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Géographie Économie Société : Article pp.329-350 du Vol.8 n°3 (2006)

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Géographie, économie, Société 8 (2006) 329-349

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

*Adresses email : nathalie.bertrand@grenoble.cemagref.fr • sam.martin@worldonline.fr

nicole.rousier@upmf-grenoble.fr

Les documents d’urbanisme, un outil pour la régulation des conflits d’usage de l’espace

agricole périurbain ?

Regulation of conflicts on agricultural land use in periurban areas : The role of local planning acts

Samuel Martin

a

, Nathalie Bertrand

b

, Nicole Rousier

c2

a UMR PACTE 5194 - Science Po Recherche - Pôle Villes et solidarités 25 avenue de Constantine 38100 Grenoble

b Cemagref DTM Grenoble,

2 rue de la papeterie BP76 38402 Saint Martin d Hères cedex

c LEPII, CNRS Université Pierre Mendès France BP 47, 38040 Grenoble Cedex 9

Résumé

Les documents d’urbanisme constituent un mode de régulation des conflits d’usage de l’espace, entre autres de l’espace agricole périurbain, dans un contexte de forte urbanisation. A travers l’ana- lyse de leur élaboration dans deux aires urbaines contrastées de la région Rhône-Alpes, cet article permet de préciser la nature des tensions entre les acteurs locaux et le rôle joué par l’agriculture

Cet article est issu d’une recherche « dynamiques territoriales périurbaines et nouvelles fonctionnalités de l’agriculture », menée dans le cadre du programme INRA-DADP II (PSDR) Rhône-Alpes par A-C. Douillet, S. Martin, M-Ch. Micheels, N. Rousier, N. Souchard, J-J. Tolron, V. Briquel, D. Borg et coordonnée par N. Bertrand (Cemagref) et A. Faure (CERAT).

2 Nous tenons à remercier les deux rapporteurs anonymes pour leur lecture attentive, leurs critiques perti- nentes et leurs propositions constructives.

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dans la résolution des conflits d’usage des sols. Au niveau intercommunal, l’élaboration des docu- ments de planification spatiale est une scène de débats sur les grandes orientations de dévelop- pement, sur la localisation des activités motrices et le mode de croissance urbaine ; l’agriculture apparaît alors instrumentalisée par les politiques d’aménagement, élément essentiel de structuration des intercommunalités périphériques. Les plans communaux, fixant les règles de l’usage des sols, gèrent les conflits de voisinage et de propriété foncière.

© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

Spatial planning is a way to regulate conflicts on land use, especially on peri-urban agricultu- ral areas, in a context of urbanisation pressure. Local planning process is illustrated here by two Rhône- Alpes’ city regions. This paper points out raising tensions between local actors and the role that agriculture can play in resolving land use conflicts. At a city region level, spatial planning process represents a public debate arena on development issues, location of strategic economic activities, urban growth. Agriculture becomes an instrument for spatial planning and a means to structure outskirts inter-communal governments. At a communal level, local plans and rules of land use manage neighbourhood and land ownership conflicts.

© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : Région urbaine ; document d’urbanisme ; usage de l’espace ; conflits ; agriculture

Keywords: City Region ; Planning Documents ; Land Use ; Spatial Conflicts ; Agriculture Dans les régions urbaines, la mutation rapide des espaces ruraux soumis aux processus de périurbanisation pose de façon frontale la question des tensions liées aux différents usages de l’espace. En particulier, elle interroge la place de l’agriculture et des agricul- teurs dans un espace où le poids de l’activité agricole a certes fortement diminué, tant du point de vue économique qu’en termes d’emploi et qu’en termes politiques. Dans ce contexte, les concurrences d’usage de l’espace font naître des tensions entre les différents acteurs en présence, collectifs ou non. Ces tensions peuvent conduire à des conflits liés à la confrontation de différents points de vue ou intérêts entre groupes d’usagers de l’espace (Caron, Torre, 2002). Ces conflits d’usage sont de nature différente (CGP, 2005). On peut distinguer d’une part des conflits sur des projets d’aménagement, portés par des acteurs collectifs, socioprofessionnels ou associatifs, et relayés par les élus locaux en charge de la gestion de l’espace et les techniciens qui les conseillent. D’autre part, émergent des conflits de voisinage entre individus (Torre, Aznar, 2005 ; Caron, Torre, 2005), proprié- taires fonciers (exploitants agricoles, ex exploitants, héritiers…), ou usagers (exploitants agricoles, habitants en locatif, “consommateurs” d’aménités).

Depuis une quarantaine d’années, deux types de documents d’urbanisme de valeur nor- mative inégale - le Plan Local d’Urbanisme (PLU, ex POS, Plan d’Occupation des Sols) et le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT, ex SDAU, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) - fixent en parallèle le cadre et les règles de l’usage de l’espace. Ce cadre et ces règles ont été remaniés à plusieurs reprises, notamment en 2000 (loi SRU, Solidarité de Renouvellement Urbain) et dans une moindre mesure en juillet 2003 (loi UH, Urbanisme

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et Habitat3). Cependant, depuis le vote de la loi d’orientation foncière en 1967 leur objet n’a pas fondamentalement évolué, si ce n’est que depuis 2000 la notion de projet a été mise en avant au détriment - dans l’esprit du législateur plus que dans la lettre et les faits - de la détermination des règles d’usage (Liochon, 2002). Le SCOT est censé fixer les orientations générales de l’organisation de l’espace et définir des objectifs d’aménagement à une échelle supra-communale. De caractère non réglementaire, il n’est pas opposable aux autorisations d’occupation du sol mais engendre une obligation de compatibilité (c’est-à-dire de non contradiction) des PLU et d’un certain nombre d’opérations d’aménagement à son égard.

Le PLU, à l’inverse, fixe non seulement les orientations générales d’aménagement mais aussi la destination du sol et les règles d’usage à une échelle communale sauf exception, les communautés urbaines notamment. Il a donc une valeur réglementaire et est opposable aux propriétaires fonciers alors que le SCOT ne l’est pas.

Ces documents d’urbanisme, leur contenu, mais surtout les débats qu’ils occasionnent lors d’une élaboration qui peut durer plusieurs années, constituent des aspects centraux et des moments cruciaux de la conception et de la mise en œuvre des politiques d’amé- nagement, qu’il s’agisse de l’accueil d’activités économiques, d’équipements publics, de renforcement de centralité, de renouvellement urbain ou de limitation de l’éparpillement urbain. La phase d’élaboration de ces documents permet la mise en scène de ces projets, leur affrontement et l’expression des conflits, plus ou moins feutrés, en matière d’orga- nisation de l’espace et d’usage du sol (B. Thareau, 200 et ce numéro). L’approbation des documents d’urbanisme ne met fin que provisoirement à ces conflits dans la mesure où elle permet certes de les régler, au double sens du terme. Elle apporte une réponse juridique, réglemente, et clôt les différends ; mais l’approbation peut ultérieurement être remise en cause, par modification ou révision de la décision initiale. La rigidité de la règle d’urbanisme et d’aménagement n’en est pas forcément une puisque cette règle peut être amendée, modifiée, supprimée. La réglementation tend à laisser la place à la régu- lation qui permet aux acteurs sociopolitiques en présence de s’adapter aux variations de leur environnement, au caractère évolutif et protéiforme des conflits sur l’espace5. L’autorité politique locale réglemente l’usage du sol, mais elle régule dans le même temps les tensions qui se nouent autour du foncier, de son affectation. Elle régule les valeurs foncières et les rapports sociaux, elle « fait observer les règles nécessaires à (son propre) fonctionnement homéostatique » (Supiot, 2005, 200). En matière d’urbanisme, règlement (encadrement juridique) et régulation (adaptation aux contextes) sont donc étonnamment proches au point parfois de se confondre.

