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Effets à long terme d'une intégration de la Suisse à l'Europe

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Effets à long terme d'une intégration de la Suisse à l'Europe

MUELLER, Tobias, GRETHER, Jean-Marie & Office fédéral du développement économique et de l'emploi

MUELLER, Tobias, GRETHER, Jean-Marie & Office fédéral du développement économique et de l'emploi. Effets à long terme d'une intégration de la Suisse à l'Europe. Berne : Office fédéral du développement économique et de l'emploi, 1999, 98 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:35482

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d’une intégration de la Suisse à l’Europe

Tobias Müller Jean-Marie Grether

Rapport final

avril 1999

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fédéral du développement économique et de l’emploi (OFDE). Les travaux ont été effectués au Laboratoire d’économie appliquée (LEA) de l’Université de Genève, entre octobre 1998 et mars 1999. L’étude a bénéficié de la collaboration de nombreuses personnes que nous tenons ici à remercier.

Plusieurs chercheurs ont contribué à la réalisation du projet. Rolando Alcala a exercé ses multiples talents dans les exercices délicats d’actualisation de la matrice input/output et de désagrégation du secteur agricole. Anne Chatton s’est plongée avec courage dans les méandres des statistiques douanières et les dédales des classifications discordantes. Samuel Guillet et José Ramirez, par delà les frontières, ont été nos deux sources d’information privilégiée, le premier sur le commerce extérieur, le second sur le marché du travail.

A l’Université de Genève, nous avons pu compter sur l’appui et la disponibilité de trois professeurs. Gabrielle Antille a notamment supervisé l’élaboration de la matrice de comptabilité sociale, Fabrizio Carlevaro nous a apporté son soutien et son suivi attentif et Jaime de Melo nous a fait profiter de toute son expérience en matière de modélisation en équilibre général.

Marc Bacchetta et Daniel Morales, de l’Organisation mondiale du commerce, nous ont apporté de judicieux conseils en matière d’enjeux commerciaux et de disponibilité des données. La prise en compte de la politique commerciale suisse aurait été incomplète sans la collaboration efficace et bienveillante d’Aloïs Zurwerra, de la Direction générale des douanes.

L’étude s’est enrichie des remarques et commentaires des membres du groupe d’accompagnement de l’administration fédérale. L’attention et les critiques toujours constructives de Peter Balastèr et Marc Surchat, de l’OFDE, nous ont été d’une grande utilité.

Que toutes ces personnes soient sincèrement remerciées, étant entendu que nous restons seuls responsables des erreurs qui auraient pu leur échapper.

Tobias Müller Jean-Marie Grether Genève, le 15 avril 1999

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Résumé...v

1 Introduction...1

2 Principaux domaines touchés par l’intégration...6

2.1 Echange de produits industriels ...6

2.2 Echange de services ...8

2.3 Echanges de produits agricoles et alimentaires ...9

2.4 Libre circulation des personnes...10

2.5 Mobilité du capital...11

2.6 Autres facteurs affectant l’adhésion ...11

3 Mécanismes économiques...13

3.1 Effets de déviation et de création de commerce...13

3.2 Accroissement de la substituabilité entre produits...15

3.3 Dispersion tarifaire et gains de la libéralisation...17

3.4 Impact de la libre circulation des personnes...19

3.5 Transferts et termes de l’échange...21

3.6 Effets statiques et dynamiques de l’immigration...21

3.7 Epargne, investissement et mobilité internationale du capital...23

3.8 Union monétaire et convergence des taux d’intérêt...25

4 Le modèle d’équilibre général appliqué...27

4.1 Caractéristiques générales...27

4.2 Particularités du modèle...29

4.3 Modélisation des branches en concurrence parfaite...29

4.4 Modélisation des branches en concurrence imparfaite...30

4.5 Demande de consommation et structure des préférences...32

4.6 Offre et demande de capital...34

4.7 Fiscalité : TVA et impôts directs...36

4.8 Bases de données et calibrage...37

5 Description des simulations...40

5.1 Simulations individuelles...40

5.2 Simulation cumulées...46

6 Résultats...48

6.1 Résultats agrégés : bilatérales et adhésion à l’UE...48

6.2 Union douanière...50

6.3 Barrières non tarifaires et intégration des marchés...51

6.4 Libre circulation des personnes...53

6.5 Conséquences fiscales de l’adhésion...54

6.6 Adaptation de la politique agricole...55

6.7 Union monétaire...56

7 Conclusion...58

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A.1 Indicateurs agrégés...63

A.2 Indicateurs sectoriels...72

B Données...75

B.1 Tableaux entrées-sorties et SAM pour l’année 1995...75

B.2 Désagrégation du secteur agro-alimentaire...85

B.3 Correspondance entre données GTAP/LEA...87

B.4 Calcul des taux de droits de douane de la Suisse et de l’UE....91

B.5 Modélisation et estimation des taux effectifs de TVA...92

Bibliographie...96

Acronymes:

AELE: Association européenne de libre échange AFC Administration fédérale des contributions DGD : Direction générale des douanes

BNT: Barrières non tarifaires

EEE: Espace économique européen

ESC: Equivalent subvention à la consommation ESP: Equivalent subvention à la production GTAP: Global trade analysis project

LEA : Laboratoire d’économie appliquée

OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques OFDE: Office fédéral du développement économique et de l’emploi OFS: Office fédéral de la statistique

OTC: Obstacles techniques au commerce PAC: Politique agricole commune

RM: Reste du monde

SAM: Social accounting matrix (matrice de comptabilité sociale) SMP: Single market program

SMR: Single market review UE: Union européenne

UEM: Union économique et monétaire

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d’intégration de la Suisse à l’Union Européenne (UE), soit au travers des accords bilatéraux, soit par le biais d’une éventuelle adhésion. Il s’agit non seulement de percevoir les effets de mise en oeuvre des « quatre libertés fondamentales » (mobilité des biens, des services, des personnes et des capitaux), mais également de capter les dimensions additionnelles de l’intégration résultant de l’harmonisation des normes et de la reconnaissance mutuelle des procédures de mise en conformité (élimination des obstacles techniques au commerce). Une adhésion à l’UE impliquerait aussi d’importants changements dans les domaines fiscal (contribution de la Suisse au budget européen et hausse des taux de TVA) et agricole (adoption de la politique agricole commune). Enfin, le passage à la monnaie unique conduirait à un relèvement des taux d’intérêt helvétiques.

