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Géographie Économie Société : Article pp.17-36 du Vol.8 n°1 (2006)

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Géographie, économie, Société 8 (2006) 17-36

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

Stratégies d’empowerment et lutte contre les comportements « antisociaux »

au Royaume-Uni

Citizen Empowerment Strategies and Anti-social Behaviour Policy in the UK

John Flint*

Department of Urban Studies, University of Glasgow, 29 Bute Gardens, Glasgow G12 8RS

Résumé

Cet article analyse la place essentielle qu’occupent la communauté et le rôle des citoyens dans les politiques urbaines du gouvernement travailliste. Il examine la manière dont l’empowerment et la responsabilisation des citoyens dans les quartiers servent à reconfigurer la gestion urbaine.

Il contextualise le passage de la gouvernance étatique à la gouvernance communautaire dans le contexte plus large des changements qui se dessinent dans l’évolution communautaire du secteur privé et les tendances similaires qui se manifestent dans les autres pays de l’Europe de l’Ouest. Cet article détaille également ces nouvelles formes de gouvernance urbaine en examinant le rôle de l’État, des collectivités locales et des citoyens dans la mise en œuvre des politiques de lutte contre la criminalité et les comportement antisociaux, soulignant l’augmentation de l’intervention directe de l’État qui, en même temps, cherche à déléguer des pouvoirs et des responsabilités aux citoyens.

Il tente enfin d’évaluer la manière dont ces stratégies d’autonomisation reconfigurent les rapports entre les structures de l’État et les collectivités locales.

© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Adresse email : J.Flint@socsi.gla.ac.uk

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Summary

The paper explores new forms of urban governance through a study of the role of the state, nei- ghbourhoods, communities and citizens in UK crime and anti-social behaviour policies, outlining the increasing role of visible state intervention, alongside attempts to devolve power and responsi- bility to local residents. The paper concludes by assessing how these empowerment strategies have reconfigured the relationship between the state and local governance structures and identifies some of the outcomes of these policies for urban governance in the UK.

© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : gouvernance locale, État local, communauté, politique urbaine, Royaume Uni Keywords: local governance, Local State, community, urban policies, United Kingdom.

Introduction

L’évolution des politiques urbaines au Royaume-Uni reflète les grands changements qui se produisent également dans les autres États ouest-européens. Dans ces pays, les trans- formations portent sur la configuration, les dynamiques décentralisatrices, le renforcement de l’administration locale, l’émergence d’un système de gouvernance multi-niveaux, l’en- couragement des citoyens à participer davantage aux politiques publiques et à l’autoré- glementation (Kearns et Forrest, 2000; Forrest et Kearns, 2001; Loughlin et al., 2004).

La gouvernance multi-niveaux exige une transformation des relations centre/périphérie se traduisant par la remise en question d’une relation hiérarchique reposant sur l’uniformité, par l’autonomisation du local et par un niveau d’implication plus élevé des citoyens, du secteur privé et associatif. De ce fait, c’est dorénavant la recherche de la diversité qui prime en matière de prestation de services. De plus, les quartiers urbains deviennent de nouveaux espaces politiques centraux à partir desquels se développent de nouveaux parte- nariats entre la sphère publique et la société civile afin de renforcer la démocratie locale et d’améliorer l’efficacité des politiques publiques (Loughlin et al., 2004).

Les politiques urbaines du gouvernement travailliste sont fondées, d’une part, sur la notion de communauté considérée comme à la fois comme un lieu et une instance de gou- vernance (Rose, 2001), d’autre part, sur la priorité accordée aux quartiers dans les pro- grammes de renouvellement urbain (Social Exclusion Unit, 2001) et, enfin, sur une ten- tative de promouvoir des communautés autonomes grâce à des structures de gouvernance de proximité (Local Government Association, 2004). Passer de la gouvernance étatique à la gouvernance communautaire (Flint, 2005) implique un ensemble de mesures visant à encourager l’autonomie, la représentation, l’empowerment et la responsabilité des citoyens et des communautés qui s’autoréglementent (Rose, 1999), en même temps qu’une interven- tion autoritaire plus grande de l’État, notamment en ce qui concerne les politiques de lutte contre la criminalité et les comportements qualifiés d’« antisociaux » (Flint, 2002).

Cet article analyse la place essentielle qu’occupent la communauté et le rôle des citoyens dans les politiques urbaines du gouvernement travailliste. Il examine la manière dont l’empowerment et la responsabilisation des citoyens dans les quartiers servent à reconfigurer la gestion urbaine. Il contextualise le passage de la gouvernance étatique à la gouvernance communautaire dans le cadre plus large des changements qui se dessinent

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dans l’évolution communautaire du secteur privé et les tendances similaires qui se mani- festent dans les autres pays de l’Europe de l’Ouest. Cet article détaille également ces nouvelles formes de gouvernance urbaine en examinant le rôle de l’État, des collectivités locales et des citoyens dans la mise en œuvre des politiques de lutte contre la criminalité et les comportement antisociaux, soulignant l’augmentation de l’intervention directe de l’État qui, en même temps, cherche à déléguer des pouvoirs et des responsabilités aux citoyens. Il tente enfin d’évaluer la manière dont ces stratégies d’autonomisation reconfi- gurent les rapports entre les structures de l’État et les collectivités locales.

1. Gouvernement travailliste, communauté et qualité de citoyen

Le gouvernement travailliste a été élu en Grande-Bretagne en 1997, après plusieurs gouvernements conservateurs qui se sont succédé pendant 18 ans. Sous ces derniers, les politiques urbaines avaient été caractérisées par l’objectif de Margaret Thatcher de dimi- nuer le pouvoir des collectivités locales. Ainsi, le gouvernement central a repris des com- pétences autrefois dévolues aux municipalités, a généralisé les appels d’offre obligatoires pour la fourniture de services et a confié en sous-traitance à des entreprises privées de nombreuses fonctions auparavant assumées par les autorités locales. Les services publics, y compris dans les secteurs de la santé et de l’éducation, ont été soumis à de nouvelles contraintes de gestion directement inspirées par les règles du marché. Le nombre d’habi- tations à loyer modéré a été réduit substantiellement en encourageant l’accession à la pro- priété. Dans ce que N. Rose (1996) a appelé « la mort du social », la relation État-citoyen a été transformée. Alors que l’Etat providence avait généralisé la citoyenneté sociale chère à T. H. Marshall (1964), les réformes menées par les conservateurs ont transformé les citoyens en consommateurs de services publics gérés selon les principes du marché et en acteurs dont l’empowerment a été renforcée, grâce à de nouveaux droits de recours et à des chartes, de même que par leur évaluation de l’efficience et de l’efficacité des muni- cipalités et des organismes publics locaux (Rose, 1999).

