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Réfugiés en Suisse : trajectoires d'asile et intégration professionnelle

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Thesis

Reference

Réfugiés en Suisse : trajectoires d'asile et intégration professionnelle

BERTRAND, Anne-Laure

Abstract

Cette thèse propose de plonger dans les méandres du système suisse de l'asile en étudiant les trajectoires des réfugiés à partir de leur arrivée sur le sol helvétique. Nous y montrons que les réfugiés restent durablement désavantagés sur le marché du travail et faisons ressortir les liens étroits entre permis de séjour et chances d'intégration professionnelle. En adoptant une perspective longitudinale, nous soulignons l'influence du parcours de vie des individus sur les possibilités d'intégration et le poids du cumul des désavantages pour ceux dont les trajectoires sont les plus précaires.

BERTRAND, Anne-Laure. Réfugiés en Suisse : trajectoires d'asile et intégration professionnelle. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2017, no. SdS 77

URN : urn:nbn:ch:unige-981946

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:98194

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:98194

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Réfugiés en Suisse : trajectoires d’asile et intégration professionnelle

Thèse

présentée à la Faculté des sciences de la société de l’Université de Genève par

Anne-Laure Bertrand

sous la direction des professeurs Gilbert Ritschard et

Philippe Wanner

pour l’obtention du grade de Docteur ès sciences de la société

mention démographie

Membres du jury de thèse :

Mme Denise Efionayi-Mäder, Université de Neuchâtel Prof. Tobias Müller, Université de Genève

Prof. Michel Oris, président du jury, Université de Genève

Prof. Gilbert Ritschard, co-directeur de thèse, Université de Genève Prof. PhilippeWanner, co-directeur de thèse, Université de Genève

Thèse no77

Genève, le 22 septembre 2017

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La Faculté des sciences de la société, sur préavis du jury, a autorisé l’impres- sion de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 22 septembre 2017 Le doyen

BernardDebarbieux

Impression d’après le manuscrit de l’auteur

Photographie de couverture : Alberto Campi | WeReport © 2017

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Résumé

Cette thèse propose de plonger dans les méandres du système suisse de l’asile en étudiant les trajectoires des réfugiés à partir de leur arrivée sur le sol helvétique. Nous y montrons que les réfugiés restent durablement désavantagés sur le marché du travail et faisons ressortir les liens étroits entre permis de séjour et chances d’intégration professionnelle. En adoptant une perspective longitudinale, nous soulignons l’influence du parcours de vie des individus sur les possibilités d’intégration et le poids du cumul des désavantages pour ceux dont les trajectoires sont les plus précaires.

Une grande importance est accordée au cadre contextuel des politiques d’asile et d’intégration, point de départ incontournable pour appréhender la complexité du système dans lequel s’inscrit notre problématique. L’étude de la législation helvétique se révèle également indispensable pour comprendre la diversité des situations que vivent les réfugiés en fonction de leur permis de séjour, puisque les droits des individus varient au gré de ces permis.

Mobilisant un large éventail de méthodes quantitatives (modèles de régres- sion logistique, multinomiale et de survie ; analyse de séquences et techniques de clustering), notre travail s’appuie sur les possibilités offertes par les don- nées de la statistique publique (registres administratifs notamment). Pouvoir recourir à de telles sources d’information constitue un avantage majeur, la po- pulation réfugiée étant extrêmement difficile à atteindre au moyen d’enquêtes

« classiques ». Partant de là, nous proposons plusieurs indicateurs d’intégra- tion professionnelle qu’il est possible de calculer sur la base de ces données, ceci y compris concernant la question épineuse de la mesure du phénomène de déqualification.

Au final, cette thèse apporte trois conclusions essentielles : d’abord, nos résultats montrent que la situation particulièrement précaire des réfugiés sur le marché du travail perdure même après l’obtention d’un permis de séjour stable – ceci alors que cette population est le plus souvent invisible dans les statistiques qui ne font pas de distinction, parmi les titulaires de permis B et C, entre réfugiés et étrangers « hors asile ». Ensuite, notre étude met en évidence les inégalités supplémentaires induites au sein même de la population réfugiée par les différents permis de séjour. Les droits attachés à chaque permis façonnent les trajectoires de vie des individus, et leurs chances d’intégration

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ii ii Résumé

professionnelle en sont profondément affectées. Ainsi, nous retrouvons, dans les écarts d’insertion sur le marché du travail, le reflet de la « hiérarchie des permis de séjour ». Enfin, nos analyses soulignent le désavantage que représente, à plus long terme, le temps passé avec un permis précaire (permis N de requérant d’asile ou F de personne admise à titre provisoire) : plus celui-ci s’allonge, plus les chances d’insertion professionnelle diminuent. Ces constats nous mènent à nous interroger sur les prochaines modifications législatives annoncées et, par conséquent, sur les possibilités d’intégration futures des réfugiés en Suisse.

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Remerciements

Cette thèse n’aurait pu voir le jour sans le soutien de nombreuses personnes.

Je tiens à remercier ici chaleureusement toutes celles et ceux qui m’ont accom- pagnée durant ces années de doctorat.

Mes premiers remerciements vont à mes directeurs de thèse, Philippe Wanner et Gilbert Ritschard. A Philippe, pour m’avoir permis de travailler sur le sujet qui me tenait à cœur en me donnant accès aux données sur les réfugiés.

A Gilbert, pour m’avoir fait confiance en m’engageant comme assistante pour les cours de statistique pour sciences sociales : outre le grand plaisir que j’ai eu à enseigner, cette expérience m’a surtout énormément appris et a contribué à affermir ma démarche scientifique. Je les remercie tous deux pour leurs conseils, leur disponibilité et leur relecture attentive de chacun de mes chapitres.

Je remercie sincèrement Michel Oris, président du jury, de m’avoir encoura- gée à poursuivre mon parcours académique en me lançant dans l’aventure du doctorat. Tous mes remerciements à lui, ainsi qu’à Denise Efionayi-Mäder et à Tobias Müller, pour avoir accepté de faire partie de mon jury et m’avoir permis d’améliorer ce manuscrit grâce à leurs précieuses remarques.

Cette thèse a bénéficié des données rassemblées dans le cadre du projet Intégration structurelle et déqualification de la population réfugiée en Suisse (Wanner et al., 2016), une étude financée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) à laquelle j’ai eu le plaisir de collaborer. Je remercie vivement l’ensemble des personnes ayant réalisé les étapes d’extraction et d’appariement des différents registres, en particulier Philippe Wanner, Ilka Steiner et Andreas Perret (NCCR On the Move), Christoph Freymond (OFS), Alex Pavlovic (CdC) et Pierre Fontaine (SECO). Mes remerciements vont également à Céline Buntschu (SEM) pour m’avoir fourni certaines statistiques et informations complémentaires.

Je souhaite remercier chaleureusement mes collègues de l’Institut de démo- graphie et socioéconomie qui, au fil des discussions stimulantes que nous

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iv iv Remerciements

avons eues, m’ont permis d’enrichir mes réflexions. Je suis particulièrement reconnaissante envers Matthias Studer pour tout ce qu’il m’a appris. Merci aussi à Adrien Remund, Jonathan Zufferey, Julie Lacroix, Aline Duvoisin et Dina Bader (du SFM) pour leur soutien et leurs conseils avisés, mais aussi – et surtout – pour les nombreux cafés et autres moments de détente que nous avons partagés.