Pour simuler l’impact de ces mesures, nous utilisons un modèle d’équilibre général appliqué qui comporte trois régions (la Suisse, l’UE et le « Reste du Monde ») et 26 secteurs, dont un certain nombre caractérisés par une concurrence imparfaite entre les firmes. Il permet de capter les effets de l’intégration sur l’efficacité productive et la structure de l’économie suisse, en prenant en compte les avantages comparatifs, l’intensification de la concurrence et l’exploitation des économies d’échelle. En outre, ces gains d’efficacité stimulent l’investissement, renforçant les effets positifs de l’intégration. La main d’oeuvre est décomposée selon le degré de qualification des travailleurs, afin de mesurer les variations de l’inégalité salariale. Pour l’estimation de certains paramètres cruciaux, la présente étude a pu profiter des travaux récents mandatés par l’UE et visant à évaluer les effets du marché unique sur les pays de l’UE (Single Market Review).

Trois scénarios de base sont envisagés :

(i) les accords bilatéraux, qui impliquent des changements importants dans le commerce de marchandises (élimination des barrières non tarifaires entre la Suisse et l’UE) et la libre circulation des personnes ;

(ii) l’adhésion sans rattachement à l’Union Economique et Monétaire (UEM), qui, en plus des deux domaines précédents, approfondit l’intégration au marché unique, soumet l’agriculture suisse à la Politique Agricole Commune (PAC) et implique une contribution substantielle de la Suisse au budget de l’UE ;

(iii) l’adhésion avec participation à l’UEM, qui conduit en plus à une hausse des taux d’intérêt suisses.

Les résultats de chaque simulation sont exprimés en pourcentage de variation par rapport à une situation de statu quo, où l’on suppose que la Suisse n’entreprendra pas de mesures unilatérales de libéralisation supplémentaires par rapport à la situation actuelle.

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ne provoquent pas de changements importants de la structure de la production ou de la distribution des revenus en Suisse. En particulier, l’arrivée de nouveaux immigrants n’a pas d’effet négatif sur les salaires à long terme car elle incite les entreprises à accroître leurs investissements.

L’adhésion sans UEM génère également un gain de bien-être agrégé, de l’ordre de 1.0-1.2% du PIB. Il s’agit là d’un résultat net, qui incorpore l’impact négatif du transfert budgétaire à l’UE (générant à lui seul une baisse de bien-être agrégé de 1.5% du PIB). Cette perte est plus que compensée par les gains résultant de l’approfondissement de l’intégration. L’élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires diminue le coût des échanges entre la Suisse et l’UE, renforce la concurrence et conduit à des économies d’échelle importantes dans les secteurs en concurrence imparfaite (gain de 1.3% du PIB). La libre circulation des personnes et la réduction de la protection agricole génèrent également des gains substantiels (de 0.6% et de 0.6-1.0% du PIB respectivement). Comparés aux bilatérales, les changements structurels sont plus profonds dans le cas de l’adhésion (notamment dans le secteur agricole), et la distribution des revenus tend à devenir légèrement plus inégalitaire (le revenu de l’épargne s’accroît alors que les salaires stagnent voire baissent, tout particulièrement pour les travailleurs les moins qualifiés).

Si l’on rajoute l’UEM à l’adhésion, le gain de bien-être agrégé passe à 2.5% du PIB. Cette estimation doit cependant être considérée avec prudence car il s’agit d’un domaine encore peu exploré. Elle reflète avant tout l’impact de la hausse des taux d’intérêt suisses, qui, tout à la fois, réduit l’investissement intérieur mais accroît l’épargne et donc les actifs nets de la Suisse sur l’extérieur. L’évolution positive du revenu disponible est donc essentiellement due à la hausse de la richesse nationale. Les inégalités de revenu augmentent, puisque la rémunération du capital s’accroît et que les salaires diminuent (dans ce cas cependant, ce sont les travailleurs les mieux qualifiés qui sont les plus durement touchés).

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L’objet de la présente étude est d’estimer les effets de long terme de l’intégration de la Suisse à l’Union Européenne (UE), soit au travers des accords bilatéraux, soit par le biais d’une adhésion. Ainsi que l’illustre l’expérience des pays européens, les dimensions de l’intégration sont multiples, et la profondeur du processus peut être plus ou moins prononcée. Il s’agit d’une part de la mise en oeuvre des « quatre libertés » fondamentales du marché commun, relatives à la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. A un stade plus avancé, comme dans le cas du marché unique, l’intégration incorpore la levée des obstacles techniques aux échanges, par l’intermédiaire d’une harmonisation des normes et des réglementations. Enfin, au sommet de l’échelle, l’intégration peut conduire à une union économique et monétaire, incorporant un niveau de coordination très poussé des décisions économiques, incluant notamment des réformes fiscales et le rattachement à une monnaie unique.

L’instrument d’analyse retenu est un modèle d’équilibre général appliqué, qui est particulièrement bien adapté à l’étude des effets de long terme. Il permet en effet une description de la structure de l’économie, en s’appuyant sur une représentation détaillée des différents secteurs productifs, de leur interdépendance au travers des flux intersectoriels et de leur degré d’ouverture aux échanges extérieurs. Dans ce cadre, les effets sur le bien-être découlent de simulations qui reflètent l’adaptation structurelle de l’économie face aux changements impliqués par l’intégration, notamment en termes d’orientation commerciale et de réallocation des facteurs entre secteurs. De plus, l’intérêt de ces modèles est d’offrir un cadre cohérent qui permet d’intégrer de manière éclectique les estimations économétriques provenant de différentes sources. Ces estimations reflètent des mécanismes économiques identifiés par la théorie et permettent de rattacher les résultats obtenus aux effets de l’intégration reconnus par la littérature en la matière.

