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4. Représentations sociales de l’Europe : objet, identité, pratiques

4.3.4. Structure du champ : Analyse Factorielle des Correspondances

L’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) fournit une représentation dans un espace continu des relations entre contenus représentationnels ainsi que des relations entre ces

139 26.15 % des réponses au terme inducteur « Agir en tant qu’Européen(ne) » appartiennent à cette classe.

140 Ce qui s’explique partiellement par la présence des mots « mensonge » et « corruption » dans cette classe (voir CAH en annexes).

contenus et les variables passives (voir chapitre « effets de contexte »). Cette manière différente de représenter les mêmes données est complémentaire à la Classification Descendante Hiérarchique (CDH). Notons que l’AFC opère à partir des résultats de la CDH, ce qui constitue une des caractéristiques originales de cette méthode142. Elle nous permettra de compléter l’analyse de la structure du champ représentationnel en identifiant les principes organisateurs de ce champ représentationnel. Elle nous permettra aussi de situer la position des groupes définis par leur degré d’identification (ancrage) par rapport à ces principes organisateurs. De plus, les scores factoriels (corrélations) individuels seront utilisés lors d’analyses ultérieures.

L’AFC dégage 6 facteurs143 expliquant 100 % de l’inertie144. Nous ne décrirons que les trois premiers facteurs qui rendent compte de 63 % de l’inertie. Un tableau de description se trouve en Annexes.

*********************************************** * Num.* Valeur Propre * Pourcentage * Cumul *

*********************************************** * 1 * .42626930 * 22.66565 * 22.666 * * 2 * .40669970 * 21.62509 * 44.291 * * 3 * .35265280 * 18.75130 * 63.042 * * 4 * .27999510 * 14.88794 * 77.930 * * 5 * .24389020 * 12.96816 * 90.898 * * 6 * .17117730 * 9.10186 * 100.000 * ***********************************************

Structure des contenus

Comme le montre la Figure 14145, le premier facteur (axe horizontal) oppose la classe 4 (citoyenneté. Cont.146 = -.565) à la classe 1 (économie. Cont. = .337). Le second facteur

141 57 % des UCE de cette classe sont des réponses au mot inducteur « Agir en tant qu'Européen(ne) ».

142 D’autres logiciels d’analyse automatique de contenus, comme Spad-T, commencent par une AFC (unités de contexte en lignes et vocabulaire en colonnes) et identifient les classes à partir de cette analyse.

143 Notons que cette méthode aboutit invariablement à l’obtention d’un nombre de facteurs égal au nombre de classes – 1.

oppose les classes 2 (diversité culturelle. Cont. = .318) et 7 (tourisme. Cont. = .206), aux classes 4 (citoyenneté. Cont. = -.237) et 1 (économie. Cont. = -.110).

La première dimension organisant cet espace - le premier principe organisateur du champ représentationnel (Doise et al., 1992) - est donc une dimension qui distingue les aspects politiques de l’Europe de ses aspects économiques et financiers. Le second, dont la partie supérieure est caractérisée par les termes « culture », « soleil », « vacances », « découverte » et « voyage » et la partie inférieure par les termes « vote », « droit », « élections », « devoirs » ou « euro » semble distinguer les aspects géographiques et culturels des aspects politiques et économiques. Ces aspects correspondent également à une différenciation entre thèmes « sérieux » et thèmes plus « légers ». Le premier aspect évoque la fonction instrumentale et pragmatique de l’Europe, alors que le second évoque davantage sa vocation internationaliste et universaliste (Tapia, 1997).

Les autres classes (idéaux, sécurité, et appartenances) ne contribuent guère à ces deux premiers facteurs.

144 Inertie : contribution totale de chaque modalité à l’écart à l’indépendance.

145 Seuls les mots de fréquence égale ou supérieure à 25 qui contribuent à la définition des facteurs sont projetés. Le mot analysé "eta-yer" résulte d’une erreur de lemmatisation; il réfère en fait à la réponse “Etats-unis”.

