FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 N°37
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DU TRAITEMENT DE
jr r
PAR LES BAINS FROIDS
THÈSE
POUR LE DOCTORAT ENMÉDECINE
Présentée à soutenuepubliquement le 25 janvier 1901
PAR
Raoul-André VITAL
Né à Boussès (Lot-et-Garonne) le 14 mars 187'4.
r MM.LANELONGUE,professeur.Président.
Examinateurs de la Thèse:
\
Juges[ FIEUX, agrégé
)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties
de l'Enseignement médical.
——
BORDEAUX
G. GOUNOUILHOU, IMPRIMEUR DE LA
FACULTE DE MEDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
19°1
FACULTE DE MEDECINE
ETDE PHARMACIE
DEBORDEAUX
M. dé NABIAS. Doyen. | Al. PITRES... Doyen honoraire.
PROFESSEURS MM. MIGÉ
DUPUY } Professeurshonoraires.
MOUSSOUS
Clinique interne . . .
j
Clinique externe. . .
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
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Le Secrétaire de la Faculté: LEMA1RE.
Par délibération du 5 août 1S79, la Faculté a arrêté que les opinionsémises dans les
Thèses qui luisont présentées doivent être considérées commepropresà leurs auteurs,et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
MEIS ET AMICIS
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
M. LE PROFESSEUR M. LANELONGUE
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
A M. LE D' FIEUX
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
Sur lepoint de terminer nos études médicales, nous ne laisserons pointpasser l'occasion qui nousestofferte de dire à ceux qui furent
nos maîtresl'expression denotreprofondegratitude.
Que M. le professeur Lanelongue, qui a bien voulu nous faire
l'honneur d'accepter la présidence de notre thèse, nous permette de
le remercier de la bienveillante sollicitude qu'il a montrée à notre égard en maintes circonstances; le souvenir de ses
cliniques, si
attrayantes etsi nettes, sera pour nous le plus pur
de
notremodeste
éducationchirurgicale.
Que M. leprofesseurArnozan, à qui nousdevonsnos
premiers
pasdansle chemin ardude lamédecine, veuille bien accepter l'hommage
denotrereconnaissante admiration pour la bonté toute paternelle et
le précieux enseignement qu'il a toujours
prodigués à
sesjeunes
élèves.
Mercià tousnos Maîtres, quine nous ont
ménagé ni leur dévoue¬
ment, ni leurscience: à M. le professeur Pitres,
à M. le professeur
Piéchaud, dont les leçons resteront pour nous
le souvenir toujours
vivant denotrepassageàl'Hôpitaldes Enfants.
Enfin, que M. le professeuragrégé Fieux,
qui
aété l'inspirateur de
notre travail, reçoive ici le témoignage de notre
très grande recon¬
naissance pour l'amabilité, jamais
lassée,
aveclaquelle il nous a
toujours accueilli, pour le précieux concours
qu'il nous a prête, et
dontnousavons silargementfait usage.
R. Y.
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INTRODUCTION
En prenant pour sujet de notre
travail
:Traitement de la
septicémiepuerpéralepar
les bains froids,
nousn'avons
paseu laprétention de faire œuvre
originale.
D'autres avantnous ont étudiéet traité la question de façon
très complète, avec cependant
des divergences d'idées dans
l'application et la forme
du traitement, et, plus heureux que
nous, ont apporté à l'appui
de leurs théories quantité d'obser¬
vations personnelles.
Nous aurons donc largement recours aux travaux
de
nos devanciers, en nous efforçantd'en retenir tout
cequi nous
paraîtraprofitable etd'en
rejeter tout
cequ'ils contiendront, à
notreavis, de faux ou
d'excessif. Comme toute théorie sédui¬
sante et nouvelle, l'application
des bains froids a eu ses
enthousiastes et ses détracteurs : les uns en
usant de façon
immodérée, les autres la
repoussant de parti pris.
Pour nous, il nous paraît
indiscutable
queles bains froids
ont le plus souvent une
influence des plus heureuses sur
l'état d'infection puerpérale.
Mais, si c'estune arme
précieuse entre les mains du prati¬
cien pour luttercontre
l'invasion microbienne, elle n'en est
pas moins, pour lui, des
plus délicates à manier; car c'est là
un traitement qui n'admet pas
d'insuccès, sous peine de s'en¬
tendre accuser des accidents qu'il n'aurapu
arrêter.