Afin de préciser le cadre d’analyse retenu dans la présente étude, nous présentons ci-dessous un bref survol des connaissances actuelles, une description plus détaillée des mécanismes économiques auxquels nous faisons référence étant proposée dans le chapitre 3. Sur le plan théorique, il convient de distinguer les modèles « statiques », où la capacité de production demeure inchangée, des modèles « dynamiques », qui tiennent compte du processus de croissance.

L’analyse statique des effets de l’intégration s’est tout d’abord articulée sur des modèles de concurrence parfaite. Dans le cadre des relations commerciales, l’approche traditionnelle (développée notamment par Viner, 1950), permet de mettre en lumière les gains habituels du commerce découlant de l’abaissement des barrières tarifaires, mais également les effets « pervers » pouvant résulter d’une détérioration des termes de l’échange ou d’une « déviation » de commerce

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(lorsque la discrimination envers les pays tiers supprime les sources d’approvisionnement à meilleur marché). Par la suite, l’extension de l’analyse aux barrières non tarifaires (BNT) s’est révélée intéressante à plus d’un titre. D’une part, les effets sur le bien-être sont modifiés dès l’instant où les BNT ne génèrent pas de rente mais dissipent des ressources (comme dans le cas des procédures administratives). D’autre part, s’agissant de processus d’intégration récents comme le marché unique, l’accent porte avant tout sur la réduction des BNT, les barrières tarifaires ayant déjà été considérablement réduites au travers des cycles de négociation du GATT.

Dans le courant des années septante, une nouvelle étape est atteinte avec le développement des modèles de commerce en concurrence imparfaite (Helpman et Krugman, 1985). Ceux-ci incorporent une autre dimension importante de l’intégration, à savoir la désegmentation de marchés oligopolistiques. Il en résulte des gains additionnels au travers de l’exploitation des économies d’échelle, de la baisse du pouvoir de marché (et donc des prix) et de l’accroissement de la variété des produits à disposition des consommateurs.

Mais l’intégration est également susceptible d’affecter le potentiel de croissance de l’économie. Pour capter ces effets dynamiques, il faut tenir compte du processus de formation du stock de capital productif, et donc du financement de l’investissement par l’épargne. Ce mécanisme est incorporé par les modèles

« classiques » de croissance, dans lesquels le taux de croissance de l’économie à l’équilibre de long terme est exogène (Solow, 1956). Dans les modèles à

« croissance endogène », ce taux de croissance est expliqué comme résultant des activités d’innovation (Romer, 1990).

Toutes ces approches ont trouvé leur reflet dans les modèles d’équilibre général appliqués. La modélisation de la concurrence imparfaite et des rendements d’échelle est devenue chose courante depuis l’étude de Harris (1984) et les évaluations du marché unique (Gasiorek et al. 1992). La prise en compte des effets dynamiques est plus récente. L’approche « classique » de la croissance peut être intégrée sans problème majeur dans ces modèles si l’on évalue uniquement l’équilibre de long terme (Baldwin et al., 1995, Harrison et al, 1994). Il est également possible d’utiliser un modèle intertemporel qui donne le sentier d’ajustement de l’économie (Goulder et Eichengreen, 1992), mais l’incorporation de la concurrence imparfaite est alors plus problématique (Keuschnigg et Kohler, 1997). A l’heure actuelle, il existe encore de nombreux doutes quant à la façon la plus appropriée de prendre en compte la croissance endogène dans les modèles appliqués.

De façon générale, dans la chronologie qui précède, les effets attendus de l’intégration sont d’autant plus importants que l’approche est récente. Les

“triangles” habituels de gain de bien-être mis en évidence par les modèles statiques de concurrence parfaite, souvent inférieurs à 1% du PIB au niveau

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agrégé, représentent typiquement des montants plus faibles que les avantages découlant des économies d’échelle ou de la réduction du pouvoir de marché.

Similairement, les effets statiques de l’intégration auront d’ordinaire un effet plus réduit sur le revenu disponible que même une faible variation du taux de croissance de l’économie à long terme. Enfin, même s’ils sont potentiellement importants, la plupart des économistes s’accordent à reconnaître le caractère encore très incertain des effets de croissance endogène.

Le modèle retenu dans la présente étude permet d’incorporer la plupart des facteurs-clés du processus d’intégration. Il s’agit d’un modèle à trois régions (Suisse, UE et reste du monde), simulant l’état stationnaire d’économies dans lesquelles le stock de capital est endogène. La structure générale du modèle est symbolisée, pour un pays, par la figure 1.1 (la description détaillée du modèle est reportée au chapitre 4). Elle implique, au niveau de chaque secteur, la modélisation de l’offre et de la demande, ce qui permet de simuler l’impact de l’intégration sur l’allocation et le taux de rémunération des facteurs, composantes indispensables pour l’analyse des effets statiques. De plus, la formation du capital est expliquée au travers des décisions d’investissement des entreprises et d’épargne des ménages, ce qui conduit à la prise en compte des effets dynamiques de l’intégration.

Selon l’ampleur des économies d’échelle estimées, certains secteurs sont modélisés en concurrence parfaite, d’autres en concurrence imparfaite. Cela permet de capter les effets statiques de l’intégration mis en lumière par les modèles de « première » et de « deuxième » génération. La baisse des barrières non tarifaires est déduite des études réalisées sur la mise en place du marché unique et les effets sur les termes de l’échange découlent de la prise en compte des dispositions à commercer des partenaires de la Suisse. Dans les secteurs en concurrence imparfaite, les gains de bien-être proviennent tout à la fois de la réduction des obstacles aux échanges et de l’accroissement de la substituabilité entre produits entraîné par le processus de standardisation. Là encore, le modèle (de concurrence monopolistique) est calibré de sorte à reproduire des baisses de taux de marge compatibles avec les estimations réalisées dans les pays de l’UE.

Enfin, l’endogénéité du stock de capital permet de capter les effets dynamiques de l’intégration. Le taux de croissance à l’équilibre de long terme est considéré comme exogène et une attention particulière est accordée à la mobilité internationale du capital.

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Figure 1.1: Structure du modèle d’équilibre général

Le chapitre 2 effectue un tour d’horizon des domaines dans lesquels le processus d’intégration de la Suisse à l’UE provoquera les changements les plus importants.