146 C : contribution absolue. Cette valeur représente la contribution de chaque modalité (ligne ou colonne) à la constitution du facteur.

Figure 14: espace factoriel formé par les deux premiers facteurs de l’AFC (22.7 % et 21.6 % de l’inertie) : projection des mots analysés

argent commerce+ facilite+ monnaie+ euro econom+3 pd_frontiere riche+ unique+ echange+ pouvoir+ pauvre+ culture+ decouverte+ langue+ voyage+ ouverture+ etranger+ connaissance+ diversite+ enrich+ir egalite+ entraid+er droit+ electi+f choixcitoyen+ vot+er democrat+3polit+3 liberte+

loi+ puissance+force+

union+ eta+yer nationa+l belgique identite+ pays appartenance+ continent+ soleil+ vacance+ travail< Mots étoilés Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Classe 7

Mots non classés

Mots analysés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 25 Mots étoilés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0 Mots supplémentaires : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0

Enfin, le troisième facteur (voir Figure 15) oppose la classe 3 (Idéaux. Cont. = .425) à la classe 1 (économie. Cont. = -.308). Notons que la classe 5 (sécurité) contribue également positivement à la constitution de ce facteur (Cont. = .170). La troisième dimension se définit donc comme une opposition entre les valeurs et idéaux attribués à l’Union Européenne et ses aspects économiques et financiers. Elle distingue plus généralement les concepts abstraits des concepts plus concrets. La position par rapport à l’aspect économique est donc déterminante de manière prépondérante pour deux facteurs sur trois (les facteurs 1 et 3) et de manière moins exclusive dans le cas du second facteur.

Figure 15 : espace factoriel formé par les facteurs 1 et 3 de l’AFC (22.7 % et 18.8 % de l’inertie) : projection des mots analysés

argent commerce+ facilite+ monnaie+ euro econom+3 pd_frontiere riche+ unique+ concurr+ent changement+ echange+ pauvre+ voyage+ connaissance+ famille+ aide+ egalite+ ensemble+ fraternite+ groupe+ partage+ paix tolerance amitie+ entraid+er respect+ unite+ communaut< conflit+ droit+ electi+f choix citoyen+ vote+ vot+er democrat+3 polit+3 loi+ force+ guerre+ puissance+ union+ eta+yer nationa+l soleil+ vacance+ Mots étoilés Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Classe 7

Mots non classés

Mots analysés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 25 Mots étoilés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0 Mots supplémentaires : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0

Influence des variables passives

Comme il apparaît à l’examen des Graphiques suivants, les variables passives ont tendance à se rassembler vers le centre des espaces factoriels, à l’exception des mots inducteurs - ce qui nous mènerait à conclure qu’elles n’ont que peu d’effet dans la structuration du « champ représentationnel » étudié. Notons toutefois que l’Analyse Factorielle des Correspondances telle qu’elle est pratiquée par le logiciel Alceste ne projette ces « modalités supplémentaires » sur le plan factoriel qu’une fois ce plan déterminé par les relations existant entre les mots analysés - placés en ligne - et les classes d’UCE - placées en colonnes (Reinert, 1993). Statistiquement parlant, ces variables ne contribuent donc pas au calcul des facteurs, respectant ainsi le caractère inductif de la méthode (Doise et al., 1992 ;

Marchand, 1998). Les représentations graphiques nous permettent cependant d’identifier des tendances que nous compléterons par l’analyse des corrélations de ces variables avec les facteurs.

Termes inducteurs

Le premier facteur (voir Figure 16) oppose nettement les réponses au mot inducteur « Europe » (pôle positif. Cont. = .194 ; r = .923) aux réponses aux termes inducteurs « Agir en tant qu’Européen(ne) » (Cont. = -.097 ; r = -.750) et « Etre Européen(ne) » (Cont. = -.030 ; r = -.589). Le terme « Europe » a donc tendance à évoquer des associations relatives à l’économie, ce qui apparaissait déjà à travers la CDH, alors que les termes inducteurs « Agir en tant qu'Européen(ne)» et « Etre Européen(ne)» évoquent des associations relatives à la citoyenneté participative.

