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Complications oculaires des chimiothérapies et des thérapies ciblées

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Academic year: 2022

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482 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVI - n° 10 - novembre 2017

DOSSIER

Onco-ophtalmologie

Complications oculaires des chimiothérapies

et des thérapies ciblées

Ocular side effects of chemotherapy and targeted therapies

L. Lumbroso-Le Rouic*

* Service d’oncologie oculaire, institut Curie, Paris.

L

es chimiothérapies cytotoxiques “classiques” sont connues pour entraîner différentes complications oculaires. Le plus souvent minimes et sans reten- tissement sur la vision, elles peuvent néanmoins, plus rarement, avoir de graves complications et, éven- tuellement, aboutir à une perte de vision (à la suite d’une neuropathie optique, par exemple). Les thérapies ciblées, apparues plus récemment, plus spécifiques que les cytotoxiques classiques, sont censées induire moins de toxicités. Cependant, leur utilisation s’élargissant, leurs effets indésirables oculaires – initialement peu fréquents (ou rarement décrits) – sont maintenant mieux identifiés, et la fréquence de leur toxicité oculaire se révèle finalement non négligeable (1, 2).

Toxicité oculaire des anticancéreux

Chimiothérapie cytotoxique classique Les complications le plus souvent décrites sont des conjonctivites ainsi que des complications neuro- rétiniennes, dépendantes de la dose. Chaque classe médicamenteuse présente une toxicité ophtalmo- logique spécifique.

Alkylants

Les nitrosurées peuvent entraîner une vision “floue”

ou des cataractes. Les sels de platine (cisplatine et carboplatine) induisent une toxicité neurologique.

Au niveau de la sphère oculaire, la toxicité est neuro- rétinienne, tout particulièrement avec le cisplatine.

Une altération de la vision des couleurs est possible, et persiste parfois même plusieurs mois après l’arrêt, alors que des cas de neuropathies optiques, d’œdèmes papillaires et d’anomalies de l’épithélium pigmentaire rétinien peuvent survenir.

Le cyclophosphamide, quant à lui, entraîne très fréquemment (chez près de 50 % des patients) un syndrome sec, mais aussi des “conjonctivites”

pouvant également correspondre à une irritation conjonctivale chronique liée au syndrome sec.

Antimétabolites

Près de 25 % des patients traités par méthotrexate, surtout lorsque celui-ci est délivré à fortes doses, présentent des manifestations oculaires. S’il s’agit le plus souvent de conjonctivites ou d’œdèmes péri- oculaires, transitoires, des complications plus graves, comme des neuropathies optiques, ont également été décrites.

Le 5-FU peut entraîner des atteintes de la surface oculaire à type de kératite ou de conjonctivite, qui disparaissent rapidement à l’arrêt du médicament.

Il est également responsable de sténoses et d’ectro- pions du point lacrymal.

Les antipyrimidiques, tels que la capécitabine, peuvent provoquer des œdèmes papillaires résolu- tifs à l’arrêt du médicament.

Alcaloïdes de la pervenche

Cette classe de médicaments présente une toxicité essentiellement neurologique. Les principales mani- festations oculaires consistent en des troubles oculo- moteurs, souvent régressifs en quelques semaines à l’arrêt du traitement ; toutefois, des symptômes persistent malgré l’arrêt de la molécule chez près de 25 % des patients. Des neuropathies optiques et des cécités corticales sont aussi retrouvées. La toxicité dépend de la dose et augmente en cas d’insuffisance hépatique.

Inhibiteurs du protéasome

Les anthracyclines peuvent provoquer un larmoie- ment ou des conjonctivites.

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVI - n° 10 - novembre 2017 | 483

Points forts

Hormonothérapie

Le tamoxifène est la molécule la plus anciennement utilisée. Des rétinopathies cristallines sévères avec œdème maculaire ont été décrites initialement, surtout lorsque les doses cumulées administrées étaient importantes. Actuellement, les doses pres- crites étant bien moindres, ces effets indésirables rétiniens ne sont plus observés. En revanche, une augmentation des cataractes a été décrite chez les femmes traitées (3, 4).

Les hormonothérapies plus récentes entraînent essentiellement des troubles de la surface oculaire, en particulier des syndromes secs (5).

Thérapies ciblées

Ces médicaments récents ont modifié la prise en charge et le pronostic de nombreux cancers. De plus en plus de patients en bénéficient, et les effets indé- sirables oculaires, initialement très rarement décrits, sont de mieux en mieux connus.

Le géfitinib, un inhibiteur de l’EGFR, et les anti- corps monoclonaux, comme le cétuximab, peuvent entraîner une hypertrichose ciliaire ou des atteintes de la surface oculaire avec des kératites.