Les changements apportés par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain en 2000 aux documents d’urbanisme ont révélé la volonté du législateur de modifier la nature des conflits locaux sur l’espace : projets contre projets plutôt que terrains constructibles contre terrains agricoles ou naturels. Comme si l’usage du sol était devenu le fruit moins de rapports de force entre propriétaires fonciers soucieux de valoriser au mieux leurs biens et pouvoirs politiques locaux que de la confrontation entre des conceptions dif-

3 Voir annexe .

Nous préférons, à la suite de Marc Wiel ce terme, à celui d’étalement qui ne paraît correspondre histori- quement qu’au phénomène d’extension des premières banlieues?

5 Nous empruntons ici beaucoup à A. Supiot « Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit », (Seuil 2005), et notamment à un paragraphe intitulé « De la réglementation à la régulation », pp. 195-203.

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férentes du devenir des espaces et des sociétés locales. Le suivi de l’élaboration d’un certain nombre de documents d’urbanisme aujourd’hui invite pour le moins à nuancer un tel point de vue. L’exemple grenoblois le montrera : la définition de limites stratégiques à l’échelle du SCOT sera perçue par des élus locaux et par des acteurs de l’immobilier comme un empiètement sur les compétences communales entre les différents usages du sol possibles.

Ce rapide détour juridique par la planification spatiale étant fait, nous pouvons revenir à notre problématique de la régulation des conflits par les documents de planification.

Nous faisons l’hypothèse que ces documents élaborés à deux échelles territoriales cor- respondent à deux modalités de mise en scène et de régulation de conflits sur les projets d’aménagement comme sur les rapports de voisinage, mettant en présence des acteurs différents. Ainsi, la délimitation des espaces agricoles et, au-delà, la légitimation de l’ac- tivité agricole dans un contexte de forte urbanisation sont prises entre deux feux : celui des grandes orientations d’aménagement définies à l’échelle supra-communale ou de la région urbaine ; celui de la négociation des plus-values immobilières, des types d’habitat, des équilibres sociaux, des modalités de développement à l’échelle communale.

En nous appuyant sur deux exemples, celui de la région urbaine grenobloise (RUG), de son SCOT et de ses PLU, et celui du Triangle Rovaltain (Romans, Valence, Tain-l’Hermi- tage dans la Drôme) encore dépourvu de SCOT, nous illustrerons notre problématique, à partir de la façon dont est assuré le maintien des espaces ouverts agricoles ou leur chan- gement d’affectation en espaces urbanisés à vocation économique ou résidentielle. Deux parties correspondant aux deux échelles spatiales privilégiées, SCOT et PLU, structure- ront l’analyse des conflits relative au devenir des espaces agricoles.

1. Le SCOT à l’échelle des régions urbaines : une scène de débats et de régulation des conflits sur des projets d’aménagement

Les différentes approches des espaces périurbains et des régions urbaines auxquelles ils appartiennent témoignent de la difficulté de saisir les dynamiques périurbaines. Ces espaces sont appréhendés soit par un rapport dynamique entre population et emploi sur la base de la définition INSEE (INSEE/INRA, 1998) et des déplacements domicile- travail, soit par la diversité territoriale, grâce à un ensemble de critères pondérés (Briquel 1999), critères de proximité géographique, critères de relations économiques et insti- tutionnelles, complémentarité en termes d’offre de services. Une troisième approche est définie, à partir des enjeux économiques, sociaux et spatiaux à moyen terme de ces régions urbaines (Vaudois, 1996). Elle est centrée sur des périmètres de projets d’aménagement et de développement, couverts par un document d’urbanisme ou liés à des politiques concertées, définies par exemple par une communauté de communes, ou une communauté d’agglomération. Ce cadre permet de poser les termes premiers des enjeux qui se jouent sur les usages de l’espace et de situer les tensions en proximité géographique de la ville dense et par rapport à celle-ci.

Trois enjeux majeurs sont classiquement reconnus. Le premier concerne l’habitat qui génère, par la dynamique démographique périurbaine et l’habitat individuel, une emprise croissante sur l’espace. Au regard du recensement général de la population de

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1999, 1/5 de la population française réside dans le périurbain ; entre 1990 et 1999, les communes périurbaines ont connu une évolution démographique positive (solde migra- toire 0,6 % / an et - 0,09 % pour l’ensemble de l’espace à dominante urbaine, Détang- Dessender et Piguet, 2003). Le second porte sur l’emploi. Celui-ci demeure concentré en 1999, 72 % des emplois étaient situés dans les pôles urbains6 ; les communes périurbaines en rassemblaient 9 % (Hilal, Schmitt, 2003). Enfin, le troisième enjeu est une ségrégation sociale de l’espace de plus en plus marquée dans les régions urbaines. Celles-ci s’opèrent entre certains quartiers des communes centres, certaines communes de banlieue et le reste de la région urbaine d’une part, et au sein même des secteurs périurbains d’autre part.

En périurbain, le revenu communal moyen par foyer fiscal progresse plus à proximité des agglomérations centrales, les cadres ayant des localisations plus centrales que les ouvriers (Cavailhès, Selod, 2003). Dans l’arbitrage entre coût de transport et coût du fon- cier, d’autres facteurs interviennent dans cette hétérogénéité sociale de l’espace, comme les aménités rurales et les services à la population.

Dans un contexte de prise en compte de la nécessité de gérer l’espace de façon plus économe et face à l’accélération des changements d’usage de l’espace, c’est donc la ten- sion entre les types de développement résidentiel et la localisation plus ou moins polarisée de l’emploi, confortant ou limitant la ségrégation socioprofessionnelle, qui va nourrir les projets de développement et d’aménagement. La région urbaine de Grenoble et le contexte valentinois nous offrent deux exemples contrastés de l’expression de cette tension.

La région urbaine grenobloise, a été marquée, dans un site géographique contraint et une forte concurrence pour l’espace, par une croissance économique et une forte pression démographique dès les années cinquante à soixante. Elle pose très tôt la question des politiques d’aménagement, en mettant en place dès 1973 un schéma directeur d’aména- gement et d’urbanisme (SDAU). L’élaboration d’un nouveau schéma directeur, voté en 2000 et devenu aujourd’hui SCOT, est marqué par deux dynamiques fortes : une tendance accentuée à la périurbanisation7 ; une économie de la RUG caractérisée par le poids des activités de haute technologie et des enjeux économiques de notoriété internationale8. Le contexte de la région valentinoise apparaît très contrasté. La concurrence pour l’espace ne se pose pas avec acuité dans le vaste espace de plaines et coteaux où l’agriculture recule au rythme de l’avancée urbaine. L’expansion urbaine (particulièrement forte des années 50 aux années 70) et l’économie régionale diversifiée se sont organisées autour des trois pôles urbains que sont Romans, Valence et Tain l’Hermitage. Aujourd’hui, les activités économiques qui, hormis la logistique, ne présentent pas de grande spécificité, tendent à se desserrer le long des grands axes de transport, laissant les villes centres (tout particulièrement Romans) confrontées aux conséquences de la désindustrialisation.

