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3.3 Déterminants de l’intégration professionnelle : hypothèses

3.3.2 Déterminants sociodémographiques

Comme on a pu le constater au début de ce chapitre avec la figure 3.4, l’âge est susceptible d’influencer le taux de participation au marché du travail.

On s’attend en particulier à ce que le risque de chômage soit plus élevé à la fois au début de la vie active et lorsque l’individu se rapproche de la retraite (Baumann, 2015, p.70).143 Par contre, l’augmentation de l’âge est le plus souvent synonyme d’expérience, et on peut s’attendre à une diminution du risque de subir une déqualification avec les années (Pecoraro, 2005, p.100).

Sexe

Le sexe des individus est un autre facteur déterminant à prendre en compte pour l’insertion professionnelle. En effet, si les étrangères ont longtemps montré une participation au marché du travail supérieure à celle des Suissesses144, elles sont en revanche toujours moins susceptibles d’obtenir un emploi – et qui plus est un emploi correspondant à leurs compétences – comparativement à leurs confrères masculins (Goguikian Ratcliff et al., 2014, pp.65-68 ; Wanner et al., 2005, pp.24-25 ; Pecoraro, 2005, p.101).

Pour expliquer ce mécanisme, Haug (2006, p.10) cite « le partage tradi-tionnel des rôles entre les sexes, les obligations familiales, le manque de quali-fications requises et/ou une certaine discrimination ». Il ajoute également que les femmes étrangères venues en Suisse pour suivre leur partenaire (partenaire

143. La relation entre âge et intégration professionnelle ne serait alors pas linéaire, mais quadratique : raison pour laquelle on utilisera à la fois l’âge et l’âge au carré pour capter cet effet.

144. Cette différence dans les taux s’est inversée pour la première fois en 2000 (Wanner et al., 2005, p.24 ; Charles, 2005, p.15).

3.3 Déterminants de l’intégration professionnelle : hypothèses 111 111 qui bénéficierait, quant à lui, d’un contrat de travail) n’auraient alors que le

rôle de « migrantes secondaires », ce qui rendrait leur insertion professionnelle particulièrement difficile.145

Soulignons ici l’impact potentiel des obligations familiales énoncé par Haug et cité également par Wanner et al. (2005, p.19) : « Dans le cas des femmes ayant donné naissance à des enfants, signalons que l’expérience professionnelle peut avoir été plusieurs fois interrompue et que ces interruptions peuvent jouer un rôle sur le retour sur le marché du travail. » Cependant, si les Suissesses, les Allemandes et les Nord-Américaines ont en général tendance à réduire ou arrêter définitivement leur activité lorsqu’elles ont des enfants, les femmes étrangères des autres nationalités conservent tout de même des taux d’activité élevés :

[L]es migrantes sont proportionnellement plus nombreuses à exercer une activité professionnelle tout en ayant une famille. Ces dernières disposent cependant en général de moins de temps et de moyens financiers, et par conséquent, aussi de moins de temps à consacrer à l’éducation de leurs enfants.(Haug, 2006, p.11)

Pour Bloch (2007, p.27), ce point est d’autant plus problématique que les femmes émigrées ne bénéficient souvent pas du soutien d’un réseau familial fort.

Etat civil

Avec les questions liées à l’organisation du ménage vient généralement celle de la situation familiale. Pour comprendre son impact, on utilise souvent l’état civil comme proxy afin de savoir si l’individu vit seul, ou bien si au contraire il bénéficie du soutien d’un partenaire.146 Cependant, si un partenaire peut représenter un soutien dans le cas où il aurait un emploi, il peut également, dans le cas contraire, représenter une charge. L’effet de l’état civil sur le risque d’être au chômage est ainsi difficile à estimer. Par contre, l’étude menée par Pecoraro (2005, p.101) a montré que le fait d’être marié accroissait le risque de déqualification.147 Ceci invalide l’hypothèse de l’étude selon laquelle la responsabilité d’une famille favoriserait les « appariements appropriés » en terme de qualifications, en raison d’une plus grande incitation des individus à accéder à des postes leur permettant de subvenir aux besoins de leur ménage.

