Les soins palliatifs
Chaque epoque a ses modes, ses habitudes. Depuis quelques temps, les rencontres, societes, revues, publications, reunions diverses sur le theme de la medecine palliative fleurissent. Ceci m'amene a faire un certain hombre de
reflexions, parfois un peu provocantes.
Le Petit Robert nous apprend que le mot palliatif vient du latin medieval palliativus et qu'en medecine il signifie qu'il y a attenuation des symptSmes
d'une maladie sans que I'on agisse sur la cause. Jusque-I~ il n'y a aucune surprise et tout le monde ne peut qu'etre d'accord.
Ce qui surprend cependant touche a plusieurs points. J'ai ainsi eu souvent I'impression d'une certaine confusion, qu'un amalgame entre la notion de soins palliatifs et celle de traitements aux patients terminaux etait fait. Parfois la confusion se fait meme avec la medecine geriatrique alors que ce sont bien entendu des domaines differents. Certains donnent d'ailleurs I'impression de decouvrir la medecine palliative comme Monsieur Jourdain avait decouvert qu'il faisait de la prose.
Bien ser la question du pourquoi de cette mode autour de la notion de medecine palliative reste ouverte. Elle est la reponse probable a une certaine faillite de la medecine traditionnelle, qui au travers un aveuglement favorise par le developpement scientifique et technologique, s'est surtout imaginee curative plutSt que palliative. Le developpement de cette derniere s'exprime notamment travers la mise en place d'un certain nombre d'Unites de Soins Palliatifs (USP).
Darts un premier temps on ne peut qu'envisager le bienfait de ces unites, pilotes par excellence, destinees a donner I'exemple et ~ diffuser un certain savoir.
A regarder de plus pres, plusieurs remarques s'imposent. Les USP sont encore trop peu nombreuses, elles laissent ainsi la porte ouverte a une medecine deux vitesses: certains patients y ont acces, d'autres pas. Par ailleurs on constate apres quelque temps qu'il s'y installe une certaine dose d'autosatisfaction, puis un clivage entre ceux qui font juste et bien et les autres, et cela d'autant plus que les USP representent d'une certaine maniere la bonne conscience d'une societe oe la medecine est de plus en plus remise en cause, que cela soit dans sa pratique ou ses coets. Bonne conscience chere egalement, mais que I'on peut encore
contrs Pour cette derniere raison, certaines de ces unites risquent bien de disparaftre dans un proche avenir.
Ainsi les risques de derapages sont frequents, lls concernent surtout la remise en cause de la medecine traditionnelle dans son ensemble. II a par
exemple ete entendu que pour une infirmiere I'utilisation du thermometre etait un acte bien inutile et ennuyeux dont on pouvait se passer et que le plus important etait I'authenticite de la relation. II y a I~ un desinvestissement de I'action
technique, qui perd son sens, avec tousles dangers que cela comporte. Mais on
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peut aussi avec raison s'interroger sur le probleme de la relation et que veut-on bien pretendre en parlant de I'authenticite de la relation? En fait dans une
medecine trop technologique, la relation a tout simplement 6te ignoree, oubliant qu'elle faisait partie du traitement.
Une derniere interrogation concerne la transmission du savoir.
L'impression qui se degage, est qu'apres un certain temps passe dans une USP, le personnel ne repart pas dans le circuit traditionnel, mais prefere s'engager dans I'enseignement pour le personnel d'autres USP, ce qui signifie la rupture d'une possible transmission du savoir et le renforcement de ce que j'ai appele plus haut la medecine ~ deux vitesses.
A chaque mode ses travers et ses exces et il ne s'agit pas ici de nier que ce mouvement a eu egalement des effets positifs, et ils sont nombreux.
D'une part il a mis en evidence la necessit6 d'une certaine rupture dans le pouvoir medical, du clivage hierarchique entre medecins et personnel infirmier notamment, car chacun a son importance et son rSle. Le developpement des USP a mis en evidence le besoin de I'interdisciplinarite, notion qui n'est pas nouvelle, mais qui est plus souvent citee que mise en pratique. D'autre part les USP ont montr6 qu'au-del~ d'un certain acharnement therapeutique, un enorme champ de soins etait possible pour le confort du patient, et qu'il vaut bien mieux une bonne survie, avec un malade bien oriente par rapport & son avenir, qu'une promesse de
guerison impossible avec tout le cortege de traitements que cela implique, ou parfois I'abandon pur et simple par sentiment d'impuissance.
R Rosatti
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