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Microgenèses didactiques en situation de lecture interactive dans une classe bilingue pour jeunes sourds

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Microgenèses didactiques en situation de lecture interactive dans une classe bilingue pour jeunes sourds

TOMINSKA CONTE, Edyta

Abstract

Cette thèse s'intéresse aux enfants sourds bilingues utilisant la langue des signes française (ou la LSF) et le français (oral/écrit) dans le cadre scolaire. Elle s'attache plus particulièrement aux débuts de l'apprentissage formel de la langue écrite. L'approche des microgenèses didactiques prenant comme objet d'étude le processus d'enseignement apprentissage on line, guide les analyses des interactions didactiques entre enseignants et élèves, en situation de lecture interactive d'albums de jeunesse. Les analyses menées à partir d'enregistrements vidéo en classe et à partir de bilans des connaissances individuels relèvent que les connaissances des élèves se construisent/transforment conjointement à l'émergence de la zone de compréhension commune autour de composantes du savoir complexes. Les résultats soulignent l'importance des pratiques enseignantes bilingues en coenseignement, permettant la reconnaissance des deux langues et de leur choix d'un élève à l'autre. Ces pratiques favorisent l'établissement et la variabilité de répertoires bilingues que les apprenants développent [...]

TOMINSKA CONTE, Edyta. Microgenèses didactiques en situation de lecture interactive dans une classe bilingue pour jeunes sourds. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2011, no. FPSE 476

URN : urn:nbn:ch:unige-172613

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:17261

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17261

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Section des sciences de l’éducation

Sous la direction de Madelon Saada-Robert et Laurent Filliettaz

Microgenèses didactiques en situation de lecture interactive dans une classe bilingue pour jeunes sourds.

THESE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de D

OCTEUR EN

S

CIENCES DE L

ÉDUCATION

par

Edyta TOMINSKA CONTE

de Onex (Genève)

Thèse No 476

GENEVE, septembre 2011 95-329-561

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Membres de la commission de thèse :

Professeure Madelon Saada-Robert, Université de Genève, directrice de thèse ; Professeur Laurent Filliettaz, Université de Genève, co-directeur ;

Professeur Cyril Courtin, Paris5 la Sorbonne ;

Professeure Agnès Millet, Université de Grenoble ;

Professeure Geneviève de Weck, Université de Neuchâtel ; Professeure Sabine Vanhulle, Université de Genève ;

Professeur Bernard Schneuwly, Université de Genève.

Membres du jury :

Professeure Madelon Saada-Robert, Université de Genève, directrice de thèse ; Professeur Laurent Filliettaz, Université de Genève, co-directeur ;

Professeure Agnès Millet, Université de Grenoble ;

Professeure Geneviève de Weck, Université de Neuchâtel ;

Professeure Sabine Vanhulle, Université de Genève.

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REMERCIEMENTS

Au début de cette thèse, le contact avec les enfants sourds, les pratiques bilingues des éducateurs et l’œuvre de Cyril Courtin. Son empreinte visible dans ce texte final me mène aux remerciements posthumes.

Quant aux élèves sourds et leurs enseignants que j’ai côtoyés durant une année et demie, je leurs dois non seulement mes données empiriques, mais aussi leur joie de vivre, leur tolérance et une approche de l’humain dans sa différence, appréhendée par les enseignants avec une compréhension profonde de la difficulté des enfants, mais aussi de leurs forces. Ma gratitude va surtout aux enseignants directement impliqués dans cette recherche : Catherine Haus, directrice du CESM à l’époque, sans laquelle cette recherche n’aurait pas eu lieu. Elle m’a ouvert la porte de sa classe pour en faire un terrain de recherche rarissime. Merci à Giovanni Palama et à Martine Leuzinger, enseignants Sourds qui ont participé à cette recherche avec tout leur intérêt et la bonne volonté. Et bien évidemment aux quatre écoliers dont les prénoms restent gravés dans ma mémoire, ils ont grandi depuis en trouvant leur voie bilingue.

Merci à toute l’équipe du CESM qui m’a soutenue et me témoigne toujours beaucoup d’intérêt.

Ensuite, mes remerciements vont à mes directeurs de thèse : Madelon Saada-Robert et Laurent Filliettaz.

Tout d’abord à Madelon, toujours présente, toujours disponible à mes cotés durant ce processus de recherche et d’écriture à longue haleine. Durant ces dernières années, bien qu’à la retraite déjà, elle a su par ses encouragements et son intelligence, me guider et me détourner de maintes voies, ainsi que m’insuffler l’énergie nécessaire pour finaliser ce projet. Mes remerciements vont vers Laurent présent surtout dans la dernière partie de cette aventure scientifique : l’écriture et ses va-et-vient. Ses encouragements et son expertise dans le domaine des interactions verbales m’ont énormément aidé à préciser mes résultats et discuter leurs retombés. Mes remerciements s’adressent également aux trois membres du jury final de cette thèse, Geneviève de Weck, depuis le début du projet dans sa commission, précise et attentive dans sa lecture du texte final avec les commentaires ouvrant une perspective de publications et d’interventions ; Sabine Vanhulle et Agnès Millet, ont accepté à la dernière minute d’en faire partie et ont déplacé les autres engagements afin de m’accompagner dans cette dernière ligne droite d’accomplissement et de la soutenance. Merci pour votre intérêt et votre passion de lectrices critiques, vos commentaires et vos questions sonnent encore dans ma mémoire et sont moteur de la réflexion autour des questions juste effleurées dans ce travail.

Je remercie mes anciens collègues d’équipe de Madelon et les actuels du groupe de recherche TALES qui m’ont accompagné et encouragé au quotidien pendant ces années de thèse : Catherine Martinet, Christine Gamba, Édeline Navarro, Carole Veuthey, Martine Auvergne, Anne-Christel Zeiter-Grau, Céline Buchs, intéressées et encourageantes; Kristine Balslev, toujours prête à m’aider sur le chemin du chercheur en devenir ; Anne Perréard Vité, Sabine Vanhulle, Alexandre Buysse, Sandra Pellanda Dieci et Jean-Marc Tosi merci pour les moments passés ensemble permettant de démystifier les poussées de panique et renforcer ma croyance que je vais y arriver !

Ma gratitude va enfin à mes amis et ma famille, qui ont dû s’organiser souvent en fonction de ce projet interminable à leurs yeux, prenant sur leurs épaules ce qui m’incombait.

