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8. Représentations sociales des positions relatives des pays membres et identification européenne

8.2. Jugement du pouvoir décisionnel des pays membres

8.2.1. Comparaison du pouvoir décisionnel attribué aux pays membres

La tâche consistait à évaluer le « degré de pouvoir qu’a actuellement chacun des pays membres de l’Union Européenne sur les prises de décision de l’UE » dans les domaines suivants : décisions politiques, décisions financières, relations avec les pays non membres de l’UE, décisions économiques, politique de l’emploi et affaires culturelles. Les participants devaient situer leur réponse sur des échelles bipolaires à 9 niveaux (1 = pas assez de pouvoir ; 9 = trop de pouvoir). Il était en outre précisé que la case centrale correspondait à l’opinion que le pays concerné « a l’influence qui lui revient légitimement dans ce domaine ».

Tableau 26 : Moyennes et écarts types du pouvoir décisionnel moyen attribué aux 15 pays membres de l'UE présentés par ordre décroissant

N Moyenne Ecart type

France 154 5.98+ 1.07 Grande-Bretagne 154 5.82+ .99 Allemagne 154 5.76+ 1.05 Pays-Bas 154 4.78+ .93 Italie 154 4.58= .89 Belgique 154 4.52= .92 Autriche 153 4.50- .86 Espagne 153 4.44- .84 Luxembourg 154 4.38- 1.11 Danemark 153 4.31- .89 Finlande 153 4.30- .93 Irlande 154 4.27- .96 Suède 154 4.26- 1.03 Grèce 154 4.06- .99 Portugal 154 3.98- 1.01 Moyenne générale 4.66 .58

+ Significativement plus grand que la moyenne générale (p < .05). = non significativement différent de la moyenne générale (p < .05). - Significativement plus petit que la moyenne générale (p < .05).

Des indices de fiabilité élevés ont également été trouvés pour chaque pays200, un score de jugement de pouvoir décisionnel moyen a été calculé pour chaque pays.

200 Alpha de Cronbach. Valeur la plus basse : .78 (Luxembourg) ; valeur la plus élevée : .88 (Suède) ; moyenne globale : .82).

Les résultats sont très semblables aux résultats concernant la perception des statuts. La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne se distinguent très nettement comme les pays dont le pouvoir décisionnel est jugé excessif (voir Tableau 26). Tous les autres pays sont en moyenne jugés comme n’ayant pas assez de pouvoir, bien que les Pays-Bas soient perçus comme plus influents que la moyenne. De nouveau, le pouvoir décisionnel de la Belgique est jugé comparable à la moyenne européenne.

Cette variable est significativement corrélée (p < .05) avec la variable « Perception du statut » pour tous les pays membres201, à l’exception de la Grèce (.101, n. s.), dont le pouvoir décisionnel est jugé parmi les plus insuffisants alors que son statut moyen était relativement élevé, probablement grâce à ses statuts historique et culturel perçus élevés.

8.2.2. Jugement du pouvoir décisionnel de la Belgique

Comme nous l’avons observé, la Belgique occupe de nouveau une situation médiane par rapport aux autres pays membres. Son pouvoir décisionnel est en moyenne perçu comme insuffisant (< 5), mais c’est également le cas de la plupart des autres pays et la moyenne belge ne se distingue pas significativement de la moyenne générale. Un examen des moyennes belges dans les différents domaines montre toutefois que le pouvoir décisionnel belge est jugé encore plus insuffisant que la moyenne dans les domaines des décisions politiques202 et de la politique de l’emploi203. Ces moyennes ne se démarquent pas de la moyenne générale dans les autres domaines.

8.2.3. Jugement du pouvoir décisionnel de la Belgique et identifications

Le jugement moyen du pouvoir décisionnel belge n’est corrélé ni avec l’identification nationale, ni avec l’identification régionale. Par contre, il est négativement corrélé avec l’identification à l’Europe (-.266 ; p = .004, N = 117) : plus on s’identifie à l’Europe, plus on considère que la Belgique n’a pas assez de pouvoir dans les prises de décision de l’UE. Les corrélations sont négatives dans tous les domaines, mais elles ne sont significatives que dans les domaines politique (-.258 ; p = .005, N = 117), de la politique de l’emploi (-.245 ; p =

201 Corrélation la plus faible : .169 (Italie) ; corrélation la plus élevée : .407 (Allemagne), N = 153.

202 Belgique = 4.45; moyenne générale = 4.67. T (152) = -2.28 ; p = .02

.008, N = 115) et des affaires culturelles (-.209 ; p = .03, N = 113). Conformément à l’interprétation que nous avons proposée en introduction de cette section, nous considérerons cette tendance comme révélatrice d’une motivation instrumentale indirecte déterminant partiellement l’identification à l’Europe. Celle-ci dépendrait donc en partie des perspectives d’accroissement du pouvoir politique national offertes par le processus d’intégration. Cette interprétation tend à être confortée par l’existence d’une corrélation négative entre la variable de jugement du pouvoir décisionnel de la Belgique et la valence attribuée aux changements induits par l’intégration sur la situation nationale (r (154) = -.229 ; p = .007) : plus le pouvoir national est jugé insuffisant, plus les changements entraînés par l’intégration sur la situation nationale sont jugés positivement.