Dans le but d’améliorer les services publics et de s’attaquer à la pauvreté et à l’exclu- sion sociale le gouvernement travailliste a cherché une troisième voie cherchant à éviter les échecs reconnus d’un mode de gouvernement traditionnel et bureaucratique piloté par l’État et ceux du libéralisme économique de la nouvelle droite (Giddens, 1998). L’élément déterminant de cette troisième voie est l’identification de la communauté comme lieu et instance de gouvernance (Rose, 2001), ainsi que la promotion du communautarisme qui met l’accent sur l’action collective locale de même que sur les droits et responsabilités mutuels (Etzioni, 1995; Giddens, 1998), permettant de renforcer le processus de réaffi- liation, de faire participer activement les citoyens à l’atteinte des objectifs gouvernemen- taux. Ainsi, pour le gouvernement travailliste, les citoyens ne sont plus des consomma- teurs s’inscrivant dans le cadre d’une relation État-citoyen axée sur le marché, mais des citoyens membres de communautés ayant de plus en plus de possibilités d’influencer la gouvernance de leurs lieux de vie et, en même temps, ayant l’obligation et la respon- sabilité de faire preuve d’une implication civique active au sein de leur communauté.

En favorisant le civisme actif et en faisant appel à la communauté, le gouvernement travailliste s’inscrit en continuité avec les politiques des dernières années du gouverne- ment conservateur précédent, en particulier avec celles qui ont lutté contre la criminalité

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et ont œuvré au renouvellement de certains quartiers urbains en crise (Crawford, 1997).

L’autogestion et le sens des responsabilités constituent des éléments clés de l’analyse du gouvernement travailliste. Il s’appuie sur une volonté de refonder le lien politique en suscitant de nouveaux comportements (Rose, 1999; Field, 2003). La moralité, les droits et les obligations du citoyen ont ainsi de plus en plus de place dans le discours gouverne- mental qui fait appel à la responsabilisation, au civisme actif et à l’engagement bénévole au niveau local. Par exemple, le gouvernement a formé l’Active Communities Unit pour promouvoir la participation des citoyens dans la gouvernance de leur quartier. En 2002, il a inscrit la question de la citoyenneté dans les nouveaux programmes scolaires pour sensibiliser davantage les enfants à leurs droits et à leurs responsabilités de citoyens. Il travaille actuellement sur le projet d’instaurer une journée nationale de la citoyenneté.

Ces principes considèrent le citoyen à la fois comme un gestionnaire actif de son milieu de vie, tant pour les autres que pour lui-même, et un être gouverné par l’État (Flint, 2002).

Quant au gouvernement, il agit de plus en plus en utilisant les « technologies de l’auto- gestion » (Dean, 1999; Rose, 2001) pour organiser et réguler les comportements sociaux afin d’atteindre les objectifs qu’il a lui même fixés. Dans les autres États d’Europe de l’Ouest, on constate une dynamique semblable, notamment dans la Loi sur la démocratie de proximité (2002) en France qui lie étroitement la participation des citoyens au succès de la gouvernance locale (Loughlin et al., 2004).

En tant qu’instance de gouvernance telle que la conçoit le gouvernement travailliste, la com- munauté est aussi caractérisée par l’assimilation des quartiers à des communautés définies d’un point de vue spatial. Cette dynamique a pour effet de changer les identités territoriales et la raison d’être des quartiers qui sont de plus en plus perçus et identifiés comme les territoires où l’État intervient prioritairement à travers ses politiques visant à améliorer la prestation des ser- vices et à promouvoir le civisme actif (Social Exclusion Unit, 2001; Kearns et Forrest, 2000).

1.1 Empowerment et responsabilisation des quartiers urbains

Comme les autres États ouest-européens, le Royaume-Uni procède à des réformes de grande envergure visant à décentraliser le gouvernement (Loughlin et al., 2004), notamment par la voie de la régionalisation. Certaines entités du Royaume-Uni dispo- sent aujourd’hui de prérogatives importantes grâce à l’établissement du Parlement écos- sais, de l’Assemblée galloise et de l’Assemblée d’Irlande du Nord (qui siège par inter- mittence selon la situation du processus de paix dans cette région). En Angleterre, on a opéré une régionalisation de l’action publique en créant en 1994 les bureaux des régions (Government Offices of the Regions) et ce malgré le rejet, par référendum, de l’institution- nalisation d’une assemblée pour le Nord-est de l’Angleterre.

Dans le modèle qui émerge, la décentralisation des pouvoirs se fait aussi à l’échelle locale. Dans ce processus, on accorde, comme dans les autres pays d’Europe de l’Ouest, une importance de plus en plus grande aux quartiers tant comme lieux où se manifestent les problèmes sociaux et économiques que comme arènes essentielles d’intervention gou- vernementale (Social Exclusion Unit, 2001). Trois éléments clés font des quartiers des territoires politiques de première importance dans les politiques urbaines.

Premièrement, le concept de communauté s’allie très bien avec l’importance accordée depuis longtemps aux programmes de renouvellement axés sur le milieu de vie dans les

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politiques urbaines du Royaume-Uni. En effet, depuis la fin des années 1960, la politi- que de renouvellement des quartiers identifie et cible les communautés les plus dému- nies et prévoit pour elles des ressources supplémentaires. Depuis les années 1980, cette approche fondée sur le quartier est passée de l’identification des priorités en matière de rénovation d’ordre matériel et environnemental (il s’agit généralement de logements) à une approche plus globale, à intervenants multiples, qui met l’accent sur le besoin de renouveau social et communautaire sans pour autant négliger la rénovation matérielle.

On considère que le renforcement de la participation individuelle et communautaire est primordial pour assurer la viabilité des programmes de renouvellement urbain (Social Exclusion Unit, 2001). Le gouvernement travailliste s’inscrit dans cette tradition en met- tant la régénération des quartiers à la base de ses politiques urbaines et fait profiter les communautés les plus démunies de programmes globaux, à financement croisé, dans le but de s’attaquer simultanément à la dégradation environnementale, au logement insalu- bre, aux problèmes de santé publique, scolaires, à la criminalité et à l’absence d’activités économiques (Social Exclusion Unit, 2001). Le Neighbourhood Renewal Unit coordonne le programme de régénération établi par le gouvernement. Le financement accordé aux localités les plus démunies provient de sources telles que le New Deal for Communities Fund et le Neighbourhood Renewal Fund.

Le deuxième élément clé réside dans le fait que les différents niveaux de gouverne- ment (national et municipal) n’agissent plus en tant que producteurs de la politique de renouvellement mais en qualité d’instances de facilitation et d’empowerment. Le gouver- nement central et l’administration locale ont comme objectif d’accroître la participation des secteurs privé, bénévole et communautaire en accordant aux communautés locales un rôle central lorsqu’il s’agit de déterminer les priorités et les mécanismes en matière de politiques urbaines (Social Exclusion Unit, 2001). Cette approche à intervenants multiples et la transformation du rôle de l’administration locale en faveur de la mobilisation d’ac- teurs non gouvernementaux sont manifestes dans une pléthore de partenariats axés sur le milieu de vie qui constituent maintenant le mécanisme central par lequel sont déterminées les interventions en matière de politiques urbaines. Parmi ces partenariats, mentionnons les Local Strategic Partnerships qui traitent des processus de régénération des quartiers, leurs équivalents en Écosse, les Social Inclusion Partnerships, et les Crime and Disorder Reduction Partnerships. Dans ces partenariats, les collectivités locales conservent la res- ponsabilité de l’élaboration des stratégies et la capacité de planification, mais comptent de plus en plus sur un partenariat avec d’autres organismes pour mettre en œuvre les politiques. Un bel exemple est le soutien accordé au transfert du parc de logements du Royaume-Uni – autrefois gérés par les conseils municipaux – à des associations quasi publiques de propriétaires qui facilitent l’obtention de fonds privés pour venir en appui à la subvention gouvernementale et accroître la participation des locataires et des résidants dans la gestion de leurs logements et de leur communauté (Bramley et al., 2004).