Mes remerciements vont encore à tous les doctorants et chercheurs des Facultés SdS et GSEM ainsi que des pôles de recherche nationaux LIVES et On the Move qui m’ont aidée à un moment ou un autre de mon parcours.

Merci à Cristina Del Biaggio de m’inspirer par son engagement et son énergie à toute épreuve.

Merci à Alberto Campi d’avoir réalisé pour moi cette superbe photographie de couverture (et d’avoir refusé d’être payé autrement qu’en bières).

Un merci tout particulier à ma mère et à ma tante qui ont patiemment relu mon texte afin d’y déceler les dernières coquilles.

A mes ami-e-s et à ma famille, pour les indispensables moments « hors thèse » passés ensemble.

A mes parents, pour m’avoir transmis leur curiosité intellectuelle et m’avoir encouragée durant toutes mes études.

A Stéphane, pour son soutien et sa présence à mes côtés, et pour tous les petits bonheurs du quotidien.

A mes grand-mères, enfin, dont les récits de vie expliquent sans doute pour beaucoup le choix de mon sujet de thèse. Mes pensées vont vers elles.

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Table des matières

Résumé i

Remerciements iii

Liste des abréviations ix

Introduction 1

1 L’asile en Suisse : contexte et définitions 7

1.1 La population du domaine de l’asile . . . 7

1.1.1 Définition du Haut Commissariat pour les réfugiés . . . 8

1.1.2 Législation suisse et accords européens . . . 10

1.1.3 Procédure d’asile helvétique et variété des permis de séjour 13 1.2 Historique de la migration d’asile en Suisse . . . 19

1.2.1 De l’après-guerre aux années 1970 : l’accueil de réfugiés fuyant le communisme . . . 20

1.2.2 Le tournant des années 1970 : la réticence face aux ré- fugiés chiliens . . . 22

1.2.3 Les années 1980 et 1990 : accroissement et diversification des demandes, durcissement des politiques d’accueil . . 24

1.2.4 La fin des années 1990 et les années 2000 : nouveaux pics de demandes et recours accru à l’admission provisoire 31 1.2.5 Synthèse : évolution de la figure du réfugié depuis 1950 35 2 Intégration professionnelle : cadre théorique 39 2.1 Définitions . . . 40

2.1.1 Assimilation ou intégration ? . . . 40

2.1.2 Le processus d’intégration . . . 42

2.1.3 Intégration structurelle, intégration professionnelle . . . 46

2.2 Politique d’intégration helvétique . . . 48

2.2.1 Législation suisse . . . 49

2.2.2 Historique de la politique d’intégration . . . 51

2.2.3 La politique d’intégration aujourd’hui . . . 55

(9)

vi vi Table des matières

2.2.4 Critères généraux de l’intégration . . . 59

2.2.5 Intégration professionnelle et permis de séjour . . . 61

2.3 Positionnement et axes de recherche . . . 66

3 Différentiels d’intégration professionnelle entre migration d’asile et migration « hors asile » 73 3.1 Sources des données . . . 74

3.1.1 Registres de la statistique publique . . . 75

3.1.2 Liens entre les registres . . . 77

3.1.3 Limites de l’usage des registres à des fins statistiques . . 78

3.1.4 Données et appariements . . . 79

3.1.5 Population sélectionnée . . . 84

3.2 Mesures de l’intégration professionnelle : chômage et déqualifi- cation . . . 88

3.2.1 Le chômage dans le Relevé structurel . . . 88

3.2.2 La difficile mesure de la déqualification . . . 90

3.3 Déterminants de l’intégration professionnelle : hypothèses . . . 104

3.3.1 Facteurs liés à la migration . . . 104

3.3.2 Déterminants sociodémographiques . . . 110

3.3.3 Déterminants socioculturels . . . 113

3.3.4 Facteurs liés à la formation . . . 115

3.3.5 Déterminants contextuels . . . 117

3.3.6 Limites des données . . . 119

3.4 Le « fardeau de l’asile » . . . 122

3.4.1 Chômage . . . 122

3.4.2 Déqualification . . . 133

3.5 Synthèse . . . 142

4 Parcours des réfugiés en Suisse : trajectoires de permis et d’intégration structurelle 145 4.1 Sources des données . . . 146

4.1.1 Registres appariés . . . 146

4.1.2 Population sous étude . . . 148

4.1.3 Cohérence des données . . . 150

4.2 Trajectoires de permis de séjour . . . 152

4.2.1 Ensemble de la base . . . 152

4.2.2 Cohortes d’arrivée 2000 à 2004 . . . 155

4.2.3 Typologie des trajectoires . . . 165

4.2.4 Modèle logistique multinomial : facteurs d’appartenance aux différents clusters . . . 175

4.3 Trajectoires d’intégration professionnelle . . . 184

4.3.1 Choix de l’indicateur . . . 184

4.3.2 Cohortes d’arrivée 2000 à 2004 . . . 187

(10)

Table des matières vii vii 4.3.3 Intégration professionnelle et trajectoires de permis :

analyse bivariée . . . 190

4.4 Synthèse . . . 195

5 Impact du permis sur l’intégration professionnelle 197 5.1 Première intégration professionnelle : approche dynamique . . . 198

5.1.1 Cohortes d’arrivée 2000 à 2013 . . . 198

5.1.2 Courbes de survie . . . 206

5.1.3 Modèles de survie en temps discret : résultats . . . 207

5.2 Temps passé avec un permis N ou F : situation après dix ans de séjour . . . 224

5.2.1 Cohortes d’arrivée 2000 à 2004 . . . 225

5.2.2 Régressions logistiques : résultats . . . 227

5.3 Synthèse . . . 234

Conclusion 237 Annexes 249 A : Autres pays inclus dans l’analyse . . . 250

B : Autres mesures de déqualification . . . 251

B.1 Méthode employée par l’OCDE . . . 251

B.2 Mobilité professionnelle : horizontal mismatch . . . 258

B.3 Exemple : le cas des « médecins-infirmiers » . . . 263

C : Parallel coordinate plots(compléments) . . . 264

D : Canton de résidence (distributions) . . . 267

E : Régression logistique chômage (compléments) . . . 268

F : Statistiques descriptives des cohortes 2000 à 2004 (compléments) 269 G : Probabilités prédites d’appartenance aux différents clusters (com- pléments) . . . 272

H : Lien entre indicateur d’intégration et clusters (compléments) . . 275

I : Chômage et aide sociale . . . 277

I.1 Droit au chômage et inscription au registre . . . 277

I.2 Aide sociale cantonale . . . 282

J : Age à l’arrivée en Suisse . . . 286

K : Taux de chômage cantonaux (2000-2013) . . . 288

L : Tables de survie (méthode actuarielle) . . . 290

M : Modèles en temps discret (compléments) . . . 292

N : Séquences de permis selon l’âge à l’arrivée (compléments) . . . . 294

Bibliographie 295

(11)
(12)