Les mécanismes économiques gouvernant ces changements sont explicités dans le chapitre 3. Le chapitre 4 offre une présentation détaillée du modèle d’équilibre général utilisé dans les simulations et du calibrage effectué sur l’année de base (1995). Les simulations s’articulent essentiellement autour de trois scénarios (bilatérales et adhésion avec ou sans rattachement à la monnaie unique), dont les effets sont comparés à une situation de « statu quo ». Chaque simulation regroupe en fait des chocs de nature diverse (par ex.: libre circulation des personnes ou élimination des obstacles techniques au commerce), qui sont exposés dans le

demande d’investissement

demande de consommation

absorption

demande d’importation

demande intérieure

production

demande d’exportation

valeur ajoutée

biens intermédiaires

travail capital

entreprises ménages

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chapitre 5. Les résultats sont présentés et discutés dans le chapitre 6. Le chapitre 7 résume les conclusions principales de l’analyse.

Dans la rédaction de ce rapport, deux lignes directrices ont été respectées. D’une part, il a été décidé de n’inclure qu’un minimum de technicités. L’exercice n’était pas évident a priori, notamment dans le cadre de la description du modèle, où nous nous limitons à quatre relations algébriques alors que le modèle, dans sa version la plus complète, implique la résolution de plus de 4000 équations. D’autre part, chaque chapitre doit pouvoir être lu de manière autonome, ce qui facilite la compréhension du lecteur et évite les renvois multiples à d’autres sections. Les répétitions qui apparaissent lors d’une lecture complète sont donc intentionnelles.

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Le but de ce chapitre est de présenter un tour d’horizon des domaines dans lesquels s’exerceront les effets économiques les plus importants en cas de mise en œuvre des accords bilatéraux ou d’adhésion de la Suisse à l’UE. Il s’agit essentiellement d’identifier le champ d’analyse de la présente étude, en précisant les facteurs qu’elle inclut et ceux qu’elle omet. Cette présentation se veut avant tout descriptive, des références quantitatives plus détaillées étant fournies dans le chapitre 5. Si les pages qui suivent constituent une justification des divers scénarios d’intégration envisagés, la convention retenue tout au long de cette étude, en accord avec le mandant, est que la non-intégration correspond à un gel de la situation actuelle. En d’autres termes, le « statu quo », que nous définirons dans le chapitre 5, doit être interprété comme l’absence de changements dans les différents domaines parcourus ci-dessous.

2.1 Echange de produits industriels

En ce qui concerne les produits industriels, les barrières tarifaires aux échanges entre la Suisse et ses partenaires commerciaux sont déjà relativement faibles.

Cette situation reflète tout à la fois les engagements pris dans le cadre de l’OMC et ceux relatifs à l’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE.

En cas d’adhésion, l’élimination de ces obstacles au commerce, qui ne représentent que de faibles distorsions, ne devrait donc pas affecter grandement l’économie suisse. Il faut toutefois remarquer que l’adoption du tarif commun externe par la Suisse se traduira par une hausse modérée des tarifs vis à vis du reste du monde (RM). Un effet de déviation de commerce négatif pour la Suisse n’est donc pas à exclure.

Les effets les plus marqués dans le secteur industriel devraient provenir de la réduction des barrières non tarifaires (BNT). Comme dans le cas de la construction du marché unique européen (Single Market Program ou SMP), il s’agit de faciliter les échanges au travers d’une réduction des délais de livraison et des frais de consignation en douane, et d’une baisse des coûts liés aux services de transport, bancaires et d’assurance. De plus, l’intégration conduit à une réduction des obstacles techniques au commerce (OTC), par le biais d’une harmonisation des normes et d’une simplification des procédures de mise en conformité. La réduction des OTC génère deux types de gains qu’il convient de distinguer: d’une part, de façon générale, elle permet de diminuer les coûts de commercialisation; d’autre part, dans les secteurs en concurrence imparfaite, elle permet d’intensifier la concurrence.

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En ce qui concerne la réduction des coûts, qu’il s’agisse de coûts administratifs à la frontière ou de ceux liés à la satisfaction de réglementations nationales différentes, la plupart des études ex-post portant sur le SMP s’accordent à l’estimer dans une fourchette de 1.5%-2.5% de la valeur de la production. L’effet pour la Suisse devrait cependant être plus faible. En effet, suite au refus de l’EEE, les entreprises suisses se sont trouvées écartées du processus de standardisation en cours dans l’UE. Afin de préserver la position concurrentielle des entreprises nationales, la Suisse a entrepris une série d’efforts unilatéraux d’harmonisation (adoption du programme Swisslex en 1994, qui a repris l’essentiel des projets d’adaptation au droit de l’EEE; entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur les entraves techniques en 1996, qui consacre le principe de l’adaptation systématique des prescriptions techniques suisses à celles de ses principaux partenaires commerciaux). Pour cette raison, le gain dû à la réduction des OTC en cas d’adhésion sera moindre pour la Suisse qu’il ne l’a été pour les pays européens participant au SMP.

La réduction des BNT devrait également renforcer la concurrence dans les secteurs oligopolistiques. Une concurrence accrue conduira non seulement à des gains pour les consommateurs en termes de réduction de prix, mais également à une rationalisation des entreprises en place et à une exploitation des économies d’échelle. Même si ces effets sont largement reconnus par la littérature, et probablement plus importants que les réductions de coût de commercialisation, ils sont plus difficiles à quantifier. Toujours en ce qui concerne l’expérience du SMP, deux approches ont été proposées.

Une première approche consiste à associer l’intégration à une désegmentation totale des marchés, les entreprises ne parvenant plus à discriminer par les prix entre marché national et marché des autres Etats membres (Smith et Venables, 1988). Cette optique conduit vraisemblablement à une surestimation de l’impact procompétitif du SMP, car même dans des marchés très intégrés comme c’est le cas aux USA, la discrimination par les prix subsiste.