Admise, à l'heure
actuelle, à
peuprès partout, dans le
monde médical, contre la
fièvre typhoïde, la réfrigération par
l'eau froide laisse encorebeaucoup
d'indifférents dans le trai¬
tement de l'infection
puerpérale, qui
enest pourtant si voi-
/
sine; aussi n'a-t-elle guère été pratiquée dans ce sens que par des cliniciens, ainsi que le démontrent les observations
recueillies jusqu'à ce jour qui, presque toutes, nousviennent des hôpitaux.
Dans la clientèle des villes et des campagnes, on vient se butter contre le préjugé profondément enraciné que le froid
est nuisible aux nouvelles accouchées, ce qui fait qu'on les
tient soigneusement enfermées, fenêtres et portes closes.
« Les bains chauds, dit Tarnier (*), sont déjà difficilement acceptés par les accouchées et leur entourage, à plus forte
raison les bains froids. »
Nous avons cru faire œuvre utile en essayant decontribuer,
dans la mesure de nos forces, au développement et à la pro¬
pagation d'une thérapeutique, si encourageante par sessuccès,
en même temps si à la portée de l'accoucheur, dans les cas de
danger imminent; thérapeutique à laquelle on ne pense même
pas, la plupart du temps, et qui faisait direà un admirateur de la méthode de Brand, dans le traitement de la fièvre typhoïde,
que «l'Allemagne lui devait un régiment parannée ».
Dans ce but, nous nous permettrons de fréquentes incur¬
sions dans la littératuremédicale, apportant pournotrecompte
trois observations inédites, prises par M. le professeur agrégé Fieux, au service d'isolement de la Maternité de Bordeaux,
et qu'il a eu la généreuse amabilité de mettre à notre dispo¬
sition.
Comme division de notre étude, nous nous sommes inspiré
de celle adoptée dans la thèse de Desternes (2), parce qu'elle
nous a paru très simple :
1° Histoire du bain froid dans la thérapeutique, employé
contre les grandes pyrexies etprincipalement contre la fièvre puerpérale;
2° Aperçu rapide sur l'infection puerpérale et ses formes multiples, en cherchant à préciser celles qui relèvent de ce mode de traitement;
(1) Tarnier. —Bulletinmédical,17janv.1895.
(')Desternes.—Paris, 1894-1895.
— 13 -
3° Les différentes formes des bains froids;
4° Mode d'action des bains froids; leurs contre-indications;
5° Traitement résumé de la septicémie, avec des considéra¬
tions basées surles nombreuses observations que nous aurons
eues sous les yeux, et dont nousciterons quelques exemples à
la fin de notre travail; 6° Observations;
7° Conclusions.
HISTORIQUE DES BAINS FROIDS
La pratique des immersions froides dans un but
thérapeu¬
tique serait en usage chez certains
animaux, s'il faut
encroireMoggridge. «J'ai vu,dit-il, une fourmi en emporter une
autre le long d'une branche, dont la
communauté
seservait
comme d'un viaduc pour arriver à la surface
de l'eau, lui
faire subir une immersion d'une minute, puis la remporter à grand'peine et i'étendre ausoleil pour
qu'elle
seremit (*).
»C'est ainsi que, souvent, nous recevons
de la nature les
enseignements les plus précieux.
Aussi, dès la plus haute
antiquité, l'eau s'est-elle imposée
comme un des premiers éléments
de la thérapeutique
: «Le
fébricitant, dévorépar la soif,
la réclame à grands cris, jusque
dans son délire; c'est lui souvent qui
suggère
aumédecin
l'idée de la lui appliquersoiten
bains, soit
enlotions, quand,
agacé par la chaleur
mordicante de
sonlit, il
sedécouvre
machinalement, cherchant avec
obstination le contact d'un
objet fraispour ses
membres brûlants.
»Déjà autemps d'Hippocrate,
la balnéation apparaît dans le
traitement des fièvres ardentes. Chez les
Romains, Galien la
tient en grand honneur et
signale les bienfaits de la réfrigé¬
ration dans maints passages de ses œuvres.
Les médecins arabes eux-mêmes, quelque temps
plus tard,
Rhazès, Anicenne, n'ignorent pas son
heureuse influence
contre les affections fébriles.
Au moyen âge, c'en est
fait de cette bienfaisante méthode :
« C'estl'époque des
théories, auxquelles les faits doivent céder
P)Bouchinet. —ThèsedeParis,1891,p.19.
