Limites de suites
1. Définitions
a) Approche historique et intuitive
Le concept de limite a mis du temps à émerger en mathématiques. d’Alembert écrit en 1751 dans l’Encyclopédie : « A proprement parler, la limite ne coïncide jamais, ou ne devient jamais égale à la quantité dont elle est la limite; mais celle - ci s'en approche toujours de plus en plus, & peut en différer aussi peu qu'on voudra »
Les éléments importants y sont : une quantité variable s’approche de sa limite, et peut en différer aussi peu qu’on voudra.
C’est Weierstrass qui donnera une définition rigoureuse de la limite, en 1861 b) Suite tendant vers une limite finie
On dit qu’une suite ( ) tend vers la limite si tout intervalle ouvert
] − ; + [ (aussi petit soit-il) contient tous les termes de la suite ( ) à partir d’un certain rang
Deux remarques :
Cette définition est difficile à comprendre et à mettre en œuvre, on s’en servira essentiellement pour démontrer des théorèmes
Le « certain rang » est un entier tel que, si ≥ ∶ − < < + . J’ai mis un en indice parce que dépende de
c) Suite tendant vers l’infini
On dit qu’une suite ( ) tend vers +∞ si tout intervalle [ ; +∞[ contient tous les termes de la suite ( ) à partir d’un certain rang
On a une définition analogue pour une suite qui tend vers −∞
On peut faire les mêmes remarques qu’au b)
Attention : ce n’est pas la même chose que non bornée. Toute suite qui tend vers +∞ n’est pas majorée, mais une suite peut ne pas être majorée et ne pas tendre vers +∞
d) Définition : suite convergente
On dit qu’une suite est convergente si elle admet une limite finie
Si elle admet une limite infinie ou pas de limite, on dit qu’elle est divergente
2. Opérations avec les limites (finies ou infinies)
a) L’infini n’est pas un nombre
C’est le fait pour une quantité variable, de pouvoir devenir arbitrairement grande, de pouvoir dépasser n’importe quelle borne finie. En particulier, on ne peut pas faire des opérations rigoureuses avec les infinis. Ainsi, dans tout ce qui suit, il faut prendre les opérations comme des opérations sur les suites, et non des
opérations sur les limites
b) Sommes
Somme de deux limites finies :
Si ( ) tend vers une limite finie et ( ) vers une limite finie ′, alors ( + ) tend vers
Somme d’une limite finie et d’une limite infinie :
Si ( ) tend vers une limite finie et ( ) vers une limite infinie +∞ ou −∞, alors ( + ) tend vers
Somme de deux limites infinies égales :
Si ( ) et ( ) tendent vers +∞, alors ( + ) tend vers Si ( ) et ( ) tendent vers −∞, alors ( + ) tend vers Somme de deux limites infinies opposées :
Si ( ) tend vers −∞ et ( ) vers −∞, alors En résumé :
+∞ + = +∞, −∞ + = −∞, +∞ + ∞ = +∞, −∞ − ∞ = −∞
+∞ − ∞ est indéterminé
c) Produits
Produit de deux limites finies
Si ( ) tend vers une limite finie et ( ) vers une limite finie ′, alors ( × ) tend vers
Produit de deux limites infinies
Si ( ) et ( ) tendent chacune vers une limite infinie, alors ( × ) Produit d’une limite infinie et d’une limite finie non nulle
Si ( ) tend vers une limite finie ≠ et ( ) vers une limite infinie, alors ( × ) tend vers
Produit d’une limite infinie et d’une limite nulle
Si ( ) tend vers 0 et ( ) vers une limite infinie, alors En résumé :
∞ × ∞ = ∞∞ × = ∞, ≠ 0, avec la règle des signes
∞ × 0 est indéterminé
d) Inverses
Inverse d’une limite finie non nulle
Si ( ) tend vers une limite finie ≠ , alors tend vers Inverse d’une limite infinie
Si ( ) tend vers l’infini, alors tend vers Inverse d’une limite nulle
Si ( ) tend vers 0 sans changer de signe, alors tend vers Si ( ) tend vers 0 et que son signe n’est pas fixe, alors En résumé :
= 0, = ∞ avec la règle des signes si elle s’applique
e) Quotients
Le quotient, c’est le produit par l’inverse. On combine le c) et le d) pour obtenir = 0, = ∞ avec la règle des signes
et sont indéterminés
f) Que faire en cas de forme indéterminée ? Il faut traiter chaque cas selon ses mérites
La méthode principale : on met en facteur le meilleur infini (au numérateur et au dénominateur) et on simplifie
On peut aussi essayer d’utiliser les théorèmes
3. Théorèmes de convergence
a) Suite croissante et non majorée
Toute suite croissante et non majorée tend vers +∞
Preuve (ROC) :
Soit ( ) une suite croissante et non majorée.
Soit un réel (aussi grand soit-il)
Comme la suite ( ) n’est pas majorée, n’est pas un majorant.
Ainsi, au moins un des termes de la suite est supérieur à Mais comme la suite est croissante, si ≥ , ≥ ≥
Ainsi l’intervalle [ ; +∞[ contient effectivement tous les termes de la suite à partir d’un certain rang
Comme est quelconque, la suite ( ) tend vers +∞
b) Unicité de la limite
Si une suite admet une limite, celle-ci est unique Preuve (pas ROC):
Supposons qu’il existe deux limites, ,
Considérons alors plus petit que la moitié de l’écart entre et (par exemple égal au quart de cet écart)
Alors les intervalles ] − ; + [ et ] − ; + [ n’ont aucun élément commun
Pourtant ils doivent tous les deux contenir tous les termes de la suite à partir d’un certain rang
Ceci n’est pas possible. Ainsi et sont égaux
c) Théorème de comparaison
Si, pour tout ∶ ≤ , et si ( ) tend vers +∞, alors ( ) tend vers +∞
Preuve (ROC) :
Supposons donc que pour tout ∶ ≤ , et que( ) tend vers +∞
Soit un réel (aussi grand soit il)
Comme ( ) tend vers +∞, il existe un certain rang , tel que, pour tout ≥ :
≥
Comme pour tout ∶ ≥ , on a aussi, si ≥ : ≥ Comme est quelconque, la suite ( ) tend vers +∞
d) Limite d’une suite arithmétique
On a = + , donc tout dépend du signe de : Si > 0 la suite tend vers +∞, et si < 0 elle tend vers −∞
On peut le prouver (par ex dans le cas > 0) Soit un réel (très grand)
≥ s’écrit + ≥ soit ≥ (l’inégalité ne change pas car > 0) On a bien notre certain rang
e) Limite d’une suite géométrique
Comme = × , il suffit de connaître la limite de : Si > 1, c’est +∞, et si 0 < < 1 c’est 0
Preuve (ROC) :
Si > 1, on peut écrire = 1 + avec > 0
On a vu au chapitre précédent l’inégalité de Bernoulli : si > 0, (1 + ) ≥ 1 +
Et on vient de voir que si > 0, 1 + (qui est une suite arithmétique de raison ) tend vers +∞
D’après le théorème de comparaison, = (1 + ) tend aussi vers +∞
Si 0 < < 1, on peut écrire = avec > 1
Donc = , et ′ tend vers +∞ a été démontré plus haut Par quotient, tend vers
f) Théorème des gendarmes
Si, pour tout : ≤ ≤ et que ( ) et ( ) ont la même limite , alors ( ) converge vers
Remarque : on a besoin des deux gendarmes, tandis que pour le théorème de comparaison il suffit d’un seul
g) Théorème de convergence monotone
Toute suite croissante et majorée converge vers une limite inférieure ou égale à son majorant