Près de 20 % des patients traités par inhibiteur de BCR-ABL ou de c-KIT – notamment l’ imatinib – développent un œdème périoculaire transitoire ainsi qu’un larmoiement (6).

En ce qui concerne les inhibiteurs du VEGF, la toxicité oculaire, après administration par voie générale, peut inclure des rétinopathies hypertensives ou des occlusions vasculaires.

Les inhibiteurs de la MEK peuvent entraîner des complications oculaires, assez fréquentes, à type de conjonctivite et d’uvéite, ainsi que, parfois, des atteintes de l’épithélium pigmenté rétinien (décol- lements de l’épithélium pigmentaire, décollements séreux rétiniens multiples) [1, 2] (figure).

Près de 50 % des patients traités par un inhibiteur de PD-1, tel que le pembrolizumab, présentent de nombreux effets indésirables, qui régressent à l’arrêt du traitement. Des formes d’uvéite très sévère avec hypotonie ont été décrites. Chez d’autres patients, des cicatrices choriorétiniennes pourraient corres- pondre à des séquelles de lésions toxiques résolues spontanément et passées inaperçues (7).

Conduite à tenir devant un patient sous traitement anticancéreux et ayant

une symptomatologie oculaire

L’apparition d’une manifestation ophtalmologique dans un contexte de cancer parfois métastatique peut être liée à la maladie elle-même mais peut également être due à un effet indésirable d’un des traitements reçus. Il est en revanche souvent difficile d’attribuer l’origine d’un trouble à un médicament en particulier.

En cas d’apparition d’une manifestation oculaire, la prise en charge dépendra de la gravité des lésions et de l’éventuelle menace pour la vision. Un traitement symptomatique peut suffire pour les atteintes les plus modérées ; la question de l’arrêt du traitement anticancéreux devra être posée en cas de retentisse- ment fonctionnel menaçant.

» Les médicaments anticancéreux peuvent induire des complications oculaires allant des plus bénignes – comme un syndrome sec – à des atteintes de la rétine ou du nerf optique qui peuvent mettre en jeu le pronostic visuel.

» Les molécules de chimiothérapie cytotoxique classiques ont une toxicité bien connue, mais l’appari- tion des thérapies ciblées a mis en évidence d’autres types de troubles oculaires, comme les atteintes de l’épithélium pigmentaire rétinien, pour les anti-MEK, ou les uvéites, pour les anti-PD-1.

» En cas d’apparition d’un trouble visuel chez un patient en cours de traitement, il faut éliminer la possi- bilité d’une urgence vitale, telle que l’hypertension intracrânienne en cas d’œdème papillaire.

» Le lien de causalité et la nécessité éventuelle de l’arrêt d’un médicament anticancéreux mis en cause dans la pathologie oculaire sont à discuter en concertation avec l’ophtalmologiste et en fonction de la menace qui pèse sur la vision.

Mots-clés

Chimiothérapie Effets indésirables Œil

Thérapies ciblées Toxicité

Highlights

»Anticancer drugs may have ocular toxicities, some of them are benign, such as dry eye, but in other cases retinal or optic nerve lesions can impact on the visual prognosis.

»Classical cytotoxic drugs have now a well-known toxi- city, but the more recent use of target therapies has shown other ocular toxicities such as retinal pigment epithelium alterations for the anti-MEK or anti-PD-1.

»The appearance of a visual trouble in a patient treated with an anticancer drug must exclude an emergency such as intracranial hypertension in case of optic nerve edema.

»The causality of a drug in the appearance of an ocular lesion must be discussed and the drug eventually stopped if the vision is threatened.

Keywords

Chemotherapy Targeted therapies Eye

Side effects Toxicity

Figure. Aspect, en OCT, de décollement de l’épithélium pigmenté chez un patient traité par anti-MEK.

250 µm

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484 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVI - n° 10 - novembre 2017

Complications oculaires des chimiothérapies et des thérapies ciblées

DOSSIER

Onco-ophtalmologie

En pratique quotidienne, il convient donc de déter- miner le type de gêne dont souffre le patient. Si la symptomatologie semble bénigne (irritation oculaire très modérée sans retentissement visuel), une simple surveillance peut suffire. En revanche, en cas de troubles visuels ou de manifestations douloureuses, un avis ophtalmologique est nécessaire pour déter- miner exactement de quel type de lésion le patient est atteint et pour adapter le traitement local, voire général, en concertation avec l’ophtalmologiste.

