572 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 11 - décembre 2016
DOSSIER
Actualités à l’ESMO 2016
C. Pagès
Actualités en oncodermatologie
Oncodermatology at ESMO 2016
C. Pagès*, C. Lebbé*
*Centre d’oncodermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
L’
oncodermatologie connaît un véritable essor avec le développement incessant de nouvelles armes dans la prise en charge du mélanome, notamment.Dans le contexte adjuvant pour les mélanomes à haut risque de récidive, l’immunothérapie fait l’actua lité avec la présentation des résultats de l’essai de phase III d’ipilimumab en adjuvant. Au total, 951 patients atteints d’un mélanome de stade III réséqué ont été randomisés en 2 bras de traitement : ipilimumab à la posologie de 10 mg/ kg (en 4 perfusions espacées de 3 semaines, suivies d’une perfusion tous les 3 mois pendant 3 ans) versus placebo. Avec un suivi médian de 5,3 ans, le taux de survie sans récidive à 5 ans était de 40,8 % dans le bras ipilimumab, versus 30,3 % dans le groupe placebo (HR = 0,76 ; IC95 : 0,64-0,89 ; p < 0,001) ; surtout l’essai est positif en termes de survie globale, avec un taux de survie à 5 ans de 65,4 % pour le groupe ipilimumab versus 54,4 % pour le placebo (HR = 0,72 ; IC95 : 0,58-0,88 ; p = 0,001).
Ces résultats spectaculaires (diminution de 28 % du risque de décès) s’accompagnent d’une toxicité non négligeable, avec 41,6 % d’effets indésirables de grade 3-4 pour le bras ipilimumab et 5 cas de décès par toxicité immuno-médiée dans ce groupe.
Depuis 2011, 8 agents ont obtenu l’autorisation de mise sur le marché pour le traitement du mélanome métastatique, dont des molécules d’immuno thérapie, représentant une révolution de concept pour cette pathologie. L’ipilimumab a été la première molécule à montrer une amélioration de la survie globale dans ce contexte et est actuellement autorisé sur le schéma de 4 perfusions espacées de 3 semaines à 3 mg/kg ; cependant, la question de la dose optimale reste encore débattue, et les résultats de l’essai de phase III comparant l’ipilimumab à 3 versus 10 mg/ kg chez des patients naïfs de traitement ont été présentés cette année. Comme attendu après les résultats de phase II d’escalade de dose, les résultats de survie globale sont en faveur de l’ipilimumab à 10 mg/ kg, avec des médianes de 15,7 versus 11,5 mois (HR = 0,84 ; IC95 : 0,70-0,99 ; p = 0,04). Cette plus grande effica cité s’est aussi accompagnée d’une toxicité plus impor- tante puisque 34 % d’effets indésirables de grade 3 à 5 ont été rapportés pour l’ipilimumab 10 mg/kg (dont 4 décès essentiellement par toxicité digestive immuno- médiée) versus 19 % pour l’ipilimumab 3 mg/kg.
L’ipili mumab n’est cependant plus indiqué aujourd’hui comme l’immuno thérapie en monothérapie de première ligne dans le mélanome métastatique depuis les résultats de l’étude CheckMate-067 montrant
une supériorité en termes de survie sans progression et de taux de réponse de l’association nivolumab + ipilimumab comparativement à l’ipilimumab seul.
Cette combinaison est aussi testée en néo-adjuvant (essai OpACIN) pour les mélanomes de stade III de l’AJCC (American Joint Committee on Cancer) avec atteinte ganglionnaire palpable : 10 patients ont reçu 2 cycles d’ipilimumab (3 mg/kg) + nivolumab (1 mg/ kg) en préopératoire ; tous étaient ensuite opérés sans complication chirurgicale notable et avec une efficacité non négligeable de “stérilisation tumorale” puisque aucune cellule tumorale n’était retrouvée histologiquement pour 3 de ces 10 patients ; les toxicités sévères de grade 3-4, en revanche, ont été beaucoup plus fréquentes comparativement aux essais d’association dans le mélanome métastatique.
Pour les thérapies ciblées, l’actualisation des données de survie globale de l’essai COMBI-v, comparant, en première ligne, dabrafénib + tramétinib au vémura- fénib seul a confirmé la supériorité de l’association, avec une médiane de survie globale de 26,1 mois (IC95 : 22,6-35,1) versus 17,8 mois (IC95 : 15,6-20,7) pour le vémurafénib seul ; 19 % des patients sous dabrafénib + tramétinib étaient en réponse compète avec un suivi médian de 39,6 mois, et le taux de survie à 3 ans était de 45 versus 31 % avec un béné- fice plus net pour les patients à taux de LDH normal et un nombre de sites métastatiques inférieur à 3 ; le profil de toxicité était celui habituellement décrit sous thérapies ciblées.
Pour les mélanomes métastatiques NRAS muté, les données de l’essai ouvert de phase II comparant le pimasertib (inhibiteur de MEK) à la dacarbazine étaient attendues. Il s’agit d’un essai positif en termes de survie sans progression pour le bras pimasertib : 13,0 versus 6,9 semaines (HR = 0,59 ; IC95 : 0,42-0,83 ; p = 0,0022) avec un profil de tolérance en accord avec celui, déjà connu, de cette classe pharmacologique.
Il n’y avait pas de différence en survie globale du fait, comme souligné par les auteurs, du schéma de l’étude autorisant un cross over entre les 2 bras.
Les essais d’association d’immunothérapie feront l’actu alité de demain dans le mélanome métastatique (stratégie de double inhibition de checkpoints immu- nitaires ou d’association d’anticorps anti-PD-1 avec agents en intralésionnel visant à rendre la tumeur plus immunogène). Les combinaisons se joueront aussi entre l’immunothérapie et les thérapies ciblées, comme le montrent les résultats prometteurs de la phase I d’association vémurafénib + cobimétinib + atézolizumab (anticorps anti-PD-L1). ■ C. Pagès déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
C. Lebbé n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.
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