145. L’enquête qualitative menée par Chicha et Deraedt (2009) apporte également un éclai-rage intéressant sur ces mécanismes.

146. Raison pour laquelle, à l’instar de Piguet et Ravel (2002, p.67), nous considèrerons cette variable de manière dichotomique, distinguant les individus « non mariés » (qu’ils soient célibataires, divorcés, veufs ou séparés) des individus « mariés » (catégorie regroupant les situations de mariage et de partenariat). Il n’est toutefois pas possible de détecter les personnes vivant en couple sans être mariées.

147. L’auteur note d’ailleurs que, sur ce sujet, l’impact de la situation familiale est le même pour les hommes que pour les femmes.

112 112 Chapitre 3. Différentiels d’intégration professionnelle : asilevs hors asile Nous pensons au contraire que, si de tels résultats ont été trouvés, c’est parce que les individus n’ont justement que peu de latitude concernant le choix du métier exercé lorsqu’il s’agit en priorité de nourrir leur famille.

Derrière la question de l’état civil, on retrouve souvent celle du nombre d’enfants à charge ; point également non négligeable pour comprendre les ques-tions d’organisation familiale (Wanner et al., 2005, p.20 ; Bolzman, 1996, p.53).

Malheureusement, les différents tests effectués sur la variablenombre d’enfants de moins de 15 ans vivant dans le ménagese sont révélés peu concluants, avec un grand nombre de données manquantes.148 De plus, il est ici question uni-quement du nombre d’enfants présents dans le ménage, et non du nombre d’enfantsà charge de l’individu interrogé (qui n’est pas forcément le respon-sable de ces derniers). Plusieurs tests ont tout de même été effectués en in-troduisant dans les modèles de régression logistique la variable sous sa forme numérique, puis catégorielle (en distinguant les ménages avec et sans enfants, et en plaçant les données manquantes dans une catégorie à part). A chaque fois, la variable s’est révélée non significative, ce qui a confirmé nos doutes quant à la pertinence de l’inclure dans nos analyses.

Interaction : sexe × état civil

L’ensemble des considérations liées au sexe et à l’état civil nous a menés à tester une hypothèse complémentaire, à savoir un éventuel effet d’interaction entre ces deux variables. En d’autres termes, nous nous attendons à un effet différencié de l’état civil en fonction du sexe : si pour les hommes, le mariage peut accroître les chances d’avoir un emploi, l’effet sera au contraire probable-ment négatif pour les femmes. Pour postuler cela, nous nous appuyons sur les conclusions de Widmer (2005, p.56) qui explique que « [c]e phénomène pour-rait indiquer que les rôles traditionnels dévolus à chaque sexe sont encore plus présents dans les familles migrantes. » Les remarques de Goguikian Ratcliff et al. vont également en ce sens :

Au sein des couples où les deux conjoints menaient une carrière pro-fessionnelle avant la migration, les femmes sont souvent celles qui font des sacrifices, subissent une interruption dans leur carrière ou peinent à obtenir dans la migration une renégociation à long terme des tâches reproductives (ménage, éducation, garde des enfants). [...] A cela vient s’ajouter le manque de réseau familial élargi qui, au pays, permettait de confier la garde des enfants de manière souple, informelle et gratuite à des membres de la famille et ainsi se libérer la journée. Le manque de structures d’accueil disponibles, leur coût financier élevé lorsqu’elles existent, les contraintes horaires des mères et leurs déplacements pour parvenir à jongler avec leurs diverses obligations rendent beaucoup plus 148. Les divers croisements effectués avec la variable état civil montrent que ces données manquantes se retrouvent tant parmi les célibataires que chez les personnes mariées, veuves et divorcées, ce qui nous dissuade de leur attribuer par défaut la valeur « zéro ».

3.3 Déterminants de l’intégration professionnelle : hypothèses 113 113 compliqué pour elles l’accès au travail.(Goguikian Ratcliff et al., 2014,

p.66)

3.3.3 Déterminants socioculturels