Figure 16 : Espace factoriel formé par les deux premiers facteurs de l’AFC (22.7 % et 21.6 % de l’inertie) : projection des centres des classes et des variables passives

eur_1 eur_2 imp_1 imp_2 q_agir q_etre q_europe rang_1 rang_2 rang_3 reg_2 val_1 val_2 centre classe 1 centre classe 2 centre classe 3 centre classe 4 centre classe 5 centre classe 6 centre classe 7 Mots étoilés Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Classe 7 Mots non classés

Mots analysés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 25 Mots étoilés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0 Mots supplémentaires : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0

Le second facteur distingue les associations au terme « Europe » (pôle négatif. Cont. = -.018 ; r = -272) aux associations avec le terme « Etre Européen(ne) » (pôle positif. Cont. =

.015 ; r = .410). Il n’est que très faiblement corrélé avec les associations au terme « Agir en tant qu'Européen(ne) ». Ainsi, l’Europe en tant qu’identité (être Européen) a tendance à évoquer la diversité culturelle, l’ouverture, les loisirs et l’aspect géographique alors que l’Europe en tant qu’objet évoque des thèmes plus instrumentaux - économie et sécurité.

Le troisième facteur (voir Figure 17) ne permet pas de distinguer les réponses aux trois termes inducteurs.

Figure 17 : Espace factoriel formé par les facteurs 1 et 3 de l’AFC (22.7 % et 18.8 % de l’inertie) : projection des centres des classes et des variables passives

eur_1 eur_2 imp_1 imp_2 neut_2 q_agir q_etre q_europe rang_1 rang_2 rang_3 val_1 val_2 centre classe 1 centre classe 2 centre classe 3

centre classe 4 centre classe 5 centre classe 6 centre classe 7 Mots étoilés Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Classe 7 Mots non classés

Mots analysés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 25 Mots étoilés : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0 Mots supplémentaires : Corrélations : 0.00, Contributions : 0.00, Poids : 0

Orientation : valence et neutralité

Le pôle positif du premier facteur (économie) est faiblement corrélé avec une valence positive (val_2. r = .199) et une faible neutralité (neut_1. r = .464) alors que le pôle négatif (citoyenneté) est très faiblement corrélé avec une valence négative (val_1. r = -.114) et une neutralité élevée (neut_2. r = -.294). Cette première dimension n’est donc que faiblement connotée. Les contributions de ces variables sont d’ailleurs inférieures à la moyenne des contributions des lignes.

La variable « valence positive » est par contre positivement corrélée avec le second facteur (val_2. Cont. = .012 ; r = .522) qui est également faible en neutralité (neut_1. Cont. = .002 ; r = .405). L’inverse est vrai de la variable « valence négative » (val_1. Cont. = -.008 ; r

= -.277). Le pôle « léger » de cette dimension (diversité culturelle, loisirs, ouverture) est donc connoté positivement alors que le pôle « sérieux » est connoté de manière moins positive.

Enfin, le troisième facteur distingue plus nettement les réponses selon leur valence. Son pôle positif (idéaux et valeurs) est positivement évalué (val_2. Cont. = .015 ; r = .541) alors que son pôle négatif (économie) l’est moins (val_1. Cont. = -.042 ; r = -.605). Le pôle positif est également associé à une faible neutralité (neut_1. Cont. = .002 ; r = .375) alors que le pôle négatif est associé à une neutralité élevée (neut_2. Cont. = -.007 ; r = -.586).

Etant donné la manière avec laquelle la valence a été calculée147, il apparaît que le pôle négatif « sérieux » (économie et sécurité) du second facteur est la seule zone à être évaluée plutôt négativement. Les autres pôles associés à des valences négatives sont également associés à une neutralité élevée.

Ancrages : identifications

Compte tenu des remarques formulées plus haut ( voir 4.2.2), les résultats concernant ces variables doivent être traités avec circonspection. Nous noterons néanmoins les tendances.