8.3. Perception des contributions financières des pays-membres à l’Union

Européenne

« Chaque pays membre de l’Union Européenne apporte sa contribution financière à l’Union. En retour, certaines aides sont accordées par l’UE aux pays qui en ont besoin. Ainsi, certains pays donnent à l’UE plus qu’ils reçoivent, d’autres reçoivent plus qu’ils donnent et d’autres encore donnent autant qu’ils reçoivent. Pourriez-vous indiquer à quelle catégorie appartient chacun des 15 pays suivants ? »

Après avoir lu ces instructions, les participant(e)s devaient indiquer leur perception de la position de chaque pays en le classant dans une des trois catégories suivantes :

• Pays qui reçoivent plus qu’ils donnent

• Equilibre : contribution = aide reçue

• Pays qui donnent plus qu’ils reçoivent

8.3.1. Classification des pays membres selon le rapport contribution / recette

On retrouve ici le même type de configuration (voir Tableau 27) : la réponse la plus fréquente est « pays qui donnent plus qu’ils reçoivent » pour l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. La Grèce, le Portugal et l’Espagne sont considérés en majorité comme des pays qui reçoivent une aide financière supérieure à leur contribution. Tous les autres pays sont considérés en majorité comme se trouvant en situation d’équilibre. Remarquons cependant que la distribution des réponses concernant la Belgique est la seule à ne pas être

significativement différente entre les trois cellules. Il n’y a donc pas réellement de réponse majoritaire, ce qui indique une absence de consensus au sujet du rapport entre contributions et gains financiers de la Belgique. Cette représentation des contributions financières relatives des pays membres ne correspond que partiellement à la réalité. Si l’on se réfère aux données de 1997 (Lagarde & Rogeau, 1998), les pays qui donnent proportionnellement plus qu’ils ne reçoivent sont l’Allemagne (contribution = 28.2 % des recettes de l’UE ; 12.8 % des aides et subventions accordées par l’UE), les Pays-Bas (6.4 ; 3.2), l’Autriche (2.8 ; 1.7) et la Suède (3.1 ; 1.5). Les pays qui reçoivent proportionnellement plus d’aides qu’ils contribuent sont la Grèce (1.6 ; 6.9), l’Irlande (0.9 ; 4.2) le Portugal (1.4 ; 4.7) et le Luxembourg (0.9 ; 1.1). Les autres pays se trouvent dans des positions à peu près équlibrées. La Belgique contribue légèrement plus qu’elle ne reçoit (3.9 ; 3.7).

Tableau 27 : Classification des pays membres selon leur contribution financière à l’UE Χ²

2 dl

N Pays qui reçoivent plus qu’ils donnent

Equilibre : contribution = aide

reçue

Pays qui donnent plus qu’ils

reçoivent

Fréqu. % Fréqu. % Fréqu. %

Allemagne 16.7*** 167 35 21.0 54 32.3 78 46.7 Autriche 110.2*** 163 16 9.8 117 71.8 30 18.4 Belgique 4.3 167 47 28.1 68 40.7 52 31.1 Danemark 67.2*** 165 20 12.1 103 62.4 42 25.5 Espagne 19.4*** 164 77 47.0 56 34.1 31 18.9 Finlande 58.7*** 163 26 16.0 100 61.3 37 22.7 France 6.36* 165 45 27.3 50 30.3 70 42.4 Grande-Bretagne 9.7** 164 37 22.6 58 35.4 69 42.1 Grèce 44.6*** 164 95 57.9 35 21.3 34 20.7 Irlande 41.4*** 164 51 31.1 90 54.9 23 14.0 Italie 37.5*** 164 64 39.0 81 49.4 19 11.6 Luxembourg 28.8*** 164 24 24.6 79 48.2 61 37.2 Pays-Bas 62.9*** 165 20 12.1 101 61.2 44 26.7 Portugal 38.7*** 164 90 54.9 48 29.3 26 15.9 Suède 63.8*** 163 21 12.9 101 62.0 41 25.2

Les pourcentages en caractères gras indiquent la réponse majoritaire. * : p < .05 ** : p < .01 *** : p < .001

8.3.2. Perception du rapport contribution / recette de la Belgique et identifications

Des analyses de la variance (one way) ont été effectuées en utilisant cette mesure - contribution relative de la Belgique - comme variable indépendante et les variables d’identification régionale, nationale et européenne, ainsi que les variables de perception du statut de la Belgique et du pouvoir décisionnel de la Belgique en variables dépendantes. Aucune différence significative ne s’est dégagée de ces analyses. Pourtant, des analyses

similaires effectuées sur les évaluations des autres pays européens révèlent des différences significatives sur le statut perçu en fonction de la catégorie de contribution financière à propos de 8 pays sur 15 et des différences sur le jugement de pouvoir décisionnel en fonction de la contribution financière à propos de 7 pays sur 15. Dans les deux cas, ces différences vont dans le sens attendu : les personnes qui classent un pays parmi les pays dont la contribution financière est négative ont tendance à lui attribuer un statut et un pouvoir décisionnel inférieurs à celles qui le classent dans les deux autres catégories.

Mais cette tendance ne s’observe pas pour la Belgique. Des analyses supplémentaires montrent que cette variable est bien liée à la perception des intérêts nationaux (voir section 7). Paradoxalement, les personnes qui classent la Belgique parmi les pays qui reçoivent plus de l’Union Européenne qu’ils n’y contribuent considèrent moins que l’intégration européenne va promouvoir les intérêts de leur nation (M = 6.06a) que celles qui la classent parmi les pays ‘en équilibre’ (7.18b) ou parmi les pays qui contribuent plus qu’ils ne reçoivent (7.27b. F (2, 105) = 3.68 ; p = .03). Ce résultat pourrait s’expliquer par la crainte, que pourraient ressentir les personnes qui perçoivent la Belgique comme bénéficiaire de son appartenance à l’UE, d’un changement des critères de contribution et de redistribution des budgets entre les Etats membres en sa défaveur. Plus probablement, il pourrait être interprété comme une tendance relativement stable de certains sujets à exprimer à travers leurs réponses un point de vue pessimiste concernant la Belgique.