Le troisième élément clé est l’émergence du paradigme de l’exclusion sociale dans les politiques urbaines, qui élargit l’importance accordée antérieurement à la pauvreté matérielle pour y inclure la culture, le comportement moral et l’interaction sociale comme facteurs explicatifs des désavantages (Levitas, 1998). Il s’ensuit deux conséquences. En premier lieu, on accorde davantage d’importance aux attitudes et à la conduite morale des individus, leur rappelant les devoirs et les obligations qu’ils ont envers leurs communautés

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respectives ainsi que les responsabilités qu’ils ont contractées envers l’État en retour des droits qui découlent de la qualité de citoyen (Rose, 2001). En second lieu, on accorde également une importance accrue aux relations sociales et associatives dans les quartiers urbains et un rôle central au capital social dans le processus de régénération des quartiers (Forrest et Kearns, 2001; Performance and Innovation Unit, 2002). Le terme « capital so- cial » est ici employé dans le sens que lui accorde R. Putnam, c’est-à-dire les réseaux et rapports sociaux fondés sur l’engagement et la coopération communautaires qui contri- buent à améliorer les effets des politiques urbaines (Putnam, 2001).

1.2 Vers la gouvernance de proximité

Dans chaque collectivité locale, il existe des programmes de décentralisation à desti- nation des quartiers. En plus de ce transfert de pouvoir, les principaux services munici- paux, notamment le logement, l’environnement et le travail social, sont de plus en plus organisés sur une base infra-municipale. Les agents administratifs de première ligne ont un pouvoir décisionnel accru et jouissent de plus d’autonomie (Flint, 2002). Un processus semblable est manifeste en matière d’éducation et de santé grâce à la plus grande capa- cité accordée aux groupes de soins de santé et aux écoles de gérer leurs propres budgets.

Un mécanisme clé de la nouvelle gouvernance de proximité est le modèle du neigh- bourhood management par le biais duquel un groupe d’organismes et de producteurs de services ainsi que des représentants de la communauté est constitué et autorisé à fournir des services définis et gérés localement, souvent sous le contrôle d’un gestionnaire ou d’un coordinateur de quartier (Power et Bergin, 1999; Social Inclusion Unit, 2001). Cette réorganisation des structures des services des municipalités va de pair avec la promotion de la gouvernance de proximité.

Selon la logique du gouvernement travailliste, l’amélioration de la gouvernance de proximité vise à fournir plus efficacement les services publics et à faire appel à la participa- tion active des citoyens pour contribuer à la réalisation des objectifs gouvernementaux :

« Un élément important de l’amélioration durable des services publics et de la par- ticipation des citoyens aux institutions du gouvernement consiste à offrir et à mettre au point des activités à l’échelon du quartier, mobilisant ainsi l’intérêt des gens envers les questions locales, qui touchent leur vie quotidienne » (ODPM, 2005).

Dans cette approche, le pouvoir et la responsabilité passent de l’administration locale, ainsi que de ses mécanismes traditionnels de prise de décisions et d’imputabilité, à la population des quartiers et aux nouvelles structures de proximité, comme le décrit le vice-premier ministre John Prescott :

« Il s’agit d’une nouvelle forme de gouvernance : les gens prennent part aux prises de décision dans leurs communautés, au lieu de laisser ce processus à leurs élus et au conseil municipal » (cité dans Hetherington, 2005).

Dans ce nouveau modèle de gouvernance de proximité, la population locale est non seulement habilitée à influencer les prises de décision et la prestation des services par les municipalités, mais est aussi incitée à prendre elle-même la responsabilité de fournir certains services normalement produits par ce niveau de gouvernement:

« Il faut donner à la population locale, c’est‑à‑dire aux résidants, aux entreprises et aux usagers des services d’un quartier, la possibilité réelle d’avoir leur mot à

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dire et, dans certains cas, de prendre des responsabilités quant à la gestion de leur quartier » (ODPM, 2005).

Le gouvernement du Royaume-Uni propose de donner aux communautés le pouvoir de fournir des services à l’échelon local, notamment le nettoyage des rues et l’entretien des parcs, les activités de gardiennage dans les quartiers. Ce processus est notamment rendu possible grâce à la création des Parish Councils qui facilitent cette délégation de responsabilité en matière de prestation de services. Il existe plus de 10 000 Parish Councils en Angleterre, au pays de Galles et en Écosse où ils sont connus sous le nom de Community Councils. Ces institutions représentent les communautés locales et sont admi- nistrées par des conseillers directement élus. Elles détiennent des pouvoirs limités, mais qui peuvent aller jusqu’à la possibilité de lever leurs propres impôts. Elles emploient plus de 25 000 personnes dans toute l’Angleterre et le pays de Galles, leurs budgets annuels dépassent les 200 millions de livres. Il faut cependant remarquer qu’il n’en existe pas partout : de nombreux quartiers urbains n’ont pas de Parish Councils mais en général disposent de nombreuses associations – notamment de locataires et de résidants – et des groupes communautaires qui oeuvrent dans le domaine du renouvellement urbain. Il existe dans d’autres Etats européens des structures de gouvernance de proximité sembla- bles pour la prestation des services locaux, par exemple, les régies de quartier en France, qui sont des organismes sans but lucratif offrant des services locaux tout en demeurant dépendants des subventions de l’État et des municipalités, ou encore les conseils de quar- tier en Italie (Loughlin et al., 2004).

L’empowerment des communautés locales et la délégation du pouvoir décisionnel aux unités de voisinage par le gouvernement se fait par le biais d’un éventail de mécanismes de transfert de pouvoirs de l’État. Les Neighbourhood Charters représentent un dispositif très répandu qui détaille les attentes à l’égard des fournisseurs de services courants ainsi que la qualité de ces services, de même qu’elles augmentent l’imputabilité des organismes locaux vis-à-vis de la population (ODPM, 2005). Un autre mécanisme d’empowerment de la population locale consiste à déléguer des éléments des budgets des municipalités aux quartiers. Par exemple, à Birmingham, les comités de quartier, composés de conseillers et de résidants, ont maintenant le pouvoir de déterminer les priorités en matière de servi- ces et ont la responsabilité d’administrer les budgets des principaux services tels que le ramassage des ordures ménagères, le nettoyage des rues et la sécurité. Le gouvernement encourage aussi les quartiers à assumer la responsabilité d’aménagements et d’installa- tions tels que les parcs publics et les salles communautaires (ODPM, 2005).

Le virage le plus radical vers l’autonomisation des quartiers conduit à ce que les quar- tiers fournissent directement, par leurs institutions représentatives, les services précédem- ment produits par les municipalités. Le Quality Parish scheme, présenté par le gouver- nement en 2003, vise à rendre les Parish Councils aptes à offrir des services, notamment l’entretien des rues piétonnes et des accotements des voies publiques ainsi que le net- toyage des rues. En outre, le gouvernement vise à rendre possible l’élaboration au niveau des quartiers de dispositions administratives, dits « règlements internes », propres à leur territoire qui interdiraient certains comportements comme, par exemple, le stationnement automobile dans certains espaces précis (ODPM, 2005).