Les graphiques de l’AFC montrent que les variables d’identification à l’Europe contribuent à la définition des facteurs 2 et 3. En effet, les réponses des sujets fortement identifiés à l’Europe (eur_2) se situent du côté du pôle négatif - thèmes « sérieux » : économie et politique - du deuxième facteur (Cont. = -.010 ; r = -.719) alors que celles des sujets faiblement identifiés à l’Europe (eur_1) se situent du côté du pôle positif - thèmes « légers » : diversité culturelle, voyages, géographie - de ce facteur (Cont. = .006 ; r = .557).

De même, les réponses des sujets les plus identifiés à l’Europe (eur_2) se situent du côté négatif - économie - du troisième facteur (Cont. = -.007 ; r = -.570) alors que celles des sujets faiblement identifiés (eur_1) se trouvent du côté positif - idéaux et valeurs - de ce facteur (Cont. = .011 ; r = .709).

147 Elle correspond en fait à la proportion d’associations jugées positivement parmi chaque ensemble d’association (maximum 10) au mot inducteur. Le nombre d’associations négatives n’intervient pas dans ce calcul.

Notons également la situation des réponses des sujets les plus fortement identifiés à leur région qui se situent du côté négatif - citoyenneté active - du premier facteur (Cont. = -.012 ; r

= -.927).

Les identifications régionale et nationale n’interviennent pas dans la constitution des facteurs 2 et 3. L’examen des corrélations montre toutefois que ces variables ont tendance à se comporter de la même manière que les variables d’identification à l’Europe. Il n’y a donc pas d’opposition entre les contenus associés par les sujets fortement identifiés à l’Europe et les sujets fortement identifiés à la Belgique ou à leur région, ce qui n’est guère surprenant puisque ces trois niveaux d’identification sont fortement corrélés.

Compte tenu du nombre important de données manquantes concernant les identifications148, nous avons importé les scores individuels de corrélation avec les trois premiers facteurs dans le fichier de données. Cela nous permet d’examiner les liens entre facteurs et variables d’identification en ne tenant pas compte des données manquantes. Les corrélations entre ces scores et les variables d’identification confirment les tendances exposées ci-dessus. Cependant, une seule de ces corrélations est significative : une corrélation négative entre le second facteur et la dimension « affective » de l’identification à l’Europe (Attachement. r (72) = -.332 ; p = .002) : plus on se sent attaché à l’Europe, plus on a tendance à se situer sur le pôle « instrumental et pragmatique » de ce facteur.

4.4. Discussion

Nous retiendrons plusieurs aspects remarquables de cette analyse. Notons tout d’abord l’orientation - la connotation - généralement positive des associations ainsi obtenues. Les associations sont jugées à ce point positives que la valence n’a qu’une importance secondaire dans la structuration du champ représentationnel alors que l’aspect évaluatif est souvent le principe organisateur le plus important dans ce type d’analyses.

4.4.1. Contenus

En ce qui concerne les contenus les plus fréquents, il apparaît d’emblée que le thème de l’Europe est fortement lié à l’idée d’Union Européenne. Ainsi, le terme « union » est le terme le plus fréquemment cité ; le changement monétaire (euro) et le « marché économique

148

commun » forment la classe lexicale la plus importante ; et les « pratiques européennes » évoquent souvent le thème des élections européennes. Paradoxalement, il s’y trouve très peu de références aux institutions européennes. Ainsi, la Commission est l’institution la plus citée avec seulement 11 occurrences (sur 12215) et elle est associée dans 5 UCE sur 11 à des contenus négatifs liés à l’affaire Cresson (scandale, fraude, corruption, disparition argent, magouille) et le Parlement Européen n’est évoqué que 10 fois, principalement dans le cadre des élections. Le Conseil Européen, le Conseil de L’UE, la Cour de Justice et la Cour des Comptes ne sont pas du tout cités. Les programmes de mobilité européens, qui s’adressent plus particulièrement aux étudiants, sont quasiment absents des réponses : Erasmus est cité une seule fois, Socrates pas du tout. Les traités européens sont également peu présents : Maastricht apparaît 6 fois, Rome n’apparaît que dans des contextes liés au tourisme et Amsterdam n’apparaît pas. Les « pères fondateurs » sont également absents : Monnet est le seul à être cité (3 fois). L’Union Européenne, en tant qu’institution, semble ne faire l’objet que de représentations indirectes. Elle ne donne lieu à des représentations relativement structurées et partagées que dans les domaines où l’intégration européenne a des implications - vécues ou anticipées - concrètes dans la vie des sujets. C’est le cas du passage à la monnaie unique, qui a fait l’objet de campagnes d’informations à grande échelle, qui est le thème le plus saillant. C’est également le cas des élections européennes qui devaient avoir lieu quelques semaines après la passation de ce questionnaire. C’est enfin le cas du thème de la mobilité qui s’exprime tant à travers le domaine de l’échange culturel qu’à propos du tourisme.

