même pour une nation, pour un peuple, et donc pour le peuple français. La souveraineté, c’est le droit de choisir ses lois. De décider de ses impôts. D’avoir son gouvernement, son armée, sa police, sa monnaie et surtout d’avoir sa maison. Avec des portes et des voisins, que l’on invite ou que l’on n’invite pas. Et cette maison, pour une nation, s’appelle le territoire. Comme les portes s’appellent les frontières et les voisins, les Etats frontaliers. Détruire la souveraineté de la nation, c’est détruire tout cela. Ce que précisément, depuis trente ans, la construction fédérale européenne n’a cessé de faire.»

Jean-Marie Le Pen (1999, p. 2)100

1. Introduction

1.1. La citoyenneté européenne

Dans le cadre des Etats-Nations, la citoyenneté est traditionnellement décrite comme un concept bidimensionnel qui tient à la fois de l’idée de souveraineté et de l’idée de représentation démocratique (Telò, 1995). La dimension verticale, qui représente l’idée de souveraineté, relie l’individu à l’Etat. Malgré d’importantes différences parmi les pays européens en ce qui concerne les critères d’attribution du statut de citoyen (jus soli, jus sanguinis, etc.), il s’agit pour la plupart des individus d’une citoyenneté de facto : on

100 Jean-Marie Le Pen (1999). Discours lors de la Manifestation contre le traité d’Amsterdam, Versailles, le 17 janvier 1999. Site internet du Front National.

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l’acquiert automatiquement par la naissance. La dimension horizontale relie la communauté des citoyens. Elle repose sur l’exercice de la représentation démocratique ; elle est la base de droits concrets et du suffrage universel. Alors que la dimension verticale est passive, la dimension horizontale requiert la participation active des citoyens (Ibidem).

Depuis le traité de Maastricht, la citoyenneté européenne existe en tant que statut officiel. Sur l’axe vertical, la citoyenneté européenne est aussi un statut de facto qui dérive de l’appartenance à un Etat membre. Cependant, ce nouveau statut introduit une nouveauté par rapport à la conception traditionnelle de la citoyenneté. En effet, les citoyens européens sont maintenant à la fois directement liés à leur Etat national et à l’Union Européenne : c’est un système de citoyenneté ‘duale’. L’Union Européenne établit des normes qui s’adressent directement aux individus, sans passer par l’intermédiaire des Etats. Toutefois, ce nouveau statut est conçu, dans le traité de Maastricht, comme un statut complémentaire à la citoyenneté nationale. Il donne aux individus un certain nombre de droits spécifiques liés au processus d’intégration européenne (mobilité individuelle, protection diplomatique de la part d’autres Etats membres, droit de vote et d’éligibilité au Parlement Européen, etc.) qui, sauf exception, n’entrent pas en contradiction avec le droit national (Magnette, 1999).

Sur la dimension horizontale, s’il n’existe pas à proprement parler de devoirs liés à la citoyenneté européenne, la participation active au processus de formation de la volonté politique de l’Union est encouragée, principalement grâce au rôle des partis politiques au niveau européen (Telò, 1995).

Cette citoyenneté existe officiellement depuis 1992, un temps suffisant pour que les

‘experts’ en analysent les implications, mais un temps très court pour que les gens s’adaptent à cette nouvelle réalité. Il semble exister un fossé important entre les avancées - par ailleurs souvent jugées trop lentes et trop timides - des réformes institutionnelles du processus d’intégration et l’opinion publique. Les années 90’ ont connu un relatif déclin du soutien public à l’Union (Eurobaromètre 50), et les taux de participation aux élections européennes de 1999 furent très décevants dans la plupart des pays européens.

1.2. Citoyenneté et identité européenne

Lorsque l’on aborde les aspects subjectifs de la citoyenneté, on ne peut contourner la question de l’identité. De fait, bien que les concepts de citoyenneté et d’identité soient conceptuellement distincts, ils sont étroitement liés dans les discours, qu’ils émanent des

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institutions de l’Union Européenne ou qu’ils soient énoncés à son propos par d’autres acteurs.

L’identité européenne y est parfois présentée comme un moyen de développer une citoyenneté active. Par exemple, on trouve en introduction du deuxième rapport de la Commission Européenne sur la Citoyenneté de l’Union (1997) : « La citoyenneté de l’Union que le traité de Maastricht confère à tous les nationaux des Etats membres entend impliquer tous les citoyens dans le processus d’intégration européenne, en les faisant participer, en renforçant la protection de leurs droits et en développant l’idée d’une identité européenne (…) ». Mais on trouve également énoncée la relation inverse. Par exemple, Strauss (Strauss, 1999), du Centre International de Formation Européenne de Nice, cite la création à Maastricht du statut de citoyen européen parmi un ensemble de mesures adoptées dans le but de favoriser l’identification à l’Europe, comme la suppression des frontières ou la création de symboles

« selon l’exemple des symboliques nationales » (p. 358).

Dans une perspective beaucoup plus critique, Stråth (2000b) considère que l’identité européenne est avant tout un projet politique. Ce projet a pris forme lorsque les systèmes nationaux de gestion économique furent mis en échec, à la suite de la crise économique de 1973. Avant cette crise, l’idée dominant la Communauté Européenne était l’intégration, comprise en termes de coordination politique des économies nationales plutôt que comme un projet identitaire. Lorsque les économies politiques nationales s’effondrèrent, le discours européen à propos de l’intégration perdit sa force de conviction. C’est alors que le concept d’identité a pris le relais en tant que concept mobilisateur. Dans les années 70’ et 80’, lorsque l’individu devint le centre de nouvelles attentes politiques, ce concept a pris place dans le cadre d’un discours économique néo-libéral basé sur l’idée de flexibilité, afin de soutenir la notion d’individus en tant que citoyens européens opérant dans un marché économique sans frontières. Ce n’est que dans les années 90’ que le concept d’identité européenne s’est déplacé de cette connotation économique vers l’idée d’une mission européenne civilisatrice basée sur les Droits de l’Homme (Stråth, 2000a). Contrairement à certains auteurs qui posent l’existence de l’identité européenne comme un fait objectif101, ou à certains discours politiques qui lui attribuent implicitement un contenu univoque102, Stråth rappelle que cette idée d’identité

101 « (…) il existe une identité européenne, objective, mais la majorité des peuples n’en ont pas conscience » (Strauss, 1999).

102 « La Turquie n’est pas l’Europe. C’est même tout le contraire. » (Tract du Front National français).

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européenne fut adoptée alors qu’un tel concept n’existait pas encore, et qu’il a été promu afin d’influencer les comportements.

1.3. Le modèle national

Dans le cadre du développement d’un nouveau sentiment d’identité géopolitique, la situation de l’Union Européenne au tournant des XXème et XXIème n’est pas sans rappeler la situation des Etats-Nations entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XXème (Hobsbawm, 1990; Magnette, 1999). Lors de l’émergence des démocraties de masse, les Etats ont déployé de nombreuses stratégies afin de s’assurer la loyauté de leurs sujets alors que, dans la plupart des cas, leurs populations étaient culturellement, linguistiquement, et parfois ethniquement hétérogènes (Moreau Defarges, 1994).

De ce fait, dans le cadre de l’étude de l’identité européenne, le modèle national mérite une attention particulière, et ce pour deux raisons. D’une part, en tant qu’exemple historique, l’étude du nationalisme peut nous aider à mettre en évidence les facteurs qui ont mené au développement de l’identification nationale. Nous pourrons ensuite considérer la pertinence de leur application à la situation européenne.

D’autre part, en tant qu’idéologie (Billig, 1995; Billig, 1996a), le modèle national a une influence décisive sur la manière dont les gens se représentent leurs identités géopolitiques.