- 16 —
la place, et du haut de ces raisonnements, on condamne sans
appel la] médication réfrigérante. C'est Sthal qui montre la fièvre un mal nécessaire; c'est Yan Helmont, qui par un raisonnement spécieux, mais d'allure scientifique, montre l'inanité des efforts de ceux qui, s'attaquant à la chaleur fébrile pour la modérer, croient combattre la cause du mal,
alors que ce n'en est qu'un des effets ('). »
Ce n'est qu'au commencement du siècle dernierque le trai¬
tement par l'eau froide devient réellement une méthode théra¬
peutique. Hahn, de Breslau (1717), traita des typhiques par des lotions froides, en tenant compte de la température et du pouls des fébricitants.
Currie, quelque temps plus tard, est un partisan du trai¬
tement
hydrothérapique,
mais il y voit moins un réfrigérant qu'un excitant, un stimulant des forces organiques.Gianini, de Milan (1805), fut le véritable précurseur de Brand. Il faut, disait-il, refroidir et nourrir le fébricitant;
il donnait le bain froid à 20°, à peu près comme nous l'ordon¬
nons de nos jours.
En France, Béeamier, après quelques tentatives hésitantes,
renonce à l'employer. Trousseau, Chomel, Jaquez, Leroy se prononcent en faveur de cette méthode.
En Allemagne, ce sont Frœlich et Priessnitz.
Enfin, cette méthode encore flottante et incertaine qui épou¬
vante les plus timides, trouve un défenseur résolu. Brand (2) publie ses travaux sur
l'hydrothérapie,
en 1861, dans le trai¬tement de la fièvre typhoïde. « Ce qui me frappe le plus, écrit-il, ce qui a le plus frappé tous les observateurs, c'est l'absence des symptômes typhiques, lorsquele processus mor¬
bide est traité par l'eau froide dès le début, ou leur disparition
s'ils se sont déjà manifestés; d'un autre côté, leur réapparition
aussitôt que
l'hydrothérapie
est suspendue» (3).Par sa ténacité et ses beaux résultats, Brand finit par triom-
(*) Juhel-Renoy.— Traitementde lafièvretyphoïde.Paris,Rueff, 1892.
(2) Brand.—DieHydrothérapiedesTyphus. Stettin,1861.
(3) Brand.— Wienn medizinische Wochensclirift,1872,n°6.
\
— 17 -
plier des préjugés et fit admettre sathéoried'une façongéné¬
rale en Allemagne.
Ce nest qu en '1873 que Glénard (4), de Lyon, démontrala supériorité du bain froid systématique, contre la dothiénen- térie, sur les autres modes de traitement; et, depuis cette époque, les statistiques deshôpitaux lyonnais sont à ce sujet
des plus éloquentes.
Quelque temps après, parurent les travaux remarquables de
MM. Tripier et Bouveret (■).
Paris reste encorefermé au système de la balnéation froide, lorsqu'en 4889 Juhel-Renoy (3) entreprend de vulgariser la méthode, et grâce aux résultats remarquables qu'il obtint, il
trouva quantité d'imitateurs: MM. Chantemesse, Chauffard, Josias, Dieulafoy, etc.
A l'heure actuelle, la réfrigération est devenue en France
aussi communément employée qu'en Allemagne. Réservée
presque uniquement, dès le début, à la dothiénentérie,
elle
a été employée peu à peu dans toutes les grandespyrexies pré¬
sentant des phénomènes d'intoxication
générale, scarlatine,
variole, etc., et partant dans la septicémie
puerpérale, qui est
le type le pluspur de la septicémie
primitive.
Sigault, médecin del'Hôtel-Dieu,enprésence
d'une épidémie
de fièvre puerpérale, traita ses
malades, dès 1874,
pardes
affusions froides. Mais ce n'était là qu'une
médication hési¬
tante et trop incomplète pour donner
des résultats satis¬
faisants.
C'est àPlayfair (3)(1877)que
revient l'honneur d'avoir publié
la première observation du traitement par
l'eau froide dans
les accidents fébriles par suite
de couches. Cette observation
sera citée tout au long à la fin
de
notretravail (Obs. 1), nous
n'en dirons donc ici qu'un mot:
c'est
quele traitement, com¬
mencé à une période
avancée de la maladie, se borna à
C1) Glénard. —Lyon,médical,1873. . , , , . f ■H (2) TripieretBouveret. — La fièvre typhoïde trailee pa)
1888.