Il serait trop simpliste d’affirmer que ces dynamiques conduisent à contourner les conseils municipaux (Hetherington, 2005). Il existe de nombreuses dispositions qui

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garantissent aux municipalités des responsabilités légales et les pouvoirs réglementaires et stratégiques correspondants. Il est vrai cependant que ces politiques donnent aux quar- tiers et aux acteurs qui les représentent et agissent en leur sein des pouvoirs antérieure- ment dévolus aux conseils municipaux et, dans une certaine mesure, aux conseillers de quartier. L’autonomisation n’étant pas un jeu à somme nulle (et le gouvernement ne nie pas que l’autonomisation des collectivités locales accorde des pouvoirs accrus aux orga- nismes publics et au gouvernement), elle provoque inévitablement des tensions. Ainsi, les conseillers municipaux et les acteurs infra-municipaux s’opposent très régulièrement sur leur légitimité respective, sur l’harmonisation des priorités fixées à l’échelon des quar- tiers et les objectifs stratégiques élaborées à l’échelle des municipalités.

1.3 De la gestion publique à la gouvernance communautaire

Les paragraphes précédents ont fait état du passage d’un mode de gestion directement assumé par les municipalités à celui pris en charge par les quartiers. Ce processus s’ap- puie sur la capacité à l’auto réglementation des communautés ainsi que sur l’identification des quartiers comme espaces de prestation de services et de régénération urbaine (DETR, 2000). Toutefois, l’incitation à l’autogestion des quartiers dans le cadre des politiques urbaines est symptomatique de vastes tendances concernant la réorientation fondamen- tale du rôle de l’État et des citoyens à travers notamment l’émergence d’une gouvernance communautaire et d’une relation communauté-citoyen en remplacement d’une gestion publique dominée par les administrations municipales. C’est bien la relation État-citoyen qui est en voie de recomposition. La politique du logement est typique du retrait de l’État et de l’émergence des communautés dans le domaine de l’habitation. Le secteur du loge- ment géré par l’État décline depuis le début des années 1980 en raison de la croissance du nombre de propriétaires. La part restante est entre les mains d’associations de pro- priétaires financées en partie par le secteur privé et non pas sous le contrôle des conseils municipaux gérant les HLM (Bramley et al., 2004).

On constate aussi l’émergence d’une forme de gouvernance de proximité fondée sur la communauté dans le mode d’occupation des logements privés, qui encourage non seulement le communautarisme, mais aussi les mécanismes d’autogestion et la prestation de services par le secteur privé. Par exemple, il suffit de mentionner le nombre de plus en plus élevé de ce que l’on appelle les Common Interest Developments et les associations de proprié- taires qui sont très répandus aux Etats-Unis et qui se développent rapidement en Grande- Bretagne. Ce mode d’occupation du logement privé, que A. Crawford (2003) appelle la

« communauté contractuelle », s’appuie sur le cadre législatif en matière civile et privée pour élaborer des règles qui régissent la conduite des copropriétaires, souvent en rapport avec les responsabilités de ces derniers à l’égard de la communauté et de leurs voisins. De plus, il comporte des structures de régie interne, non publiques et qui lui sont propres, afin d’assurer le respect des règlements établis. Très généralement, ces « communautés contrac- tuelles » achètent des produits et des services auprès du secteur privé (McKenzie, 1994), notamment le ramassage des ordures ménagères, les services de loisirs et d’aménagement paysager ainsi que les services de gardiennage qui inclus des patrouilles effectuées par un personnel spécialisé. Dans les faits, ces services remplacent ceux fournis habituellement par les pouvoirs publics – notamment les services de police (McKenzie, 1994).

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Dans le cadre de ce que C. Lasch (1995) appelle « une révolte des élites », les copro- priétaires de ces ensembles d’habitation achètent non seulement des services publics tels que les services de police, mais cherchent aussi à moins dépendre des structures munici- pales de gestion et à moins y contribuer ; aux États-Unis, ils cherchent même à s’affran- chir du régime d’impôts municipal (McKenzie, 1994). En fin de compte, ces « services soustraits à l’administration locale » (McLeod, 2004) sont un modèle d’autonomisation des citoyens et des quartiers qui se réalise par un désengagement plutôt qu’un réengage- ment envers l’État. S’inscrivant parfaitement dans la gouvernance de proximité encou- ragée par le gouvernement, ces pratiques remettent en question l’existence d’un intérêt commun à l’échelon des municipalités et la volonté de faire société (Crawford, 2003).

De ce fait, l’orientation des politiques urbaines du Royaume-Uni en faveur de commu- nautés autogérées (Local Government Association, 2004) est ambiguë. Elle est porteuse de conséquences encore mal connues pour ce qui est de la relation qu’entretiennent les citoyens et les gouvernements locaux.

L’inflexion du gouvernement national en faveur des communautés locales s’appuie sur le potentiel d’autogestion au sein d’une communauté associée à la solidarité spontanée (Loopmans, 2004). Toutefois, la gestion communautaire peut accroître la solidarité dans un milieu de vie au détriment de la cohésion nationale, et l’incitation à créer des quartiers comme lieux de mobilisation des citoyens est susceptible d’affaiblir plutôt que de ren- forcer l’identification de ces derniers avec des domaines publics plus larges. P. Bourdieu (1986) a bien énoncé ces risques dans son étude sur la nature du capital social qu’il analyse surtout comme un mécanisme de division qui renforce la distribution inégale des ressources et la vulnérabilité de certains groupes sociaux.

2. Services de police, criminalité et politique sur le comportement « antisocial » en Grande-Bretagne

Le gouvernement du Royaume-Uni et le pouvoir exécutif délégué à l’Écosse accordent de plus en plus d’importance à la lutte contre la criminalité et les comportements qualifiés d’antisociaux. En plus des politiques traitant du banditisme, le gouvernement, à travers les services de police et sa politique pénale, se concentre sur les comportements antisociaux qui sont appréhendés comme une menace et un frein à la régénération de certains quartiers en difficulté (Social Inclusion Unit, 2001; Home Office, 2003). Par comportement antiso- cial, le gouvernement entend « comportement d’un individu susceptible de causer du har- cèlement, de l’inquiétude ou de la détresse à une ou à plusieurs personnes qui ne font pas partie du même ménage que lui » (Home Office, 2003). Cette définition couvre une vaste gamme d’actions, mais porte surtout sur les infractions d’ordre environnemental (graffiti, détritus laissés dans les espaces publics, vandalisme, bruit excessif) et le désordre public (ivresse sur la voie publique, agressions, regroupement de jeunes dans les espaces publics).