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T ABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ... 5

Table des matières ... 7

Avant propos ... 13

INTRODUCTION ... 15

Présentation des parties et des chapitres de cette thèse ... 23

PARTIE I : CADRE THEORIQUE PLURIEL ... 27

Introduction ... 27

Chapitre 1 : Etudes en surdité - un champ disciplinaire émergent ... 29

1.1. Deaf Studies as an academic field ... 29

1.2. Une visée professionnalisante ... 38

1.3. Une visée culturelle, sociologique, anthropologique ... 39

Chapitre 2. Education des enfants sourds ... 41

2.1. Education des sourds hier et aujourd’hui ... 42

2.2. Les résultats scolaires et les capacités cognitives des enfants sourds... 46

2.3. Les enfants sourds et la lecture/écriture ... 50

Chapitre 3. Interactions didactiques dans une classe bilingue ... 59

Introduction ... 59

3.1. La notion d’interaction et les processus interactionnels dans le milieu éducatif ... 60

3.2. Interactions didactiques dans la classe bilingue ... 63

3.2.1. Notion de contexte et rapport de places ... 63

3.2.2. Bilinguisme, diglossie, contact des langues ... 65

3.2.3. Bilinguisme individuel ... 67

3.3. Enfants sourds bi-/plurilingues ... 68

3.4. le parler bilingue des enfants sourds - un discours multimodal par excellence ... 71

3.5. Vers une synthèse : deux langues pour la construction des savoirs scolaires ... 77

Chapitre 4. La littéracie émergente et les apports des microgenèses didactiques ... 79

4.1. Apprendre à lire et à écrire - dès modèles psycholinguistiques aux approches pédagogiques en littéracie émergente ... 80

4.2. Le rôle de la littéracie émergente pour les enfants sourds ... 83

4.3. Apports des microgenèses didactiques ... 90

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8 Chapitre 5. Synthèse des apports théoriques, les visées de la thèse et les questions qui ont guidé cette

recherche ... 97

5.1. Une voie vers la recherche fondamentale/en situation ... 97

5.2. Une voie vers l’amélioration/création des pratiques enseignantes et éducatives bilingues pour enfants sourds ... 99

5.3. Les questions de recherche ... 99

PARTIE II : CADRE METHODOLOGIQUE ... 103

Introduction ... 103

Chapitre 6 : Les microgenèses didactiques en tant que démarche méthodologique ... 105

6.1. Saisir le processus d’enseignement apprentissage en situation de classe ... 105

6.2. Principes généraux d’élaboration des données ... 106

6.3. Survol des procédés de dépouillement et d’analyse des microgenèses didactiques... 107

6.4. Les bilans psycholinguistiques ... 109

Chapitre 7 : Contexte didactique et analyses a priori ... 111

7.1. Contexte institutionnel ... 112

7.2. Espace didactique et situation de Lecture Interactive ... 113

7. 3. Approche du terrain et étude exploratoire ... 115

7.4. La recherche principale et son déroulement ... 116

7.4.1. Le choix des albums ... 117

7.4.2. Déroulement de l’activité de Lecture Interactive ... 118

7. 5. Analyses a priori – vers les catégories d’analyse ... 119

7.5.1. Présentation des albums de littérature enfantine utilisés pendant la recherche et leur analyse a priori ... 120

7.5.2. Les émotions dans les récits ... 122

7.5.3. Les scripts qui se dégagent ... 123

7.6. Composantes potentielles du savoir lire/écrire ... 124

Chapitre 8 : Recueil des données ... 127

8.1. Les séances en classe ... 128

8.2. Les bilans psycholinguistiques ... 129

8.3. Le recueil des autres traces ... 130

8.4. Les participants ... 131

Chapitre 9 : Des observations au corpus analysé ... 133

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9.1. La première étape : « sur le terrain »... 133

9.2. La deuxième étape : « traduire, c’est trahir » ... 133

9.2.1. Conventions de transcription ... 134

9.2.2. Validité de la transcription ... 136

9.3. La troisième étape : aux prises avec la catégorisation des données transcrites en termes d’unités triadiques ... 137

9.3.1. Définitions des catégories et codages ... 140

9.3.2. Validité des catégories ... 144

9.4. La quatrième étape : le découpage du protocole en séquences microgénétiques ... 145

9.5. La cinquième étape : la caractérisation de la dynamique interactionnelle des séances ... 148

9.6. La sixième étape : repérage des patterns de significations et des états de la Zone de compréhension ... 149

Chapitre 10 : Comment construire l’analyse bilingue des interactions didactiques? ... 157

10.1. Médiations linguistiques et les autres ressources extra-linguistiques dans la coconstruction des significations ... 159

10.1.1. Médiations de deux langues en classe : bilinguisme bimodal des enfants sourds et pratiques enseignantes ... 160

10.1.2. Ressources extra-linguistiques dans la classe ... 161

10.2. Fonctionnement des enseignants et des élèves dans l’interaction ... 163

10.2.1. Fonctionnement du binôme de deux enseignants ... 164

10.2.2. Participation des élèves dans l’interaction ... 164

10.2.3. Développement des répertoires bilingues à dominances ... 165

10. 4. Synthèse de la partie méthodologique – les procédés d’analyse microgénétique et l’analyse bilingue en bref ... 169

PARTIE III : PRESENTATION DES RESULTATS ... 171

Introduction ... 171

Chapitre 11 : Analyse des résultats individuels aux bilans psycholinguistiques ... 173

11.1. Bilan au début de l’année scolaire (T1) ... 175

11.1.1. Les 4 épreuves ... 175

11.1.2. Les stratégies d’écriture à T1... 176

11.2. Bilan de la fin d’année (T3) ... 178

11.2.1. Les 5 épreuves ... 178

11.2.2. Les stratégies d’écriture à T3 : ... 179

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11.3. Progression des élèves d’un bilan à l’autre : les 5 épreuves et les stratégies d’écriture ... 181

11.3.1. Les 5 épreuves : ... 181

11.3.2. Les stratégies d’écriture des mots : ... 182

Chapitre 12 : Résultats de l’analyse microgénétique ... 185

12.1. Analyse structurale des contenus et des modalités énonciatives (T1, T2, T3) ... 186

12.1.1. Composantes du savoir lire/écrire réellement activées à T1 ... 187

12.1.2. Composantes du savoir lire/écrire activées à T2 ... 190

12.1.3. Composantes du savoir lire/écrire activées à T3 ... 192

12.1.4. Synthèse d’analyses des composantes du savoir lire/écrire à travers les temps d’observation T1-T2-T3 ... 194

12.1.4.1. Les composantes les plus fréquentes ... 194

12.1.4.2. Evolution des composantes peu représentées ... 197

12.1.5. Analyse structurale des modalités énonciatives et leur évolution dans le temps : prémices d’un type d’enseignement particulier ? ... 201

12.2. Analyse séquentielle : déroulement effectif des séances de Lecture Interactive et comparaison d’un temps à l’autre, à travers la dynamique des objets d’enseignement apprentissage ... 205

12.2.1. Analyse séquentielle à T1 ... 207

12.2.2. Analyse séquentielle à T2 ... 210

12.2.3. Analyse séquentielle à T3 ... 212

12.2.4. Synthèse des analyses séquentielles (T1, T2, T3) – la dynamique des objets d’enseignement apprentissage à travers le temps ... 214

12.3. Analyse de la dynamique interactionnelle en classe ... 216

12.3.1. La dynamique interactionnelle à T1 : ... 216

12.3.2. La dynamique interactionnelle à T2 ... 218

12.3.3. La dynamique interactionnelle à T3 : ... 219

12.3.4. Synthèse de la dynamique interactionnelle durant l’année scolaire : la dynamique propre à cet d’enseignement apprentissage particulier se confirme-t-elle ? ... 222

12.4. Analyse de la construction conjointe à travers les patterns des significations et les états de la Zone de compréhension d’une séance à l’autre ... 223