(3) Playfair. —'British.med.Journ.,nov.1877.
2
— 18 —
de simples affusions froides et à un enveloppement dans le
drap mouillé, traitement associé à une médication interne, la teinture de
Warbourg
(antipyrétique employé aux Indes) et qui sembla donner les meilleurs résultats.Stolz, en 1881, n'ose pas encore recommander franchement les bains froids dans l'infection puerpérale (1). « Nous avons eu nous-même quelquefois recours au froid sous forme de
drapsmouillés et dans plusieurs circonstances nous en avons
retiré des effets satisfaisants, non seulement comme calmant,
diminuantle météorisme, mais surtout commehyposthénisant
parla diminution de la température et de la fréquence de la circulation.
» Les immersions froides pourraient-elles être employées
avec le même succès que dans la fièvre typhoïde? Nous ne croyons pas que l'essai en ait été fait. C'est un moyen
héroïque, mais trop chanceux, et qui ne pourrait être tenté que dans les cas désespérés. »
En Amérique, Gaillard Thomas(2), en 1883, conseille la réfrigération par l'eau froide pour combattre la fièvre quand
elle devient inquiétante par sa ténacité et sa température
constamment élevée. Après avoir fait unnettoyage del'utérus,
ilest d'avis qu'il faut agir contre la température. Après avoir employé le drap mouillé et les affusions, il conseille l'emploi
d'un tube en caoutchouc, enroulé sur lui-même en forme de coussin, que l'on applique sur l'abdomen de la malade et dans lequel on fait circuler de l'eau glacée.
A la même époque Tanszky (3), dans les casde fièvre intense
et de longue durée, se sert de la lotion froide et du drap mouillé, surlequel on verse de l'eau de temps en temps pour entretenir l'humidité. C'est pour lui un moyen de vaincre non seulement la température, mais encore de faire disparaître
le coma, la céphalalgie et tous les accidents résultant de l'infection et de fhyperthermie.
P) Stolz.—Dict. demédecineetchir.pratiques,art. de laPuerpéralitë,p. 132,
1881.
P) Gaillard Thomas. —New-Yorkmed.Journ., déc. 1883.
(3) Tanszky.— Americ. Journalof the med. se., 1883.
- 19 -
Plus hardi que ses devanciers, il osa employerle bain froid accompagné d'ablutions froides sur la nuque et de frictions
sui les membres. La malade est laissée dans le bain de quinze
a trente minutes suivant les cas5 le bain est réitéré dès que la température s'élève de nouveau; l'enveloppement dans un drap mouillé est employé dans l'intervalle des bains. Le drap
mouillé est employé seul lorsqu'il y a à redouter une syncope
ou que le malade est trop faible.
Schrœder, dans son Traité d'accouchements, reconnaît les
bienfaits du froid dans le traitement de la fièvre puerpérale,
mais il donne la préférence au drap mouillé, considérant les
bains comme d'une application difficile.
De même que Lyon avait été avec Glénard, en 1873, la porte d'entrée du bainfroid en France, dans le traitement de
la fièvre typhoïde, de même Lyon a encore le mérite, dix ans plus tard, de voir ce même traitement mis en honneur avec succès par le professeur Vincent, de la
Maternité, dans les
casde fièvre puerpérale.
Cbabert dans sa thèse
(*) (1883)
rapportevingt-huit observa¬
tions prises pendant une
épidémie très
graved'infection
puerpérale. Les injections utérines et
le sulfate de quinine
furent employées simultanément.
Sur les vingt-huit casde
Chabert, il n'y eut
quetrois morts :
l'une par pyohémie avec
embolie pulmonaire, l'autre par
épuisement chez une maladeà qui
on neput administrer les
bains que le vingtième jour
après le début de l'infection,
c'est-à-dire beaucoup trop
tard
pourqu'ils fussent efficaces.
Quant au troisième cas, il se présenta
dans des conditions
identiques.
Mundé(2) fait simplement
mention du traitement de la fièvre
puerpérale par les
bains froids, il
abeaucoup plus de
confiance dans l'emploi des
antithermiques (antipyrine).
Contrairement à Bunge (3),
qui
versla même époque repioche
(') Chabert.—Thèse deLyon,1884.