Cette tendance existe au niveau des entités infra-nationales : les mouvements régionalistes, culturels ou ethniques, évoluent souvent vers des revendications séparatistes dont le but ultime est la création de nouveaux Etats-nations. Mais cette tendance peut également s’exprimer au niveau supra-national. Dans le cas de l’Union Européenne, cela se traduirait par la transposition du modèle national au niveau européen (Ferry, 1992).

Le modèle national jouit de nos jours d’une prééminence telle qu’il est souvent confondu avec un état naturel : « Un homme doit avoir une nationalité comme il doit avoir un nez et deux oreilles ; une déficience dans l’une de ces particularités n’est pas inconcevable et se produit de temps en temps, mais c’est seulement en tant que résultat d’un désastre, et c’est en soi une sorte de désastre » (Gellner, 1983, p. 6). Si l’on se réfère à la théorie des représentations sociales (Moscovici, 1961; Moscovici, 1976), on reconnaîtra que, en ce qui

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concerne la représentation sociale de la nation, le processus d’objectivation a été mené à son terme : les gens s’y réfèrent comme s’il s’agissait d’un objet concret, voire d’un être vivant103.

Partant, on peut s’attendre à ce que les nations servent d’ancres dans la construction de représentations sociales liées à l’identité européenne. Pour rappel, l’ancrage est le processus socio-cognitif à travers lequel des éléments nouveaux sont incorporés dans le réseau des catégories pré-existantes (Moscovici, 1961; Palmonari & Doise, 1986). Suivant ce raisonnement, il s’ensuit que les gens vont se référer à leurs représentations de la nation pour donner sens au nouveau niveau d’identification auquel ils sont confrontés.

Si l’on reprend la définition de la nation telle qu’elle a été proposée par Pérez-Agote104 (Pérez-Agote, 1999), on reconnaîtra que cette ‘définition de la réalité’ peut prendre des formes très diverses en fonction du contexte particulier dans lequel elle est façonnée et diffusée.

Toutefois, au-delà de ces traits particuliers, il est possible d’identifier certains invariants.

Ainsi, Ernest Gellner (Gellner, 1983) a proposé que deux conditions minimales doivent être réunies pour qu’une nation existe:

1. Deux hommes sont de la même nation si, et seulement si, ils partagent une même culture ;

2. Deux hommes sont de la même nation si, et seulement si, ils se reconnaissent l’un l’autre comme appartenant à la même nation (Gellner, 1983, p.7).

1.3.1. Culture et homogénéité

Le discours nationaliste est généralement riche en références à une culture qui est censée être partagée par tous les nationaux. De fait, le nationalisme acquiert souvent sa légitimité au nom de la culture populaire, des traditions séculaires et des symboles indiscutables. En fait, comme l’ont remarqué de nombreux auteurs (Brass, 1979; Gellner, 1983; Gellner, 1987;

Hobsbawm, 1990; Jaffrelot, 1991, pour une revue ; Smith, 1991), le processus de construction

103 Le modèle de la nation comme organisme a connu un important succès, principalement en Europe centrale aux XVIIIième et XIXième siècles. « Il consiste à dire que chaque nation, en vertu d’un principe, d’une force qui lui sont propres (sa force organique) se développe, de façon autonome, comme un organisme vivant » (Caussat, Adamski & Crépon, 1996, p. 41). Voir également le parallélisme qu’établit Jean-Marie Le Pen entre les nations et les individus dans la citation en exergue de ce chapitre.

104 La nation peut être considérée « comme une définition de la réalité, historiquement produite par des élites, qui a atteint à travers certains mécanismes, une diffusion sociale importante et se maintient en fonction de mécanismes semblables ou distincts » (Pérez-Agote, p. 23)

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nationale implique au contraire une transformation radicale de cultures pré-existantes qui étaient, à l’origine, beaucoup plus diverses ; et un grand nombre de traditions soi-disant séculaires sont le fruit de constructions délibérées relativement récentes (Hobsbawm &

Ranger, 1983; Morelli, 1995; Thiesse, 1999 ).

Lors du processus de construction nationale, une nouvelle culture est élaborée et diffusée à l’ensemble du territoire national. La nouvelle ‘haute culture’ (Gellner, 1983) emprunte certains de ses éléments à l’une ou plusieurs des anciennes cultures locales. Ces références aux folklores et traditions facilitent son appropriation en garantissant qu’elle aura un sens pour la plupart des gens. De nouveau, nous pouvons interpréter ces références aux cultures préexistantes comme une illustration du processus d’ancrage des représentations sociales (Moscovici, 1976).

L’imposition, à travers différents moyens - systèmes d’éducation à grande échelle, mass médias, administrations, usage quotidien de symboles nationaux (Billig, 1995), etc. - de références culturelles communes qui sont censées donner un contenu à l’identité du groupe mène à une homogénéisation de l’espace culturel national (Smith, 1991). L’objectif ultime de ce processus est d’atteindre une correspondance étroite entre une communauté de personnes (la nation), une culture, et un Etat (Gellner, 1983).

1.3.2. Identité et différenciation

La seconde condition d’existence d’une nation énoncée par Gellner - « deux hommes sont de la même nation si, et seulement si, ils se reconnaissent l’un l’autre comme appartenant à la même nation » - implique qu’une culture partagée est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour former une nation. Comme Bar-Tal l’a énoncé à propos des groupes sociaux en général (Bar-Tal, 1990), « il peut y avoir une importante différence, pour le groupe, entre les situations où une croyance est adoptée par un membre du groupe, ou même par tous les membres, qui ne sont pas conscients de partager cette croyance, et les situations où une croyance est partagée par tous les membres ou une partie d’entre eux, qui sont conscients de ce partage » (p. 1). Ces croyances groupales sont à l’origine de la formation des groupes.

Ceux-ci se constituent sur base d’un certain nombre de croyances que les membres sont conscients de partager (Chryssochoou, 1996).

D’après Azzi (Azzi, 1998), le processus nationaliste implique de fait le passage de formes d’identification implicites à des formes d’identification explicites. L’identification

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implicite prévalait dans les situations où l’individu était immergé dans la culture de son groupe, pensant et se comportant en fonction de ses valeurs, symboles et règles culturelles, mais sans en être conscient. Dans ces situations, la culture était vécue, mais pas représentée.

Ces cultures étaient très diverses et flexibles ; Azzi (1998) interprète la rigidité des discours nationalistes comme une réaction à la versatilité de la forme implicite d’identité culturelle.

Ces discours exercent une pression afin d’imposer une représentation précise du groupe national.

Selon Bar-Tal (Bar-Tal, 1990), ces ‘croyances groupales’ - qui, dans le cas du nationalisme, forment une culture partagée - servent, entre autres fonctions, à délimiter les frontières du groupe ; à différencier l’endogroupe des exogroupes. En conséquence, selon Bar- Tal, un groupe existe si ses membres partagent au moins une croyance groupale fondamentale : « nous sommes un groupe ». Cette idée rejoint celles d’auteurs qui, comme Armstrong (Armstrong, 1982), postulent que les groupes ethniques tendent à se définir, non pas en référence à leurs propres caractéristiques, mais par exclusion, à travers la comparaison avec des ‘étrangers’.

Ces deux processus - l’homogénéisation par la culture et la différenciation par l’identité - qui ont caractérisé l’évolution macro-sociale des groupes géopolitiques lors du processus de construction nationale évoquent les processus d’assimilation et de contraste caractérisant le processus de différenciation catégorielle, qui constitue la base cognitive des théories de l’identité sociale (Tajfel, 1972; Tajfel, 1981c; Tajfel et al., 1971; Turner et al., 1987). Ce processus mène à la fois à la maximisation des différences perçues entre membres - objets ou personnes - de catégories différentes et à la minimisation des différences perçues entre membres de la même catégorie. Il existerait donc une isomorphie entre ce phénomène perceptif individuel et des phénomènes historiques et macro-sociaux.