Liste des abréviations

AELE Association européenne de libre-échange AI Assurance-invalidité

AP Admission provisoire

AUPER Registre automatisé des personnes entrant dans le cadre de l’asile

AVS Assurance-vieillesse et survivants

BEVNAT Statistique du mouvement naturel de la population BIE Bureau de l’intégration des étrangers

BIT Bureau international du travail CdC Centrale de Compensation AVS

CFM Commission fédérale pour les questions de migration CSDH Centre suisse de compétence pour les droits humains CSIAS Conférence suisse des institutions d’aide sociale DFJP Département fédéral de justice et police

DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme EPER Entraide protestante suisse

EPF Ecole polytechnique fédérale ESAA Ecole supérieure d’arts appliqués

ESCEA Ecole supérieure de cadres pour l’économie et l’administration ESPA Enquête suisse sur la population active

ESS Enquête suisse sur la structure des salaires ETS Ecole technique supérieure (école d’ingénieurs) FER Fonds européen pour les réfugiés

HCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (équi- valent de UNHCR)

IDH Indice de développement humain IES Institut d’études sociales

ILO Organisation internationale du travail

IMES Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigra- tion

ISCO Classification internationale des professions

LACI Loi sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité

(13)

x x Liste des abréviations

Lasi Loi sur l’asile (1979) LAsi Loi sur l’asile (1998) LEtr Loi sur les étrangers

LN Loi sur la nationalité suisse

LSEE Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers NEM Non-entrée en matière

nLN Nouvelle loi sur la nationalité suisse OA Ordonnance sur l’asile

OASA Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative

OCDE Organisation de coopération et de développement économique ODAE Observatoire du droit d’asile et des étrangers

ODM Office fédéral des migrations ODR Office fédéral des réfugiés

OFAS Office fédéral des assurances sociales OFS Office fédéral de la statistique

OIE Ordonnance sur l’intégration des étrangers

ORDIPRO Registre des diplomates et fonctionnaires internationaux ORP Offices régionaux de placement

OSAR Organisation suisse d’aide aux réfugiés OUA Organisation de l’Unité africaine

PETRA Statistique de la population résidante de nationalité étrangère PIB Produit intérieur brut

PIC Programme d’intégration cantonal PIN Numéro unique d’identification

PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PPA Parité de pouvoir d’achat

RCE Registre central des étrangers RS Enquête du Relevé structurel SECO Secrétariat d’Etat à l’économie SEM Secrétariat d’Etat aux migrations

SFM Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population SILC Enquête sur les revenus et les conditions de vie

STATPOP Statistique de la population et des ménages

SYMIC Registre de la population étrangère (synthèse RCE, AUPER et ORDIPRO)

TOM Territoire d’outre-mer

UE Union européenne

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

UNHCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (équi- valent de HCR)

UNRWA Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens

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Liste des abréviations xi xi Cantons suisses

ZH Zurich

BE Berne

LU Lucerne

UR Uri

SZ Schwytz

OW Obwald

NW Nidwald

GL Glaris

ZG Zoug

FR Fribourg

SO Soleure BS Bâle-Ville BL Bâle-Campagne SH Schaffhouse

AR Appenzell Rhodes-Extérieures AI Appenzell Rhodes-Intérieures SG Saint-Gall

GR Grisons

AG Argovie

TG Thurgovie

TI Tessin

VD Vaud

VS Valais

NE Neuchâtel

GE Genève

JU Jura

(15)
(16)

Introduction

En 2015, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dénombre 65.3 millions de personnes déplacées de force dans le monde. Parmi elles, on compte 21.3 millions de réfugiés1, dont 16.1 millions sont sous la responsabilité du HCR, et 5.2 millions sous celle de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). A ces chiffres s’ajoutent 40.8 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, et 3.2 millions de requérants d’asile (UNHCR, 2016, p.2).

86% des 16.1 millions de réfugiés recensés par le HCR vivent dans les pays du Sud. Les principaux pays de refuge sont de fait ceux situés aux abords immédiats des zones en crise : Turquie, Pakistan, Liban, Iran, Ethiopie, Jor- danie, Kenya, Ouganda, République Démocratique du Congo (RDC) et Tchad accueillent à eux seuls près de 10 millions de réfugiés. La Suisse se place quant à elle en 40e position, loin derrière les traditionnels pays d’immigration occi- dentaux : l’Allemagne (12e position), les Etats-Unis (17e), la France (18e), le Canada (29e) et le Royaume-Uni (31e), mais également derrière la Suède (27e), l’Italie (34e) ou encore les Pays-Bas (38e) ainsi que de nombreux pays du Sud.

Bien entendu, il est délicat de mettre en parallèle le nombre de réfugiés accueillis par ces différents Etats sans tenir compte de la taille de la popu- lation résidante. La figure 1 montre donc, pour une sélection de pays ayant des pratiques d’admission comparables, le nombre de réfugiés statutaires et de personnes en situation similaire pour cent mille habitants.2 La Suisse se trouve dans le haut du classement, avec 886 réfugiés pour 100’000 habitants.

Rappelons toutefois que cette proportion reste très faible, puisque ces per- sonnes représentent moins de 0.9% de la population helvétique (1.3% si l’on ajoute les demandeurs d’asile qui ne sont pas pris en compte dans la définition du HCR).

1. Il s’agit ici des catégories intitulées « refugees and people in refugee-like situations ».

Dans les statistiques du HCR, les personnes admises à titre provisoire sont incluses dans la dénomination « refugee », tout comme celles qui, dans d’autres pays (notamment européens), bénéficient d’une « protection subsidiaire ». Par contre, les requérants d’asile ne font pas partie de cette catégorie.

2. A l’exception des cas mentionnés spécifiquement, l’ensemble des tableaux et figures présentés dans cette thèse a été produit par nos soins sur la base des sources de données citées.

(17)

2 2 Introduction

Nb de réfugiés pour cent mille habitants en 2015 050010001500

Suède Nor

vègeSuisseAutr iche

Pays−Bas Danemar

k France

LichtensteinAllemagneCanadaBelgiqueGrèce Lux

embourgFinlande Italie

Royaume−Uni Irlande

Etats−Unis Hongr

ie Pologne

Rép

. TchèqueEspagnePortugal Sources des données : UNHCR et UNPD

Figure1 – Réfugiés statutaires et personnes en situation similaire pour 100’000 habitants, en 2015

C’est en revanche une image quelque peu différente que l’on obtient lorsque l’on s’intéresse au nombre de réfugiés pour 1 dollar du PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat), ce qui permet de tenir compte de la capacité éco- nomique des pays. La figure 2 permet de constater que si la Suisse accueille un nombre relativement élevé de personnes en regard de la taille de sa popu- lation, sa générosité apparaît par contre moins distinctement quant on le met en balance avec le revenu par tête : 1 réfugié pour 1 dollar du PIB/habitant en Suisse, contre plus de 6 pour la France et l’Allemagne. A titre comparatif, la RDC compte, en 2015, 488 réfugiés pour 1 dollar de son PIB/habitant, quand l’Ethiopie en dénombre 452, et le Pakistan 312.3