La relative absence de réponses concernant la guerre du Kosovo souligne encore l’importance de l’expérience directe (réelle ou anticipée) dans la construction des représentations de l’Europe. Ce conflit était en cours lors de la passation de ce questionnaire ; il avait fait l’objet d’une importante mobilisation médiatique et, surtout, il mettait en cause aussi bien les rôles que l’identité internationale de l’Union Européenne (Adam, 1992). Seulement 6 répondant(e)s citent directement le Kosovo. Ce conflit n’est cependant pas sans influence. Ainsi, les Etats-Unis sont associés au monde lexical de la guerre auxquels sont également associés les termes « Droits de l’Homme » et « humain », reflétant les discours médiatiques qui s’appuyaient sur des arguments humanitaires pour légitimer l’intervention militaire au Kosovo (Ibidem).

4.4.2. Structure

Sept classes de contexte correspondant assez étroitement à des univers lexicaux distincts émergent de la classification automatique des listes de réponses en fonction de leur vocabulaire commun (classification descendante hiérarchique). Il s’agit des thèmes suivants :

Economie, Diversité culturelle, Idéaux et Valeurs, Citoyenneté participative, Sécurité,

Appartenances et Tourisme.

Le champ représentationnel constitué par les relations qu’entretiennent entre eux ces contenus, tel qu’il a été appréhendé à travers l’Analyse Factorielle des Correspondances, s’organise principalement autour de trois principes organisateurs. Le premier principe organisateur oppose le domaine de la Citoyenneté active au domaine Economique et

financier. Le second oppose les domaines liés à la Diversité culturelle et au Tourisme aux

domaines Economique et de la Citoyenneté. Enfin, le troisième principe organisateur oppose

les Idéaux et Valeurs de l’Europe à ses aspects Economiques et financiers.

Les aspects économiques de l’Europe jouent donc un rôle central dans l’organisation de ce champ. C’est le champ lexical le plus mobilisé à travers ces associations - particulièrement avec le mot inducteur « Europe » - et c’est par opposition à cet aspect que se positionnent les autres classes lexicales. L’Europe économique est ainsi dissociée de l’Europe politique, de l’Europe en tant qu’espace culturel et de l’Europe en tant qu’idéal.

Le thème de l’unification monétaire occupe une place importante à l’intérieur de cette première classe, par son poids comme par sa structure (voir dendrogramme de la CAH de la Classe 1 en Annexes). Les avantages et les inconvénients de ce changement sont évoqués. Le reste des contenus appartenant à cette classe dépeint une économie libérale mondialiste liée au capitalisme. Ces réponses possèdent une dimension critique. Ainsi, d’une part, le capitalisme et l’industrialisation y sont associés aux inégalités économiques (« riche », « pauvre »). C’est d’autre part à travers le thème de l’argent qu’est dénoncée l’affaire Cresson (« Commission », « fraude »). Remarquons d’ailleurs que les contenus caractérisant cette classe sont connotés plutôt négativement149, sont jugés d’importance secondaire et ont tendance à être cités en second lieu.

149 Cette classe est associée à une valence moins positive et elle se situe sur les versants négativement évalués des facteurs 2 et 3.