Malgré de fortes pressions de la part des représentants de l’Etat, la région valentinoise ne

6 Selon la définition de V. Vallès, 2002.

7 La population des communes périphériques a en particulier augmenté de 150 % entre 1975 et 1985 (SD, 2000) ; 202 communes sont concernées par le SCOT aujourd’hui alors qu’elles étaient 157 lors de la révision du SD et 115 dans le périmètre de l’ancien SDAU (voir carte annexe 2).

8 10 % environ des emplois de la RUG sont des emplois dans les technologies de l’information et de la communication. Les grands projets qui mobilisent l’attention des acteurs locaux depuis le début du nouveau siècle concernent le développement technologique (MINATEC, centre spécialisé en micro et nano technologies, ou le pôle de compétitivité MINALOGIC).

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dispose pas à ce jour de schéma de cohérence territoriale, ce qui traduit de la part des élus locaux de fortes réticences à mettre en débat, à ce niveau régional, un projet de dévelop- pement et d’aménagement.

1.1. Les enjeux de localisation de l’habitat et de l’emploi dans l’élaboration du SCOT ou l’expression des tensions entre intercommunalités

Il apparaît que le SCOT, ou plus exactement la procédure d’élaboration du document, offre l’occasion de créer une scène de débats où s’expriment des tensions économiques et politiques liées aux constructions territoriales des intercommunalités des régions urbaines.

Le document lui-même, à travers la stratégie affichée de développement et d’aménagement et les orientations du projet de territoire, ne fait que concrétiser l’accord obtenu entre les différents acteurs collectifs du débat : aménageurs, développeurs, représentants agricoles, élus locaux. Le schéma de cohérence territoriale, qui « fixe… les orientations générales de l’organisation de l’espace et de la restructuration des espaces urbanisés et détermine les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces naturels et agricoles ou forestiers » (loi SRU, art.L.22-), est la résultante des débats locaux sur les modalités d’accueil des populations, des entreprises et la localisation des équipements publics.

Dans le cas grenoblois, les choix d’aménagement du schéma directeur sont des « choix stratégiques » (SD, 2000) qui relèvent d’une perspective de développement global cohé- rent de la région urbaine. Deux objectifs sont présentés : favoriser la croissance écono- mique, dont on peut s’attendre à ce qu’elle soit consommatrice d’espaces d’une part, et soutenir une attractivité reposant sur la qualité de l’environnement, c’est-à-dire sur la préservation et la mise en valeur des espaces naturels, d’autre part. La résolution de ces objectifs contradictoires passe par un développement, centré sur la dynamique technopo- litaine, où la qualité du cadre de vie est vue comme un facteur d’attractivité, de notoriété internationale. Cependant ce discours cohérent sur la limitation de la consommation d’es- paces et la défense de l’environnement au nom du développement durable est associé à de fortes tensions sur la localisation des activités technologiques et sur les échelles spatiales auxquelles un certain équilibre habitat/emploi peut être envisagé. Les débats sur le projet de région urbaine se structurent ainsi autour de la revendication d’autonomie des secteurs extérieurs par rapport à l’agglomération centrale. L’accord politique se fait sur l’ouverture des espaces économiques stratégiques en périphérie, en confortant les pôles économiques et urbains des secteurs extérieurs, les zones d’activités de niveau régional et la promotion de « centralités secondaires » favorisant une organisation multipolaire (Pradeilles, 1997).

Si l’agriculture, en tant qu’activité productive, est occultée dans cette réflexion sur le poids politique et économique des différentes polarités de la région urbaine grenobloise, elle tient néanmoins une place importante dans les débats politiques intercommunaux. En effet, si la question agricole n’est pas à l’origine de l’intercommunalité ni des jeux d’ac- teurs qui la portent, elle permet aux élus « ruraux de s’inscrire dans le jeu politique de la RUG pour faire valoir leur vision de l’aménagement territorial » (Souchard, 2000) et aux élus urbains de tenter de mieux encadrer le développement urbain.

Dans la région valentinoise, la faiblesse de réelles tensions sur les usages de l’espace, de moindres disparités socio-spatiales qu’en zone métropolitaine, et la multipolarité de l’es- pace d’expansion urbaine, sont des facteurs qui ne poussent pas à la réflexion sur un projet

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global de développement et d’aménagement. Même si l’aire d’influence du pôle valenti- nois de services est plus étendu que la seule agglomération, même si les bassins d’emploi de Valence et de Romans se recoupent partiellement, les trajectoires de développement économique sont différentes et les projets communs, tels la zone d’activité du Rovaltain proche de la gare TGV, sont plus des réponses locales à des projets d’acteurs extérieurs (projets d’infrastructures nationales ou portés par la Région Rhône-Alpes) que des initiati- ves proprement locales. Valence joue avec difficulté un rôle moteur pour l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale, n’étant pas reconnu comme le pôle économique et urbain de l’ensemble de la région urbaine, et n’ayant pas réussi à structurer une intercommunalité d’agglomération, dépassant les conflits politiques classiques entre commune centre et com- munes de banlieue ouvrières. Un grand nombre d’intercommunalités (de services) existent cependant, regroupant peu de communes, mais sans identification de problèmes communs à une échelle plus vaste ni volonté de dessiner un avenir commun, à travers la confrontation de points de vue, certes différents, mais sur un territoire à partager. La faiblesse des tensions sur l’espace et l’absence de projet d’aménagement urbain global autour de Valence confère à l’agriculture un statut d’activité de périphérie. Des initiatives locales portées par des inter- communalités au sein même de la région urbaine, émergent toutefois progressivement, à une échelle infra région urbaine (autour des agglomérations de Romans, Bourg de Péage et de leurs périphéries). Elles tentent d’élaborer un projet de redéveloppement économique et un projet de maîtrise de l’urbanisation à travers la réhabilitation du tissu urbain ancien et une certaine densification des centres de villages (dans le pays de Romans par exemple). La réflexion sur le devenir de l’agriculture prend alors toute sa place.

Ces deux exemples contrastés montrent combien les débats sur les politiques inter- communales traduisent plus ou moins profondément des tensions sur l’espace d’inten- sité variable. A Valence où les tensions sur l’espace ne sont pas encore très aiguës, les initiatives d’échelle régionale urbaine sont très limitées. Cela voudrait-il dire que les structurations institutionnelles supra-communales n’apparaissent nécessaires que là où les concurrences spatiales sont aiguës ? A Grenoble, l’élaboration d’un projet global d’aménagement à l’échelle régionale est étroitement liée à la nécessité non seulement de préserver une attractivité via la protection des espaces ouverts, agricoles ou naturels, mais aussi d’économiser un espace qui ici est compté. A la concurrence forte sur l’espace correspondrait le besoin de structurer un pouvoir planificateur fort à l’échelle supra-com- munale. L’aménagement n’est pas une simple matérialisation sur l’espace du développe- ment économique et résidentiel ; il est le fruit de confrontations de projets différents et de négociations sur l’équilibre à trouver entre la localisation de l’emploi et de l’habitat, sur les caractéristiques des activités, des emplois et des populations résidentes, c’est-à-dire sur l’échelle spatiale à laquelle apprécier « la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l’habitat » (loi SRU art.L.2-).