12.4.1. Les patterns de significations et la zone de compréhension en construction à T1 ... 223

12.4.2. La zone de compréhension en construction parsemée de ruptures à T2 : ... 227

12.4.3. La zone de compréhension en construction et commune à T3 ... 229

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11 12.5. Synthèse de l’analyse microgénétique : à la recherche d’une zone de compréhension

commune et des significations partagées ... 232

Chapitre 13. Au travers du prisme bilingue ... 235

Introduction ... 235

13.1. Fonctionnement bilingue en classe à partir des analyses interactionnelles ... 236

13.1.1. Fonctionnement du binôme des enseignants - une symétrie apparente ... 239

13.1.2. Le positionnement des élèves face aux deux langues – développement des répertoires bilingues à dominances ... 243

13.2. Pratiques littéraciques bilingues dans la classe observée ... 247

13.2.1. Rôle de la médiation langagière (LSF/Fr) dans les apprentissages ... 247

13.2.1.1. La médiation sur le code ... 247

13.2.1.2. La médiation sur la trame narrative ... 254

13.2.2. Ressources extra-linguistiques ... 258

13.2.3. Deux langues pour un discours : accueil des langues et des cultures ... 260

13.3. Vers les pratiques enseignantes bilingues comme moteurs de l’apprentissage de la littéracie262 PARTIE IV : DISCUSSION DES RESULTATS ET PERSPECTIVES... 263

Chapitre 14. Discussion des résultats ... 263

14.1. Evolution des connaissances intrasubjectives des composantes du savoir lire/écrire ... 267

14.2. L’espace intersubjectif de la classe, composantes du savoir lire/écrire et Zone de Compréhension ... 270

14.2.1. zone de compréhension et négociation des significations autour des composantes littéraciques ... 271

14.2.2. Zone de compréhension et ajustements des partenaires d’interaction ... 274

14.3. Les pratiques bilingues en classe ... 277

Chapitre 15. Perspectives professionnelles, de formation et de recherche ... 281

15. 1. Vers des pratiques enseignantes bilingues ... 281

15. 2. Vers une formation professionnelle ... 284

Comment penser une formation professionnelle qui ... 284

15. 3. Vers de nouvelles recherches ... 285

Pour conclure ... 288

Bibliographie... 289

Liste d’annexes ... 314

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13

A VANT PROPOS

« De tout temps et en tout lieu, la surdité, cet « handicap » invisible, interpelle, déstabilise.

Les sourds sont-ils des infirmes, des sots, des personnes de mauvaise volonté qui choisissent d’entendre ou non ? (…) De fait, entre audition et compréhension, l’amalgame s’opère très tôt, et avec lui l’idée que la parole vocale est indispensable au développement de l’intelligence. Faire parler les sourds s’impose donc comme une nécessité pour les intégrer dans la société, les mettre « en conformité » par rapport à un schéma social dominant. C’est ainsi qu’on s’acharne à faire disparaitre la surdité, en tentant de réparer un organe défaillant au détriment du monde d’expression naturel et séculaire des personnes sourdes, la langue des signes. »

Fabrice Bertin1

En hommage au professeur Cyril Courtin, un Sourd d’exception qui nous a quitté avant l’heure, dans sa 39 année, en décembre 2010 :

Cyril Courtin, docteur en psychologie développementale, a été chercheur dans l’équipe dirigée par le professeur O. Houdé à Paris V, Sorbonne, (labo Cognition et communication). Il a été également chercheur et membre du CNRS à l’université de Caen (Centre d’imagerie- neurosciences et d’applications aux pathologies – CI-NAPS) où il faisait partie de l’équipe GINLANG, groupe d’Imagerie Neurofonctionnelle du langage, travaillant spécifiquement sur les bases neurales de la langue des signes française (LSF).

Ses travaux et ses engagements sont surtout connus dans la promotion de la démarche bilingue pour enfants sourds, des enfants considérés avant tout en plein développement (voir Courtin, 2007, pour la coordination du numéro spécial de la revue Enfance ; ou Courtin, 2002). Il a participé avec d’autres chercheurs experts dans le champ des études en surdité, à l’ouvrage collectif Deaf Cognition. Foundation and Outcomes., en 2008 (Courtin, Melot & Corroyer, 2008).

Il s’est intéressé à la question difficile de l’évaluation des compétences chez les enfants sourds (Courtin & Melot, 2006). Ainsi, il poursuivait ses recherches sur les capacités cognitives de ces enfants (Courtin, 2000a, b, c ; 1999, 1997) en parvenant à des découvertes importantes concernant les bases neurales liées à l’utilisation de la langue des signes (Courtin & Tzurio- Mazoyer, 2005), entre autres.

1 Bertin, F. (2010). Les Sourds. Une minorité invisible. 4ème de couverture, Paris : Autrement.

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14 Il a contribué aux travaux du comité scientifique du Journal of Deaf Studies and Deaf Education pendant quelques années. Enfin, au-delà de ses travaux de recherche, il est connu pour son œuvre associative en vue de la reconnaissance de la langue des signes et des droits des Sourds en France.

Personnellement, je l’ai entendu (oui, il parlait comme vous et moi) donner le cours sur la flexibilité cognitive des enfants sourds, à Genève, en janvier 20032, bien avant d’avoir formulé un projet clair de recherche auprès des élèves sourds du CESM3. C’est lui qui m’a inspiré l’idée d’aller dans cette direction, par la force de son discours, le discours de celui qui sait « comment on peut être sourd ».

Son approche des apprentissages des enfants sourds et de leur développement cognitif, langagier et social, vue de l’intérieur, par sa voie personnelle de Sourd qui défend son droit à la différence et de chercheur engagé dans la recherche scientifique, était tellement différente de ce que j’avais pu entendre par ailleurs. Il a reconstruit dans ses recherches l’image d’un enfant sourd capable, intelligent, performant, comme lui-même l’a été durant ses années d’école, d’études, d’un travail scientifique si important dans le champ des études en surdité.

En 2005, lors du dépôt de mon projet de thèse, il a accepté de m’accompagner sur le chemin de la recherche scientifique. Dans ce cadre, nous avons eu quelques échanges, et nous nous sommes rencontrés en novembre 2009 à Paris, dans son bureau de la Sorbonne, 5, rue St Jacques, pour que je puisse lui présenter quelques-uns des résultats de mes analyses. Très intéressé, me posant plusieurs questions, intrigué par une démarche méthodologique bien loin de sa propre pratique de recherche, il m’a vivement encouragée dans la finalisation de cette thèse. La discussion s’est ensuite terminée sur les ouvertures que ce travail me permettrait d’entrevoir…

Je ne savais pas alors, qu’il ne pourrait pas lire cette version finalisée, malheureusement.