Le plus souvent, la plupart des complications sont minimes ou modérées et concernent la surface oculaire : irritations conjonctivales et syndromes secs pouvant aller jusqu’à une kératite. Dans ces cas bénins, un traitement symptomatique (larmes artificielles) est indiqué.

Devant une baisse visuelle, un avis ophtalmologique est nécessaire et urgent. En cas d’œdème papillaire bilatéral ou de trouble oculomoteur, il faut éliminer la possibilité d’une hypertension intracrânienne au moyen d’une imagerie cérébrale, réalisée en urgence, par IRM ou, à défaut, par scanner.

Si le bilan oculaire révèle des lésions rétiniennes et ou choroïdiennes, l’aspect clinique, parfois

complété par une imagerie rétinienne, permet d’exclure le caractère métastatique. Dans ces 2 cas, la menace visuelle est réelle, la nature iatrogène des troubles devra être envisagée, ainsi que, le cas échéant, la nécessité de l’arrêt du médicament auquel sont imputés les troubles.

La responsabilité d’un médicament anticancéreux dans une pathologie oculaire doit être soupçonnée en fonction des molécules reçues par le patient et des toxicités oculaires rencontrées le plus fréquemment (tableaux I et II). Il ne faut cependant pas oublier que certains effets indésirables peuvent être rares, voire exceptionnels, et l’origine médicamenteuse d’un trouble oculaire doit être systématiquement évoquée, tout particulièrement en cas d’adminis- tration de molécules récentes, voire prises dans le cadre de protocoles d’études.

En cas de toxicité oculaire avérée d’une molécule anticancéreuse, la poursuite ou l’arrêt de celle-ci seront envisagés en fonction de la gravité des effets indésirables, mais aussi du bénéfice attendu du médi- cament mis en cause. Ces discussions se font toujours de façon pluridisciplinaire, en étroite collaboration entre oncologue et ophtalmologiste. ■ L. Lumbroso-Le Rouic déclare

ne pas avoir de liens d’intérêts.

Tableau II. Complications oculaires des chimiothérapies.

Symptôme Médicaments

Cataracte Corticoïdes

Busulfan Tamoxifène

Neuropathie Cisplatine

Méthotrexate Vincristine

Cytarabine en intrathécal 5-FU

Fludarabine Paclitaxel Tamoxifène (?) Paralysie oculomotrice Vincristine

Alcaloïdes Fludarabine 5-FU (rare)

Rétinophatie Cisplatine Tamoxifène Interféron Thérapies ciblées Uvéite nécrosante Cisplatine

Vincristine Tableau I.Complications oculaires des chimiothérapies.

Symptômes Médicaments

Conjonctivites Cyclophosphamide 5-FU

Méthotrexate Cytarabine Docétaxel Thérapies ciblées Doxorubicine Larmoiement 5-FU (sténose du méat)

Anthracyclines Anticorps monoclonaux Thérapies ciblées Syndrome sec

Kératite Méthotrexate

Cyclophosphamide Chlorambucil 5-FU

Thérapies ciblées Uvéite nécrosante Méchlorétamine

Bisphosphonates Vision “floue” Busulfan

Cyclophosphamide 5-FU

Thérapies ciblées

Références bibliographiques

1. Renouf DJ, Velazquez-Martin JP, Simpson R, Siu LL, Bedard PL.

Ocular toxicity of targeted t h e r a p i e s . J C l i n O n c o l 2012;30(26):3277-86.

2. Huillard O, Bakalian S, Levy C et al. Ocular adverse events of molecularly targeted agents approved in solid tumours: a systematic review. Eur J Cancer 2014;50(3):638-48.

3. Parkkari M, Paakkala AM, Sal- minen L, Holli K; Finnish Breast Cancer Group. Ocular side-ef- fects in breast cancer patients treated with tamoxifen and tore- mifene: a randomized follow-up study. Acta Ophthalmol Scand 2003;81(5):495-9.

4. Eisner A, Luoh SW. Breast cancer medications and vision:

effects of treatments for early- stage disease. Curr Eye Res 2011;36(10):867-85.

5. Turaka K, Nottage JM, Hammersmith KM, Nagra PK, Rapuano CJ. Dry eye syn- drome in aromatase inhibitor users. Clin Exp Ophthalmol 2013;41(3):239-43.

6. Ho WL, Wong H, Yau T. The ophthalmological complications of targeted agents in cancer therapy: what do we need to know as ophthalmologists? Acta Ophthalmol 2013;91(7):604-9.

7. Linardou H, Gogas H. Toxicity management of immunotherapy for patients with metastatic melanoma. Ann Transl Med 2016;4(14):272.

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Références

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