O New-York. med.Joum.,9octobre 1886. n . t (3) Arch.furGgnsecolog.,1886.—Samml. klin. Vortz.,
1886,
n°- . •médicalWochens.,1889,n°1.
— 20 —
aux antipyrétiques leur action malfaisante sur l'estomac,
et se fait l'apôtre résolu des bains froids, associés à de fortes
doses d'alcool, les résultats semblent lui avoir donné pleine¬
ment raison, car sur quarante cas il n'a eu que deux décès : le premier par éclampsie, le second par phlegmatia alba
dolens.
Une observation de Skinner(l) que nous reproduirons (Obs. VI), montre une guérison de septicémie puerpérale
parl'application de quelques lotions et de deux bains froids,
dans des conditions extraordinaires derapidité.
En 1888, Tusseau (2) publie uneobservation moins heureuse
comme résultat, la mort survint malgré la quinine et les bains
à 38°. Il est vrai que le traitement local avait été insuffisant,
lamaladen'ayant prisquetrois injections intra-utérines,encore
son état était-il très compromis quand on commença à admi¬
nistrer les bains froids. Voici d'ailleurs ce que pense Macé(3)
de celte observation : « Il nous semble que les bains avaient
été beaucoup trop espacés pour une pareille septicémie.
C'était l'occasion de donner des bains très froids ettrès courts
pendant une période qu'aurait suivie
l'administration ordi¬
naire de la réfrigération lorsque les symptômes nerveux
auraient étémodifiés. »
En 1889, Napier (4) obtint deux guérisons de fièvre
puerpé¬
rale par la quinine et le drap mouillé.
Byers (8), en 1891, signale les bains froids comme moyen
pour abaisser la température dans la septicémie
puerpérale,
mais il ne semble pas en faire grand cas; le principal, pour lui, est de donner à la malade une alimentation réconfortante.
Swiecciki(6), à la même époque, administre les bains
tièdes,
associés à de fortes doses d'alcool.
En 1894, paraissent les observations de Macé (7),
qu'il
0 Skinner.—Progrès médical, 2avril 1887,p.269.
(2) Tosseau.— Lyonmédical, 9 septembre 1888.
(3)Macé.— Gazette des hôpitaux,1891, p. 1370.
(*) Napier.—Prahtitiones,1889,p. 169.
(5) Byers.—Dublin.Journal ofmed. se.,mai1891.
(6) Swiecciki.—Wienn.med. Blaett., 1891,n°15.
C) Macé.—Gazettedes hôpitaux,15décembre1894,n°145.
— 21 —
présente
à la Société obstétricale et gynécologique de Paris (»),
puis une revue
générale dans la Gazette des hôpitaux du
15 décembre 1894.
C'est un partisan
convaincu des bains froids, employés de
bonne heure, dès que les
accidents généraux
necèdent
pasaux antithermiques ordinaires.
Tarnier(2) accepte les
bains froids, mais il reproche à Macé
de n'avoir pas précisé
quelle forme de septicémie puerpérale
relève de cemodede traitement.
En 1895, les thèses
de Voyer (3) et de Desternes (4) sont les
derniers travaux sur le traitement
de la septicémie puerpé¬
rale parles bains
froids.
A cette époque,
Marmorek découvrit le sérum antistrepto-
coccique; depuis, tous
les regards se sont tournés vers la
sérothérapie :
quantité de travaux et d'observations ont été
accumulés sur ce sujet; la
balnéation, totalement oubliée, est
passée au rang
des vieilles pratiques qui ont fini leur temps.
Si bien que, dans une
thèse passée en 1900, que nous avons
eue sous les yeux, thèse
qui s'intitule
:Contribution à Vétude
clinique du
traitement de la septicémie puerpérale (5), il n'en
est même pas fait
mention.
C'est là, il nous
semble,
unsigne manifeste de l'abandon
dans lequel est
tombée la pratique des bains froids dans le cas
qui nous occupe ; essayer
de la remettre en honneur, nous
paraît être non
seulement un acte de juste réhabilitation,
mais encore uneœuvre de la
plus grande utilité.
(1) Bulletins etMémoires de la Société
obstétr. et gynécologique de Paris,
novembre 1894.
(2) Tarnier.—Bulletinmédical,27
janvier 1895.
(3)et(4)Thèses deParis,1894-1895.
(5)Giieorghiu(Nicolas).—Paris,G.
Steinheil, 1900.