Le gouvernement considère que le comportement « antisocial » constitue un problème croissant dans de nombreuses communautés du Royaume-Uni et a des conséquences gra- ves sur la qualité de vie dans certains quartiers (Home Office, 2003)

Il a présenté un éventail de mesures stratégiques et législatives importantes pour contrer le comportement antisocial, notamment la loi sur la criminalité et le désordre (Crime and Disorder Act 1998), la loi sur la réforme de la police (Police Reform Act, 2002) et la

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loi sur le comportement antisocial (Anti-social Behaviour Act 2003), qui est distincte de celle sur le comportement antisocial adoptée en 2004 par le Parlement délégué de l’Écosse. Bien des mesures visent à accroître la présence visible de l’autorité policière dans les quartiers et à augmenter la surveillance et le contrôle des espaces publics (DETR, 2000). Ces mesures ont nécessité l’embauche d’un nombre record d’agents de police (plus de 140 000 aujourd’hui), appuyés par plus de 4 000 agents de soutien communau- taire (qui portent l’uniforme mais n’ont pas tous les pouvoirs dévolus aux policiers) dont le nombre devrait passer à 24 000 d’ici 2008. Cette plus grande présence policière dans les communautés est encore accrue par la présence généralisée de gardiens de quartier.

Généralement employés par les administrations municipales, ces gardiens sont chargés d’accomplir diverses tâches : délivrer des contraventions pour certaines infractions, ges- tion de l’environnement, liaison avec la police et les municipalités (DETR, 2000).

De plus, un certain nombre de mécanismes juridiques nouveaux ont été établis, notam- ment l’ordonnance liée au comportement antisocial (OCA) et l’injonction de dispersion.

L’OCA est une mesure civile prise par un magistrat local à la demande de la police, d’une municipalité ou d’une association d’habitants. Elle a une durée minimale de deux ans et interdit à un individu de se trouver dans certains secteurs à des moments précis de la journée, de transporter certains effets, d’être en compagnie de certaines personnes, de dessiner des graffiti ou de se livrer au vandalisme. Elle vise les jeunes de moins de 16 ans.

Bien qu’étant une ordonnance civile, son non-respect entraîne une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement. En Angleterre et au Pays de Galles, on a délivré 2360 OCA entre les mois d’octobre 2003 et septembre 2004 (Home Office, 2004a).

L’injonction de dispersion donne la possibilité aux policiers de disperser les groupes de deux personnes ou plus qui se trouvent dans des secteurs au sein desquels des compor- tements antisociaux ont été enregistrés dans le passé. Entre 21 h et 6 h, un policier peut enjoindre des jeunes de moins de 16 ans non accompagnés d’un adulte de rentrer immé- diatement chez eux. Ce pouvoir est discrétionnaire et l’injonction s’appuie sur le risque d’intimidation, de harcèlement ou d’inquiétude que génèrent les groupes visés (Blunkett, 2004). En Angleterre et au Pays de Galles, 418 injonctions de dispersion ont été émises entre les mois de janvier et septembre 2004 (Home Office, 2004b).

Les autres mesures prises par les gouvernements du Royaume-Uni et d’Écosse com- prennent, entre autres, le renforcement des pouvoirs juridiques accordés aux locataires de logements sociaux, qui permettent d’évincer les locataires dont le comportement est anti- social, et une gamme de sanctions fixes pouvant être imposées pour diverses infractions de nature environnementale telles que les graffiti, le vandalisme, l’abandon de détritus et le déversement de déchets sur la voie publique. En Angleterre, ces ordonnances peuvent être délivrées à l’encontre de jeunes de moins de 16 ans.

Les nouvelles dispositions ne sont pas toutes sur le registre punitif. On compte aussi de nombreux programmes de prévention, tels que les programmes de réhabilitation des drogués, le recours plus fréquent à des peines à purger dans la communauté plutôt qu’à l’emprisonnement, les services de soutien intensif aux familles aux prises avec des com- portements antisociaux et l’utilisation de services de médiation pour régler les litiges entre voisins. Le gouvernement soutient que le comportement antisocial est également contré par ses grands programmes de régénération des quartiers visant à combattre l’ex- clusion sociale (Social Inclusion Unit, 2001; Home Office, 2003).

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Le ministère de l’Intérieur et le bureau du vice-premier ministre se partagent la respon- sabilité de la mise en oeuvre de la politique sur le comportement antisocial. Le premier est responsable de la police et de la criminalité; le second, du logement, du cadre de vie et de la régénération des quartiers. En Écosse, c’est le pouvoir exécutif qui est responsable de cette politique. Il a mandaté des groupes pour coordonner les initiatives stratégiques visant à contrer le comportement antisocial.

L’Angleterre et le Pays de Galles se sont doté d’un plan national et ont lancé la cam- pagne nationale TOGETHER en vue de fournir l’appui du gouvernement central, notam- ment financier, aux administrations municipales et aux autres organismes locaux. Dix municipalités testent actuellement de nouvelles mesures visant à contrer les comporte- ments « antisociaux » et 50 autres, qui administrent des quartiers « sensibles », reçoivent des fonds publics additionnels en vue de prendre des mesures appropriées. Dans toutes les municipalités, les stratégies de lutte contre les comportements « antisociaux » font l’objet de partenariats qui tentent de rassembler les conseils de quartier, la police, les locataires de logements sociaux et les organismes communautaires et bénévoles.

2.1 La lutte contre les comportements « antisociaux » dans les quartiers

Dans un document stratégique récent, intitulé Building Communities, Beating Crime, le gouvernement énonce deux objectifs très importants : mettre au point un modèle de services de police axés sur le voisinage et faire participer les communautés et les citoyens à la définition du maintien de l’ordre (Home Office, 2004b).

Le maintien de l’ordre et la lutte contre les comportements « antisociaux » traduisent la vaste réorganisation des services publics fondée sur la décentralisation des structu- res de gouvernance au profit des communautés locales. Pour l’Angleterre et le Pays de Galles, le ministère de l’Intérieur propose de mettre sur pied des équipes de maintien de l’ordre à l’échelle des quartiers, financées par un fonds créé à cet effet (Home Office, 2004b). De même, le pouvoir exécutif écossais est favorable à la formation d’équipes permanentes à l’échelon des quartiers et axées sur la communauté pour contrer les com- portements ‘antisociaux’ et surveiller les familles ‘à problèmes’ » (Scottish Executive, 2003). Ainsi, le quartier et la communauté sont considérés comme une seule et même réalité (Scottish Executive, 2003; Home Office, 2003; Brown, 2004). Le pouvoir exécutif écossais a intentionnellement intitulé son document stratégique Putting Our Communities First. Il y affirme que ses dispositions législatives sur les comportements « antisociaux »

« placeront fermement les ministres du côté des communautés » (Scottish Executive, 2003). Dans un sens plus large, s’est également affirmé le rôle accru des citoyens et leur capacité à gérer les organismes publics, y compris les administrations locales et la police, de manière à ce qu’ils soient imputables de leurs actes.

Cette approche est caractérisée par la participation accrue des communautés et des citoyens qui, désormais, « font partie de la grande famille du maintien de l’ordre » (Home Office, 2004b). L’empowerment des communautés locales et des citoyens a obligé la police et les administrations locales à rendre des comptes, à déterminer des objectifs clairs à l’égard de la criminalité et à jouer un rôle proactif en matière de gestion du com- portement antisocial. Le premier ministre Tony Blair a affirmé :

« La population locale connaît bien les problèmes de comportement antisocial. Par

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conséquent, nous devons lui accorder plus de pouvoirs pour qu’elle soit en mesure de s’y attaquer » (Blair, 2004).