Toutefois, il serait pour le moins imprudent d’en conclure à l’existence d’une relation causale entre ces deux phénomènes. Il est en effet très peu probable que ces processus psychologiques intra-individuels - même s’ils s’avéraient universels - puissent mener à l’établissement de croyances partagées à propos de grands groupes sociaux (Cinnirella, 1996).

Le fait que le nationalisme soit un phénomène relativement récent suffit à écarter cette éventualité. Autrement dit, ces processus intra-individuels ne peuvent pas entièrement expliquer l’homogénéisation et la différenciation au niveau collectif (Azzi, 1998). Des processus socio-représentationnels, qui dépendent de la communication de masse, médiatisent

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toujours la perception des grandes catégories sociales (Anderson, 1983). Ainsi, des discours et idéologies politiques peuvent déclencher ces mécanismes en imposant une représentation particulière de la situation intergroupe, alors que d’autres discours et idéologies peuvent au contraire en empêcher l’apparition.

Nous devons alors envisager la possibilité d’une relation plus complexe entre catégorisations sociales, identités sociales et représentations sociales dans le cadre des appartenances géopolitiques. Ainsi, il est concevable que des discours politiques parviennent, à travers la communication de masse, le système éducatif, l’administration, etc. à imposer une représentation du groupe d’appartenance comme homogène et clairement différencié. Cette représentation est susceptible de déclencher chez les individus les processus d’assimilation et de contraste qui, selon la théorie de l’identité sociale, devraient accroître leur propension à s’identifier à ce niveau d’appartenance.

1.4. Identification européenne, ancrage national et perception de menace

Le modèle national tel qu’il vient d’être brièvement esquissé nous permet tout d’abord d’examiner la possibilité d’appliquer à la construction européenne des ‘recettes’ similaires afin de développer une identité européenne. Dans une perspective pragmatique, en vue de promouvoir une identité européenne aussi forte et durable que le sentiment d’identification nationale qui a résulté du processus de construction nationale, l’Union européenne devrait prendre simultanément un certain nombre de mesures, parmi lesquelles : élaborer une culture commune que chaque européen(ne) serait susceptible d’adopter ; diffuser cette culture et encourager l’intégration des cultures pré-existantes de manière à homogénéiser l’espace culturel européen ; encourager les comparaisons avec des exogroupes ; et affirmer la supériorité et la spécificité de l’Europe par rapport à d’autres entités géopolitiques.

Il ne manque pas d’arguments pour mettre en doute l’applicabilité, sans parler de la désirabilité, d’un tel programme dans le cadre de L’Union Européenne. Ce n’est d’ailleurs pas la voie qui été a choisie, jusqu’ici, pour mener à bien le processus d’intégration européenne105.

105 Il faut cependant noter que les années 80 ont été marquées par une série de campagnes européennes, combinant la propagande au style de la publicité commerciale. Paul Magnette cite ainsi les propos du Commissaire européen chargé des questions culturelles. D’après M. Ripa di Meana, ces mesures permettraient

« à nos concitoyens de prendre conscience de l’identité européenne comme résultante d’une histoire partagée au cours des siècles et de valeurs culturelles fondamentales et communes » (Magnette, 1999).

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Cependant, si nous nous appuyons sur l’idée que les gens élaborent, à travers un processus d’ancrage, leurs représentations sociales de l’intégration européenne à partir de leur connaissance du modèle national, il est possible que, même en l’absence de toute volonté d’homogénéiser l’espace culturel européen, les gens s’attendent à ce que ce processus mène à une telle uniformisation. Si l’on prend en considération le fait que les gens s’identifient déjà à des groupes subordonnés - principalement aux nations -, on peut s’attendre à ce que cette perspective d’uniformisation mène à des évaluations négatives de ce processus et conditionne l’identification à l’Europe (Chryssochoou, 1998; Sanchez-Mazas, 1996, Hornsey & Hogg, 2000). En corollaire de cette idée, on peut prédire que la représentation de l’Europe comme complémentaire à la nation devrait être liée à une identification européenne plus forte.

2. Description de l’enquête

L’ensemble des travaux que nous présenterons dans ce chapitre font partie d’une même enquête. Il s’agit d’une enquête par questionnaires administrés lors de quatre sessions, étalées sur une période de trois mois et espacées les unes des autres d’environ un mois.

Cette enquête a été initiée dans le cadre d’un projet international de recherche soumis à la European Science Foundation : New Scheme of Exploratory Research Grants. Baptisé

« Modelling Processes Involved in the Construction of Citizenship and European Identity among Young People : a social psychological approach », ce projet est dirigé par Evanthia Lyons (SPERI, University of Surrery) et rassemble des chercheurs issus de plusieurs pays européens106. L’objectif de ce projet est de développer un modèle théorique des processus impliqués dans la construction de la citoyenneté et de l’identité européenne des jeunes à travers l’articulation de différentes approches théoriques psychosociologiques, en particulier les théories de l’identité sociale et la théorie des représentations sociales.

L’enquête que nous présentons ici correspond à une phase préliminaire du développement de ce projet qui - en fonction de l’octroi de budgets de recherche - devrait déboucher sur une enquête internationale à grande échelle. Dans ce cadre, l’un des objectifs de

106 Assaad Azzi, Glynis Breakwell, Dora Capozza, Xenia Chryssocchou, Willem Doise, Janos Laszlo, Diniz Lopees, Margarita Sanchez-Mazas, Dario Spini, Christian Staerklé, Jorge Vala, Chiara Volpato (liste non exhaustive).

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notre enquête consiste à développer les modèles théoriques ainsi que les outils empiriques qui y seront éventuellement utilisés.

En conséquence, les résultats présentés ici n’ont pas la portée d’une enquête à grande échelle. La population étudiée est relativement homogène et ne permet pas la comparaison entre groupes naturels - par exemple, entre groupes nationaux -, pas plus que la généralisation - l’échantillon n’étant pas représentatif. De plus, s’agissant d’une étude corrélationnelle, elle ne permet pas non plus l’identification de relations causales.

Néanmoins, la série d’études que nous présenterons ici paraît intéressante à plusieurs égards. Tout d’abord, l’opportunité d’administrer successivement cette série de questionnaires au même échantillon de sujets ne se rencontre que rarement ; elle n’est pas envisageable dans le contexte d’enquêtes avec échantillons représentatifs. Nous avons pu de ce fait récolter un nombre important de données et procéder à des mises en relation relativement complexes susceptibles de dégager des voies d’études et des méthodologies pertinentes pour la suite du projet. De fait, la plupart des instruments - questions et tâches - qui y ont été utilisés ont été créés à cette occasion. Certains d’entre eux traduisent une manière originale d’aborder cet objet d’étude, en particulier à travers une combinaison de questions ouvertes et fermées.

Enfin, les méthodes d’analyse de données sont multiples. Elles ont été menées de manière à aborder les mêmes données sous plusieurs aspects, notamment à travers l’articulation de techniques qualitatives et quantitatives ainsi qu’à travers le recours à une technique d’analyse de données textuelles assistée par ordinateur (Alceste) exploitée ici de manière particulièrement minutieuse.