PATHOGÉNIE
ET NFORMES DE LA SEPTICÉMIE
»
PUERPÉRALE
Nous ne rappellerons que pour
mémoire les différentes
phases par lesquelles est
passée l'histoire de la pathogénie
des infections puerpérales.
Depuis IJippocrate
jusqu'à la fin du xvne siècle, on incrimi¬
nait comme cause de la fièvre puerpérale la
suppression des
lochies: l'effetétaitpris pour la cause.
Au xvme siècle, Puzos(1),
Van Swieten(2) et d'autres, remar¬
quant la
diminution de la sécrétion lactée pendant l'état
d'infection puerpérale, en
firent la fièvre lactée, c'est-à-dire
le passage dulait
dans le
sanget
parlui dans tout l'organisme
(lochies
laiteuses).
A la fin du xviue siècle paraît
la théorie anatomique: la
lésion primitive est
placée dans le péritoine, qui deviendra le
foyer d'infection
de l'organisme; puis, comme l'on a trouvé
de l'inflammation et du pus dans
les veines utérines, ce sont
elles qui sont
incriminées.
Tonnelé, en 4830, remarque
les lésions des lymphatiques et
fait jouer un rôle
important à la lymphangite. A côté d'eux,
les essentialistesPaul Dubois et
Depaul prétendent qu'un état
général
particulier préexiste à toute altération locale.
Enfin, en1858, Trousseau
entrevoit la vérité en comparant
les accidents infectieux de la
puerpéralité à ceux de la
chirurgie.
Pasteur, en 1879,
parvient à isoler le microbe. Les travaux
(1) Puzos.—Traitéd'accouchements.Paris,
1742.
(2) VanSwieten. —Comment,inaphor.de
curatione morborum. Leyde, i/42.
de Doléris(1), Ghauveau, Arloing, viennent démontrer que cet agent d'infection est le streptocoque. Widal (2), reprenant les
travaux de Pasteur et de Doléris, prétend que « l'infection puerpérale commune est produite par le streptococcus pyo-
genes pénétrant au niveau de la muqueuse utérine ulcérée. »
Depuis, de nombreux travaux sont venus prouver que l'in¬
fection était le plus souvent polymicrcbienne; c'est ainsi qu'on
a pu isolerle staphylocoque, le bacterium coli.
C'est la présence de ces microbes et de leurs toxines dans
l'organisme qui va provoquer, selon leur nature et leur viru¬
lence, selon le milieu plus ou moins propice à leur développe¬
ment, les différentes formes de l'infection puerpérale que
nous allons rapidement passer en revue, en précisant celles qui nous paraissent susceptibles d'être traitées par les bains froids.
Les infections puerpérales sont si variables dans leurs
symptômes, leur localisation et leur pronostic qu'on a pu en décrire un grand nombre de formes et qu'ona été amené à les ranger dans deux grandes classes.
1° Infections
localisées,
avec lésions limitées à l'appareil génital.2° Infectiongénéralisée, c'est-à-dire se traduisantà distance.
La première classe de ces infections, dont les principales manifestations sont l'endométrite, la salpingite, la périmétro- salpingite,lephlegmon du ligament large, la cellulite pelvienne diffuse, nous parait réclamer un traitement purement local et relever directement du domaine de la chirurgie; aussi n'insis¬
terons-nous pas davantage.
L'infection généralisée comprend elle-même deux ordres de faits :
1° Ceux dans lesquels, malgré unelocalisationprédominante
de l'infection au niveau des organes génitaux, il existe des signes manifestes d'infection de tout l'organisme.
0 Doléris.— La fièvre puerpérale et les organismes inférieurs, thèse de Paris,1889.
(2)Widal. —Étude sur l'infection puerpérale, la phlegmatia alba dolens et l'érésypèle,thèse deParis,1889.
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2° Ceux, plus graves, dans lesquels, sans lésions en appa¬
rence graves de 1 utérus ou de ses annexes, l'infection se
généralise rapidement.
Péritonite généralisée, pyohémie et septicémie puerpérale
sontles trois formes de la grande infection après avortement
ou accouchement; il en est une quatrième, beaucoup moins
grave, c'est la phlegmatia alba dolens, qui est une manifesta¬
tion plus ou moins éloignée de l'infection génitaleetdontnous
parlerons àpropos des contre-indications des bains froids.
Péritonite puerpérale généralisée.