Dans le même ordre d’idées, l’ancien secrétaire de l’Intérieur, ministère qui détient la responsabilité centrale du maintien de l’ordre et de la politique de réduction de la crimi- nalité en Angleterre et au pays de Galles, a déclaré :

« Habiliter la population locale pour qu’elle puisse, premièrement, demander et obtenir l’information dont elle a besoin, deuxièmement, se rassembler et, troisième- ment, agir » (Blunkett, 2004).

En Écosse, la stratégie contre les comportements « antisociaux » élaborée par le pou- voir exécutif comporte une section intitulée « Protéger et habiliter les communautés » (Protecting and Empowering Communities). Les lois ont renforcé l’obligation qu’ont les organismes locaux de faire participer les communautés à l’élaboration des stratégies de lutte contre les comportements antisociaux (Scottish Executive, 2003).

Ces stratégies cherchent à étendre la gestion des comportements « antisociaux » au-delà des administrations municipales pour y faire participer les communautés locales et les citoyens. Ce passage de l’administration municipale à l’administration commu- nautaire est manifeste dans les changements contenus dans les dispositions législatives des OCA. La disposition 125 de l’article 3 du projet de loi sur le crime organisé et la police, publié en novembre 2004, rend le secrétaire d’État apte à augmenter la liste des autorités compétentes pouvant demander des OCA. Actuellement, seuls peuvent le faire les organismes publics ou quasi publics : les municipalités, la police et les associations reconnues de locataires de logements sociaux. Toutefois, les autorités compétentes dont il est question pourraient comprendre des organismes communautaires tels que les orga- nisations de surveillance de quartier (il existe des groupes de citoyens qui patrouillent leur quartier, assurent la liaison avec la police et font la promotion de la sécurité prise en charge par la communauté). On envisage actuellement d’autoriser les communautés locales à demander elles-mêmes des OCA en recourant à des pétitions, des référendums ou des assemblées publiques locales (ODPM, 2005). Ainsi, l’empowerment est étendue en favorisant le civisme actif et l’action communautaire organisée par les résidants plutôt que par les organismes d’État.

En outre, on note une nette inflexion en faveur de l’empowerment et de la mobilisa- tion des citoyens à gérer les OCA, en partie en réaction au grand nombre de violations des conditions énoncées dans ces ordonnances et à la difficulté des services de police à les faire respecter. En faisant jouer un rôle plus grand à la population locale, on rend possible la surveillance 24 heures sur 24 des individus assujettis à des OCA, ce qui était auparavant impossible en raison du temps limité de la présence du personnel en uniforme embauché par les organismes d’exécution des OCA dans les collectivités locales (Brown, 2004). Il s’agit là d’un exemple typique de l’empowerment des citoyens qui vient com- pléter l’intervention de plus en plus visible de l’État.

Pour que les citoyens puissent jouer ce rôle, il leur faut avoir l’information sur les indi- vidus soumis à des OCA et sur ce qui leur est interdit. Les municipalités ont recours à un mécanisme clé pour faire participer encore plus les communautés locales à la surveillance et au respect des conditions énoncées dans les OCA : elles publient les noms des individus soumis à des OCA, les stigmatisent donc très fortement et affichent les renseignements sur les contrevenants sur des sites Web et dans les médias locaux. De plus, de nombreuses

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municipalités distribuent maintenant des bulletins d’information dans lesquels on trouve les photos des personnes faisant l’objet d’OCA, le détail des infractions qu’elles ont com- mises, une liste des activités qui leur sont interdites, les directives à suivre pour dénoncer ces personnes qui ne respecteraient pas les ordonnances et une liste de numéros de télé- phone des autorités compétentes. Le projet de loi 2004 sur le crime organisé et les services de police supprime les mesures de protection de l’anonymat des jeunes de moins de 15 ans assujettis à des OCA pour pouvoir publier les conditions auxquelles ils doivent se plier.

On s’inquiète cependant de ces stratégies en invoquant qu’elles peuvent conduire au ciblage, à la stigmatisation et à la victimisation des individus assujettis à des OCA. De plus, les pratiques semblent beaucoup varier. Le conseil municipal de Sheffield, par exemple, diffuse le nom des personnes soumises à une OCA mais ne le fait pas pour les jeunes de moins de 16 ans. Dans d’autres villes, l’affichage des noms des contrevenants n’est pas systématique.

La délégation du pouvoir d’exécution aux collectivités locales est encore plus mani- feste dans les dispositions législatives ayant trait aux Parish Councils et aux conseils municipaux, ainsi que dans le projet de loi 2005 sur les « quartiers plus propres » (Cleaner Neighbourhoods Act [2005]). Dans ce projet de loi, le gouvernement accorde aux Parish Councils de nouveaux pouvoirs en vertu desquels les membres ou les employés de ces conseils peuvent délivrer des ordonnances pénales pour diverses infractions d’ordre envi- ronnemental, telles que les excréments de chien, les graffitis, l’abandon de détritus, la pose d’affiches illégales et le tapage nocturne. Là encore, un pouvoir antérieurement réservé aux municipalités ou à la police est délégué à des organismes non gouvernementaux alors que le maintien de l’ordre constitue une compétence régalienne par exemple.

De même, le gouvernement étend la capacité des Parish Councils pour leur permettre d’être les instigateurs de dispositions législatives en les rendant aptes à proposer et à appliquer des règlements locaux. Dans son document, le gouvernement donne comme exemple un citoyen qui voudrait voir interdire la planche à roulettes dans son quartier et ferait valoir que « faire de la planche à roulettes n’est pas un comportement acceptable dans un quartier » (ODPM, 2005). Cet exemple montre clairement comment une fonction gouvernementale locale est transférée à des organismes de gouvernance de proximité. De plus, le gouvernement propose que les Parish Councils ou d’autres organisations com- munautaires participent davantage au règlement des litiges entre voisins, de même qu’à la médiation dans les cas de tensions entre des communautés.

Un autre exemple du transfert de fonctions de l’État aux communautés locales est l’empower- ment des résidants à se prononcer sur la forme exacte que prendront les sanctions imposées aux délinquants. Les gouvernements du Royaume-Uni et de l’Écosse encouragent fortement l’utili- sation de l’ordonnance de réparation dans la communauté (Community Reparation Order) qui exige des délinquants d’accomplir gratuitement du travail de nature communautaire ou environ- nementale (par exemple, enlever des graffiti) là où ils ont commis des infractions (Home Office, 2003; Scottish Executive, 2003). Dans le cadre de la campagne de protection de l’environne- ment, le gouvernement a récemment proposé que les communautés locales soient habilitées à déterminer les programmes et les projets qui devraient être réalisés (Home Office, 2004c).

En plus des pouvoirs accrus accordés aux communautés locales pour leur permettre d’être les instigatrices et les gestionnaires des mécanismes de contrôle de la criminalité, le gouvernement leur a aussi accordé le pouvoir de déterminer les services de police qu’elles veulent et de suivre de près les interventions des policiers (Home Office, 2004b).

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Les communautés locales ont également le pouvoir de prendre des mesures lorsque le constat est fait que les forces de l’ordre, une municipalité ou des partenaires de la sécurité communautaire ne fournissent pas les services adéquats ou satisfaisants.