1.2. L’instrumentalisation de l’agriculture dans les débats sur le projet aménagement urbain

Dans les deux cas, du Valentinois et de Grenoble, l’agriculture n’est pas soumise aux mêmes tensions. Pour le premier, où l’espace n’est pas compté et où un projet urbain autour d’une large coopération intercommunale a du mal à émerger, l’agriculture est

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encore considérée, malgré les problèmes sanitaires et un certain étalement urbain, comme une activité économique à part entière9. Pour le second, où l’espace est rare et où les intercommunalités sont structurées à l’échelle des secteurs de la RUG comme à l’échelle de la région urbaine toute entière, l’agriculture est instrumentalisée par un projet d’amé- nagement global afin de fournir de nouveaux types de services urbains (aménagement d’espaces naturels, coupure vertes, valorisation des produits du terroir).

Ainsi, l’agriculture grenobloise a tenu historiquement une place particulière dans les débats et dans les alliances esquissées par la ville de Grenoble qui ont posé les bases en 1973 d’un schéma d’aménagement d’une région urbaine. La question agricole a permis d’établir un consensus sur un discours général d’aménagement : une valorisation de l’en- vironnement naturel, une politique de réserves, un marquage net « de la séparation entre les zones urbaines et les zones agricoles, les zones de loisirs ou touristiques et d’assurer les conditions de la discontinuité dans l’occupation de l’espace » (AURG, 1972).

Aujourd’hui, le projet dominant, porté par les élus de la région urbaine comme par les intercommunalités (Grésivaudan et Voironnais) et les élus des communes périurbaines enquêtées, est un projet de développement urbain, économique et résidentiel, maîtrisé.

L’agriculture apparaît comme un instrument de cette maîtrise, sous plusieurs aspects :

• elle assure coupures vertes et entretien de l’environnement, facteurs essentiels d’im- plantation de nouveaux résidents et d’activités de haute technologie en zone périur- baine. Cette fonction d’une agriculture protectrice de la nature est doublement para- doxale, d’abord parce que l’agriculture intensive était ces dernières décennies plutôt accusée de dégrader la nature, ensuite parce que la fonction première de l’agriculture est de transformer, de cultiver le sol, et non de le maintenir tel quel ;

• elle assure une occupation et une gestion des espaces à risques (zones d’éboulements ou exposés à des risques d’inondations) ;

• elle permet un entretien des espaces réservés sur le moyen et le long terme pour le développement des zones d’activité économiques (principalement par la culture de céréales dans les zones de plaine avec des statuts précaires).

Ainsi, sur ce troisième point, les zones d’activité stratégiques inscrites dans le schéma d’aménagement sont le témoignage de cette priorité au développement économique, mobilisant sur des terrains en plaine les meilleures terres agricoles céréalières. Pour entretenir ces réserves foncières destinées à l’activité économique non agricole, il faut maintenir des exploitations agricoles, mais les maintenir sous statut précaire pour per- mettre une libération rapide des terres dès que se manifestent les besoins des entreprises industrielles. Sur ces sites, les collectivités publiques, responsables de l’aménagement, font du portage direct et utilisent l’ensemble des procédures publiques à leur disposition pour acheter le foncier agricole au moindre coût (Zones d’Aménagement Différé, Droit de Préemption Urbain dans une moindre mesure). Ces diverses mesures permettent d’an- ticiper des opérations d’aménagement à vocation économique, considérées comme prio- ritaires dans la défense de l’intérêt collectif local. Au nom du développement économique local, les intérêts agricoles sont quelque peu sacrifiés.

9 L’agriculture est composée de secteurs agricoles importants en termes économiques - arboriculture fruitière, production de céréales, élevage ou vignobles d’appellation contrôlée. Les difficultés rencontrées sont bien plus liées à la réforme de la PAC ou à des problèmes sanitaires (Sharka sur les pêchers) qu’à la proximité urbaine.

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Lors de l’élaboration du SCOT 2000, « le message selon lequel il ne peut y avoir de contrôle de la ville aujourd’hui sans un projet agricole fort », a été porté par l’agence d’ur- banisme et quelques représentants dynamiques de la profession agricole. La défense de l’agriculture y a tenu « une place considérable, voire démesurée dans les débats » (Ciavatti, Faure, 2000), marquant le lien fort qui était fait entre préservation du paysage, espaces natu- rels et agriculture. L’élaboration de ce discours consensuel est le fait de techniciens, amé- nageurs et urbanistes, et de représentants professionnels agricoles qui assurent la médiation entre les intérêts des exploitants agricoles et les responsables politiques du développement urbain. Parmi ces derniers, il faut noter la présence de représentants des travailleurs intel- lectuels (enseignants, chercheurs, ingénieurs) pour qui la préservation d’un cadre de vie, d’espaces ouverts, de grands paysages est un atout majeur pour l’attractivité régionale. Ces élus sont sociologiquement très proches des techniciens de l’aménagement aujourd’hui por- teurs de l’idéologie du développement durable et comme eux aptes à manipuler un droit de l’urbanisme complexe censé prendre en compte les économies d’espace.

Au nom de sa capacité à répondre aux impératifs d’un développement urbain techno- politain, impliquant le maintien de la qualité du cadre de vie comme facteur d’attractivité, l’agriculture est ainsi inscrite dans les enjeux stratégiques du schéma :

• limiter la consommation d’espaces par « la préservation des espaces naturels actuels » et « une culture0 intensive et qualitative des espaces urbains »,

• privilégier « l’environnement et les paysages, (comme) axe fort et dénominateur commun du projet de développement », grâce à « l’agriculture, outil essentiel de valorisation économique ».

Si l’activité agricole n’est pas au cœur des tensions, elle est instrumentalisée dans l’arbi- trage des usages de l’espace en région urbaine grenobloise. La fonction de l’agriculture est d’être à la fois un outil de maîtrise de l’aménagement territorial et un moyen d’affirmer des identités locales, ce qui la conduit à être de plus en plus patrimonialisée (Martin, 1997). Ainsi certaines petites communes rurales (Voironnais) ont valorisé leur caractère agricole et rural en pesant dans le débat tout en acceptant la croissance démographique sur leur territoire :

« L’agriculture peut ainsi être un facteur de structuration de l’intercommunalité périurbaine, soit comme enjeu fédérateur et comme mode de distinction vis-à-vis d’autres secteurs de l’aire urbaine (Voironnais), soit comme instrument de négociation entre les membres d’une structure intercommunale (intercommunalité autour de la ville centre, Grenoble) » (Douillet, Faure, 2004). La périurbanité est donc assez propice au développement d’une vision plutôt

« patrimonialiste » de l’agriculture, vue à la fois comme une réserve de nature au sein des agglomérations et comme un patrimoine culturel, voire instrumental.

1.3. Le SCOT, entre réglementation et régulation

L’élaboration des documents d’urbanisme à une échelle intercommunale sur la base d’un projet de développement permet plus aisément l’expression des différents groupes d’inté- rêts socio-professionnels. La protection des espaces naturels et agricoles constitue un des

0 Notons ici l’usage très particulier du terme puisque il est invoqué pour construire la ville.

Schéma directeur de la région grenobloise. Les choix stratégiques, Syndicat mixte pour l’élaboration et le suivi du SDRG, AURG, décembre 1998, pp.19-23.