La dimension politique (classe 4), qui s’exprime à travers les thèmes de la démocratie, de la citoyenneté active et de l’information, a également un statut particulier au sein de ce champ. Comme l’a montré l’analyse descendante hiérarchique (voir dendrogramme), il s’agit de la classe lexicale la plus spécifique150 et son opposition à la classe des associations liées à

l’Economie qualifie le premier principe organisant le champ. Cette classe lexicale est

spécifiquement associée à l’aspect comportemental de l’identité européenne (« Agir en tant qu'Européen(ne) »), dont elle constitue la catégorie de réponses dominante. Nous avons également souligné la présence d’une dimension critique à l’intérieur de cette classe (« représentant », « corruption », « mensonge »). Ces associations sont également connotées moins positivement. Par contre, ces contenus apparaissent souvent en premier lieu et sont souvent jugés importants.

Les deux classes précitées - Economie et citoyenneté - occupent une position comparable par rapport au second principe organisateur du champ représentationnel sur lequel elles s’opposent aux classes lexicales relatives à la Diversité culturelle et, dans une moindre mesure, au Tourisme. Rappelons la proximité, au sein de la classe Diversité culturelle, des contenus relatifs à la culture et de contenus évoquant l’enrichissement, la diversité, la communication et l’échange. La classe Diversité culturelle rappelle la vocation internationaliste et universaliste de l’Europe alors que les classes Economie et Citoyenneté

traduisent davantage sa fonction instrumentale et pragmatique (Tapia, 1997). Dans le domaine culturel, l’intégration européenne semble avant tout représentée comme une opportunité d’enrichissement que comme une menace de perte. Les associations caractéristiques de cette classe sont connotées très positivement. Elles sont souvent exprimées pour décrire les pratiques liées à l’identité européenne ainsi que cette identité elle-même.

Le troisième principe organisateur distingue la classe relative aux Idéaux et Valeurs de l’Europe (Classe 3) des autres classes, et plus particulièrement de la classe Economie. Les valeurs et idéaux rassemblés dans cette classe ont un caractère universaliste et évoquent la tradition républicaine française: « égalité », « fraternité »151, « tolérance », « respect », « solidarité », etc. Notons que ces « valeurs universelles » sont finalement assez peu

150 C’est la première à se détacher du reste du corpus et elle ne subit pas de division interne.

151 Le terme « liberté » y est également très présent, bien qu’il soit davantage associé à la classe 4 (Citoyenneté).

spécifiques de l’Europe ; elles pourraient s’appliquer à la plupart des Etats démocratiques occidentaux. Ces contenus sont généralement évalués positivement. Cette classe n’est associée spécifiquement à aucun des mots inducteurs, ce qui suggère que ces associations décrivent indistinctement aussi bien l’Europe en tant qu’objet, qu’en tant qu’identité ou que pratique.

La classe lexicale relative à la Sécurité contribue peu à déterminer ces 3 premiers facteurs152. Elle est relativement proche de la classe Idéaux et Valeurs, ce qui s’explique en partie par la présence importante des mots « paix » et « union » dans les deux classes. Ces associations sont liées au mot inducteur « Europe ». L’idée selon laquelle une stabilité et un bien être - que ce soit en termes militaires ou socio-économiques - accrus résulteront de l’alliance entre pays européens semble inspirer ces réponses. Elle prend d’ailleurs place du côté « pragmatique » du second facteur.

Enfin, la classe lexicale relative aux Appartenances constitue la catégorie la plus caractéristique d’associations à l’idée d’identité européenne. Cette classe comprend un grand nombre de contenus relatifs à la Belgique et à des niveaux d’appartenance subordonnés (Régions, villes, université, etc.). On y trouve aussi les noms d’autres pays et villes européens. Ainsi, l’identité européenne évoque spécifiquement les appartenances nationales ; « Etre Européen(ne) » renvoie à « être belge ». Rappelons cependant la prise de distance - qui s’y manifeste à travers l’utilisation de termes plus abstraits (nation, nationalisme, identité, etc.) -