2Cours sur les déficiences chez l’enfant proposé par les professeurs H. Kilcher & R. Milian en psychologie clinique que j’ai suivie dans le cadre de mon DEA en sciences de l’éducation

3Centre pour enfants sourds de Montbrillant

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15

INTRODUCTION

«The bridging of research and practice related to deaf cognition and deaf education offers exciting possibilities for both researchers and educators, with DHH [Deaf and Hard-of-Hearing] students as the primary beneficiaries. The Chinese proverb tells us that a journey of 1000 miles begins a single step. We are ready. »

Marc Marschark and Peter C. Hauser4

UN CADRE PLURIDISCIPLINAIRE

Cette thèse s’inscrit dans le champ (pluri)disciplinaire des sciences de l’éducation (Hofstetter, 2007) en ce qu’elle souligne la pluralité typique de ce champ, notamment par ses références théoriques. Tout d’abord, et par son intérêt qu’elle porte à la population des enfants sourds, elle s’insère dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement spécialisés5 (Chatelanat &

Pelgrims, 2003) ou dans celui de la pédagogie curative. Avec Lussi, (2007) nous soulignons que cette dernière émerge, du point de vue historique, en parallèle au champ disciplinaire des sciences de l’éducation, avec ses frontières mouvantes, et en s’articulant avec lui sur plusieurs plans. Ensuite, ce travail s’intègre parmi les travaux en didactique de la lecture dans son acception procédurale (Fijalkow, 2000), proposant « d’apprendre à lire en lisant, considérant que la maitrise d’une conduite s’acquiert en pratiquant cette conduite plutôt que toute autre activité censée y mener», (Fijalkow, 2000, p. 115, cité par Balslev, Martinet & Saada-Robert, 2006, p. 43). La situation complexe de Lecture Interactive d’albums de jeunesse avec des jeunes élèves sourds s’affilie à cette approche « active» de l’apprentissage de la lecture/écriture, en ouvrant en même temps une perspective bilingue, car il s’agit d’élèves sourds utilisant les deux langues dans leur cadre scolaire. Ce cadre scolaire bilingue (LSF6/français) spécialisé dans la prise en charge des enfants sourds, est mis en place dans une école primaire publique de la ville de Genève. Basé sur des observations se déroulant dans un tel cadre, notre travail se situe parmi les travaux sur le parler bilingue, étudiant la situation d’un bilinguisme particulier, celui de jeunes sourds. En première approche, nous définissons ce bilinguisme en tant que connaissance progressive des deux langues, et la capacité de passer de l’une à l’autre selon les besoins des

4Marschark, M. & Hauser, P. C. (2008, p. 17-18).

5Nous suivons dans ce texte les précisions de M. Ruchat (2003, p.155) qui utilise l’adjectif spécial dans le sens de la population à laquelle « on attribue de l’aide, des soins, des apprentissages ». Il s’agit également des pratiques qui concernent cette population. Par contre, le terme spécialisé renvoie aux spécialistes tels qu’éducateurs, enseignants, soignants, etc., par la voie d’une formation professionnelle spécifique.

6 Langue des signes française

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16 situations rencontrées. La notion de répertoire verbal (pour nous de répertoire vocal7 et signé) nous permettra d’envisager cette compétence bilingue comme la connaissance des deux langues spécifique, qui diffère des connaissances langagières des locuteurs natifs et monolingues (Grosjean, 2003 ; Mugnier, 2006b ; Moore, 2006).

Un autre domaine en sciences de l’éducation est concerné par ce travail ; il s’agit des travaux se concentrant sur les interactions dans le cadre scolaire ou de formation, leurs dimensions discursives, langagières, cognitives ainsi que multimodales se caractérisant par la prise en compte des ressources extralinguistiques, gestuelles, artefactuelles etc. (Filliettaz & Schubauer- Leoni, 2008 ; Mondada, 2004, de Saint-Georges, 2008 ; Millet & Estève, 2009, 2010). Ces interactions signées/vocales, dans notre cas, visent l’établissement d’une zone de rencontre, la zone de compréhension commune négociée entre partenaires, enseignants et élèves. L’enjeu est pour eux de se comprendre à propos des composantes émergentes du savoir lire/écrire dans la situation didactique de lecture d’albums de littérature de jeunesse. Ces négociations du contrat didactique sont saisies à travers les transformations des significations que les uns et les autres donnent à ces objets d’enseignement apprentissage. Les études sur l’entrée dans l’écrit, comme les microgenèses didactiques (Saada-Robert et al. 2003 ; Balslev et al. 2005, entre autres), ou plus largement du champ de la littéracie émergente (ou literacy), sont alors convoqués. Si un large éventail des travaux caractérise le début de l’apprentissage de la lecture/écriture chez l’enfant entendant, un certain nombre se focalise récemment sur la population d’enfants sourds apprentis lecteurs (Williams, 2004 ; Schirmer & Williams, 2003 ; Chamberlain & Mayberry, 2005).

OBJETS PRINCIPAUX DE CETTE THÈSE

Le cadre théorique pluriel qui va suivre, nous permet de nous emparer de notre objet d’étude complexe, celui du processus d’enseignement apprentissage de la lecture/écriture dans une classe bilingue pour enfants sourds, et de le décliner en trois objets principaux dont parle cette thèse :

En premier lieu, le processus d’enseignement apprentissage est saisi dans son déroulement, in situ, en classe déterminée par les aspects temporels, institutionnels et contextuels. Ce processus est démontré à travers les interactions didactiques qui se déroulent dans cette classe pendant une situation didactique précise proposée aux élèves, celle de Lecture Interactive. Ces interactions s’organisent en deux langues utilisées par deux enseignants qui en sont garants, l’enseignant Sourd est expert de la langue des signes française, l’enseignante entendante assume l’enseignement du français dans son versant vocal et écrit, toutefois elle signe aussi en même temps. Nous pouvons donc appréhender d’un coté les pratiques enseignantes dans leur

7Nous précisons d’amblé les termes vocal et oral qui apparaitrons dans la suite de cette thèse : la langue des signes représente un type d’oralité signée qui correspond dans les langues orales à une oralité vocale.

(18)

17 complexité, et de l’autre, les pratiques langagières des élèves, suscitées et favorisées par le cadre bilingue et les médiations du binôme enseignant.

Deuxièmement, il s’agit d’appréhender à partir de ces interactions didactiques et bilingues le processus d’élaboration progressive d’une zone de compréhension commune à travers laquelle les composantes du savoir lire/écrire (ou littéracique) sont transposées/acquises. Cette zone se met en place autour des significations que chacun en donne, significations qui font l’objet des négociations et des ajustements de la part des deux partenaires du contrat didactique (enseignants et élèves).

Troisièmement, nous tentons d’atteindre quelques traces de transformation des connaissances littéraciques des élèves, du début à la fin de l’année scolaire. Ce sont les transformations de leurs représentations de l’écrit et de leur positionnement en tant que sujets connaissant (Ducret, 2009) ; ces changements sont rendus visibles à travers des épreuves de bilans psycholinguistiques et confirmés – ou non- par les interactions en classe.

OBJECTIFS

Un objectif principal de cette thèse est d’esquisser une partie de réponse à une question importante : comment font les jeunes sourds pour apprendre à lire et à écrire ? Quelles sont les démarches d’enseignement, les moyens mis en place, les outils qui favorisent l’apprentissage de la langue écrite par ces enfants et constituent ainsi les moteurs de leur développement? Notre travail consiste à essayer de donner quelques indicateurs, toujours partiels, par lesquels nous voulons contribuer aux connaissances plus générales sur les processus d’enseignement/apprentissage de la langue écrite, les processus situés et envisagés de manière tripolaire (enseignant, élèves, composantes de savoir).

Nous tentons également d’apporter quelques éléments pour une meilleure compréhension du bilinguisme des enfants sourds, démontré ici dans le cadre scolaire, à travers des interactions didactiques autour des composantes du savoir lire/écrire, un savoir fondamental pour les apprentissages scolaires et qui fait souvent défaut chez ces enfants. Qu’il s’agisse des processus fins d’enseignement apprentissage ou du bilinguisme LSF/français, l’étude des interactions en classe constitue une « mine d’or » pour comprendre certains aspects de ce parler bilingue des jeunes sourds encore peu exploités dans la recherche, notamment leurs aspects multimodaux (Millet & Estève, 2009, 2010).