Une alternative intéressante est la démarche proposée par Harrison et al. (1994), reprise dans les études ex-post sur le SMP, et qui consiste à prendre en compte l’impact de l’intégration sur la structure de la demande. Qu’elle conduise à l’uniformité ou au respect de critères de qualité, la standardisation implique nécessairement un accroissement de la substituabilité entre les produits. Lorsque ceux-ci deviennent plus substituables les uns aux autres, même si les marchés demeurent segmentés, la demande à laquelle est confrontée chaque firme devient plus élastique, ce qui conduit à une réduction de son pouvoir de marché. C’est cette deuxième approche, plus réaliste, qui a été retenue dans la présente étude.

Cependant, à la différence de Harrison et al., nous avons pu disposer d’estimations économétriques de ces effets reposant sur l’expérience du marché unique.

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Par ailleurs, s’agissant des accords bilatéraux, la réduction des BNT devrait être plus modérée qu’en cas d’adhésion. Dans ce cas en effet, l’accord ne porte que sur les OTC, et uniquement sur la reconnaissance mutuelle des procédures d’examen de mise en conformité (sur la base des dispositions techniques du pays exportateur lorsque celles-ci sont reconnues comme équivalentes à celles du pays importateur, sur celles du pays importateur dans le cas contraire). Il n’y a donc pas reconnaissance mutuelle des prescriptions nationales en elles-mêmes, ou, en d’autres termes, la Suisse n’est pas mise au bénéfice du principe du « Cassis de Dijon » valable entre les membres de l’UE (un produit fabriqué selon les règles d’un Etat membre pouvant être mis sur le marché d’un autre Etat membre dans la mesure où il reste conforme aux exigences en matière de protection de la santé et de l’environnement).

2.2 Echange de services

En cas d’adhésion, l’échange de services entre la Suisse et l’UE devrait également bénéficier de la réduction des BNT. Pour les pays participant au SMP, les études ex-post révèlent des gains de l’ordre de 1.0 à 2.2% de la valeur des exportations de services résultant de la diminution des coûts à la frontière. On pourrait également s’attendre à un certain renforcement de la concurrence, notamment dans le secteur bancaire. Cependant, compte tenu de la difficulté d’estimer les rendements d’échelle dans le secteur des services (et donc les effets de concurrence), seule la réduction des BNT a été prise en compte par la présente étude.

Dans le cadre des accords bilatéraux, c’est le secteur des transports qui est avant tout concerné. Il s’agit d’une part d’octroyer aux compagnies aériennes helvétiques les 5e et 7e libertés dans l’espace aérien européen, d’autre part de tolérer le passage des 40 tonnes européens au travers des Alpes tout en incitant le transfert de la route au rail au travers de la redevance poids lourd. Les conséquences de l’accord sur les transports aériens sont sans doute importantes pour l’avenir des compagnies suisses, mais relativement limitées pour l’économie dans son ensemble, et n’ont pas été retenues dans l’analyse. La réduction des coûts de transport liée à l’accord sur les transports terrestres à été estimée à 0.30% de la valeur des exportations par ECOPLAN (1999). Dans nos simulations, ce gain additionnel de réduction des coûts de transport est indépendant du scénario envisagé (accords bilatéraux ou adhésion).

Deux éléments touchant à l’échange international de services méritent encore d’être mentionnés, même s’ils n’ont finalement pas été retenus dans l’analyse car particulièrement délicats à estimer. D’une part, l’accord bilatéral sur les marchés publics étend le principe de non-discrimination et de non-préférence locale aux appels d’offre émis par les communes suisses et, dans certains secteurs, aux mandats d’entreprises concessionnées de droit privé et à ceux des entités de droit

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public. Cette libéralisation devrait accroître la concurrence, particulièrement dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications.

D’autre part, on peut s’attendre à une libéralisation des prestations transfrontières de services, qui rendent possibles des séjours temporaires à l’étranger du prestataire de service. Cette libéralisation interviendrait tant dans le cas des accords bilatéraux que dans celui d’une éventuelle adhésion, même si sa portée est plus limitée dans le premier cas (ne s’appliquant qu’aux séjours d’une durée inférieure à nonante jours).

2.3 Echange de produits agricoles et alimentaires

Le secteur agro-alimentaire constitue un cas particulier pour plusieurs raisons.

Comme il a été tenu à l’écart des accords de libre-échange signés par la Suisse et, jusqu’à la création de l’OMC, des négociations multilatérales du GATT, il est resté fortement protégé. Cette protection se traduit non seulement par des taux moyens de protection tarifaire très élevés (en 1996 d’environ 7% et 14% pour les produits agricoles et alimentaires respectivement contre une moyenne sur les importations suisses de 4.7%), mais également par une dispersion des tarifs particulièrement forte entre les diverses branches agro-alimentaires. Une réduction de cette protection tarifaire est donc susceptible de générer des effets importants même si les biens agro-alimentaires représentent moins de 7% de la valeur totale des importations suisses.

Il faut également relever la présence de nombreux autres instruments d’intervention dans ce secteur, tels les contingents tarifaires, les obstacles techniques, les mesures de soutien de prix et les paiements directs aux agriculteurs. L’OCDE a mis au point deux mesures synthétiques du soutien accordé à l’agriculture, l’équivalent subvention à la production (ESP), dont les deux composantes principales sont les mesures de soutien des prix et les paiements directs, et l’équivalent subvention à la consommation (ESC, négatif, représentatif du degré d’isolement des prix intérieurs par rapport aux prix mondiaux).

Ces indicateurs ont permis de mettre en lumière, au cours des quinze dernières années et pour les pays de l’OCDE, une lente tendance à la baisse du soutien global (l’ESP en pourcentage passant de 45% en 86/88 à 35% en 96/97) et une part croissante du soutien accordé au travers de paiements directs (qui passe de 18% à 23% entre les mêmes périodes). La Suisse a suivi cette tendance générale, même si sa politique agricole se distingue en mettant l’accent sur les paiements directs non liés à la production et conditionnels à la prestation de services écologiques. Quel que soit l’indicateur sélectionné, la Suisse figure en tête des pays de l’OCDE en matière de soutien à l’agriculture.

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Les accords bilatéraux n’impliquent pas de bouleversements fondamentaux de la politique agricole suisse. Quelques produits seront certes affectés, notamment les fromages (concessions tarifaires) et les vins et spiritueux (protection réciproque des dénominations d’origine). Cependant, les effets probables étant négligeables sur le plan de l’équilibre général de l’économie, nous avons renoncé à les inclure dans les simulations.