Il s’agit avant tout d’une recherche exploratoire. A ce titre, chaque section de ce chapitre aborde un thème particulier et possède sa propre autonomie. Cependant, l’ensemble de ce travail a été guidé par l’hypothèse générale selon laquelle l’identification à l’Europe est liée, d’une part, aux identifications - régionale et nationale - préexistantes et, d’autre part, aux représentations des relations - actuelles ou futures - entre l’Union Européenne et les entités géopolitiques subordonnées. Plus spécifiquement, à partir de l’argumentation développée ci- dessus, nous prédisons que l’identification à l’Europe sera moins forte chez les personnes qui se représentent l’intégration européenne comme un processus susceptible de mener à une diminution de l’autonomie politique et culturelle de la nation. Elle sera par contre plus forte chez les personnes qui se représentent l’intégration comme un processus qui mènera à une relation complémentaire entre la nation et l’Union Européenne.

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Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction générale de cette dissertation, la perspective d’étude adoptée ici est ‘topographique’. Selon Vala (Vala, 1998b), cette perspective dérive de l’hypothèse selon laquelle une dimension d’identité sociale structure la représentation d’un objet. Nous commencerons cet exposé par une présentation des mesures d’identification qui seront utilisées tout au long du chapitre (section 3). L’objet dont il sera question ici est le phénomène d’intégration européenne, que nous avons abordé sous de multiples angles. Ainsi, l’Europe sera abordée en tant qu’objet de représentation, mais aussi en tant qu’identité et en tant que pratiques liées à cette identité (section 4). La dimension temporelle sera prise en compte puisque nous analyserons les représentations de l’Europe en tant que processus menant à des changements aux conséquences potentiellement importantes, concernant tant les situations personnelles des gens que les situations des entités géopolitiques subordonnées auxquelles ils appartiennent (section 5). Les représentations de l’avenir seront, dans un premier temps, abordées de manière générale, puis certains aspects de ces représentations seront abordés plus systématiquement : l’anticipation de gains ou de pertes - personnelles, régionales ou nationales - suite à l’intégration européenne (section 7) et les relations futures entre la nation et l’Union Européenne (section 6). En outre, la dimension intergroupes de l’intégration européenne sera abordée. Ainsi, les représentations de la situation relative de la nation d’appartenance (section 8) parmi les autres Etats membres feront l’objet d’études spécifiques. A travers chacune de ces études, les liens entre ces représentations sociales et les identifications aux trois niveaux d’appartenance - région, nation et Europe - seront analysés. Ce faisant, nous évaluerons l’influence éventuelle de ces identifications sur les représentations sociales, situées de ce fait en ‘aval’ des identités sociales (Vala, 1998a).

Toutefois, la relation inverse sera également examinée et la dernière partie de ce chapitre sera consacrée à l’étude des facteurs représentationnels, mais également identitaires, qui déterminent (statistiquement) l’intensité de l’identification européenne (section 10).

Au sein de chacune des sections présentées ci-dessous, seront incluses successivement les descriptions détaillées des méthodes de recueil de données, des méthodes d’analyse ainsi que des résultats correspondants. Certaines sections seront introduites par un bref cadre théorique de recherches.

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2.1. Procédure et échantillon

Les quatre questionnaires ont été administrés lors de sessions de Travaux Pratiques du cours de Psychologie Sociale à des étudiant(e)s de première candidature de l’Université Libre de Bruxelles entre le 8 février et le 10 mai 1999107.

La population des étudiants en Sciences psychologiques et de l’Education a été choisie, d’une part, pour des raisons pratiques liées aux exigences de l’enquête - participer à quatre sessions étalées sur trois mois - combinées à l’absence de budget pour la réalisation de cette étape préliminaire. Toutefois, le projet d’étude international dans le cadre duquel cette enquête a été menée est dédié à la citoyenneté et à l’identité européenne des jeunes. En ce sens, bien qu’il ne soit pas représentatif de la jeunesse dans son ensemble, notre échantillon répond à ce critère principal.

Après avoir écarté les questionnaires incomplets ou émanant de participant(e)s de nationalité étrangère108, 313 participant(e)s ont rempli au moins un des quatre questionnaires.

Les données recueillies grâce aux différents questionnaires ont été appariées à l’aide d’un code d’identification - respectant l’anonymat - que chaque participant(e) était prié de rappeler sur chaque questionnaire. L’absentéisme lors des sessions de T. P. et les erreurs de code ont bien sûr pour conséquence que le nombre de participants n’a pas été constant à travers l’ensemble des sessions de questionnaires. Les détails concernant les effectifs de chaque session et les appariements sont présentés en Annexes. Par ailleurs, ces informations seront mentionnées dans chaque section.

Les données personnelles ont été recueillies lors de la première session de questionnaire.

Cet échantillon (N = 182) est composé de 79.9 % de filles ; 59.6 % des sujets résident en Région Bruxelloise et 40.4 % en Région Wallonne ; l’âge moyen est de 19 ans.

107 Une description détaillée de chaque session se trouve en Annexes.

108 Etant donné les objectifs de l’étude, il était important que l’échantillon soit homogène à cet égard.

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3. Identification aux entités géopolitiques: région, nation, Europe

La définition de l’identité sociale la plus souvent citée dans le cadre des théories de l’identité sociale est celle de Tajfel, selon laquelle il s’agit de « cette partie du concept de soi qui provient de la conscience qu’a l’individu d’appartenir à un groupe social (ou à des groupes sociaux), ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance » (Tajfel, 1981b, p. 255).

Selon cette définition, l’identité sociale est constituée de trois composantes : une composante cognitive, qui a trait à la conscience d’appartenir à un groupe social (auto- catégorisation) ; une composante évaluative qui correspond à la connotation positive ou négative de cette appartenance (estime de soi collective) ; et une composante émotionnelle qui a trait au sentiment d’appartenance que l’individu peut ressentir vis-à-vis de son groupe (attachement) .

Dans la mesure où nous désirons disposer d’une mesure d’identification sociale qui correspond au concept d’identité sociale tel qu’il est défini par la théorie de l’identité sociale, il est donc important de disposer d’un outil de mesure qui prenne en compte ces trois dimensions109 (Sousa, 1996). De plus, comme l’ont récemment souligné Ellemers et al.

(Ellemers et al., 1999b), il peut être intéressant de distinguer ces trois dimensions lors de l’analyse des relations entre les identifications sociales et d’autres variables. Ainsi, ces auteurs ont montré que le fait d’être assigné à un groupe de haut statut ou de bas statut avait un effet sur les dimensions évaluatives et émotionnelles de l’identification à ces groupes artificiels - les sujets appartenant aux groupes de haut statut avaient une estime de soi collective plus élevée et se sentaient plus ‘attachés’ aux groupes de haut statut qu’aux groupes de bas statut -, mais pas sur la dimension cognitive. Par contre, la taille relative du groupe - groupe minoritaire ou groupe majoritaire - n’avait un effet que sur la dimension cognitive : les sujets assignés à des groupes minoritaires avaient tendance à s’auto-catégoriser davantage que les membres de groupes majoritaires.

109 Dans ce sens, les mesures d’identification utilisées dans le cadre du second chapitre sont sans doute incomplètes.

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Cette distinction entre dimensions de l’identification à un groupe social peut également être utilisée afin de comparer des identifications à différents groupes naturels. Dans ce chapitre, nous étudierons les relations existant entre les identifications à trois niveaux inclusifs d’appartenance - la région, la nation et l’Europe - et d’autres variables : représentations sociales de l’Europe, des conséquences de l’intégration européenne, des statuts et pouvoirs relatifs de la Belgique par rapport aux autres pays membres, etc. La plupart des analyses seront effectuées en utilisant des scores généraux d’identification, mais nous procéderons parfois à des analyses où les différentes composantes seront distinguées.

La dimension émotionnelle (attachement), revêt une importance particulière pour l’étude des appartenances géopolitiques. En effet, comme nous l’avons vu, ces groupes se distinguent d’autres groupes sociaux dans la mesure où la dimension géographique s’ajoute à la dimension sociale. Le lien affectif qui peut exister entre les individus et les entités géopolitiques dont ils font partie peut non seulement être abordé comme un attachement à une communauté humaine, mais également comme un attachement à un territoire particulier.