Les pratiques d’accueil des pays du Sud et du Nord sont cependant très différentes : dans les premiers, les réfugiés sont le plus souvent placés dans des camps et rien n’est fait pour les intégrer à la société d’accueil4, ce qui n’est pas le cas dans les seconds. De plus, si les aides reçues par les pays du Sud proviennent en général des organismes internationaux, ces derniers ne peuvent, pour des raisons politiques, donner aux réfugiés un niveau de vie supérieur à celui des populations locales les plus défavorisées (Bolzman, 1996, p.99). Le HCR distingue bien ces deux régimes (UNHCR, 2012a, p.9) : au Sud, un « système de réfugiés », où ces derniers sont admis de façon collective

3. Propres calculs effectués sur la base des données du HCR et de la Banque mondiale.

4. Sur la vie dans les camps de réfugiés, voir Cambrézy (2001).

(18)

Introduction 3 3

Nb de réfugiés pour 1 dollar du PIB/habitant (en PPA) en 2015 0123456

France AllemagneEtats−Unis

Suède Italie Canada

Royaume−UniPays−BasAutr icheSuisse Grèce

Nor vège

Belgique Danemar

k

PologneFinlandeEspagneHongr ie

Rép

. TchèqueIrelandePor tugal Lux

embourg

Sources des données : UNHCR et Banque mondiale

Figure2 – Réfugiés statutaires et personnes en situation similaire pour 1 dollar du PIB/habitant (en PPA), en 2015

et bénéficient d’une protection, mais qui sont confinés dans des camps (pas d’intégration prévue) et dont les droits sont limités. Au Nord, c’est un « sys- tème d’asile » qui prévaut, avec de nombreuses mesures prises pour décourager l’arrivée de requérants, et des procédures individuelles (examen des dossiers au cas par cas). Pour ceux qui obtiennent le droit de rester, l’intégration est par contre encouragée.

Ainsi, en Suisse comme dans d’autres pays européens, si la question de l’accueil des réfugiés fait débat, l’intégration de ceux à qui on a accordé le droit de demeurer sur le territoire est en principe une idée qui fait consensus.

Du côté des autorités helvétiques, la raison est avant tout utilitariste, puisque ceux qui réussissent à intégrer le marché du travail représentent moins de dépenses d’assistance (Conseil fédéral, 2016, p.59). Le rapport élaboré par la Conférence suisse des institutions d’aide sociale (CSIAS), intitulé « Un emploi au lieu de l’aide sociale », en est une parfaite illustration :

Il faut tout mettre en œuvre pour qualifier les personnes ayant le droit de rester en Suisse de manière qu’elles puissent y être insérées rapidement et durablement. Sinon, elles risquent de dépendre, parfois très longtemps, des prestations d’aide sociale.(CSIAS, 2015b, p.5)

La rhétorique de la peur que ces individus ne génèrent des coûts importants pour la collectivité se retrouve tout au long du rapport. La CSIAS (2015b, p.10) conclut même que « [l]’obligation de choisir un cours d’initiation pro-

(19)

4 4 Introduction

fessionnelle et de le suivre doit être inscrite dans la loi sur l’asile. » On voit ainsi à quel point la question de l’accueil des réfugiés est liée à celle de leur intégration au marché du travail. Mais quelles que soient les motivations des autorités – vision strictement utilitariste ou optique plus globale de promotion de l’égalité des chances et d’autonomisation des individus –, il est clair que favoriser l’intégration professionnelle des réfugiés représente un gain tant pour la société d’accueil que pour les réfugiés eux-mêmes.

Cette thèse propose donc de plonger dans les méandres du système de l’asile helvétique. Nous nous attacherons à faire ressortir le désavantage propre aux réfugiés sur le marché du travail, et les liens étroits entre permis de séjour et chances d’intégration professionnelle. Dans cette optique, nous adopterons, lorsque les données le permettent, une perspective longitudinale. Celle-ci per- mettra de mettre en exergue l’impact du parcours de vie des individus sur les possibilités d’insertion dans le marché du travail, et le poids du cumul des désavantages pour ceux dont les trajectoires sont les plus précaires.

Une précision essentielle est à faire ici concernant le termeréfugié que nous emploierons dans les pages qui vont suivre : contrairement à la définition « res- trictive » utilisée par le HCR ou la Confédération (qui renvoie exclusivement à ceux ayant obtenu le statut de réfugié tel que défini dans la Convention de 1951), nous choisissons d’appliquer ce terme de façon plus large à toute per- sonne ayant eu un parcours d’asile, c’est-à-dire toute personne passée par la procédure d’asile – que celle-ci soit pendante ou non, et quelle qu’en ait été l’issue. Dans les cas où nous voudrions spécifiquement faire référence à des individus dont le statut de réfugié a été reconnu, nous emploierons les termes précis de réfugiésreconnus ou réfugiésstatutaires. Le choix d’avoir recours à une définition large du terme réfugié a d’abord pour effet d’alléger considé- rablement le texte (sans quoi il faudrait sans cesse employer des expressions du type « population issue de l’asile »). Mais surtout, cette approche présente l’avantage d’aller au-delà d’une catégorisation légale des individus qui peut parfois sembler dépassée compte tenu de la complexité des parcours des per- sonnes concernées.5 C’est d’ailleurs le point de vue soutenu par Zetter dans un rapport publié par la Commission fédérale pour les questions de migration :

Ainsi, la notion de réfugié semble problématique lorsqu’on la réduit à la définition que lui confère le droit international, d’autant qu’elle ne permet pas de rendre compte de la complexité des persécutions frappant les vic- times de migrations forcées et la grande variété de motifs qui contraignent les personnes à fuir.(Zetter, 2014, p.11)

Cette thèse est structurée comme suit : les deux premiers chapitres forment le cadre contextuel et théorique, et les trois chapitres suivants constituent la partie analytique. Plus précisément, le premier chapitre proposera de définir

5. Lorsque nous nous intéresserons aux différentes « catégories » que comprend la popu- lation des réfugiés en Suisse, ce sera simplement dans le but de pointer les inégalités qui existent entre ces groupes (notamment en ce qui concerne les permis de séjour).

(20)

Introduction 5 5 les termes concernant les différents statuts et permis de séjour liés au domaine

de l’asile. Nous y montrerons comment la législation suisse s’intègre dans les législations européenne et internationale, et retracerons l’histoire de la migra- tion d’asile en Suisse. Ce chapitre est essentiel pour la suite de notre étude, puisqu’il permet d’appréhender le système de l’asile dans toute sa complexité – clef de lecture indispensable pour la formulation de nos axes de recherche et pour l’interprétation des résultats. Le chapitre 2 donnera quant à lui les définitions liées à la problématique de l’intégration en général, et de l’intégra- tion professionnelle en particulier. La politique et la législation helvétique en matière d’intégration seront également présentées, et les droits attachés aux différents permis de séjour qui concernent les réfugiés seront passés en revue de manière systématique. Enfin, nous situerons cette thèse par rapport aux travaux déjà réalisés afin de montrer l’intérêt de nos analyses.

Ces dernières se répartissent entre les chapitres 3, 4 et 5. Nous y présen- terons à chaque fois les données qu’il a été possible d’utiliser. Celles-ci sont toutes issues de la statistique publique (registres AUPER, RCE et STAT- POP, enquête du Relevé structurel, ou encore données fournies par la Cen- trale de Compensation AVS pour ne mentionner que les sources principales).