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thèmes forts de la construction politique du consensus autour d’un projet d’aménagement commun. Cette protection est l’occasion de confronter les points de vues sur la régulation de tensions, voire de conflits, sur les destinations des espaces ouverts au sein des régions urbai- nes. Revendiquer un cadre paysager attractif et une identité « rurale », est-ce une demande d’agriculture ou de nature ? La demande exprimée par les urbains, relayée par le discours des élus locaux, repose-t-elle sur l’activité agricole pour ses caractéristiques techniques et physiques d’activité productive de biens alimentaires ? Les conflits de voisinage expri- més à l’échelle locale, sur lesquels nous reviendrons, laissent présumer qu’il n’en est rien et qu’il est davantage question de services récréatifs et environnementaux offerts par une nature aménagée. Nombreux sont les débats autour des formes urbaines, de l’intégration de la nature dans la ville, des espaces naturels proches ou lointains considérés comme de nouveaux espaces publics ; le cas grenoblois n’est qu’une illustration d’une réflexion plus générale sur la ville-nature (Chalas, 2000) et l’agriculture n’est qu’un aspect, souvent mar- ginal, de l’aménagement de ces espaces « verts » (RGA, 2003).

Peut-on alors parler des SCOT en termes de mode de résolution des conflits par la régu- lation de l’occupation de l’espace, agricole en particulier, voire de conciliation d’intérêts contradictoires ? Si les orientations de développement et d’aménagement qu’apportent les SCOT semblent les destiner à une scène d’expression de tensions entre intercommunalités.

certains SCOT, tel celui de Grenoble, par l’inscription de zonages sur les fonctionnalités des sols à l’échelle infra-région urbaine issus des négociations entre acteurs collectifs, tendent à jouer le rôle de super-PLU. Ce SCOT réglemente autant qu’il régule.

Ainsi, au cours des débats qui ont précédé la révision du schéma directeur de la région urbaine grenobloise, le thème de la protection de l’agriculture et des espaces naturels a fait l’objet de tensions qui se sont manifestées dans la délimitation des espaces agricoles ou naturels. La négociation entre les représentants de la profession agricole et les autres acteurs impliqués dans le projet d’aménagement a débouché sur un classement des espa- ces : espaces agricoles « à fort potentiel » dits intangibles, formant coupure verte, concédés aux représentants de la profession ; espaces agricoles à enjeux multiples sur lesquels repose l’image rurale des intercommunalités qualifiés d’espaces « ouverts à enjeux agricoles et de cadre de vie ». Cette négociation a révélé des conflits entre différentes conceptions du déve- loppement, insistance sur la sauvegarde du potentiel agricole dans le premier cas, possibilité de favoriser des activités économiques touristiques portées par les collectivités locales, dans l’autre cas. Le reste de l’espace ouvert est identifié comme espaces naturels, les espaces d’intérêt écologique et sites naturels classés et les espaces forestiers (SD, 2000).

En contrepoint, Valence, par les difficultés d’émergence d’un projet de schéma de cohérence territoriale, se situe plus dans un contexte de concurrence où les intercom- munalités ou les communes ignorent un contexte de coopération autour d’un projet de développement et d’aménagement. Ce n’est pas l’image de la ville-nature qui porte les dynamiques intercommunales en place ; l’agriculture y est considérée à travers son acti- vité productive comme un acteur économique à part entière. Ainsi, la création d’un pôle d’activités tertiaires autour de la gare TGV, le Rovaltain, rassemblant de nombreuses institutions locales (Chambres consulaires, représentants politiques locaux, associations, représentants agricoles…), a retenu le thème des « saveurs » comme ancrage local en lien avec les productions agricoles. Si l’agriculture est associée à des considérations paysagè- res, il s’agit davantage de la toute première couronne de Valence, où c’est l’activité agri-

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cole en tant que telle qui fait la typicité des espaces ouverts du terrain valentinois (vigne et arboriculture). Pour autant, l’agriculture n’apparaît que rarement comme l’élément d’une politique fédérative à l’échelle supracommunale. Il s’agit ainsi davantage d’une agricul- ture de périphérie urbaine que d’agriculture périurbaine (Bertrand et al, 2005).

L’agriculture périurbaine s’inscrit dans un projet de développement urbain qui prend en compte la dimension environnementale, gestion des risques et gestion des paysages.

c’est le cas de la région urbaine grenobloise avec la mise en œuvre de politiques agrico- les périurbaines spécifiques. Ainsi, si les représentations collectives agricoles classiques, organisations syndicales agricoles ou chambres d’agriculture, restent très largement sur la défense de l’entreprise agricole et du revenu des agriculteurs (Beneux, 2003), on observe l’émergence d’un nouveau discours au niveau de structures mixtes regroupant représen- tants agricoles et collectivités locales. Grenoble apparaît comme un cas d’école en la matière avec l’institutionnalisation d’une représentation collective agricole au cœur du débat politique et des politiques d’aménagement, par la création de l’ADAYG2 en 1985, structure originale associant des représentants des intercommunalités et des représen- tants de la profession agricole, appelée à être un acteur des politiques d’aménagement (Souchard, 2000). Deux dimensions de l’activité agricole, difficilement compatibles, sont portées et articulées par l’ADAYG.

L’élaboration d’un projet urbain appelle donc un projet agricole fort qui cependant ne fait pas l’unanimité au sein de la profession. Des tensions sont alors mises en évidence entre les agriculteurs, révélant des rapports diversifiés entre agriculture et territoire, et des conceptions différentes de l’usage de l’espace.

Ainsi, les SCOT, lorsqu’ils sont effectivement mis à l’étude, débattus et approu- vés, objets d’un suivi permanent comme la loi le permet depuis décembre 2000, sont avant tout des lieux de mise en scène et d’expression des débats sur les orientations d’aménagement et de mise en valeur de l’espace. Les orientations définies dans les SCOT sont souvent générales et consensuelles. Les acteurs participant à leur éla- boration sont soit des élus du second ou du troisième degré3, soit des représentants institutionnels des chambres consulaires ou des grandes fédérations associatives de protection de la nature, soit des techniciens de l’urbanisme. Eloignés des pressions et des turbulences du « terrain », ils sont tous censés transcender les différences au nom d’un bien commun. Si les conflits liés aux intérêts immobiliers et fonciers ne trou- vent pas à s’exprimer à cette échelle mais au niveau de la commune, il serait faux de penser que cette mise à distance des intérêts fonciers prive les porteurs d’un SCOT, et ce SCOT lui-même, d’effectivité. Dans le cas grenoblois, les membres du syndicat mixte en charge du SCOT ont ainsi pu imposer de facto une défense stricte des espa- ces agricoles en fixant des limites stratégiques pour les protéger, abrités qu’ils étaient derrière un syndicat mixte jamais directement soumis aux influences des intérêts fon- ciers ou territoriaux particuliers. Le SCOT tend alors à dévier de son objectif premier,

2 Association pour le Développement de l’Agriculture dans l’Y Grenoblois. Cette réflexion originale menée dans l’agglomération grenobloise sur la représentation et l’organisation collective de l’agriculture périurbaine, prend naissance dans la contestation d’un projet d’aménagement de ville nouvelle en 1973, contestation menée par les agriculteurs menacés dans leur outil de production « le foncier », relayée et portée par des élus locaux (Bertrand, Rousier, 2003).