Dans cette section, nous exposerons dans un premier temps les instruments de mesure des identifications sociales qui ont été développés pour les besoins de cette étude. Nous comparerons ensuite ces trois identifications sociales entre elles en comparant l’importance relative de chacune des trois dimensions identitaires sus-mentionnées. Ensuite, nous examinerons, grâce à des analyses corrélationnelles, la manière dont ces trois niveaux d’identification sont liés. La manière dont les relations entre ces trois niveaux d’identification sont représentées sera abordée à travers les prises de position des participant(e)s à l’égard de propositions décrivant explicitement différents modes de relation entre identifications - inclusion, antagonisme ou indépendance. Les liens entre ces représentations des relations entre niveaux d’identification et les identifications elles-mêmes seront ensuite examinés.

Enfin, nous proposerons une classification des sujets en fonction de leurs configurations identitaires à partir de leurs positions respectives sur les échelles d’identification nationale et d’identification européenne.

3.1. Echelles d’identification

3.1.1. Méthode

Ces échelles ont été élaborées en collaboration avec Olivier Klein. Nous avons soumis aux participant(e)s une série de 18 propositions couvrant différents aspects de l’identification

(15)

sociale : dimension cognitive, dimension évaluative (estime de soi collective privée et publique) et dimension émotionnelle (attachement à la communauté et attachement au territoire). La tâche consistait à exprimer son degré d’accord avec chaque proposition sur des échelles de type Likert à 11 niveaux (1 = pas du tout d’accord ; 11 = tout à fait d’accord).

Certains items ont été adaptés à partir d’échelles existantes110 (Luhtanen & Crocker, 1992;

Smith & Tyler, 1997; Trew & Benson, 1996), d’autres ont été créés pour les besoins de cette étude. La liste de ces items, organisée par dimension (dimensions cognitive, évaluative et émotionnelle) se trouve en Annexes. Les étudiant(e)s ont rempli successivement trois listes d’items concernant le niveau d’identification régional - Bruxelles ou la Wallonie -, national - la Belgique -, et européen.

3.1.2. Résultats

182 questionnaires ont été traités. Suite à une première analyse en composantes principales des variables relatives à l’identification nationale (Everitt & Dunn, 1991), deux items ont été écartés parce qu’ils saturaient trop faiblement sur le premier facteur (avant rotation), ce qui suggère qu’ils ne constituent pas des mesures fiables d’identification. Il s’agissait de deux items111 issus de la sous-échelle ‘estime de soi collective publique’, qui fait partie de l’échelle d’estime de soi collective de Luhtanen et Crocker (1992).

Une seconde analyse en composantes principales a été effectuée sur les 16 items restants. Cette analyse a révélé trois facteurs dont la valeur propre était supérieure à 1 (voir détails de l’analyse en Annexes). Ensemble, ces trois facteurs rendent compte de 61.7 % de la variance. Après une rotation orthogonale (Varimax), le premier facteur (28.6 % de la variance expliquée) rassemble principalement des items appartenant à la dimension émotionnelle - attachement au territoire, manque du pays, sentiment de solidarité, destin commun, etc. - ; le second facteur (18.7 % de la variance expliquée) est principalement constitué d’items appartenant à la dimension cognitive - « Je n’ai pas de sentiments clairs à propos du fait que je suis belge (inversé) », « Etre belge est une chose à laquelle je pense rarement (inversé)», etc. ; et le troisième facteur (14.4 % de la variance expliquée) est constitué par des items

110 Le choix d’une partie importante de ces items a été suggéré par une note de travail de Jorge Vala et Diniz Lopes (1998) communiquée dans le cadre du groupe de travail « Modelling Processes Involved in the Construction of Citizenship and European Identity ».

111 PERFOI et RESPE, voir Annexes.

(16)

appartenant à la dimension évaluative - considération de la part des autres nations, fierté d’exprimer son appartenance, etc.

Cependant, cette solution n’était pas tout à fait satisfaisante, que ce soit du point de vue de la cohérence interne de cette analyse, mais également en ce qui concerne l’applicabilité de cette répartition des items aux deux autres niveaux d’appartenance (région et Europe). Ainsi, en ce qui concerne la cohérence interne, certains items avaient des saturations fortes sur plus d’un, voire sur les trois facteurs. De plus, certains regroupements paraissaient peu pertinents quant à leur cohérence sémantique, comme par exemple le fait que l’item relatif à la définition de soi en tant que membre du groupe112 sature sur le premier facteur (émotionnel). D’autre part, bien que l’on obtienne des résultats similaires - distinction entre dimensions émotionnelle, cognitive et évaluative - en analysant les données relatives aux niveaux régional et européen, la répartition des items n’y est pas identique. Or, il était souhaitable que les mêmes mesures d’identification soient utilisées pour les trois niveaux d’appartenance.

Aussi avons-nous procédé à des épurations successives de la liste d’items qui répondaient non seulement à des critères de clarté statistique - en évitant les saturations multiples - et sémantique, mais aussi à la nécessité de pouvoir appliquer ces mesures aux trois niveaux d’appartenance. Nous nous sommes tout d’abord basé sur la structure factorielle des items relatifs à l’identification nationale ; nous avons ensuite vérifié la fiabilité des différentes solutions pour les autres niveaux d’appartenance en calculant la valeur de l’alpha de Cronbach.

La solution qui répond le mieux à ces différents critères comprend 9 items définissant trois facteurs113 (73,8 % de la variance expliquée) correspondant aux trois dimensions de l’identité sociale - émotionnelle, cognitive et évaluative (voir Annexes pour les détails de l’analyse en composantes principales).

112 DEFIN, voir Annexes.

113 Notons que le troisième facteur a une valeur propre inférieure à 1 (.75). Cette solution à trois facteurs a été conservée afin de maintenir la distinction entre les trois dimensions de l’identité sociale, qui correspondent à la définition de Tajfel et qui s’était révélée à travers l’analyse d’un plus grand nombre de variables.

(17)

3.1.3. Description des trois facteurs

Facteur 1 : émotionnel114 (30 % de la variance expliquée)

Variables et saturations

!"TERRI : Je me sens attaché(e) à la terre belge (.842)

!"MANQU : Dans quelle mesure la Belgique vous manquerait-elle si vous deviez la quitter ? (de « pas du

tout » à « énormément ») (.800)

!"DESTIN : Mon destin est lié à celui des autres Belges (.697)

!"SOLIDA : Je me sens solidaire de tous les autres Belges (.649)

Il est remarquable que les items relatifs à l’attachement au territoire soient regroupés avec des items qui expriment l’appartenance à une communauté. Ces deux objets d’attachement ne se distinguent pas à travers cette analyse.

Fiabilité : alpha de Cronbach Nation : .82

Région : .78 Europe : .79

Facteur 2 : Evaluatif (22 %)

Variables et saturations

!"FIERAM : Je suis fier(e) de dire à mes amis que je suis belge (.856)

!"RFIERI : Il n'y a aucune raison d'être fier d'être belge (.801)

Parmi les items d’estime de soi collective, seuls deux items concernant l’estime de soi collective privée, c’est-à-dire un sentiment de fierté dérivant de l’appartenance au groupe, ont été conservés.

Fiabilité : alpha de Cronbach Nation : .79

Région : .65 Europe : .79

114 Les scores des items en caractères italiques ont été inversés. Les résultats de l’analyse factorielle ne concernent que le niveau d’appartenance national. Ces résultats ont été obtenus après une rotation Varimax.