2.2 Le revers de la médaille de l’empowerment : la responsabilité communautaire Ces initiatives stratégiques reconfigurent le rôle des organismes d’État et celui de la population locale en étendant aux communautés des pouvoirs antérieurement réservés à la police et aux municipalités locales, en donnant aux citoyens des outils de contrôle plus puissants sur les services de police et en les considérant comme des gestionnaires impor- tants du comportement antisocial. De plus, on exhorte les citoyens à être actifs, à accepter les responsabilités liées à ces nouveaux droits et à agir en conséquence.

Le document du gouvernement est explicite à cet égard. Intitulé Respect and Responsibility‑

Taking a Stand Against Antisocial Behaviour, il énonce ce qui suit : « nous [le gouvernement]

croyons qu’il est temps que la communauté prenne position » (Home Office, 2003).

Cette affirmation laisse entendre que les communautés, qui font face à des niveaux élevés de criminalité et à la présence de comportements « antisociaux », ne prennent pas actuellement position en raison, entre autres, du manque d’engagement moral. Le gou- vernement considère donc les communautés locales et les citoyens comme les premiers déterminants des valeurs morales et les premiers agents du contrôle social : il revient à la communauté d’établir les normes de comportement (Home Office, 2003).

« Le comportement antisocial est un problème vécu au niveau local et, en consé- quence, nécessite des mesures efficaces à ce niveau. Ces mesures doivent s’adresser aux individus, aux familles, aux associations de résidants, aux groupes communau- taires et aux responsables des services publics » (Home Office, 2003).

Par conséquent, tant à titre d’individus que comme communauté, les citoyens doivent être pro-actifs dans la lutte contre le comportement antisocial. Ils sont les premiers ges- tionnaires de ce comportement, et les services publics doivent les soutenir dans cette tâche.

L’ancien secrétaire d’État a ainsi affirmé : « Il faut que la collectivité locale prenne position et dise “trop, c’est trop” » (Blunkett, 2004).

De même, le premier ministre Tony Blair a souligné la nature contractuelle de sa propre conception de la relation État-citoyen, qui fait ressortir tant les responsabilités que les droits :

« En retour du plus grand nombre de ressources et de l’aide accrue que nous offrons, la société a, elle aussi, le droit d’exiger que chaque citoyen assume sa part de responsabilité du contrat : se comporter convenablement et prendre les mesures efficaces contre ceux qui refusent de bien se comporter » (Blair, 2004).

Il est intéressant de constater que cet énoncé étend le contrat entre le citoyen et le gouvernement au-delà de l’obligation de l’individu de bien se comporter socialement. En effet, le citoyen a aussi une obligation envers les autres : celle de prendre des mesures pour garantir la bonne conduite de tous les citoyens (en l’occurrence, lutter contre le com- portement antisocial). Le gouvernement l’exprime de façon explicite :

« À titre de communauté, nous avons la responsabilité de nous élever contre la minorité qui cause la souffrance et la détresse » (Home Office, 2003).

Ce discours est aussi très présent dans le lancement récent d’un numéro d’urgence dans plusieurs quartiers pour faciliter « une plus grande participation de la communauté

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à la lutte contre le comportement antisocial » (Home Office, 2005). Le titre donné à ce service, « C’est votre appel » (It’s your call), comporte une double allusion : il évoque, premièrement, le geste technique de téléphoner et, deuxièmement, l’aspect moral d’avoir le choix entre agir ou ne rien faire pour lutter contre les comportements « antisociaux », ce qui sous-tend que choisir de ne rien faire conduit à se rendre partiellement responsable de la non-résolution du problème. Ainsi, comme O’Mally le fait remarquer (1992), les communautés font désormais face aux niveaux de sécurité qu’elles méritent. Un ministre a énoncé le même message à l’occasion du lancement du service mentionné :

« Il faut que le public fasse aussi sa part et prenne une certaine responsabilité par rapport à ce qu’il vit […] il faut mettre le pouvoir entre les mains de la population locale pour que les changements nécessaires s’accomplissent » (Blears, 2005).

L’empowerment et la responsabilisation sont ainsi jumelées. Le gouvernement consi- dère comme un problème non seulement les comportements « antisociaux » de certains individus, mais aussi la passivité des communautés locales et des citoyens qui font face à ce comportement. Le premier ministre est clair à cet égard :

« Il faut que plus de communautés recourent constamment à ces pouvoirs pour éliminer cette menace [les comportements ‘antisociaux’] qui plane sur la vie des familles honnêtes » (Blair, 2004).

Il est donc clair que le gouvernement stigmatise ainsi les communautés locales qui refusent de se prévaloir du plus grand empowerment offert par l’Etat et doivent donc accepter leur part de responsabilité dans la non-résolution des comportements antiso- ciaux. Cette attitude se manifeste dans d’autres domaines tels que la gestion des tensions existantes entre les groupes ethniques et entre les groupes religieux (Flint, 2005).

L’Etat cherche donc à encourager le civisme actif, notamment en récompensant les citoyens qui s’engagent dans la lutte contre le comportement antisocial. Il parraine en effet des récompenses à l’échelle nationale accordées aux citoyens qui acceptent le cadre de la nouvelle politique et espère ainsi que leur exemple entraînera d’autres citoyens à suivre leur démarche (Home Office, 2004d).

L’Écosse a adopté un plan semblable. Cette incitation à adopter des comportements

« responsables » fondés sur le devoir envers la communauté est réitérée à l’échelon local grâce au nombre croissant de communautés locales et d’associations de propriétaires de logements qui font signer des ententes de bon voisinage et offrent des récompenses aux résidants qui définissent en détail les normes de bonne conduite, y compris le devoir d’aider les autres. De plus, elles font signer un contrat aux jeunes qui ont eu des compor- tements « antisociaux » et définissent avec eux et leurs parents les normes de comporte- ment à respecter (Scottish Executive, 2003).

Conclusion

Que nous apprend la dynamique engagée en faveur de la gouvernance de proximité et l’autonomisation des citoyens et des communautés sur la transformation de l’Etat ? De prime abord, il semble que le gouvernement cherche à renforcer ses pouvoirs légaux et à se doter de moyens d’intervenir de plus en plus puissants en matière de lutte contre la criminalité et les comportements « antisociaux ». Il n’y a jamais eu autant de policiers au Royaume-Uni qu’actuellement. De plus, ils sont appuyés par un grand nombre de gardiens

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de quartier et d’agents de soutien communautaires qui, tous, contribuent à la visibilité et à la présence accrues des forces de l’ordre dans les quartiers urbains. Le dispositif juridique a été renforcé par de nombreux outils coercitifs, notamment l’ordonnance liée au compor- tement antisocial et l’injonction de dispersion qui augmentent la régulation de l’espace public par l’État. De même, un nombre croissant d’organismes, dont les associations de propriétaires de logements et les écoles, est associé à ce régime de contrôle social. Enfin, les citoyens ont de plus en plus la possibilité de contribuer au maintien de l’ordre et à la gestion des comportements « antisociaux » dans leur quartier. Les développements récents attestent donc d’un contrôle de plus en plus fort de l’État sur la société (Brown, 2004).