Quelquefois, consécutive auxinfections
localisées à l'utérus
ou à ses annexes, elle peut être aussi primitive.
Elle débute
brusquement, de deux àquatrejoursaprès l'accouchement,
parunfrisson unique très violent etpar
de la douleur. Ce frisson
dure trente à quarante minutes; la
douleur, très vive,
occupetout le ventre. La malade est dans une attitude particulière, immobile, dans le décubitus
dorsal, les cuisses fléchies et la
tête relevée,afin de relâcher les
muscles de l'abdomen, qui est
ballonné. La face est pâle, les yeux
excavés, la voix cassée.
Les vomissements,très abondants et
d'abord
muqueux,devien¬
nent fécaloïdes. La température atteint
39° à 40°. Le pouls,
filiforme, se tient entre
120
et130; à la constipation du début
fait suite une diarrhée abondante trèsfétide.
« La péritonite
puerpérale, dit Tarnier, est la forme la plus
grave de l'infection
puerpérale. Mais,
aupoint de vue du
pronostic et au point devue
de l'efficacité du traitement, il y a
lieu de bien distinguer la forme
suraiguë de la péritonite qui
débute peu de temps
après l'accouchement, et dans laquelle
les phénomènes généraux
sont
aumoins aussi importants
que les symptômes
péritoniques, de la forme à marche aiguë,
mais plus ou moins
lente, qui s'aggrave progressivement et
dans laquelle il sembleque
l'état général soit sous la dépen¬
dance directe de l'inflammation
abdominale.
»Pyohémie puerpérale.
La pyohémiedébute, de trois à dix jours après l'accouche¬
ment, par un frisson violent qui dure une heure environ, puis
latempérature retombe à 38° ou à la normale; l'état général
est encore bon pendant un ou deux jours, puis survient un nouveau frisson avec chute brusque de la température; d'autresaccès surviennentséparéspardespériodes d'apyrexie: c'est donc au début «une espèce de fièvre intermittente avec
frissons multiples, généralement intenses». Bientôt survient
un état fébrile continu, quines'explique par aucunelésion, du
côté de l'appareil génital; pas de ballonnement du ventre, pas de douleur au niveau de l'utérus et de ses annexes. L'état
général est cependant mauvais : la femme maigrit, la langue
est sèche, la soif vive, l'inappétence absolue, l'urine rare et
albumineuse; une diarrhée abondante épuise la malade, puis apparaissent les phénomènes métastatiques; les agents infec¬
tieux charriés par le sang se fixent en certains points de l'organisme pour donner naissance à des foyers purulents. On
voit se former des abcès articulaires, puis viennent les mani¬
festations cutanées(éruptions miliaires, scarlatiniformes, etc.).
C'est surtout l'appareil circulatoire qui est frappé: phlébite, endocardite, myocardite, péricardite peuvent se présenter.
Du côté du poumon, des embolies microbiennes provoquent
tantôt des abcès miliaires disséminés, tantôt de vastes foyers purulents.
Les lésions du poumon peuvent retentir sur la plèvre et déterminer une pleurésie purulente de voisinage; quelquefois
la plèvre est la première envahie.
Lefoie, la rate,le rein, peuventprésenter des abcès miliaires
ou de véritables foyers purulents.
Nous ne décrirons pas toutes les autres localisations qui se
produisent plus ou moins tardivement et qui peuvent se
présenter surpresque tout l'organisme.
Suivant l'intensité des phénomènes infectieux ou la résis-
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tance que leur oppose l'organisme, ou plutôt suivant la
virulence du microbe, la pyohémie évolue plus ou moins rapidement.
De là, ladistinction des formes, qui présentent une marche plus ou moins accélérée, bien que ne différant guère parleurs symptômes.
A côté de la forme que nous venons de décrire et qui rappelle assez celle de la dothiénentérie, d'où son nom
de
forme typhoïde, on a décrit la forme dite foudroyante et
la
forme lente.
Dans la forme foudroyante, qui survient presque
aussitôt
l'accouchement, les localisations n'ont pourainsi dire
pasle
temps de se faire; ce sont les phénomènes
généraux qui
dominent la scène.
La forme lenten'apparaît, au contraire, que
plusieurs jours
après l'accouchement; elle évolue
insidieusement et dure deux
outrois mois. Les microbes se localisent dans quelques foyers purulents, et on ne les retrouvepas
ailleurs.