(18)

Facteur 3 : Cognitif (21.8 %)

Variables et saturations

!"RAREI : Etre belge est une chose à laquelle je pense rarement (.864)

!"CLAIRI : Je n'ai pas de sentiments clairs à propos du fait que je suis belge (.815)

!"PENSE : La plupart du temps, j'aime penser à moi en tant que belge (.493)

Les deux premiers items traduisent la saillance cognitive de la catégorie d’appartenance (Trew & Benson, 1996). Le troisième a trait à l’auto-catégorisation et possède également une connotation affective115.

Fiabilité : alpha de Cronbach Nation : .77

Région : .65 Europe : .72

Les indices de fiabilité étant suffisamment élevés pour les trois niveaux d’appartenance et sur les trois facteurs, trois scores moyens ont été calculés pour chaque niveau d’appartenance.

3.1.4. Fiabilité des mesures d’identification générales

Les indices de fiabilité de ces 9 items sont très élevés (> .80) pour les trois niveaux d’appartenance : nation (.89), région (.83) et Europe (.86).

Des scores moyens ont donc été calculés pour chaque échelle d’identification et pour chacune des sous-échelles.

3.2. Comparaison des identifications aux trois niveaux d’appartenance

Selon les résultats de l’Eurobaromètre (Eurobarometer, 1999), dont le questionnaire a été administré à un échantillon représentatif de l’ensemble de la Belgique, les personnes s’identifiant exclusivement à la nation sont légèrement minoritaires (44 %) alors que la majorité (53 %) s’identifie au moins partiellement à l’Europe. De plus, les sujets de notre échantillon appartiennent à une classe d’âge et possèdent un niveau d’éducation qui sont

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identifiés par l’Eurobaromètre comme étant les plus susceptibles de s’identifier fortement à l’Europe.

D’autre part, l’identification régionale est une source d’identification secondaire en Belgique francophone (De Winter et al., 1998), comme l’ont confirmé les résultats de notre étude précédente (voir Chapitre 1 de cette dissertation). Nous nous attendons donc à obtenir des identifications relativement élevées à la nation et à l’Europe et des identifications moins fortes aux régions (Bruxelles ou Wallonie).

3.2.1. Mesures générales d’identification

Comme le montre la Figure 9, l’identification régionale (M = 4.67) est en effet sensiblement moins forte que les identifications nationale (5.36) et européenne (5.70), qui ne diffèrent pas significativement l’une de l’autre (F116 (2, 181) = 22.02 ; p < .001).

Figure 9: Moyennes des scores généraux d’identification aux trois niveaux d’appartenance

EUROPE REGION

BELGIQUE

Mean

5,8

5,6

5,4

5,2

5,0

4,8

4,6

4,4

3.2.2. Sous-échelles d’identification

Attachement

Les moyennes de la sous-échelle émotionnelle de l’identification sociale (voir Figure 10) se conforment aux tendances générales : l’attachement à la région (M = 5.15) est moins

115 Cet item a d’ailleurs des saturations relativement élevées sur les deux autres facteurs.

116 Analyse de la variance sur mesures répétées. Les analyses post-hoc ont été effectuées selon le test de Bonferroni, qui consiste à effectuer des tests T sur chacune des paires de variables (en l’occurrence, 3) en divisant le seuil de signification statistique par le nombre de variables (.017).

(20)

fort que l’attachement au niveau national (5.89) ou Européen (5.87), ces deux derniers n’étant pas significativement différents (F (2, 181) = 12.42 ; p < .001).

Evaluation

Les scores moyens de la sous-échelle correspondant à la dimension évaluative de l’appartenance géopolitique ont par contre une configuration distincte de la tendance générale.

En effet, l’appartenance à l’Europe (M = 6.21) est en moyenne plus positivement évaluée que l’appartenance nationale (5.52), elle-même évaluée plus positivement que l’appartenance régionale (5.07. F (2, 181) = 13.60 ; p < .001).

Cognition

Cette tendance se retrouve sur la dimension cognitive. Ainsi, l’auto-catégorisation en tant qu’Européen(ne) est en moyenne plus ‘saillante’ (M = 5.11) que l’auto-catégorisation en tant que Belge (4.44), elle-même plus saillante que l’auto-catégorisation en tant que Bruxellois(e) ou Wallon(ne) (3.69).

(21)

Figure 10: Moyennes des sous-échelles (attachement, évaluation et cognition) aux trois niveaux d’appartenance117

EVALREGI COGNREGI ATTREGI EVALEURO COGNEURO ATTEURO EVALBEL COGNBEL ATTBEL

Mean

6,5

6,0

5,5

5,0

4,5

4,0

3,5

3,0

Si l’on en croit ces résultats, les niveaux d’appartenance national et européen sont ceux qui suscitent en général les identifications les plus fortes. L’identification européenne tendrait même à dépasser l’identification nationale. De plus, l’Europe se distingue par des scores évaluatif - estime de soi collective privée - et cognitif particulièrement élevés. De fait, l’identification nationale ne se révèle supérieure à l’identification européenne sur aucune des trois dimensions. Enfin, le niveau régional est celui qui suscite en général l’identification la moins forte, et cette tendance est vraie sur les trois dimensions de l’identité sociale prises en compte.

3.3. Relations entre niveaux d’identification

Formellement, les entités géopolitiques régionale, nationale et européenne sont

‘emboîtées’ les unes dans les autres : si on est flamand ou wallon, on est également belge. Si on est belge, on est également européen. Cependant, la signification que revêtent ces différents niveaux d’appartenance peut varier en fonction de la manière dont leurs relations sont perçues. Ainsi, il peut exister un conflit entre une région et l’Etat-Nation dont elle fait

117 Attbel : attachement à la Belgique; Evalbel : évaluation de l’appartenance à la Belgique; Cognbel : saillance cognitive de l’auto-catégorisation en tant que Belge.

Attregi : attachement à la région; Evalregi : évaluation de l’appartenance à la région; Cognregi : saillance cognitive de l’auto-catégorisation en tant que Bruxellois(e).

(22)

partie. Le pays Basque, la Lombardie, l’Ecosse ou la Flandre constituent de tels exemples. Ces situations conflictuelles peuvent se répercuter sur les identifications des individus à ces différents niveaux d’appartenance. Par exemple, Huici et ses collaborateurs (Huici, 1997) ont mené une enquête en Ecosse et en Andalousie. L’Ecosse, bien que déjà relativement indépendante par rapport à l’Etat Britannique à l’époque où cette enquête a eu lieu, était caractérisée par la présence d’un fort mouvement nationaliste visant à acquérir l’indépendance par rapport à la Grande-Bretagne, alors qu’en Andalousie, le mouvement régionaliste était minoritaire et ne visait pas l’indépendance. Leurs résultats montrent que les Ecossais s’identifiaient davantage à l’Ecosse qu’à la Grande-Bretagne alors que les Andalous s’identifiaient autant aux deux niveaux d’appartenance. De plus, les identifications aux niveaux régional et national étaient positivement corrélées chez les Andalous alors qu’elles n’étaient pas significativement corrélées chez les Ecossais. De même, les résultats de notre étude précédente (voir Chapitre 1) montrent que les identifications régionale et nationale sont plus fortement corrélées dans l’échantillon francophone que dans l’échantillon flamand.

L’identification à l’Europe peut de même dépendre de la manière dont sont perçues les relations entre la nation et l’Union Européenne. Par exemple, Cinnirella (1997) a comparé les scores d’identification de participant(e)s italiens et de participant(e)s britanniques (anglais).