Les changements en cas d’adhésion seront beaucoup plus profonds. Il s’agira en premier lieu de l’abolition des barrières à l’échange sur le commerce entre la Suisse et l’UE. De plus, dans ses échanges avec le RM, la Suisse devra désormais adopter le tarif extérieur commun. On peut donc s’attendre à une très forte augmentation des importations en provenance de l’UE et à une contraction de la production nationale. Ces effets peuvent être aisément simulés en exploitant les données actuellement disponibles sur la protection tarifaire et, pour certains produits, les mesures plus complètes d’écart de prix à la frontière découlant des calculs de l’OCDE sur les ESP. Notons à cet égard que le « statu quo » utilisé dans les simulations correspond à l’année 1996, pour l’agriculture comme pour les autres secteurs. Les mesures de libéralisation adoptées depuis lors tant en Suisse (« Politique Agricole 2002 ») qu’en Europe (« Agenda 2000 ») ne sont donc pas prises en compte dans la présente étude.

Par ailleurs, l’adoption de la PAC par la Suisse conduira très certainement à une modification des paiements directs. Cependant, les données disponibles concernant ces instruments sont plus fragmentaires que dans le cas des tarifs. De plus, elles sont plus délicates à interpréter puisque la nature du soutien dépend des conditions d’octroi du paiement (par hectare, par tête de bétail, lié ou non à des prestations écologiques, etc.). Enfin, dans ce domaine tout particulièrement, tant la Suisse que l’UE sont actuellement engagées dans un processus de réforme dont il est difficile de prévoir l’issue. La présente étude n’inclut donc pas de modification des paiements directs suisses en cas d’adhésion. Cette convention est plus raisonnable qu’il n’y paraît puisque les variations de paiements directs n’auront guère d’impact sur la production dans la mesure où leur octroi est de plus en plus dissocié de l’activité productive. Notons enfin que ce rapport ne prétend pas fournir une étude sectorielle approfondie, et qu’il fait abstraction des économies d’échelle (difficiles à mesurer) et des effets sur la distribution des revenus agricoles.

2.4 Libre circulation des personnes

Dans ce domaine, il y a relativement peu de différences entre accords bilatéraux et adhésion sur le plan des conséquences de long terme. Même si la Suisse a obtenu une longue période de transition (12 ans) et s’est réservé le droit de dénoncer l’accord au bout de 7 ans, les engagements pris dans cadre des accords bilatéraux tendent à assurer la libre circulation des personnes à long terme.

(18)

Compte tenu des différentiels de salaire, on doit s’attendre à un flux net d’immigrants de l’UE vers la Suisse. L’ampleur de ce phénomène dépendra de l’élargissement ou non de l’UE vers les pays de l’Est européen. Selon les estimations de Straubhaar (1999), le flux net cumulé d’immigrants sur la période 2002-2015 ne devrait pas dépasser les 120’000 personnes.

L’impact de cette immigration nette sur la structure des salaires dépendra de la composition des immigrants en termes de degré de qualification. Si celle-ci est relativement proche de la composition de la population résidente, l’impact sur la structure des salaires (et donc sur la distribution des revenus) sera relativement modéré. Cependant les enquêtes réalisées par l’OFS auprès des entreprises dans le cadre de la Statistique de l’Emploi font traditionnellement apparaître un manque de personnel qualifié plutôt que non qualifié. On pourrait donc s’attendre à ce que les immigrants soient avant tout composés de travailleurs à haut degré de qualification, auquel cas on assisterait à une diminution des écarts de salaires en Suisse.

2.5 Mobilité du capital

De manière générale, les mouvements internationaux de capitaux sont actuellement pratiquement libres entre les différents pays de l’OCDE. L’adoption des accords bilatéraux ou l’adhésion à l’UE n’entraînerait donc à cet égard aucune modification d’importance (il est vrai que la lex Friedrich, qui restreint l’acquisition d’immeubles par les étrangers, devrait être assouplie, mais sa couverture a de toute façon déjà fait l’objet de réductions récentes).

2.6 Autres facteurs affectant l’adhésion

Quelle que soit la politique d’intégration suivie par la Suisse, le franc suisse sera encore plus nettement rattaché à la zone-euro qu’il ne l’était à la zone- deutschmark. Il est donc probable que la politique monétaire de la Suisse s’aligne de plus en plus sur celle de la Banque Centrale Européenne, et que les taux d’intérêt suisses tendent à converger vers leur niveau européen. A la limite, la convergence serait totale en cas d’entrée de la Suisse dans l’Union monétaire européenne, avec disparition du différentiel d’intérêt sur les titres libellés en francs suisses. Dans le cadre de la présente étude, cet effet est capté en supposant que l’union monétaire conduit à une substituabilité parfaite entre titres nationaux et étrangers.

Par ailleurs, le rattachement à la zone-euro conduirait à une élimination du risque de change, ce qui favoriserait le développement des échanges de biens, de services et de capitaux. De plus, il y aurait disparition des coûts de transaction

(19)

affectant les conversions d’une monnaie à l’autre. Dans le cas des pays de l’euro- land, de Grauwe (1997) estime les gains découlant de l’adoption de la monnaie unique dans une fourchette allant de 0.5% à 1.5% du PIB européen. Pour la Suisse, l’avantage sera sans doute proche de la borne inférieure de la fourchette, puisque seules deux monnaies sont en cause.

En cas d’adhésion, la Suisse devra contribuer au budget général de l’UE (ressources fondées sur les droits de douane, la TVA et le PNB), tout en pouvant espérer obtenir certaines subventions de la part du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole. Nous retiendrons ici les estimations de l’administration fédérale, qui table sur un transfert net d’un peu plus de 3 milliards de francs vers l’UE (cf. rapport sur l’intégration, section 251.03). Par ailleurs, l’adaptation de la TVA au taux minimal européen de 15% permettra non seulement de financer ce transfert mais également de réduire quelque peu le taux d’imposition directe sur le revenu.

Enfin, parmi les facteurs non pris en compte par la présente étude, car particulièrement délicats à estimer, il faut encore mentionner le secret bancaire.