À travers la même situation didactique, nous pouvons finalement amener quelques éléments éclairant les pratiques enseignantes bilingues et littéraciques. Elles sont élaborées dans une situation complexe, riche en significations qui permettent aux élèves de s’investir dans leurs propres apprentissages. Une analyse fine de ces pratiques peut fournir des résultats

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18 intéressants sur les pratiques enseignantes en général, et nourrir la discussion sur les dispositifs d’inclusion des élèves « différents » dans l’école d’aujourd’hui.

MÉTHODOLOGIE ET CARACTÈRE DES DONNÉES

Dans le but d’atteindre nos objectifs nous avons utilisé une méthodologie qui prend sa racine dans les recherches qualitatives. Il s’agit d’une démarche à la fois inductive et déductive, puisant dans le cadre des recherches en microgenèses didactiques (Balslev & Saada-Robert, 2007 ; Saada-Robert et al. 2003, entre autres). En outre, notre objet d’étude implique une prise en compte d’autres cadres d’analyse, notamment celui de l’analyse interactionnelle et celui des analyses sur le bilinguisme. Nous les croisons, afin de procéder à une analyse fine, au niveau micro des interactions, à travers l’établissement de la zone de compréhension commune qui lie les partenaires du discours bilingue aux composantes du savoir lire/écrire. Cette méthodologie permet d’analyser la dynamique interactionnelle et les négociations des significations autour de ces composantes, ainsi que de saisir les transformations de cette dynamique durant les séances en termes de partterns de compréhension (Balslev, 2006 ; Martinet, Balslev & Saada-Robert, 2007).

La particularité des nos données, recueillies en classe pendant les situations d’enseignement apprentissage, réside dans leur caractère « ordinaires » ou « écologique » (Pallotti, 2002). Les enregistrements vidéo des séances sont transcrits et dépouillés en gardant une posture d’empathie face aux acteurs, dans le but de s’imprégner de la situation et par ce fait de saisir des indices précieux à l’interprétation. Dans une double démarche de compréhension et d’explication des processus d’enseignement apprentissage, nous prenons en considération les autres données contextuelles - présentés dans les analyses a priori - qui permettent d’anticiper les potentialités de la situation didactique proposée. Nous complétons ces données situationnelles par les résultats individuels des élèves aux bilans psycholinguistiques, qui nous permettent de saisir, pendant une année, la progression/transformation des leurs connaissances concernant les composantes alphabétiques - connaissances de lettres, sensibilité aux syllabes - et lexicales.

DÉFIS DE CETTE THÈSE

Comme nous l’avons exprimé plus haut, cette thèse pose comme objet d’étude la question de savoir comment les enfants sourds apprennent à lire et à écrire dans un cadre scolaire bilingue (LSF/français). Cet objet implique au moins deux défis. D’une part, celui de rendre compte de la situation complexe que ces enfants vivent face aux apprentissages fondamentaux lors de leur scolarité. Nous devons alors prendre en compte à la fois leurs caractéristiques et leurs

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19 positionnements face à ces apprentissages, tout en observant les pratiques enseignantes dans une situation de l’entrée dans l’écrit. C’est donc le processus d’enseignement apprentissage dans ses deux versants, pour nous inséparables, qu’il va falloir saisir. D’autre part, la question posée plus haut, implique un positionnement simultané dans deux champs disciplinaires, qu’il s’agira de mettre en discussion : les sciences de l’éducation et les études en surdité. En sciences de l’éducation, ce sont les travaux sur l’acquisition de la lecture/écriture par des jeunes élèves, apprentis lecteurs, qui sont visés, avec les travaux en éducation/enseignement spécial dans leur souci de répondre aux besoins spécifiques des enfants vivant avec des handicaps ou difficultés d’apprentissage. En sciences de l’éducation, ce sont également l’une ou l’autre des perspectives de l’analyse interactionnelle qui est convoquée, dans le but de comprendre précisément les processus d’enseignement apprentissage. Notre objet s’inscrit également et de plein droit parmi les études en surdité, un champ encore émergeant en Europe comme le souligne une partie de ce travail consacrée à la vision générale de ce champ et des interrogations terminologiques, conceptuelles et méthodologiques qui l’animent.

Si ces deux défis sont relevés, ils devraient permettre de cerner la complexité marquée par le débat social et institutionnel autour de la scolarité de cette population d’enfants. Un débat dans lequel la reconnaissance des langues des signes dans les sociétés occidentales joue un rôle important. Dans le travail présenté ici, tous ces ingrédients trouvent leur place, cimentés par une démarche de recherche propre qui utilise le cadre des microgenèses didactiques comme point de départ.

Du général au particulier, nous menons nos lecteurs de la perspective historique et sociale du champ d’études en surdité vers l’observation et l’analyse d’une situation précise en classe. Cette dernière exige, plusieurs cadrages théoriques car il s’agit, nous l’avons dit, d’étudier une situation complexe d’enseignement apprentissage, celui du français dans un cadre bilingue, mis en place pour des élèves sourds. Dans un tel cadre, les interactions didactiques qui se déroulent entre enseignants et élèves et par lesquelles les processus d’enseignement apprentissage seront cernés, nous intéressent de plusieurs points de vue :

- du point de vue de la transformation des connaissances des élèves (appréhendés à travers les bilans psycholinguistiques et les interactions en classe),

- du point de vue de la circulation des objets d’enseignement apprentissage en situation (saisie à travers l’analyse séquentielle et comparative d’une séance à l’autre),

- du point de vue de la dynamique interactionnelle entre les partenaires du discours, les places qu’ils prennent/laissent face à l’autre, ou de manière par laquelle ils s’ajustent l’un à l’autre (prise à travers l’analyse interactionnelle et bilingue),

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20 - du point de vue de la dynamique bilingue qui met en exergue l’utilisation des deux langues par les interactants, soulignant leur choix et saisissant l’élaboration des répertoires bilingues à dominances,

- du point de vue des pratiques d’enseignement et d’apprentissage bilingues favorisant les acquis scolaires de cette population de jeunes enfants,

- enfin, dans une mise en perspectives, du point de vue de la formation des enseignants.

DEUX VISIONS DANS LÉDUCATION DES ENFANTS SOURDS

L’émergence du champ disciplinaire en surdité, exposée plus loin dans sa dimension historique et sociale, fait apparaitre une oscillation pour le moins problématique dans la prise de décisions concernant l’éducation de ces enfants. Elle est comprise entre deux extrêmes, représentés par une vision anthropologique sur un pôle, et une vision médicale sur l’autre. La dimension éducative y apparait plus à titre d’artefact, comme mesure incontournable à prendre, mais non pas à titre de visée en soi, sous-tendu par un nombre conséquent de recherches autonomes sur l’éducation des enfants sourds. Les conséquences importantes de cette oscillation se font sentir jusque dans la prise en charge éducative et scolaire de ces enfants et dans l’établissement des démarches bilingues. En France notamment la loi de 2005 permet l’introduction de la LSF dans les écoles pour enfants sourds, sans toutefois une quelconque forme d’obligation. En Suisse, il manque encore de lois, ainsi que d’une reconnaissance de la langue des signes par la Confédération (Hadorn, 2008). La gestion de cette question est laissée à la charge de chaque canton, relevant de l’éducation ordinaire ou spécialisée, et d’aides thérapeutiques subventionnées par l’AI8, comme le montre le projet OPERA (Tièche Christinat et CSPS, 2010) dans son état de lieux. Une tendance est toutefois à souligner, celle de vouloir harmoniser la prise en charge de ces enfants à l’aune du programme confédéral HarmoS, d’où la décision politique d’explorer et de caractériser une prise en charge pour toute la Romandie (cf. les données du projet OPERA qui suit des cohortes des jeunes sourds de 0-20 ans durant deux ans 2006-2008).