Comme le montrent régulièrement les enquêtes d’opinion (Eurobaromètres), l’Italie est un des pays où le support pour l’intégration européenne est le plus fort alors que la Grande-Bretagne s’est toujours caractérisée par un courant eurosceptique très influent. De fait, ces résultats montrent non seulement que les italiens s’identifient plus fortement à l’Europe que les Britanniques, mais également que la corrélation entre les deux niveaux d’appartenance est positive chez les Italiens alors qu’elle est négative chez les Britanniques. Selon Cinnirella (Ibidem), l’Union Européenne serait perçue en tant que groupe inclusif par les Italiens alors qu’elle serait perçue au même titre qu’un exogroupe national par les Britanniques.

Comme nous l’avons vu, les identifications à l’Europe et à la nation sont d’importance comparable dans l’échantillon d’étudiant(e)s belges francophones étudié. En outre, il n’existe pas à proprement parler de mouvement anti-européen en Belgique francophone. Nous prévoyons donc des relations positives entre les identifications nationale et européenne. De

Atteuro : attachement à l’Europe; Evaleuro : évaluation de l’appartenance à l’Europe; Cogneuro : saillance cognitive de l’auto-catégorisation en tant qu’Européen(ne).

(23)

même, les appartenances régionales wallonne ou bruxelloise francophones sont généralement conçues comme complémentaires à l’appartenance nationale, comme nous l’avons exposé au chapitre précédent. Nous nous attendons donc à obtenir une corrélation positive entre l’identification régionale et l’identification européenne.

3.3.1. Résultats

Tableau 11: Corrélations entre les scores d’identification aux trois niveaux d’appartenance

Nation Région Europe Nation 1,000 ,652*** ,381***

Région ,652*** 1,000 ,369***

Europe ,381*** ,369*** 1,000

N = 182

*** p < .001 (2-tailed)

Comme le montre le Tableau 11, les scores d’identifications aux trois niveaux d’appartenance sont en effet fortement corrélés entre eux. Les niveaux national et régional sont en particulier très positivement corrélés. L’identification à l’Europe n’implique manifestement pas l’absence d’identification aux niveaux d’appartenance subordonnés : en général, plus on s’identifie à sa région ou à la Belgique, plus on a tendance à s’identifier à l’Europe.

Ces tendances se manifestent sur chacune des trois dimensions (voir détail des corrélations en Annexes). Les corrélations entre niveau national et niveau régional sont particulièrement élevées en ce qui concerne les dimensions émotionnelles (.74) et évaluatives (.57). Par contre, bien qu’elles restent significativement positives, les corrélations entre niveau national et niveau européen (.184) et entre niveau régional et niveau européen (.237) sur la dimension cognitive, sont sensiblement moins fortes.

Ainsi, dans l’ensemble, il semble que les relations entre ces trois niveaux d’appartenance ne puissent être qualifiées d’ ‘antagonistes’. Au contraire, toutes les relations entre niveaux d’identification sont positives, ce qui implique que les sujets qui expriment une identification positive à l’une de ces identités géopolitiques ont généralement tendance à

(24)

exprimer des identifications positives aux deux autres niveaux d’appartenance. Dans une certaine mesure, ces résultats contredisent donc l’idée, dérivée de la théorie de l’auto- catégorisation (Turner et al., 1987), selon laquelle il existerait un ‘antagonisme fonctionnel’

entre la saillance d’un niveau de catégorisation et les autres niveaux118. Il convient toutefois de garder à l’esprit que les postulats de la théorie de l’auto-catégorisation concernent le

‘moment présent’. L’auto-catégorisation y est décrite comme un processus particulièrement labile s’adaptant instantanément au contexte immédiat. Dans le cadre d’une tâche de réponse à des questions d’enquête, il est concevable que les sujets changent de niveau de catégorisation lorsqu’ils passent d’un ensemble de questions à un autre - par exemple, d’une série de questions relatives à l’identification nationale à une série de questions relatives à l’identification européenne. L’obtention de corrélations positives entre mesures d’identification ne constitue donc certainement pas une réfutation des postulats de cette théorie. Il est toutefois remarquable que ce soit précisément sur la dimension cognitive - qui correspond le mieux au concept d’auto-catégorisation tel qu’il est compris dans cette théorie - que les corrélations entre les deux niveaux subordonnés - région et nation - et l’Europe sont les moins fortes. Ainsi, la saillance cognitive d’une auto-catégorisation serait moins compatible avec la saillance cognitive d’autres auto-catégorisations que ne le sont l’attachement à cette catégorie et son évaluation. Mais ces résultats sont tout de même très loin de refléter un ‘antagonisme’ entre niveaux d’identification, qui se serait manifesté à travers des corrélations négatives entre les identifications aux différents niveaux d’inclusion (Cinnirella, 1996). Nous n’obtenons un tel résultat à aucun niveau et sur aucune dimension.

Il convient ici de remarquer que les items constituant ces échelles et sous-échelles sont formulés de façon à susciter des réponses en termes de tendances générales plutôt qu’en fonction d’un contexte ‘immédiat’ particulier. Les individus sont invités à exprimer les identifications qui les définissent la plupart du temps plutôt que celles qu’ils ressentent au moment précis où ils répondent aux questions. On appréhende de cette manière la conception générale qu’ont les participant(e)s de leurs relations avec ces trois entités géopolitiques, que l’on suppose relativement stable.

118 Voir la section consacrée à la théorie de l’auto-catégorisation dans l’introduction générale.

(25)

3.4. Typologie des participant(e)s en fonction des ‘configurations identitaires’

La manière dont ces différents niveaux d’identification sont liés les uns aux autres varie selon les individus. Ceux-ci peuvent se caractériser par différentes ‘configurations identitaires’ : une personne peut exprimer une forte identification nationale en même temps qu’une forte identification européenne alors qu’une autre peut également exprimer une forte identification nationale mais se déclarer faiblement identifiée à l’Europe. Comme l’a suggéré Azzi (Azzi, 1998), la manière dont les identifications à différents niveaux d’identités

‘emboîtés’ peut être liée aux stratégies qu’adoptera l’individu par rapport à la réalité sociopolitique dans laquelle il vit. Par exemple, dans le cas de groupes ethniques minoritaires au sein d’Etats dominés par un groupe ethnique majoritaire, les personnes qui s’identifient fortement à leur groupe ethnique et faiblement à l’Etat-Nation sont plus susceptibles d’adhérer à un mouvement séparatiste ethnique que les personnes qui s’identifient fortement à leur groupe ethnique et à l’Etat-Nation. Ces derniers seraient davantage susceptibles d’adopter une identité ‘biculturelle’ et de tenter de s’intégrer dans le groupe national tout en conservant ses caractéristiques culturelles. Les personnes s’identifiant fortement au groupe national et faiblement à leur groupe ethnique seraient quant à elles susceptibles d’adopter une stratégie de mobilité sociale (Tajfel, 1981b; Tajfel & Turner, 1986) ; de quitter leur groupe ethnique et de tenter de s’assimiler dans le groupe dominant. Enfin, les personnes qui s’identifient faiblement aux deux niveaux d’appartenance seraient les plus susceptibles d’adopter une identité ‘marginale’ (Berry, 1984).

Dans le cadre européen actuel, ces suggestions font sens, bien qu’elles ne puissent être transposées directement du lien entre groupe ethnique et groupe national au lien entre groupes nationaux et Union Européenne. En particulier, étant donné les mouvements culturels de fond qui ont caractérisé l’évolution des mentalités dans les sociétés occidentales modernes - qui se caractérisent par une tendance vers l’individualisme et les valeurs post-matérialistes (Inglehart, 1993; Licata, 1994) - il va de soi que l’absence d’identification envers des entités géopolitiques ne peut être interprétée comme une marginalisation.

Néanmoins, ces ‘configurations identitaires’ peuvent correspondre à des prises de position différentes par rapport aux représentations et aux attitudes concernant l’Union

(26)

Européenne et le processus d’intégration européenne qui seront abordées dans la suite de ce chapitre et méritent dès lors d’être prises en compte.