Toutefois, selon A. Brown, la politique du Royaume-Uni sur les comportements « anti- sociaux » peut aussi bien exprimer l’échec du contrôle opéré par l’Etat et les limites de l’action étatique. Cela s’observe dans les contradictions entre la logique d’accroître à la fois l’intervention de l’État et en même temps valoriser très fortement l’engagement des citoyens et des communautés locales. Selon le premier ministre, l’augmentation de la visibilité et des ressoucres de l’autorité officielle à l’échelon des quartiers constitue le premier mécanisme de gestion des comportements antisociaux :

« Demandez à n’importe quel membre du public ce qui, à son avis, constitue la meilleure défense contre le comportement antisocial et il vous répondra invariablement […] que c’est le personnel de patrouille spécialisé qui, en uniforme, parcourt les rues de l’unité de voisinage, connaît son secteur et est fier de son quartier » (Blair, 2004).

Ainsi, puisque les relations sociales et la dynamique communautaire sont de plus en plus perçues comme la source des problèmes sociaux, on suppose que les quartiers aux prises avec difficultés liées à la criminalité et des comportements antisociaux manquent d’efficacité sur le plan collectif, c’est-à-dire de capacité à gérer les comportements jugés déviants par rapport à la norme (Atkinson et Flint, 2004). Cette faiblesse du contrôle social organisé et fondé sur la communauté doit être compensée par la présence accrue de l’État représenté par les policiers, les gardiens de quartier et les agents de soutien communautaire.

Toutefois, le gouvernement reconnaît que l’intervention de l’État ne suffit pas, que l’engagement actif des citoyens est nécessaire et que, pour ce faire, il faut leur faire jouer un rôle plus grand non seulement en ce qui concerne le contrôle de leur propre comporte- ment, mais aussi en ce qui a trait à la régulation du comportement de leurs voisins.

Comme A. Brown l’a montré (2004), le voisinage est donc à la fois la source du pro- blème dans la nouvelle politique du gouvernement travailliste en même temps que la solution. Toutefois, les diverses cultures ethniques et la dynamique du pouvoir au sein des quartiers donnent souvent lieu à des régimes locaux qui rivalisent directement avec l’autorité et les organismes officiels : la culture de non-coopération avec la police ou la peur de l’intimidation et des représailles empêchent les résidants de nombreux quartiers de dénoncer leurs voisins à la police ou de témoigner devant les tribunaux. L’objectif des dispositions législatives et du gouvernement est de s’attaquer à ce problème en mettant sur pied des programmes qui protègent et aident les citoyens qui acceptent de s’impliquer activement à titre individuel. Les responsables d’organismes confient aussi de plus en plus la surveillance des espaces publics à des spécialistes pour collecter les éléments de preuve que les résidants sont incapables ou ne veulent pas fournir. Cela illustre bien le principal dilemme des stratégies d’empowerment (Flint, 2002).

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Ainsi, il est nécessaire de contextualiser les politiques urbaines du Royaume-Uni par rapport aux autres États d’Europe de l’Ouest. Le programme Opsinjorn de la ville d’An- vers, en Belgique, a pour objectif d’inciter la population locale à récompenser ses mem- bres qui s’engagent dans des activités de nature communautaire ou des initiatives visant à développer le capital social dans les quartiers, par exemple, la signature d’un contrat entre au moins cinq voisins qui s’engagent à entretenir une rue, un parc, etc. ou à recruter des bénévoles pour le faire (Loopmans, 2004). Aux Pays-Bas, on utilise des gardiens recrutés par le voisinage pour travailler avec la police et les services municipaux. Comme en Grande-Bretagne, on élargit ainsi la portée du contrôle social et on rend possible la sur- veillance 24 heures sur 24 des espaces publics. D’un autre côté, on reconnaît ainsi impli- citement l’échec antérieur de l’État en matière de résolution des problèmes de criminalité et de comportement antisocial. Le transfert des pouvoirs des municipalités aux quartiers et aux citoyens suppose que les communautés locales ont les ressources suffisantes pour remédier aux problèmes sociaux. Cependant, on peut se demander si cette délégation et cette responsabilisation rend réellement les communautés capables de s’attaquer aux cau- ses sous-jacentes de la criminalité, au comportement antisocial et aux autres problèmes sociaux avec lesquels les quartiers pauvres sont aux prises. On peut également s’interro- ger sur l’identification des quartiers comme l’échelon le plus approprié pour traiter ces problèmes socio-économiques (Flint, 2002).

Une autre caractéristique du Royaume-Uni réside dans la rationalité des politiques de lutte contre la criminalité et le comportement antisocial (Brown, 2004). L’accent est mis sur la gestion des risques et la diminution du désordre dans les espaces publics plutôt que sur l’élimination des causes et la réhabilitation des individus. Ainsi, les injonctions de dispersion ont pour but d’empêcher les jeunes de fréquenter les espaces publics mais ne s’attaquent pas aux causes du comportement antisocial de certains d’entre eux (bien que ces injonctions soient utilisées en complément avec d’autres mesures visant à insérer les jeunes sur le marché de l’emploi).

Enfin, on est en droit de se demander à qui profite réellement cette politique d’empowerment ? La majeure partie de la politique sur les comportements « antisociaux » concerne les jeunes qui commettent des actes déviants par rapport à un ensemble de nor- mes dictées par les adultes. On voit mal cependant dans quelle mesure l’empowerment des quartiers protège les droits des groupes vulnérables. Un rapport récemment publié dans un quotidien souligne la manière dont les citoyens utilisent mal le numéro d’urgence 999 de la police pour rapporter les infractions à une injonction de dispersion parce qu’ils ne savent pas que cette injonction ne s’applique qu’aux jeunes ayant un comportement antisocial et, par conséquent, n’a pas pour but d’empêcher les jeunes de fréquenter les espaces publics (BBC News, 1er décembre 2004). De même, l’appropriation par les citoyens de mesures coercitives contre les délinquants sexuels pose des problèmes depuis longtemps déjà (Flint, 2002). Toutes ces questions indiquent que les stratégies d’empowerment des quartiers nécessitent l’élaboration d’un cadre de responsabilité reposant finalement sur la capacité des citoyens de prendre des mesures appropriées.

Cette dimension fait apparaître un autre dilemme lié aux stratégies d’empowerment poursuivies par le gouvernement et les ambiguïtés que comportent ses politiques urbaines.

La délégation des pouvoirs inhérents à la gouvernance de proximité survient dans un vaste contexte de modification de la mission des municipalités qui sont transformées

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en catalyseurs et en organismes de contrôle de plus en plus indépendants de l’État. Ce processus s’opère dans des champs de politique où interviennent les secteurs privé, com- munautaire et bénévole à partir de besoins sociaux construits localement. Dans le même temps cependant, les administrations locales conservent les responsabilités légales qui s’appliquent dans tout leur champ de compétence. La question des sans-abri illustre cette tension. L’obligation des municipalités de remédier à l’itinérance et de la prévenir s’est accrue, mais les conseils municipaux comptent plus qu’auparavant sur les organismes gestionnaires de logements sociaux pour loger les sans-abri. On court donc le risque que la gouvernance de proximité entraîne les municipalités à se décharger des problèmes sociaux, notamment la criminalité et les comportements « antisociaux », pour en faire porter la responsabilité aux quartiers (Flint, 2005) avec les risques que cela comporte en matière d’inégalités d’un quartier à un autre.

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