UNE DISCUSSION TERMINOLOGIQUE INCONTOURNABLE

Un deuxième point renforce les interrogations inhérentes au champ disciplinaire de la surdité : celui de la terminologie. Nous considérons que la discussion sur ce point est incontournable, autour de l’emprunt des termes élaborés dans le monde scientifique anglo-saxon pour les adapter, en les élaborant sémantiquement, et en les adaptant au monde scientifique et culturel français. Par exemple, l’usage du terme Deaf Studies, développé plus loin, est reconnu dans le monde anglo-saxon par son assise scientifique dans un champ disciplinaire qui dispose de

8 Assurance Invalidité

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21 chaires universitaires, de maisons d’édition prestigieuses, d’un rayonnement mondial – notamment à travers la Gallaudet University où tous les enseignements sont donnés en langues des signes américaine et en anglais. Doit-on céder à la tentation d’une simple traduction mot à mot ou tenter une élaboration sémantique correspondant au monde culturel, langagier et scientifique de l’Europe francophone ? Nous relevons ici cette tentation afin de mettre en discussion la nécessité d’un fondement propre à ce champ disciplinaire en français. Nous proposons donc pour Deaf Studies le concept d’études en surdité et non pas d’ « études sourdes » autrement dit d’études des Sourds ou pour les Sourds ou sur les Sourds, comme les études tziganes, juives, arabes etc. liées à une population ethnique, culturelle et souvent religieuse précise. Une telle dénomination impliquerait des études démographiques, ethnologiques, anthropologiques et sociologiques, à la fois sur la culture et l’histoire de vie des Sourds, en les désignant en tant que communauté fermée. Ce type d’études a bien évidemment un intérêt scientifique et, pour nous, ces objets et domaines d’études sont inclus dans ce que nous comprenons par études en surdité (non pas de la surdité, sur la surdité mais du point de vue intérieur aux actants en surdité). À notre avis, le champ disciplinaire « en surdité » est plus large et convoque les disciplines « mères » telles que la psychologie, la linguistique, la médicine avec ses nouveaux apports technologiques, l’histoire, la sociologie, les neurosciences etc. En cela, il ressemble aux sciences de l’éducation et à leur émergence (Hofstetter & Schneuwly, 2002). Les études en surdité représentent également un domaine scientifique par une autre entrée, celle qui se place à l’intérieur de cette communauté, en reconnaissant sa différence et ses particularités, en reconnaissant pleinement la langue des signes comme porteuse de la culture et de l’histoire de la population sourde qui y rattache son identité. Une identité qui se crée et qui évolue dans le monde d’aujourd’hui à travers les changements technologiques qui permettent de repousser les barrières d’inaccessibilité à la communication et à l’information.

Une autre discussion terminologique porte sur l’ambiguïté des termes Sourd et sourd soulignée par Marschark & Humphries (2010). La réflexion est bien évidemment en cours rien que par rapport à la définition de la personne sourde avec un grand S (deaf ou Deaf dans les pays anglophones). Est-ce seulement les personnes de familles de sourds de plusieurs générations qui en ont « le droit » ? Qu’en est-il des autres sourds, par exemple ceux de la première génération de parents entendants, qui ont suivi leur instruction en langue des signes et s’identifient à cette communauté ? Qu’en est-il des surdités « acquises », même tardivement, dont les personnes atteintes se sentent et se définissent comme Sourds ? La polémique n’est pas nouvelle et nous avons l’intention de la ranimer un instant sans toutefois la prétention de la dépasser. Cependant, nous pensons que le terme d’études en surdité compris de la manière évoquée plus haut, avec le respect de la langue des signes et de son rôle pour des enfants sourds en développement, est à même de fédérer des études dans ce champ émergent.

En effet, il n’empêche pas les études à grande échelle portant sur la populations des Sourds en général, leur histoire et leur culture, ou leurs spécificités médicales, ni les études linguistiques

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22 en langues des signes qui se développent dans plusieurs pays ces dernières années, ni d’autres études concernant des groupes d’enfants, d’adolescents et d’adultes touchés par cette déficience. Qu’il s’agisse des enfants entendants des parents sourds (appelés CODA9 aux Etats- Unis), des enfants implantés, des enfants qui ont une déficience relativement moindre mais ont besoin de l’encadrement pédagogique particulier etc., les études en surdité sont à même de rendre compte de leurs différences.

Un autre point de la discussion terminologique peut être porté par le terme anglais caractérisant les enfants sourds en tant qu’une population particulière d’enfants, Deaf and Hard-of-Hearing Children possédant un acronyme DHH. En français l’expression enfants sourds et malentendants n’a pas son acronyme, ESM ou SM n’étant pas utilisés dans la recherche francophone pour désigner ces enfants. A défaut, on la raccourcit au terme de enfant sourd qui comprend les enfants sourds et malentendants en général, sans spécifier leur degré de déficience. Nous suivrons cet habitus dans notre travail.

En troisième lieu, pour ce qui est de la recherche présentée ici, une discussion terminologique supplémentaire doit être mentionnée. Elle concerne la didactique des langues et les interrogations que les enfants sourds lui posent. Tout d’abord, la question du bilinguisme des enfants sourds doit faire partie de la discussion terminologique. La compréhension du bilinguisme individuel évolue dans le temps et est actuellement caractérisée par une capacité d’utiliser régulièrement l’une et l’autre langue, et non pas en termes des compétences linguistiques correspondantes à celles des locuteurs natifs de l’une ou de l’autre langue. Cette notion des compétences différentes de l’enfant bilingue est encore à mieux saisir et mentionner surtout dans les études sur le terrain éducatif et scolaire où la reconnaissance du parler bilingue fait face à l’exigence des systèmes scolaires normatifs et monolingues en majorité. Nous avons mentionné le champ de la didactique des langues comme bousculée par la particularité des enfants sourds et leur bilinguisme. Effectivement, comment caractériser l’apprentissage du langage par les enfants sourds et celui de la langue écrite en français, ou d’une autre langue de l’environnement social de l’enfant ? En tant que langue première vs langue seconde ? Langue de base de communication vs langue cible ? Que représente pour eux la langue de l’école ? La terminologie de Mugnier (2006a, 2010) nous semble particulièrement bien appropriée à notre recherche. Elle caractérise les deux langues de manière suivante : la LSF a une fonction de langue de références, tandis que la langue française est une langue à apprendre (Mugnier, 2010, p. 1)

9 Children of Deaf Adults, il s’agit bien des enfants normo-entendants de parents Sourds qui vivent les situations de bilinguisme, langue de signe/langue vocale différemment que les enfants sourds de familles entendantes, et qui sont des signeurs natifs.

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23 Pour clore cette entrée en matière dans notre recherche, il reste à souligner, parmi les études en surdité mentionnées plus haut, la plus grande rareté, encore, de celles qui portent sur les processus fins d’enseignement apprentissage de la langue écrite chez les jeunes enfants sourds.