Comme l’ont révélé des enquêtes à grande échelle (De Winter et al., 1998), en ce qui concerne les groupes subordonnés (région et nation), c’est le niveau national qui est généralement la source principale d’identification en Belgique francophone. Nos propres résultats tendent à confirmer ces tendances (voir Chapitre 1 et 3.2 ci-dessus). Aussi nous sommes-nous focalisés sur les relations entre ce niveau d’identification et le niveau européen.

3.4.1. Méthode

Une classification automatique (Quick Cluster) des sujets a été réalisée à partir de leurs réponses sur les deux variables d’identification : à la Belgique et à l’Europe (voir détails de l’analyse en Annexes). Une répartition en quatre groupes répond d’une part à un critère quantitatif de répartition plus ou moins équitable des sujets entre les différents groupes et, d’autre part, à la nécessité d’obtenir des profils de groupes correspondant aux configurations proposées par Azzi (Azzi, 1998).

3.4.2. Résultats

Figure 11 : Moyennes de l’identification à la Belgique et de l’identification à l’Europe en fonction des quatre configurations identitaires

Configuration B-E

b - e b - E

B - e B - E

Moyenne

8

7

6

5

4

3

2

Belgique Europe

Le premier groupe (B - E) rassemble 48 sujets (26.4 % de l’échantillon) qui s’identifient fortement aux deux niveaux d’appartenance (voir Figure 11). Le second groupes (B - e)

(27)

rassemble 50 sujets (27.5 %) qui s’identifient à la Belgique, mais pas à l’Europe. Le troisième groupe (b - E) comprend 47 sujets (25.8 %) qui s’identifient à l’Europe, mais pas à la Belgique. Enfin, le quatrième groupe comprend 37 sujets (30.3 %) qui ne s’identifient ni à l’Europe, ni à la Belgique.

Il convient cependant de noter que, ces deux variables - identification à l’Europe et identification à la Belgique - étant fortement corrélées, il est impossible de les croiser de manière parfaitement orthogonale. Ainsi, les moyennes d’identification sont significativement différentes entre chacun des quatre groupes, que ce soit en ce qui concerne l’identification à la Belgique (F (3, 181) = 132.42 ; p < .001) ou l’identification à l’Europe (F (3, 181) = 97.133 ; p < .001). En particulier, l’identification à la Belgique est plus forte dans le groupe B - E que dans le groupe B - e ; et l’identification à l’Europe est plus forte dans le groupe B - E que dans le groupe b - E.

3.5. Représentations des relations entre niveaux d’identification

Les échelles et sous-échelles utilisées jusqu’à présent ont été conçues de manière à permettre l’expression de descriptions de soi par les sujets. Elles mesurent, sur plusieurs dimensions, l’intensité du lien identitaire unissant l’individu aux trois groupes d’appartenance concernés. Nous avons vu jusqu’à présent que l’identification à un niveau d’appartenance n’était souvent pas indépendante des identifications aux autres niveaux d’appartenance. Nous avons également distingué, parmi les sujets ayant participé à cette étude, quatre profils correspondant à des configurations identitaires différentes. La question que nous allons aborder maintenant a trait à l’existence ou non d’une correspondance entre ces mesures d’identification et les conceptions normatives concernant les types de relations qu’entretiennent - ou devraient entretenir - entre eux ces trois niveaux d’identification.

Trois manières de concevoir les liens entre chaque paire de niveaux d’identification ont été envisagées. Si deux niveaux d’identification sont perçus en termes d’inclusion, l’identification au niveau subordonné implique l’identification au niveau supra-ordonné. Par contre, si ces deux niveaux d’identification sont perçus comme étant antagonistes, une identification forte à l’un des deux niveaux implique une identification faible à l’autre niveau.

Enfin, ces deux niveaux d’identification peuvent être perçus comme indépendants l’un de l’autre, ce qui implique qu’une identification à l’un des niveaux peut coexister avec la présence aussi bien qu’avec l’absence d’identification à l’autre niveau.

(28)

3.5.1. Méthode

Nous avons inséré, dans le même questionnaire, une série de propositions décrivant explicitement la nature des liens entre chaque paire de niveaux d’appartenance : inclusion (I), antagonisme (A) ou indépendance (IN. voir Tableau 12). Les participant(e)s devaient indiquer leur degré d’accord avec chaque proposition sur une échelle de type Likert à 11 niveaux (1 = tout à fait d’accord ; 11 = pas du tout d’accord).

Nous prévoyons une correspondance entre les tendances qui ont émergé de l’analyse des mesures d’identification et les prises de position vis-à-vis de ces descriptions. Ainsi, puisque ces mesures sont positivement corrélées entre elles, nous nous attendons à ce que les propositions décrivant des relations ‘inclusives’ entre niveaux d’identification recueillent un plus haut degré d’accord que les propositions les décrivant en termes antagonistes. Nous nous attendons de plus à ce qu’il existe une corrélation positive entre le fait de s’identifier à chacun des niveaux d’appartenance et le degré d’accord avec leur description en termes d’inclusion ainsi qu’une corrélation négative entre ces identifications et le degré d’accord avec leur description en termes antagonistes. Les propositions selon lesquelles les identifications sont indépendantes les unes des autres devraient être jugées moins favorablement que les descriptions ‘inclusives’, mais plus favorablement que les descriptions ‘antagonistes’. Leurs jugements devraient enfin être négativement corrélés avec les mesures d’identification.

(29)

3.5.2. Résultats

Tableau 12 : Moyennes du degré d’accord envers les descriptions explicites des relations entre niveaux d’identification et corrélations avec les variables d’identification aux trois niveaux

d’appartenance

Identification

Nation Région Europe M e. t. Corrélations (Pearson) I : Plus on se sent bruxellois(e) / wallon(ne), plus

on devrait se sentir belge

5.04 3.47 .292*** .209*** .089 A : Plus on se sent bruxellois(e) / wallon(ne),

moins on devrait se sentir belge

2.92 2.27 -.021 .093 .142 Région -

Nation

IN : Se sentir bruxellois(e) / wallon(ne) et se sentir belge sont deux choses indépendantes

5.36 3.48 -.186* -.105 -.073

I : Plus on se sent bruxellois(e) / wallon(ne), plus on devrait se sentir européen(ne)

4.98 3.31 .124 .222** .143 A : Plus on se sent bruxellois(e) / wallon(ne),

moins on devrait se sentir européen(ne)

3.23 2.59 .05 .061 .085 Région -

Europe

IN : Se sentir bruxellois(e) / wallon(ne) et se sentir européen(ne) sont deux choses indépendantes

6.24 3.51 -.075 -.159* -.215**

I : Plus on se sent belge, plus on devrait se sentir européen(ne)

5.87 3.01 .316*** .323*** .173*

A : Plus on se sent belge, moins on devrait se sentir européen(ne)

3.33 2.33 -.03 .012 -.037 Nation -

Europe

IN : Se sentir belge et se sentir européen(ne) sont deux choses indépendantes

6.12 3.49 -.179* -.245*** -.243***

179 < N < 182

* p < .05 ; ** p < .01 ; *** p ≤ .001

Les scores moyens attribués à ces propositions (voir Tableau 12) révèlent tout d’abord que, comme nous l’avions envisagé, l’idée d’antagonisme entre niveaux d’appartenance est massivement rejetée, que ce soit entre les niveaux régional et national, régional et européen ou national et européen. Les deux autres types de relations envisagées (inclusion et indépendance) obtiennent des moyennes proches de la valeur centrale de l’échelle (6). Ces moyennes ne diffèrent pas significativement en ce qui concerne les relations entre niveaux

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