3 Représentants d’Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) ou de groupements d’EPCI.

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celui des orientations générales de l’organisation de l’espace, pour participer à l’af- fectation de fonctionnalités des sols. Après avoir permis, au cours de son élaboration, la confrontation des différents points de vue et des perceptions variables de la place et du rôle de l’agriculture, le SCOT non seulement «in fine» expose les grandes orienta- tions de l’usage de l’espace, répartit de grands équipements, mais encore définit avec une assez grande précision les contours des terrains exclusivement réservés à l’acti- vité agricole (les limites «stratégiques»). Paradoxalement, et sur une base juridique, sinon politique, fragile, le SCOT réglemente et encadre, pour une partie du territoire, assez strictement la compatibilité des PLU à son égard.

2. Le PLU, un mode de régulation partielle des conflits d’usage de l’espace

La seconde échelle d’analyse des tensions liées à l’usage de l’espace agricole est communale et concerne l’affectation directe du sol. Elle confronte propriétaires fonciers et usagers de l’espace, agriculteurs et nouveaux petits propriétaires de parcelles bâties, associations de défense de la nature et du cadre de vie. A cette échelle sont engagées des consultations des propriétaires ou des résidents individuels comme des représentants col- lectifs, dans le cadre des procédures d’élaboration de la réglementation des destinations des sols : les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).

L’échelon communal est la scène de nombreux conflits de proximité liés à l’usage de l’espace. A cette échelle ces conflits peuvent être de trois ordres : des conflits sur des projets communaux d’aménagement, des conflits de voisinage impliquant des agri- culteurs et des conflits sur le foncier, question centrale dans la vie locale sur laquelle l’agriculture autrefois maîtresse du sol voit son influence diminuer. Quelle forme de régulation locale ce document d’urbanisme propose-t-il et avec quelles limites, dans la mesure où un document réglementant les usages du sol ne prend en compte que de manière très partielle ces conflits ?

2.1. PLU et conflits communaux sur des projets d’aménagement

Au niveau communal, la substitution du PLU au POS ne vient que conforter la néces- saire élaboration « d’un projet urbain de la commune en matière de traitement de l’espace public, du paysage et de l’environnement… le PLU sera davantage l’expression d’un projet de développement et d’aménagement que la simple définition de la destination générale des sols ». La délimitation des zones agricoles devient un instrument de limita- tion ou de maîtrise de l’urbanisation pour les communes confrontées à une forte pression de la demande résidentielle en périurbain.

Les conflits portant sur le type de développement sont variés : logement locatif ou en accession, types et localisation d’équipements publics, sélection sociale des nouveaux habitants, maintien explicite d’une activité agricole, protection paysagère… La mise en œuvre du PLU - comme pour celle des élections municipales - est un moment de cris-

Brochure «Solidarité et renouvellement urbains» Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement Secrétariat d’Etat au Logement, janvier 2000.

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tallisation des débats sur le rythme de développement, la densification de l’habitat ou la nécessité de prévoir des logements sociaux pour répondre aux besoins des populations à faible revenu. Or on sait bien que la participation des habitants ou, le plus souvent, le relais par les élus locaux des préoccupations des habitants, ne mettent en débat au niveau communal que les revendications des habitants déjà arrivés, dans la ligne toutefois des principes d’aménagement retenus pour le SCOT. C’est ainsi que pour les communes ayant été confrontées à une forte croissance démographique dans la décennie passée, l’élaboration du PLU permet de centrer les débats. Ceux-ci portent sur les choix d’équi- pements collectifs, la localisation d’activités et d’emplois, le soutien aux populations déjà implantées sur la commune et qui rencontrent des difficultés d’accès à la formation, à l’emploi, aux équipements sanitaires ou autres. Au nom des principes du développement durable, de la défense de l’environnement et du cadre de vie, la maîtrise de l’urbanisation apparaît comme un objectif partagé par de nombreux élus locaux qui ont à répondre aux demandes des habitants arrivés il y a 0 ou 20 ans, ou beaucoup plus récemment, et qui ne souhaitent pas habiter des villages dortoirs… qui souvent le sont déjà.

La délimitation des zones agricoles et même dans certains cas l’élaboration de véritables politiques agricoles territoriales sont des outils au service de cette politi- que. Noyées autrefois dans l’ensemble des zones naturelles – entité très hétérogène qui comprenait aussi les zones d’urbanisation future ou les espaces forestiers – les zones agricoles font aujourd’hui l’objet d’un classement spécifique «A» correspon- dant strictement à l’activité agricole. La délimitation de ces zones agricoles est donc un enjeu majeur de maîtrise de l’urbanisation. L’objectif est d’assurer la préservation du moyen de production que demeure le sol, mais aussi de faire entretenir par les agriculteurs des terrains qui n’ont pas vocation à être urbanisés mais à être utilisés aussi comme réserves de nature ou de paysage. Cette volonté politique locale peut aller jusqu’à proposer et cofinancer des actions en faveur des exploitants : installa- tions de jeunes agriculteurs, réserves foncières agricoles, soutien à la commerciali- sation des produits locaux, diagnostics territoriaux. Ces initiatives ne donnent guère lieu à conflit, elles reposent sur une alliance entre les agriculteurs et d’autres groupes sociaux locaux qui peuvent eux aussi avoir intérêt à sauvegarder l’agriculture ou son espace. Ces liens peuvent effectivement se nouer avec des nouveaux habitants désireux de lutter contre une politique d’urbanisation dont ils ont été les premiers à bénéficier, mais dont ils souhaiteraient être les seuls à profiter. L’alliance s’effectue néanmoins sur un malentendu ou une ambiguïté : c’est moins la défense de l’activité agricole qui en constitue le ciment que la lutte contre l’urbanisation et la volonté de préserver un cadre de vie « rural ».

Cette défense du cadre de vie s’est cependant traduite par la valorisation de la villa individuelle isolée sur sa parcelle de 1 000 ou 1 500 m2, au détriment de la densification rappelant par trop le cadre de vie « urbain », et a contribué à l’étalement urbain. La poli- tique malthusienne de protection contre l’urbanisation favorise un renchérissement du foncier et un report de la pression urbaine vers des zones moins coûteuses et plus éloi- gnées de l’agglomération centrale. Bon nombre de communes ont dû ainsi accueillir des populations que d’autres ne voulaient plus ou ne pouvaient plus accueillir compte tenu des niveaux atteints par le prix foncier, et sont aujourd’hui confrontées à leur tour à la maîtrise de leur urbanisation.