On peut s’attendre en effet à ce que les banques suisses, qui devront probablement se plier aux procédures européennes, perdent une partie de leur avantage comparatif face à leurs concurrentes.

(20)

Le but de cette section est d’exposer les mécanismes économiques fondamentaux qui régissent les effets de long terme d’une adhésion de la Suisse à l’UE. Notre intention est de donner l’intuition de ces mécanismes tels qu’ils sont captés dans le modèle, sans rigueur excessive, afin de préparer le lecteur à l’interprétation des résultats décrits dans la section 6 ci-dessous. Les domaines suivants sont abordés :

• l’intégration des marchés de biens et services (les phénomènes de création et de déviation de commerce, ainsi que les effets d’un accroissement de la substituabilité entre produits industriels) ;

• la libre circulation des personnes (les effets de la migration sur les salaires et le bien-être) ;

• l’impact d’un transfert sur les termes de l’échange ;

• les effets dynamiques de l’intégration (investissements induits par les gains de réallocation des facteurs) ;

• la détermination de l’offre et la demande de capital à long terme, en présence de mobilité internationale du capital ;

• la convergence des taux d’intérêt en cas d’adhésion à l’UEM.

3.1 Effets de déviation et de création de commerce

Lors de la conclusion d’un accord d’intégration régionale il y a discrimination entre partenaires commerciaux. Dès lors, les différences de prix entre importations en provenance de la zone d’intégration et importations venant du RM ne reflètent plus les différences de coût d’opportunité d’obtention du bien par le commerce. Les signaux de prix étant faussés, il se peut que les importateurs se tournent vers la source d’approvisionnement la plus chère. Il y a alors « déviation » de commerce, et la conclusion de l’accord n’est pas nécessairement génératrice d’un gain de bien-être pour le pays importateur.

La figure 3.1 illustre ce phénomène pour la Suisse, en considérant l’importation d’un bien homogène pour lequel l’offre en provenance de l’UE ou du RM est totalement élastique. On suppose qu’initialement il n’y a pas de différence de traitement entre les deux types de biens, l’importation de chacun d’eux étant frappée par un tarif spécifique T. Comme le RM est meilleur marché que l’UE, toutes les importations initiales proviennent du RM, l’Etat prélevant les recettes douanières D+F.

Suite à l’adhésion de la Suisse à l’UE, le tarif T disparaît sur les importations en provenance de l’UE. Celles-ci remplacent alors les importations en provenance du RM, avec une baisse du prix de PRM + T à PUE. Les variations de bien-être des

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différents agents économiques suisses sont reportées dans la première colonne du tableau 3.1: les consommateurs gagnent A+B+C+D+E, les producteurs perdent A+B et l’Etat perd ses recettes douanières D+F. En termes nets, la variation de bien-être pour la Suisse est ambiguë, et peut être décomposée en deux parties:

1) effet de création de commerce: c’est-à-dire le gain qui résulte de l’accroissement de la quantité importée et permet une réduction des distorsions dans la production (+C) et dans la consommation (+E) ;

2) effet de déviation de commerce: soit la perte (-F) qui résulte du détournement vers la source d’approvisionnement la plus chère.

Figure 3.1: création et déviation de commerce

Tableau 3.1: effets de l’intégration sur le bien-être (voir figure 3.1)

variations de bien-être: T provient de tarifs T provient de BNT

des consommateurs A+B+C+D+E A+B+C+D+E

des producteurs -(A+B) -(A+B)

de l’Etat -(D+F) -

variation nette (C+E)-F (C+E)+D

Plus l’écart de prix entre les deux sources d’approvisionnement est important, plus il est probable que le second effet l’emporte sur le premier. Par ailleurs, si c’est l’UE qui fournit les importations les meilleur marché dès le départ, il n’y a plus d’effet de déviation de commerce et l’ambiguïté est levée. Sur l’ensemble des

prix D S

PUE+T PRM+T

PUE PRM A

B

C D E

F

importations

(22)

marchés, l’impact global de l’intégration sur le bien-être de la Suisse dépendra donc de l’ampleur des effets de déviations de commerce. Ceux-ci seront d’autant plus importants que la part initiale des importations en provenance du RM est élevée et que les écarts de prix entre les importations des deux provenances sont forts.

Dans la réalité (comme dans nos simulations), les biens importés et ceux produits nationalement ne sont pas des substituts parfaits. L’analyse de création et déviation de commerce n’en est pas pour autant modifiée, mais l’ampleur des effets dépend du degré de substituabilité entre produits. Les gains de création de commerce seront d’autant plus élevés que la substituabilité entre produits nationaux et produits importés du partenaire est forte (voir section 3.3). Par ailleurs, la perte de revenu tarifaire (et donc l’effet de déviation de commerce) sera d’autant plus élevée que les biens produits par le partenaire sont de bons substituts de ceux produits par le RM. Donc, s’agissant de l’adhésion de la Suisse à l’UE, le gain net sera d’autant plus élevé que les produits européens sont de bons substituts de ceux manufacturés en Suisse et peu substituables aux produits manufacturés par le RM.

La discussion précédente ne s’applique cependant pas au cas des BNT. En effet, celles-ci créent bien un écart entre le prix à la frontière et le prix sur le marché national, tout comme le tarif, mais ne génèrent (quotas mis à part) aucun gain pour l’Etat ou tout autre agent résident. Donc, lorsque les BNT sont éliminées, même si c’est de façon discriminatoire, elles ne génèrent pas de pertes de recettes tarifaires pour l’Etat et l’ambiguïté entre effets de création et de déviation de commerce disparaît. On peut s’en convaincre en réinterprétant la figure 3.1 où T représente, non pas le tarif spécifique, mais l’équivalent monétaire des BNT. Les variations de bien-être impliquées par l’intégration régionale sont reportées dans la deuxième colonne du tableau 3.1. On constate bien que dans ce cas l’effet net est nécessairement positif. On obtiendrait d’ailleurs le même résultat si l’écart de prix T découlait de restrictions volontaires à l’exportation plutôt que de BNT.