Nous verrons que ces données permettent l’accès à des informations extrême- ment intéressantes sur une population souvent très difficile à atteindre dans le cadre d’études quantitatives. Sur ce point, nous montrerons d’ailleurs com- ment, après avoir obtenu un permis B ou C, les réfugiés se confondent avec les autres étrangers et deviennent ainsi le plus souvent invisibles dans les statis- tiques – d’où l’intérêt de pouvoir les « repérer » afin de fournir des indicateurs d’intégration professionnelle spécifiques à ce groupe. Les différentiels entre les réfugiés et les étrangers n’ayant pas un parcours d’asile feront donc l’objet du chapitre 3, avec une comparaison de leurs risques respectifs de chômage et de déqualification.

Si cette première analyse est de type transversal, celles réalisées aux cha- pitres 4 et 5 adopteront par contre une approche longitudinale. En outre, ces chapitres seront centrés uniquement sur la population réfugiée. Le chapitre 4 aura pour objectif de décrire les trajectoires de permis de séjour de cette popu- lation, ceci notamment au moyen de la création d’une typologie des parcours de permis. Les trajectoires d’intégration professionnelle y seront également présentées. Le chapitre 5 permettra quant à lui de mettre en évidence l’impact des différents permis de séjour sur les chances d’insertion dans le marché du travail : d’un point de vue « dynamique » d’abord, avec l’analyse des chances de connaître une première intégration professionnelle en fonction du permis.

Dans une perspective plus longue ensuite, avec l’étude du poids des années passées avec des permis précaires sur la situation des réfugiés après dix an- nées de séjour en Suisse. Soulignons encore que la question des indicateurs que nous emploierons pour mesurer différentes composantes de l’intégration professionnelle fera systématiquement l’objet d’une discussion.

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6 6 Introduction

La conclusion sera pour nous l’occasion de revenir sur les principaux ré- sultats de notre étude, puis d’en rappeler les limites mais aussi d’en souligner les apports. Enfin, nous proposerons une discussion sur les prochaines modifi- cations législatives annoncées et les questions que celles-ci soulèvent pour les possibilités d’intégration futures des réfugiés en Suisse.

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Chapitre 1

L’asile en Suisse : contexte et définitions

On est à une époque où la mondialisation est aussi celle des hommes, et où il faudrait faire prévaloir la préoccupation de protection sur celle de contrôle des flux et de

sécurisation, notamment dans l’Europe de l’espace Schengen.

Le Porsin Trillat (2013)

Ce premier chapitre donne le cadre contextuel de notre étude, en proposant un tour d’horizon sur la question de l’asile en Suisse. La définition des termes sera abordée, et l’on verra comment la législation suisse intègre les législations européenne et internationale. Un accent particulier sera mis sur la procédure d’asile et la multiplicité des statuts et permis de séjour qui y sont liés puisque ceux-ci sont au cœur de nos questions de recherche. Enfin, un historique de la migration d’asile en Suisse permettra de mettre en perspective les débats actuels sur la question de l’accueil en revenant sur l’évolution de l’image du réfugié de 1950 à aujourd’hui.

1.1 La population du domaine de l’asile

Une certaine confusion règne dans l’emploi des termes utilisés pour désigner les personnes concernées par l’asile. Les appellations de « réfugiés statutaires »,

« requérants d’asile », « permis humanitaires », « personnes admises à titre provisoire » ou encore « NEMs » se retrouvent pêle-mêle dans certains discours politiques et dans la presse ; parfois utilisés à tort comme des synonymes alors

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8 8 Chapitre 1. L’asile en Suisse : contexte et définitions

que chacun d’eux fait référence à un statut bien particulier lié à une situation spécifique dans la procédure d’asile. Il importe dès lors de définir précisément ces termes, afin justement d’éviter les « faux synonymes » et dans le but de savoir exactement de qui l’on parle lorsque l’on fait référence à l’une ou à l’autre de ces catégories. Pour ce faire, nous partirons de la définition du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés avant de nous pencher sur son application en Suisse et sur les méandres de la procédure d’asile helvétique.

1.1.1 Définition du Haut Commissariat pour les réfugiés Les critères pour l’obtention du statut de réfugié figurent dans l’article premier de la Convention de Genève de 1951.6 Cette Convention, née dans la lignée de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 19487, est le fruit de la volonté des Nations Unies de réviser les accords précédents en insistant sur la nécessité de renforcer la solidarité internationale afin de mieux protéger les réfugiés (UNHCR, 2007, préambule de la Convention de 1951). Le HCR, agence des Nations Unies chargée de venir en aide aux réfugiés sur les bases de cette Convention, a été créé en 1950 et a débuté son action le 1er janvier 1951 (UNHCR, 2012b, p.15).

A l’origine, la définition proposée par la Convention de 1951 limitait le sta- tut de réfugié aux personnes ayant dû s’exiler suite aux « événements survenus avant le 1erjanvier 1951 » (UNHCR, 2007, article premier, section A, alinéa 2 de la Convention de 1951). De plus, au moment de ratifier la Convention, les Etats avaient la possibilité de restreindre cette définition aux mouvements de populations situés sur le territoire européen. L’objectif était alors de ne considérer que les déplacements de personnes causés par la Seconde Guerre mondiale. Cependant, avec la venue de nouveaux réfugiés ne remplissant plus cette condition, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, le 31 janvier 1967 à New York, le Protocole ayant pour but d’étendre cette définition à l’ensemble des personnes répondant à ces critères, sans restriction temporelle ni spatiale.8 Le Protocole est entré en vigueur le 4 octobre de la même an- née (UNHCR, 2007, note introductive). La définition des critères nécessaires à l’obtention du statut de réfugié – ainsi que celle, fortement liée, du statut d’apatride – est, depuis lors, restée inchangée :

[Le terme « réfugié » désigne – au sens strict – toute personne qui,] crai- gnant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses 6. Convention relative au statut des réfugiés adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954.

7. « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »(Nations Unies, 1948, article 14, alinéa 1 DUDH)

8. Exception faite pour les Etats signataires ayant précisé, en ratifiant la Convention de 1951, vouloir expressément limiter l’aire géographique concernée à l’Europe (UNHCR, 2007, article premier, alinéa 3 du Protocole de 1967).