Septicémie puerpérale.
La septicémie et la
pyohémie puerpérales
nesont, comme
l'a dit Siredey, que des
degrés d'une même altération. Elles
diffèrent en ce que, dans la
première, les accidents sont si
rapides qu'il se
produit brusquement
unesorte d'intoxication
suraiguë et que les
lésions locales n'ont pas le temps de
s'établir comme dans laseconde.
Les recherches de Widal ont
démontré l'existence du
streptocoque dans
les capillaires des divers parenchymes, bien
qu'àl'autopsie onne trouve aucune
lésion.
C'est donc toujours le même
agent infectieux qui préside à
ces deux manifestationsde la
septicémie.
Dans tous les cas, ce qui est
constant, c'est un état fébrile
qui persiste,
accusant ainsi
uneprofonde altération de tout
l'organisme.
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INDICATION DES BAINS FROIDS
DANS LA
SEPTICÉMIE PUERPÉRALE
L'infection puerpérale, due à des microorganismes spé¬
ciaux, au streptocoque en particulier, se fait le plus souvent
par la plaie utérine consécutive à l'accouchement. Suivant le
nombre des agents pathogènes,,suivant leur virulence, suivant
le terrain plus ou moins favorable qu'ils viennent
envahir,
setrouvent réalisées les formes de l'infection puerpérale;
formes localisées, suivant l'état de plus ou
moins grande
résistance de tel organe ; formes
généralisées à marche sévère
et quelquefois foudroyante,
quand l'organisme tout entier est
envahi par les microbes ou leurs
toxines. On
setrouve, dans
ce dernier cas, en présence de cet
état typhoïde
propre aux grandes toxi-infections, avec soncortège de symptômes
hyperthermiques,
ataxo-advnamiques.
Le bain froid, médication
antithermique et dynamogène par
excellence, s'imposait auchoix des praticiens dans le traite¬
ment de cette sorte d'infection, et ils en ont
tiré le plus grand
profit.
Dans les formes frustes, atténuées,
de l'infection puerpé¬
rale, et dont la tendance
spontanée est la guérison, il n'y a
point lieu de songer à
l'emploi du bain froid.
Dans les formes localisées, quelle que
soit l'intensité des
phénomènes généraux,
c'est localement qu'il faut tout d abord
agir.
Mais si au contraire, sans
localisation bien nette, ou après
échec du traitement local,
l'hyperthermie est considérable, le
pouls irrégulier, petit, rapide, la torpeur très marquée, c'est- à-dire toutes les fois qu'on est en présence des symptômes
graves de la septicémie puerpérale, c'est contre l'état général qu'il faut agir.
Parmi les formes à localisation, il en estdeux: la péritonite
et la phlegmatia alba dolens pour qui l'application des bains froids est discutée bien que présentant des phénomènes généraux.
En un mot, toutes les fois que les phénomènes généraux
dominent la scène, on n'a pas à hésiter. Le diagnostic posé,
on est en droit d'instituer les bains froids selon la méthode que l'on aura choisie.
DES
DIFFÉRENTES MÉTHODES
DE
RÉFRIGÉRATION
Comme nous l'avons vu, l'application de la réfrigération
par l'eau froide pour lutter contre l'élévation de la tempé¬
rature dans les différentes maladies est une pratique des plus anciennes. Aussi, les opinions émises ont-elles été nom¬
breuses, tant sur l'opportunité de l'eau froide dans ces cas, que sur les moyens de l'employer. Bien que l'objet de notre
travail soit le bain froid, nous avons cru indispensable de
passer en revue les autres théories, d'en retenir les faits et
d'en tirer des conclusions utiles; d'autant plus que le bain
froid trouvera souvent, comme nous le verrons, un adjuvant précieux dans les autres modesde réfrigération, et quelquefois
mêmeleur cédera la place lorsque son application
deviendra
dangereuse ouimpossible.D'une façon générale, on peut
diviser les modes de réfri¬
gération en deux grandes catégories,
selon
quela réfrigération
porte sur tout le corps ou sur une
partie seulement de l'in¬
dividu, en remarquant cependant que
les deux méthodes sont
basées surun principe identique.
Réfrigération partielle.
La réfrigération
partielle comprend elle-même deux mé¬
thodes: la lotion et la serviettemouillée.
a) Lotionfroide ou
tiède.
—La malade, complètement nue,
est couchée sur le dos; on lui passe