P RÉSENTATION DES PARTIES ET DES CHAPITRES DE CETTE THÈSE

Ce travail se déroule en quatre parties. Classiquement, la partie I présente le cadre théorique de la recherche (chapitres 1 à 6), la partie II se focalise sur les questions méthodologiques (chapitres 7 à 10) et la partie III est constituée de la présentation des analyses effectuées sur les données d’observation (chapitres 11 à 13). Pour terminer, la partie IV entre en discussion avec ces analyses, mises en perspectives grâce au cadrage théorique. Elle présente finalement des perspectives en matière d’intervention sur le terrain éducatif ainsi qu’en matière de recherche fondamentale (chapitres 14 et 15).

La première partie dessine tout d’abord une esquisse, un contour, un état des lieux du champ d’études en surdité, du point de vue historique, en contrastant les zones d’intérêts anglo-saxon et francophone. Les études francophones en surdité se développent beaucoup ces dernières années et fournissent des résultats intéressants dans ce champ disciplinaire émergent (chapitre 1). En poursuivant son objectif de cadrage théorique pluriel, cette partie propose un chapitre sur l’éducation des enfants sourds dans une perspective socio-historique et actuelle en France et en Suisse romande. Elle présente également la discussion scientifique autour des résultats scolaires de ces enfants, en particulier en lecture et en écriture (chapitre 2). Ensuite, cette partie mène les lecteurs au cœur des interactions didactiques bilingues en convoquant les champs conceptuels des différentes approches didactiques des interactions en classe. Dans le cas de l’utilisation des deux langues telles que la LSF et le français en même temps, ces interactions se colorent d’une dimension multimodale importante. C’est pourquoi les travaux concernant la gestualité et les autres modalités extralinguistiques intervenant dans le processus d’apprentissage sont alors brièvement mentionnés dans le chapitre 3. Le chapitre suivant est composé de trois points. Premièrement, il expose les recherches du domaine de la littéracie et les aborde tout d’abord du point de vue de leur importance pour le développement des connaissances en lecture/écriture d’enfants ordinaires, dans la perspective de leur réussite scolaire. Puis, à l’instar des recherches dans le domaine de la littéracie, cette fenêtre ouverte vers la scolarisation (Makdissi, Boisclair & Sirois, 2010), mène le lecteur vers les études en surdité (deuxième point). Dans ce domaine important, elles développent leurs recherches en se focalisant sur la population de jeunes sourds face à l’apprentissage de la lecture/écriture. Le troisième point vise la compréhension des processus d’enseignement et d’apprentissages à

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24 travers les interactions entre enseignants et élèves : c’est alors le courant des microgenèses didactiques qui est investigué. Il permet de lier les deux points précédents de ce chapitre 4.

Finalement, le chapitre 5 donne lieu à une synthèse de cette partie, présentant les visées de la thèse ainsi que les questions de recherche munies des hypothèses.

La deuxième partie présente une démarche méthodologique qui permet d’analyser les matériaux recueillis en classe. Elle introduit les lecteurs dans le cadre d’analyse des microgenèses didactiques de manière générale (chapitre 6), pour les mener ensuite vers la présentation du contexte didactique de la recherche (chapitre 7), institutionnel d’abord et situationnel ensuite. Ce dernier a pour lieu la classe et pour activité une situation didactique de lecture interactive. Les étapes de la recherche sont alors décrites (étude exploratoire et étude principale) ainsi que son déroulement. Ensuite, ce même chapitre 7 analyse la situation de lecture interactive et les albums de littérature enfantine par lesquels l’espace discursif entre enseignants et élèves pourra se développer. Il s‘agit là d’une analyse a priori des « offres » littéraciques potentielles, de ce que la situation et les albums sont à même de permettre en termes de composantes du savoir lire/écrire. Le chapitre suivant permet de retracer les procédés de recueil des données (chapitre 8), tandis que le chapitre 9 propose une description de la démarche analytique pas à pas, par une présentation détaillée des procédés d’analyse des microgenèses didactiques, en les adaptant aux données recueillies. Ainsi, les données sont construites, élaborées tout au long d’une démarche méthodologique inductive et déductive en même temps. Enfin, le dernier chapitre de cette partie (chapitre 10) consiste à esquisser l’analyse proprement bilingue, une analyse complémentaire se basant sur ce que l’analyse microgénétique permet en termes d’analyse des processus fins de transformation des connaissances en contexte d’enseignement apprentissage. En même temps, les interrogations de cette analyse inédite, amorcée dans le cadre de notre recherche, dépasse les procédés des microgenèses en les complétant par le point de vue des deux langues en construction conjointe, des profils des pratiques langagières bilingues d’élèves, du fonctionnement des enseignants et des élèves en tant qu’entités à part entières. Chacun d’entre eux cherchent à comprendre, et à se faire comprendre, soit à l’interne (collaboration du binôme enseignant), soit à l’externe (enseignants en cours d’action didactique avec leurs élèves et avec les objets d’enseignement apprentissage).

La troisième partie de notre recherche est principalement celle de l’exposé des résultats obtenus grâce aux six procédés de l’analyse microgénétique (chapitre 12). Ils sont préalablement introduits par les résultats de la progression annuelle des connaissances psycholinguistiques des élèves (chapitre 11). Les résultats des analyses bilingues, en termes de places discursives, sont présentés dans le chapitre 13.

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25 Enfin, la quatrième partie met en perspective ces résultats, en les « croisant » et en les discutant du point de vue des questions de recherche auxquelles ils devraient donner les réponses ou au moins les amorcer (chapitre 14). Les champs conceptuels des recherches convoquées dans la première partie interviennent de plein pied dans cette mise en perspective.

Le chapitre 15 tente d’ouvrir l’apport des analyses, conçues à partir du terrain même de l’action pédagogique, vers des perspectives nouvelles. En effet, les résultats obtenus permettent de mener une réflexion sur les pratiques professionnelles des enseignants, pratiques enseignantes bilingues et collaboratives en binôme. Ce dernier chapitre se penche également sur les pratiques langagières des élèves, ancrées dans la dimension bilingue et variant du début à la fin de l’année sur le continuum des langues. Les choix individuels de langue y sont relevés, menant, en conséquence, à une variation des répertoires bilingues.

A partir de notre recherche, une autre perspective sera envisagée : celle de la recherche fondamentale, à concevoir et à mener dans la visée de mieux saisir les pratiques bilingues dans les interactions, et surtout leur rôle dans les processus d’enseignement et d’apprentissage de la littéracie chez ces élèves particuliers. Les retombées pratiques de cette recherche et des recherches à venir sur les terrains de l’action pédagogique, devront finalement être relevées, dans une volonté d’améliorer l’éducation/instruction et l’accompagnent bilingue des enfants sourds.

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PARTIE I : CADRE THEORIQUE PLURIEL

« Plutôt que de persister dans ces débats idéologiques stériles qui, in fine, sont au désavantage des enfants sourds que l’on prétend éduquer, il semble préférable de reprendre les choses où elles en sont, faire un état des lieux des connaissances et non-connaissances concernant certains points fondamentaux du développement de l’enfant sourd et de sa scolarisation. »

Cyril Courtin10

I NTRODUCTION

Notre travail s’inscrit dans deux champs disciplinaires : le premier, dans lequel les disciplines de références plurielles se rencontrent, est celui des sciences de l’éducation ; le deuxième, celui des Deaf Studies, est jeune et difficile à saisir du fait de ses frontières mouvantes ; s’il est bien établi aux États-Unis, il est seulement émergent dans plusieurs pays d’Europe.