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1.1 La population du domaine de l’asile 9 9 opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et

qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protec- tion de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. (UNHCR, 2007, Définition de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, article premier, sec- tion A, alinéa 2 telle que mise à jour par Protocole additionnel de 1967, article premier, alinéa 2)

En d’autres termes, un individu doit être reconnu comme réfugié s’il est menacé dans son pays par le simple fait qu’il appartient à un groupe particu- lier, sous réserve qu’il ne soit pas suspecté de crime grave – crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de droit commun ou agissements contraires aux principes des Nations Unies (UNHCR, 2007, article premier, section F de la Convention de 1951). Dans ce contexte, l’Etat peut représenter lui-même la source des menaces, ou être simplement incapable de protéger ses ressortissants sur son propre territoire. Cette définition exclut de fait les individus « réfugiés dans leur propre pays », c’est-à-dire ceux ayant dû fuir leur région de résidence mais ayant pu s’établir ailleurs dans le pays. N’ayant pas franchi de frontière et restant ainsi sous la protection de leur propre gouvernement, ces derniers ne sont, au regard de cette définition, pas des réfugiés statutaires au sens de la Convention, mais des « personnes déplacées internes » à qui le HCR apporte une assistance spécifique (UNHCR, 2013, p.68). Notons que la Convention ne définit pas précisément la persécution, laissant aux Etats le soin d’apprécier les diverses situations. Néanmoins, il est entendu que la persécution doit revê- tir un caractère personnel, supposer un certain degré de gravité et constituer une crainte actuelle, même si les persécutions passées sont prises en compte dans l’appréciation de la situation (Le Pors, 2011, pp.51-52). Il s’agit alors de persécutions visant principalement l’atteinte à l’intégrité physique (vie ou liberté menacées).9

Contrairement aux pays du Nord, les gouvernements d’Afrique et d’Amé- rique latine – respectivement depuis la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1969 et la Déclaration de Carthagène en 1984 – recon- naissent la nécessité de fuir une guerre civile parmi les motifs de l’asile. Ce- pendant, « [i]l ne faut pas voir là une preuve de plus grande générosité [ ;]

dans le Tiers-Monde les réfugiés étant déjà présents, les reconnaître n’engendre aucune migration supplémentaire tout en permettant de bénéficier de l’aide internationale le cas échéant. » (Legoux, 2003, p.128)

Les réfugiés politiques se distingueraient ainsi des migrants économiques

9. En ce sens, la législation suisse (voir section 1.1.2) élargit cette définition puisqu’elle ajoute à cette liste « les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable » (Parini, 1997, p.57).

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10 10 Chapitre 1. L’asile en Suisse : contexte et définitions

par les causes qui les auraient poussés à la migration.10 Les migrants éco- nomiques ne seraient pas contraints à l’exil ; cette démarche relèverait au contraire d’un choix et n’aurait pas pour but de leur assurer protection, mais de leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie. Ceux-ci ne sont ainsi pas pris en compte dans les questions de droit des réfugiés. La complexité réside alors, pour les Etats récepteurs, dans l’établissement du statut propre à chaque migrant demandant asile. Ce « tri » est rendu d’autant plus difficile que les migrants économiques et les réfugiés empruntent le plus souvent les mêmes itinéraires et moyens de transport (UNHCR, 2012b, p.5).

Comme nous pouvons l’imaginer, la principale difficulté de l’application de la définition du HCR réside dans les termes « craignant avec raison d’être persécutée... ». Chaque Etat va dès lors se doter d’une panoplie d’outils visant à s’assurer qu’une menace pèse réellement sur les candidats à l’asile.11 1.1.2 Législation suisse et accords européens

La Suisse ratifie la Convention de Genève en 1955. Cependant, il faudra attendre 1981 pour voir l’entrée en vigueur de la première loi sur l’asile (Lasi), votée le 5 octobre 1979, et révisée en 1998 pour la version actuelle (LAsi).

Jusqu’alors, les questions relevant du domaine de l’asile étaient réglées dans le cadre du droit des étrangers. La définition du statut de réfugié dans la LAsi est calquée sur celle de la Convention de 1951 :

Alinéa 1 : Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposés à de sérieux pré- judices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social dé- terminé ou de leurs opinions politiques.

Alinéa 2 : Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes.(Confé- dération suisse, 1998, article 3 LAsi)

10. Ce du moins en théorie, car, comme nous allons le voir plus loin, la frontière entre ces deux « catégories » de migrants est bien plus ténue qu’il ne peut paraître au premier abord ; les raisons de la migration étant le plus souvent mixtes. C’est d’ailleurs l’une des hypothèses de Castles :« Les politiques migratoires étaient fondées sur la certitude que les mouvements de population pouvaient être classés en catégories bien précises : migration économique, re- groupement familial, asile, immigration clandestine. [...] Aujourd’hui, de telles distinctions n’ont pas lieu d’être. »(Castles (1993)inPiché, 2013, p.440)

11. Pour aller plus loin dans le détail des textes de loi internationaux sur l’asile, leur mise en perspective historique, les définitions des articles et leur application – notamment en Europe et en Suisse –, l’ouvrage du HCR (UNHCR, 2011) et le manuel du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH, 2015) constituent de véritables mines d’or sur le sujet.

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1.1 La population du domaine de l’asile 11 11 Outre les critères à remplir pour l’octroi du statut de réfugié, la LAsi fixe

les règles concernant la procédure d’asile, les motifs d’exclusion de l’asile, les questions d’admission provisoire, de refoulement et de non-entrée en matière, mais aussi les droits à l’exercice d’une activité lucrative ou à l’octroi de pres- tations sociales. Dans la continuité de la Convention de 1951, il est également fait mention du principe de l’unité de la famille (regroupement familial). La LAsi sera révisée et modifiée à de nombreuses reprises.12 Ces révisions ont le plus souvent été critiquées par les associations de défense des droits des migrants :

Certes, il y a eu certaines améliorations en faveur des réfugiés – re- connaissance de motifs de persécution spécifiques aux femmes dans une certaine mesure, dispositions facilitant l’accès au marché du travail ou création de bases juridiques pour l’octroi de la protection temporaire pour les réfugiés de la violence. Dans l’ensemble, les révisions ont toutefois servi au refus. Je ne connais pas d’autre domaine du droit où les autori- tés ont à disposition treize motifs différents pour ne pas entrer en matière sur une demande et donc pour refuser de l’examiner sur le fond. C’est comme si la relation entre générosité et intensité de réglementation était inversement proportionnelle.(Walter KälininOSAR, 2009, p.5)

La LAsi aborde également le sujet du traitement des données, et ce notam- ment au regard des Accords de Schengen sur la libre circulation des personnes et de Dublin sur la détermination de l’Etat responsable d’une demande d’asile, tous deux adoptés par la Suisse en 2004 (Confédération suisse, 2004a,b) et en- trés en vigueur en 2008. L’Accord Dublin a pour objectif principal d’empêcher les requérants de déposer des demandes d’asile dans plusieurs Etats européens.

Un requérant qui aurait déjà lancé une procédure dans un Etat de l’espace Schengen/Dublin et déposerait une autre demande dans un second Etat se verrait renvoyé dans le premier Etat où sa demande a été faite.13 Ces cas seraient détectables grâce à la mise en place du dispositifEurodac permettant la comparaison des empreintes digitales (Confédération suisse, 2004a, p.1).

Cette mesure vise à éviter le phénomène des « réfugiés en orbite » et de

« l’asylum shopping » (Kaddous et Vicentein UNHCR et OSAR, 2009, pp.125 et 128) : pour le requérant, ce système permet d’éviter qu’aucun Etat n’assume la responsabilité de traiter sa demande. Pour les Etats signataires de l’Accord Dublin, cela permet d’empêcher les demandes d’asile à répétition ou déposées

12. Pour un tableau synthétique de ces révisions, voir Sanchez-Mazas (2011, pp.294-295) ; et pour plus de détails, le site internet de l’Administration fédérale permet d’accéder à toutes les versions de la LAsi, depuis sa création jusqu’à la dernière modification.