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2.2. Conflits de voisinage entre agriculteurs et « urbains »

La délimitation des terres agricoles peut révéler d’autres conflits entre agriculteurs et résidents. Si ces conflits de proximité restent limités (entre 8 % et 12 % de l’ensemble des conflits d’usage de l’espace, CGP, 2005), ils ne cessent de se développer entre la fonc- tion productive agricole et la fonction résidentielle de espaces. Le refus par les résidents urbains des contraintes de l’agriculture se manifeste par la dénonciation de « nuisances » liées à la proximité de ce type d’activités, nuisances sonores et olfactives entre autres. Ces conflits portent essentiellement sur des intérêts contradictoires concernant l’environne- ment (problèmes d’épandage, de pollution des eaux…) mettant en cause un certain type d’agriculture. Plusieurs aspects peuvent être soulignés sur le contexte de cette confronta- tion entre agriculture et résidents :

• si l’agriculture biologique semble plus acceptée, elle ne peut se développer que si le nombre de consommateurs prêts à payer plus chers des produits de qualité augmente, condition qui dépend de la structure sociale des populations locales ;

• les activités d’élevage cohérentes avec les contraintes de voisinage correspondent à l’élevage extensif entretenant les prairies, et non pas à l’élevage industriel hors sol qui s’est développé par exemple dans la région valentinoise dans le cadre d’une diversification des productions ;

• les réhabilitations du bâti agricole autorisées par les POS, qui ont permis un change- ment d’usage de ce bâti vers le résidentiel posent aujourd’hui des problèmes de voi- sinage entre les résidents et l’exploitation qui entoure leur habitation. C’est pourquoi aujourd’hui les PLU ne peuvent autoriser le changement de destination des bâtiments agricoles au cœur même des zones agricoles que pour des raisons architecturales ou patrimoniales ; la réponse ministérielle à la question écrite de Charles Revet, sénateur de la Seine-Maritime (Haute-Normandie) 15, vient d’ailleurs curieusement préciser que le patrimoine doit être entendu au sens familial et non historique du terme. Cela confirme l’ambiguïté des stratégies des agriculteurs qui peuvent chercher aussi bien à valoriser leur patrimoine immobilier qu’à préserver un outil de travail.

Certains secteurs agricoles et certaines structures d’exploitations s’adaptent ainsi plus facilement que d’autres aux orientations d’une agriculture périurbaine mobilisée vers la production de services environnementaux pour les urbains : plusieurs études ont montré qu’un petit nombre d’exploitations seulement était concerné (Vidal ; 2002, Aviles, 2002 ; ISARA, 2004 ; Roussel, 2004). Les débats lors de l’élaboration des PLU révèlent une grande diversité de rapports entre activités agricoles et fonctions récréatives ou résiden- tielles, allant de l’absence même de relations à des tensions exacerbées, ou à la recherche d’une imbrication forte.

De fortes tensions, voire des conflits sur la préservation du foncier agricole sont éga- lement perceptibles au sein même de la profession agricole. Les intérêts agricoles y sont diversifiés, fonction de la vitalité économique de chaque secteur d’activité et de la struc- ture de leurs rémunérations liées soit à la production d’une activité sectorielle agricole, soit aux activités de services (environnementaux ou pas, double activité de l’exploitant ou du ménage), soit également aux rémunérations foncières (dans les choix de valorisation

15 Journal Officiel du Sénat du ler septembre 2005, p. 2262, n° 15429.

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du capital foncier). Les agriculteurs défendent ainsi des projets d’aménagement et des règles de classement des terres différentes. Les exploitations rentables économiquement qui ne dépendent pas du bassin local de consommation - exploitations importantes avec salariés comme certaines exploitations maraîchères ayant bénéficié de remembrements ou agriculteurs dont les productions sont en appellations d’origine contrôlée (tels les vins de l’Hermitage ou les noix de Grenoble) - défendent le classement de leurs terres en terres agricoles intangibles. Pour ce faire, ils reprennent sans problème le discours sur les coupures vertes et la protection de l’environnement (Goussot, 2002). Mais pour la majorité des exploitations dont la viabilité est liée à l’évolution des prix sur les marchés internationaux, à la baisse des subventions pour des productions qui ont le plus bénéficié de la PAC (dans la région les éleveurs, laitiers essentiellement) il n’en va de même. La production pour le marché urbain les concernent peu, sauf évolution, voire reconversion, vers l’agriculture biologique (fromages).

Selon le projet communal, leurs prises de position sur les documents locaux d’urba- nisme révèlent ces tensions au sein de la profession, tensions sensibles au niveau commu- nal, là où se gère le foncier.

2.3. Conflits centrés sur la propriété foncière : valoriser ou préserver le patrimoine foncier

Les communes ont ainsi de plus en plus de mal à arbitrer entre des usages conflictuels du sol (entre usage agricole et urbanisation, entre urbanisation et protection des espaces naturels, entre urbanisation dense ou diffuse) parce qu’elles ne maîtrisent plus ou impar- faitement les causes de ces conflits et qu’elles maîtrisent peu un dynamisme urbain qui trouve son origine hors du strict cadre de leurs limites administratives. Les conflits d’usage n’opposent plus seulement, par le biais de la scène municipale, des propriétaires différents tentant de valoriser au mieux leurs intérêts patrimoniaux. Ces conflits opposent aussi des conceptions divergentes du devenir de l’espace communal et rural, à propos des orienta- tions générales d’aménagement et de développement : quel type de population accueillir ? quel type d’activité favoriser ? Les élus communaux doivent ainsi procéder en deux temps : arbitrer tout d’abord entre différentes orientations de développement pour partie définies à une autre échelle (SCOT), et négocier ensuite les effets sur le sol de ces orientations avec les propriétaires. Ceux-ci détiennent in fine les clés du problème, même si les communes dis- posent de prérogatives fortes leur permettant dans certains cas de s’affranchir des obstacles éventuellement dressés par ces propriétaires (droit d’exproprier, de préempter).

La baisse d’influence sociale des agriculteurs est due, en plus de la diminution de leurs effectifs, à une modification de la structure des propriétaires. Dans un système foncier et un système politique où dominait la figure du propriétaire-exploitant (Tolron, Giraud, 200), la gestion de l’allocation du sol était largement dans leurs mains. Aujourd’hui ne subsistent pour l’essentiel que des propriétaires qui ne sont plus exploitants et quelques exploitants qui ne sont plus majoritairement propriétaires. Le lien longtemps fort entre la propriété du sol et la gestion « agricole » du sol est rompu. L’agriculteur est moins maître du sol qu’il a occupé ou tente encore d’occuper, et les propriétaires n’ont plus l’agriculture comme seul horizon de la mise en valeur du sol. La masse des propriétaires est composée de propriétaires de maisons, de parcelles bâties. Dans le « huis clos » du

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territoire communal et du conseil municipal, les agriculteurs sont devenus marginaux parce qu’ils sont moins propriétaires et parce que d’autres enjeux locaux sont apparus plus importants que la production agricole : rajeunissement de la population et accueil de nouvelles populations (par le biais de l’accession à la propriété bâtie, et dans une beaucoup plus faible mesure, du locatif), création d’emplois, accroissement de l’offre de services publics ou privés.

Isolés, les agriculteurs le sont doublement. Premièrement, parce que leur activité pro- ductive n’est plus considérée comme majeure et que, quoi qu’il en soit, leur devenir se décide en partie à l’échelle internationale aujourd’hui. Deuxièmement, parce qu’ils sont devenus très minoritaires parmi les propriétaires et que ces derniers sont souvent d’anciens agriculteurs, ou leurs descendants, exclus à un moment du secteur primaire.

Cette exclusion a pu être la conséquence d’une impossibilité à emprunter le chemin de la modernisation agricole, et a elle-même pour conséquence la nécessité de valoriser autrement un patrimoine affecté longtemps à la seule production agricole. Les anciens propriétaires-exploitants, exclus depuis des décennies du secteur agricole, deviennent les concurrents et non les alliés des exploitants encore en place. Ils sont beaucoup plus nom- breux qu’eux aujourd’hui.