Par le biais de la complémentarité des apports des sciences de l’éducation et des études en surdité, surtout celles qui touchent à la linguistique ou à la psycholinguistique, il s’agira d’appréhender la question de l’acquisition du langage et de la langue écrite chez l’enfant sourd11. Nous mentionnons des recherches qui nous permettent de mettre en évidence la vision anthropologique de la surdité, qui s’oppose à sa vision médicale dans la prise en charge éducative et scolaire de ces enfants. Nous allons donc nous appuyer sur les résultats des recherches récentes dans ce champ en plein développement, dans le but d’appréhender l’objet d’étude complexe qu’est l’apprentissage de la lecture par les jeunes élèves sourds dans le cadre scolaire bilingue : langue des signes française/français dans ses formes orale et écrite. Cet objet sera ici abordé en prenant appui sur des ressources théoriques se référant aux domaines ou concepts construits en sciences de l’éducation comme : 1) la didactique des langues, le bilinguisme et le plurilinguisme à l’école, le contact des langues (Moore, 2006 ; Lüdi & Py, 1986/2003 ; Mugnier, 2006a ; Gajo & Mondada, 2000; Grosjean, 2003a ; Perregaux, 1994) ; 2) la didactique du français, car c’est cette langue qui est l’objet d’enseignement apprentissage de notre recherche (Allal et al., 2001 ; Schneuwly & Thévenaz, 2006) ; 3) l’apprentissage situé et

10 Courtin, C. (2007), p. 213.

11Le terme sourd correspond au fait d’être touché par la déficience auditive, sans distinguer son degré. Pour les raisons de fluidité du texte nous choisissons ce terme au terme : enfants sourds et malentendants qui correspond dans les études américaines au terme Deaf and Hard-of-Hearing children (ou DHH children).

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28 l’apprentissage dans la communauté des pratiques (Wenger, 1998 ; Allal, 2001 ; Mottier Lopez, 2008) ; 4) les apports des microgenèses didactiques (Saada-Robert & Balslev, 2006 ; Balslev &

Saada-Robert, 2007 ; Saada-Robert et al., 2003, Balslev, 2006, 2009, 2010) ; 5) et l’étude des processus interactionnels dans les situations éducatives (Filliettaz & Schubauer-Leoni, 2008), avec leurs aspects multimodaux (Mondada, 2004 ; de Saint-Georges, 2008 ; Millet & Estève, 2009, 2010).

Notre recherche se situe au croisement de ces deux champs avec leurs étendues théoriques et expérimentales, leurs modes de pensées, les représentations sociales qu’ils génèrent ou contre lesquelles ils apportent des résultats scientifiquement valides. Tous les deux puisent dans les ressources des domaines et disciplines de références qui se multiplient, en lien avec les demandes des professionnels qui ont besoin d’outils, de méthodes, de réponses à leurs interrogations. Ce sont celles qui émanent du contact direct avec les terrains de l’action pédagogique et les situations problématiques rencontrées par les destinataires, enfants, adolescents, et adultes qui leur sont confiés.

Nous allons commencer par la description de ce nouveau champ disciplinaire des Deaf Studies, (chapitre 1) en tissant quelques parallèles avec l’émergence historique du champ des sciences de l’éducation (Hofstetter & Schneuwly, 2002, 2007). Ensuite nous passerons en revue les apports théoriques pluriels qui ont émané durant cette recherche, même si nous ne pouvons pas toujours attribuer leur appartenance à l’un ou l’autre champ, leurs objets s’inscrivant à la fois dans celui de la surdité et celui de l’éducation. En effet, les deux sont liés en fonction des besoins spécifiques de cette population d’enfants en matière de prise en charge éducative précoce (Marschark & Hauser, 2008). Nous organisons ces apports théoriques de la manière suivante : le chapitre 1 porte sur les « Deaf Studies » ou, comme nous le proposons, les Etudes en Surdité, un champ disciplinaire émergent. Le chapitre 2 traite de l’éducation des enfants sourds, du poids de l’histoire et d’aujourd’hui, de l’éducation spéciale ou spécialisée, avec la problématique de l’intégration, de l’inclusion ou bien d’une éducation bilingue adaptée. Le chapitre 3 tente de cerner le thème des interactions didactiques dans une classe bilingue/plurilingue, pour y cerner les processus d’enseignement apprentissage. Puis, le domaine de la littéracie émergente et les apports des microgenèses didactiques seront exposés au chapitre 4. Finalement, le chapitre 5 propose une synthèse des apports théoriques et précise les visées de cette thèse, pour ensuite poser les questions qui ont guidé notre recherche.

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C HAPITRE 1 : E TUDES EN SURDITÉ - UN CHAMP DISCIPLINAIRE ÉMERGENT

« Les propositions de définitions [de la notion de discipline] (…) soulignent l’étroite imbrication des enjeux cognitifs et socio- institutionnels : elles postulent qu’une discipline se définit par et suppose des lieux, instances, réseaux, supports, corps de professionnels spécialisés dans la production systématique des nouvelles connaissances par la recherche scientifique. Elle constitue ainsi un réseau de communication produisant une constellation de discours, garantie par de lieux de publications, manifestations scientifiques et regroupements associatifs. »

Rita Hofstetter & Bernard Schneuwly12

Comment définir un champ disciplinaire? Comment émerge-t-il ? Quels sont les facteurs ou les indices qui permettent d’affirmer qu’un nouveau champ est en train de se constituer et de prendre place parmi les autres, qu’il a ses spécificités et ses raisons d’être ? Riche de l’expérience des sciences de l’éducation en tant que champ disciplinaire, de l’analyse du développement de ce champ dans une perspective historique (Hofstetter & Schneuwly, 2002, 2007), nous tissons ici quelques parallèles entre les sciences de l’éducation et ce nouveau champ encore peu étudié dans cette perspective. Notre but est de décrire et de comprendre comment s’est constitué le champ disciplinaire des Deaf Studies que nous traduisons de façon propositionnelle comme : études ou recherches en surdité. La discussion autour de ce champ n’est pas nouvelle et reflète des interrogations très récemment posées par le Journal of Deaf Studies and Deaf Education (2010, vol.15 : 1). De nouvelles directions ainsi que l’ouverture de ce champ face aux besoins nouveaux et aux changements de vie des Sourds d’aujourd’hui y sont proposées. Le temps est peut-être venu de renoncer aux vieilles querelles, en tout cas du côté de l’éducation des jeunes sourds, pour améliorer leur situation, leur réussite scolaire, leurs perspectives de carrière et d’accomplissement des rôles sociaux choisis.

1.1. D

EAF

S

TUDIES AS AN ACADEMIC FIELD

Deaf Studies – un nouveau champ académique bien établi aux Etats-Unis et en émergence en Europe, peut être analysé par rapport aux zones linguistiques et culturelles différentes. D’une part, la zone anglophone est bien fournie et développée en recherches et chaires universitaires

12Hofstetter, R. & Schneuwly, B. (2002),p.6.

Références

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