13. Les critères légaux de répartition des demandes d’asile sont les suivants : l’Etat res- ponsable du requérant est, par ordre de priorité, (1) celui où résident déjà des membres de la famille du requérant ; (2) celui ayant accordé un titre de séjour ou un visa ; (3) celui du premier contact, soit le premier pays dans lequel est arrivé le requérant (Parlement et Conseil de l’Union européenne, 2013, « Dublin III » articles 7 à 17). En pratique, c’est cependant principalement ce dernier critère qui est appliqué.

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12 12 Chapitre 1. L’asile en Suisse : contexte et définitions

simultanément dans plusieurs pays. Cependant, le système Dublin est forte- ment critiqué en raison des inégalités qu’il entraîne, tant pour les requérants que pour ses Etats membres. Pour ces derniers, il existe de fait une inégalité face au nombre de demandes, les Etats situés aux frontières Sud de l’Europe (notamment l’Italie, la Grèce ou l’Espagne) recevant, pour la simple raison de leur situation géographique, bien plus de demandes à traiter que les pays du Nord ou enclavés comme la Suisse. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) ne cache d’ailleurs pas sa satisfaction concernant les bénéfices tirés de l’appartenance au système Dublin :

La coopération avec les autres Etats participant au système Dublin fonc- tionne bien. La Suisse a jusqu’ici transféré à d’autres Etats nettement plus de demandeurs d’asile qu’elle n’a dû en reprendre. (DFJP, 2011, p.26)

En effet, si l’on fait le rapport entre les transferts Dublin effectués en 2013 et le nombre de demandes d’asile déposées au cours de la même année, on constate que la Suisse est la « grande gagnante » par rapport aux autres pays européens, puisqu’elle parvient, grâce aux accords, à réduire de près de 20%

l’effectif des demandes d’asile à examiner. En comparaison, l’Allemagne se situe autour de 3.5%, tandis que la France est à 1%.14

La mise en place du Fonds européen pour les réfugiés (FER), visant jus- tement à compenser financièrement cette répartition inéquitable, ne parvient pas à résoudre complètement ce problème ; ce d’autant plus que l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein ne participent pas à cette mesure en raison de leur statut spécifique par rapport à l’Accord Dublin (Kaddous et Vicentein UNHCR et OSAR, 2009, p.140). Mais surtout, le système Dublin

« se fonde sur la présomption que les demandeurs d’asile ont des chances équi- valentes d’être protégés et qu’ils peuvent bénéficier de conditions équivalentes, tant en matière d’accueil, de traitement de leur demande que des droits accor- dés, où qu’ils se présentent dans l’Union européenne. Malheureusement, force est de constater que cela n’est pas encore le cas. » (FellerinUNHCR et OSAR, 2009, pp.14-15) Ce caractère aléatoire entretient le sentiment que l’asile est une

« loterie », le sort des requérants dépendant grandement du pays auquel ils se verront attribués (Kaddous et Vicentein UNHCR et OSAR, 2009, p.150).15

14. Calculs et analyse réalisés par Piguet en 2014 et disponibles en ligne sur : http ://www.hebdo.ch/les-blogs/piguet-etienne-politique-migratoire/politique-d’asile- la-suisse-grande-«-gagnante-»-de-la [page consultée pour la dernière fois le 10.12.2015].

15. Sur la question des accords de réadmission et des « chaînes de renvoi » qui en résultent, repoussant les demandeurs d’asile de pays tiers en pays tiers jusqu’à la périphérie des pays occidentaux, voir Legoux (2003, pp.137-138).

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1.1 La population du domaine de l’asile 13 13 1.1.3 Procédure d’asile helvétique et variété des permis de sé-

jour

Loin d’être linéaire, le parcours des migrants au travers des différents sta- tuts de la procédure d’asile peut se révéler chaotique. La variété des types de permis (N, F, B, C, S) ainsi que les nuances au niveau de la reconnaissance du statut de réfugié (reconnu ou non, avec ou sans octroi de l’asile) méritent d’être clarifiées afin, comme annoncé en introduction de ce chapitre, d’éviter de mélanger les termes et de confondre des catégories pourtant bien différentes du point de vue des droits qui y sont rattachés. Pour simplifier cette lecture, nous proposons la figure 1.1, basée sur la loi sur l’asile (LAsi, Confédération suisse, 1998), la loi sur les étrangers (LEtr, Confédération suisse, 2005) ainsi que sur les informations contenues dans le manuel de l’OSAR (2009) et dans le guide de l’ODR (2004).16Cette représentation servira de support pour l’explication qui suit. Contrairement à d’autres représentations17 qui mettent l’accent sur la procédure administrative (avec les auditions, les décisions, les possibilités de recours) et sur les instances responsables des diverses étapes de la procédure (SEM, Tribunal administratif fédéral, Cantons), notre schéma se concentre sur les différents statuts et permis de séjour qui peuvent successivement être attri- bués à une personne qui dépose une demande d’asile en Suisse, y compris après la fin de la procédure formelle d’asile (reconnaissance du statut de réfugié ou décision négative).

16. L’Office fédéral des réfugiés (ODR) a d’abord été fusionné en 2005 avec l’Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration (IMES) pour former l’Office fédéral des migrations (ODM). Ce dernier est devenu, le 1erjanvier 2015, l’actuel Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Notons encore que le schéma 1.1 a été conçu par nos soins et n’implique donc nullement la responsabilité des auteurs des ouvrages cités ci-dessus en cas d’erreur ou d’imprécision. Il présente les changements de statut et de permis de séjour liés à la procédure d’asile tels qu’ils se déroulent depuis 2008 (entrée en vigueur de l’Accord Dublin).

17. Voir par exemple le schéma de l’EPER (2013, p.42).

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1414Chapitre1.L’asileenSuisse:contexteetdéfinitions

Dépôt d’une demande d’asile

Cas Dublin : renvoi dans pays tiers (« NEMs Dublin »)

Personnes frappées de non-entrée en matière

(« NEMs »)

Requérants d’asile, permis N(en attente

d’une décision)

Requérants d’asile déboutés (décision négative avec rejet demande d’asile)

Réfugiés reconnus admis à titre provisoire (hors asile),

permis F

Réfugiés reconnus auxquels l’asile a été accordé, étant donc au

bénéfice d’une autorisation de séjour,

permis B

Exécution du renvoi : départ volontaire ou

renvoi sous la contrainte Clandestinité

Etrangers au bénéfice d’une autorisation de séjour pourcas de rigueur,permis B Etrangers admis à

titre provisoire, permis F

Réfugiés au bénéfice d’une autorisation

d’établissement, permis C

Etrangers au bénéfice d’une autorisation

d’établissement, permis C

Retour au pays d’origine ou de provenance

Départ vers pays tiers

Naturalisation

Légende : [blanc] autorisation (plus ou moins temporaire) de rester sur le territoire Suisse ; [gris clair] personnes résidant en Suisse sans autorisation ou avec l’injonction de quitter le territoire à court terme ; [gris foncé] départ de Suisse. Pour simplifier, ne sontpasreprésentés ici les passages « sans transition » de permis N ou F au permis C ou à la naturalisation, et de permis B à la naturalisation, ni les changements de permis dus à un mariage.