Le législateur, sous la pression de la profession agricole et d’élus désireux de lut- ter contre le gaspillage de l’espace, a tenté à diverses reprises de mettre en place des outils susceptibles de préserver les terres agricoles, de garantir la pérennité de l’outil foncier de travail, de protéger les agriculteurs contre eux-mêmes autant que contre l’urbanisation. L’institution dans un premier temps en 1999 de zones agricoles proté- gées (ZAP) véritable servitude d’utilité publique agricole, n’avait rencontré que très peu d’écho. Dans un second temps en février 2005 a été ouverte au profit du dépar- tement, mais avec le nécessaire accord des communes, la possibilité de créer des

«périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains» (PPEANP)6. Ces outils peuvent être mobilisés indépendamment du PLU par des autorités qui ne sont pas communales. Ils viennent souligner par contrepoint les difficultés de parve- nir à des arbitrages favorables aux agriculteurs à l’échelle communale, comme si le PLU, cadre traditionnel d’arbitrage et de résolution des conflits, n’était plus suffisant.

Nous pouvons toutefois supposer que, pas plus que les ZAP, les PPEANP ne permet- tront de faire l’économie de la négociation foncière ni de la confrontation des usages conflictuels du sol à l’échelle communale. Celle-là demeure primordiale en matière de planification spatiale et donc de gestion de l’espace.

Il est trop tôt pour tirer des enseignements de l’élaboration en cours des PLU.

Ces procédures d’élaboration vont-elles encore être utilisées comme des occasions et des outils de résolution, nécessairement temporaires, de conflits sur l’usage de l’espace ou d’arbitrage entre des valorisations foncières différentes ? Ou ces pro- cédures, comme devrait y conduire la loi SRU, seront-elles utilisées pour mettre en œuvre des projets politiques locaux traduisant des visions du devenir communal ? L’usage récurrent du terme de projet en aménagement et urbanisme a une vertu avant tout incantatoire qui ne peut faire oublier l’inévitable confrontation des inté- rêts fonciers et immobiliers.

6 Article 73 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

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Conclusion

L’aménagement est une notion de droit public alors que le droit de propriété est au cœur du droit privé (Morand-Deviller, 2003) : les documents d’urbanisme (SCOT et PLU) contribuent à la régulation des conflits d’usage de l’espace, tant entre des projets d’aménagement concurrents d’un espace communal ou intercommunal, que des conflits de voisinage. Par leur mode d’élaboration, permettant l’expression et l’anticipation des conflits, et ensuite par la fixation de normes d’usage de l’espace, ils encadrent les condi- tions d’exercice du droit de propriété en distinguant le foncier agricole du foncier non agricole. La critique de ces normes et les conflits opposant les propriétaires fonciers à la réglementation d’usage du sol ne peuvent être pris en compte que dans une révision ulté- rieure des documents d’urbanisme. En effet, le moment de vérité demeure la confrontation du plan de zonage et du règlement qui l’accompagne, à la réalité des multiples intérêts fonciers, immobiliers et politiques locaux. La région urbaine grenobloise a su remarqua- blement tourner la difficulté en faisant de son SCOT un «super PLU». Les orientations en sont si précisément définies et spécialisées qu’elles deviennent presque directement opposables aux tiers via les PLU contraints de les traduire. L’échelle supracommunale éloignée des vicissitudes locales et communales a permis cette prise de distance.

L’élaboration de ces documents constitue indéniablement une scène de débats publics entre des collectivités locales qui portent des projets de développement différents ou qui s’inscrivent différemment dans les projets de développement des régions urbaines.

En s’intéressant à l’agriculture dans ce contexte, on saisit les évolutions qui touchent à la place du foncier dans ces débats, mais plus globalement à l’évolution d’un secteur d’activité, de plus en plus marginal en termes d’emplois, mais qui reste un gestionnaire majeur de l’espace. Il semble que, tant au niveau des régions urbaines qu’à l’échelle communale, un certain consensus se fasse jour pour instrumentaliser l’agriculture dans la maîtrise de l’urbanisation. Les tensions dans l’élaboration des SCOT sont moins entre les intérêts agricoles et d’autres intérêts socio-professionnels qu’entre différents projets de développement : développement économique versus développement résiden- tiel, diversité sociale versus sélection des populations à accueillir, développement ver- sus protection de l’environnement. Ces tensions se manifestent dans des conflits entre intercommunalités constitutives des régions urbaines, dans le cadre de l’élaboration des SCOT, ou par un refus ou une grande difficulté à poser les questions d’aménage- ment à cette échelle. A ce niveau-là, soit l’agriculture est encore une activité économi- que importante et elle sera prise en compte comme toute activité économique, soit les représentants de la profession agricole se voient reconnaître un statut d’interlocuteurs majeurs au titre de leur compétence dans la gestion de l’espace.

Le niveau communal, qui était construit historiquement comme le niveau politique de régulation des intérêts des propriétaires fonciers, est de plus en plus dans le cas des communes périurbaines un niveau de gestion des conflits de voisinage impliquant entre autres l’agriculture. Les agriculteurs, dont le faible nombre rend de plus en plus difficile leur présence dans les instances communales, peuvent trouver intérêt à voir se modifier l’échelle de traitement de leurs difficultés. Dans le cadre de l’élaboration des SCOT (mais aussi des schémas de secteurs périurbains) qui encadrent les documents locaux de fixation des règles d’usage des sols (PLU), les agriculteurs, toujours minoritaires certes, trouvent

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néanmoins là un moyen d’échapper au face-à-face avec les propriétaires. Parallèlement, les partisans de la défense du cadre de vie, propriétaires ou locataires, cherchent eux aussi à échapper à ce face-à-face avec des propriétaires fonciers soupçonnés de cher- cher à valoriser au meilleur prix leur patrimoine foncier. Les élus communaux, soucieux d’échapper aux pressions fortes des électeurs et qui constatent quotidiennement l’imbri- cation des problèmes de déplacement, d’habitat, d’équipement, d’emploi à des échelles supra-communales, trouvent aussi leur compte dans la constitution progressive de scènes d’arbitrage et de règlement de conflits, déconnectées des pressions des propriétaires fon- ciers, et dépassant les anciennes limites communales. Une rocade, une zone d’activité, un équipement public (incinérateur d’ordures ménagères, stade ou station d’épuration) n’est plus un problème de nature communale, mais supra-communale ou « régionale ».

Au niveau communal, les tensions entre propriétaires fonciers ou les conflits de voisi- nage sont des conflits entre individus défendant la valeur de leur bien foncier et immobilier, valeur du bien qui est fonction de la qualité de l’environnement. En passant au niveau inter- communal, l’espace change de nature, il n’est plus considéré comme une propriété privée.

La terre, nécessaire à l’activité agricole, est intégrée à la notion plus large d’espace, confon- dant sous une même appellation espaces agricoles, espaces naturels et paysage. Même si nous avons soulevé les ambiguïtés et les tensions entre les acteurs collectifs défendant leurs conceptions du développement et de l’aménagement, l’espace, au niveau intercommunal, est considéré comme un bien commun (et pas seulement communal !) par tous les acteurs.

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