Requérants d’asile déboutés (décision négative avec rejet demande d’asile)

Figure1.1 – Changements de statut et de permis de séjour liés à la procédure d’asile

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1.1 La population du domaine de l’asile 15 15 La procédure débute par le dépôt d’une demande d’asile dans l’un des cinq

centres d’enregistrement et de procédure de Suisse. Le migrant est immédia- tement photographié et ses empreintes digitales sont prélevées. Ces données sont entrées dans le système Eurodac qui, comme nous l’avons vu, permet de savoir si la personne a déjà déposé une demande d’asile dans un autre Etat membre de l’Accord Dublin. Si tel est le cas, elle sera renvoyée dans ce pays et ne pourra entreprendre de procédure d’asile en Suisse.18

Un autre groupe ne peut entamer de procédure d’asile en Suisse : celui des personnes frappées de « non-entrée en matière », souvent simplement désignées par l’abréviation « NEMs ».19 Les motifs de la non-entrée en matière figurent dans la LAsi, parmi lesquels on peut citer la tromperie sur l’identité ou la provenance d’un Etat considéré comme « sûr ».20

Ceux n’ayant pas été renvoyés dans le cadre de l’Accord Dublin et n’étant pas frappés de non-entrée en matière peuvent entamer une procédure de de- mande d’asile. Ils reçoivent alors un permis N, permis attribué aux requérants (ou demandeurs) d’asile en attente d’une décision.

Au terme de cette procédure (pouvant prendre jusqu’à plusieurs années et faire l’objet de recours en cas de première décision négative)21, les requérants reçoivent une décision sur leur demande d’asile. Si la demande est rejetée, ces personnes deviennent des « requérants d’asile déboutés » et sont ainsi priées de quitter le territoire au même titre que les personnes frappées de non-entrée en matière. Ce départ se fait de manière volontaire ou sous la contrainte, et aboutit au retour dans le pays d’origine ou à un déplacement dans un pays tiers. Ceux qui refusent de quitter le territoire suisse et échappent à la

18. Exception faite si un délai de 6 mois – respectivement 18 mois en cas de passage par une période de clandestinité ou d’incarcération – est dépassé sans que l’exécution du renvoi n’ait pu se faire (Parlement et Conseil de l’Union européenne, 2013, « Dublin III » article 29 alinéa 2). Dans ce cas, la personne peut déposer une demande d’asile en Suisse.

19. Il s’agit donc de distinguer ces personnes dites « NEMs » des cas de « NEMs Dublin », ce dernier terme désignant spécifiquement les requérants renvoyés dans le cadre de l’Accord Dublin (article 31b LAsi en vigueur depuis 2015, complétant l’article 21 alinéa 2 LAsi).

20. Articles 32 à 35 abrogés en 2012 avec effet au 1erfévrier 2014 et remplacés par l’ar- ticle 31a. La question de la notion de pays « sûr » fait débat et ce critère est souvent critiqué par les associations de défense des requérants d’asile. De plus, les migrants ne sont parfois plus en possession de leurs papiers d’identité (que ce soit à cause de la précipitation lors du départ ou qu’un passeur les ait confisqués), ce qui peut fortement les pénaliser dans l’examen de leur demande. Suite aux critiques concernant ce dernier point, le parlement a finalement supprimé ce critère. A partir du 1erfévrier 2014, ne pas présenter ses papiers d’identité dans les 48 heures suivant le dépôt de la demande n’est donc plus considéré comme un motif de non-entrée en matière. Pour une analyse approfondie de la situation des personnes frappées de NEM, voir Sanchez-Mazas (2011).

21. Pour le détail du déroulement de la procédure, voir par exemple Fresia et al. (2013) pour une approche par les acteurs institutionnels, OSAR (2009) pour l’aspect juridique et, plus synthétique, EPER (2013, p.43).

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16 16 Chapitre 1. L’asile en Suisse : contexte et définitions

détention administrative se retrouvent en situation de clandestinité.22 Pour les requérants déboutés comme pour les NEMs, les seules manières de rester en Suisse légalement sont les suivantes :

1. Par l’obtention d’une admission provisoire (permis F), dans le cas où le renvoi serait impossible (c’est-à-dire pour des raisons logistiques), illi- cite – notamment s’il est contraire au droit international, par exemple en raison du risque torture ou traitements cruels que la personne serait susceptible de subir en cas de retour (OSAR, 2009, pp.213-219) – ou s’il n’est pas raisonnablement exigible – dans le cas où la personne serait mise concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, mais également en cas de nécessité mé- dicale (article 83 LEtr).23Tout ceci en sachant que « [d]ans la pratique, de nombreux cas sont complexes et englobent plusieurs motifs. » (CFM, 2014, p.14) Après cinq années de résidence en Suisse, une personne ad- mise à titre provisoire peut obtenir un permis B pour cas de rigueur (également appelé « permis humanitaire ») dans le cas où les conditions de l’article 84 alinéa 5 de la LEtr sont remplies, soit « en fonction de son niveau d’intégration, de sa situation familiale et de l’exigibilité d’un retour dans son pays de provenance ».

2. Par l’obtention d’une autorisation de séjour (permis B) pour cas de ri- gueur sans passer par l’admission provisoire, ceci étant possible tant pour les requérants d’asile dont la procédure est en cours que pour les requérants déboutés. Dans ce cas, c’est l’article 14 de la LAsi qui s’ap- plique. Les motifs d’octroi sont toujours liés à une durée de séjour d’au moins cinq ans, et de « l’intégration poussée de la personne concernée » (article 14 alinéa 2 LAsi). Cependant, les juristes consultés à ce sujet24 estiment que peu de changements de permis N à B aboutissent : la plu- part du temps, les personnes ayant obtenu une autorisation de séjour pourcas de rigueur étaient auparavant titulaires d’une admission provi- soire.

Relevons que le passage d’un permis N ou F à un permis B pour cas de rigueur peut se heurter à certaines barrières institutionnelles de la part des

22. L’ouvrage de Bassolé (2014) montre les stratégies auxquelles certaines personnes en situation de clandestinité peuvent avoir recours pour rester sur le territoire suisse malgré l’absence d’autorisation de séjour.

23. D’après les statistiques internes du SEM, en 2015, 97.9% des admissions provisoires ordinaires sont octroyées pour inexigibilité du renvoi, contre 1.9% pour illicéité et 0.2%

pour impossibilité (ODAE romand, 2015, p.4). Par ailleurs, sur la question de la prise en compte de l’état de santé de la personne dans la décision de la renvoyer ou, au contraire, de lui accorder une autorisation de séjour ou une admission provisoire (par exemple en raison de problèmes médicaux qui ne pourraient être traités dans le pays d’origine), voir ODAE romand et Groupe sida Genève (2012, pp.4–6) ainsi que OSAR (2009, p.249).

24. Juristes membres d’organisations spécialistes du domaine de l’asile dans les cantons de Genève et Vaud contactés en février 2015.

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