Ainsi, les risques de déviation de commerce pour la Suisse seront d’autant plus faibles que les obstacles au commerce relèvent de BNT (autres que les quotas) plutôt que de mesures tarifaires.

3.2 Accroissement de la substituabilité entre produits

Dans les secteurs en concurrence imparfaite, la levée des BNT entre la Suisse et l’UE accroîtra très probablement la substituabilité entre produits suisses et européens. Cela impliquera une concurrence accrue et générera des gains supplémentaires liés à la réduction du prix, à l’exploitation des économies d’échelle et à la rationalisation de la production. Le modèle de concurrence monopolistique constitue un cadre simple permettant d’illustrer ces effets.

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Il s’agit d’une structure de marché dans laquelle chaque firme produit un bien différencié sur lequel elle dispose d’un pouvoir de monopole. Pour des raisons de simplification analytique, les firmes sont toutes identiques et la demande globale est supposée totalement inélastique, même si la demande perçue par chaque firme a une élasticité non nulle, qui reflète son pouvoir de marché. Il n’y a pas de barrières à l’entrée sur le marché, si bien que l’équilibre est caractérisé par des

« profits nuls » au sens économique du terme (soit une rémunération du capital à son coût d’opportunité).

L’équilibre initial de la firme représentative est représenté par le point E1 dans la figure 3.2. Le coût total est donné par mx + F, où F(m) représente le coût fixe (marginal) et x le niveau de production. La demande perçue (D1) étant juste tangente à la courbe de coût moyen (CM), le profit maximal que peut réaliser la firme est nul, et correspond au niveau de production x1 tel que la recette marginale (Rm1) est égale au coût marginal. Puisque le prix (P1) est égal au coût moyen, la différence entre P1 et le coût marginal (m), soit le taux de marge, représente aussi le coût fixe moyen. L’aire (A+B) correspond au coût fixe de la firme.

Figure 3.2 : concurrence monopolistique et hausse de la substituabilité

Supposons maintenant une hausse de la substituabilité entre produits. La firme représentative va percevoir une demande plus élastique (en pointillés sur le graphique), qui traduit une perte de pouvoir de marché, et l’incite à baisser son prix et à accroître son niveau de production. Cependant, la taille du marché étant fixe par hypothèse, la quantité effectivement écoulée par la firme ne peut se modifier tant que le nombre de firmes reste constant. Il s’ensuit nécessairement une baisse

x2

x1

D2

CM m prix

A

Rm2

P0

P1

B C

D1

Rm1

quantité produite E1

E2

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de profit et une sortie de firmes jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint1. Celui-ci est représenté par le point E2, pour un niveau de production x2 assurant l’égalité entre le coût marginal et la nouvelle recette marginale perçue par la firme (Rm2). Le taux de marge a baissé de (P1-m) à (P2-m) et c’est désormais l’aire (B+C) qui représente le coût fixe (inchangé) de la firme.

En définitive, l’accroissement de la substituabilité entre produits a généré les effets (et les gains) suivants :

1) effet pro-compétitif : la concurrence devenant plus forte, la firme baisse son prix (son taux de marge), ce qui se traduit par une hausse de surplus du consommateur ;

2) effet d’échelle : le niveau de production augmentant au niveau de la firme, il y a baisse du coût moyen et donc exploitation des économies d’échelle ;

3) effet de rationalisation : un certain nombre de firmes disparaissent (rappel : la demande globale reste la même alors que le niveau de production de la firme représentative augmente), ce qui réduit les ressources immobilisées sous forme de frais fixes.

3.3 Dispersion tarifaire et gains de libéralisation

Pour un petit pays importateur, les gains provenant d’une libéralisation tarifaire proviennent de ce que les producteurs et les consommateurs locaux sont désormais confrontés au coût d’opportunité effectif d’obtention du bien sur le marché international. On évite ainsi la distorsion des signaux de prix qui, en cas de tarif sur les importations, conduit à une sur-production (sous-consommation) locale du bien.

La figure 3.3 (a) illustre ce gain de libéralisation. La demande d’importation y est représentée par la courbe ED, alors que l’offre étrangère du bien importé, ES*, est totalement élastique (le pays importateur est «petit», ou price-taker sur le marché international). La hauteur de la demande d’importation représente le bénéfice marginal du bien importé, celle de l’offre étrangère, le coût marginal (ou coût d’opportunité) du bien importé.

En présence d’un tarif T, le prix interne est égal à P*+T et la quantité importée est donnée par MT. Le «surplus social» découlant des importations, soit l’aire A+B, découle de ce que toutes les unités infra-marginales génèrent un bénéfice marginal supérieur au prix interne (A) et des recettes tarifaires engrangées par l’Etat (B). En cas de suppression du tarif, le prix interne passe au niveau P* et la

1 Le mécanisme est plus complexe dans les simulations. D’une part la demande globale n’est pas totalement inélastique, d’autre part l’accroissement de substituabilité découle de l’élimination de BNT qui favorise la demande pour le bien importé. L’effet net sur le nombre de firmes dépendra donc tout à la fois de l’orientation commerciale du secteur, de la substituabilité entre produits et du degré d’économies d’échelle.

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quantité importée devient M*. Le surplus social augmente à concurrence de B+C, les recettes tarifaires de l’Etat disparaissent, ce qui conduit à un gain net pour le pays importateur représenté par l’aire C.

Cette analyse pouvant être menée pour chaque bien importé, le gain total de la libéralisation correspond à la somme des aires C déterminées sur chaque marché.

Il est évident que plus le taux de protection tarifaire est élevé, plus le gain de libéralisation sera important. De plus, à taux de protection identique, plus la substituabilité entre produits nationaux et étrangers est élevée, plus le gain de libéralisation est substantiel. Pour s’en rendre compte, il suffit d’envisager, dans la figure 3.3(a), une élasticité plus forte de la demande d’importation, conduisant à un gain net de C+D au lieu de C.

Figure 3.3: dispersion tarifaire et gain de libéralisation

Enfin, à taux de protection moyen maintenu constant, plus la variance des tarifs est forte, plus le gain de libéralisation est élevé. Cette dernière propriété est illustrée par la figure 3.3 (b). Pour simplifier, on considère qu’il n’y a que deux secteurs importateurs, et que la demande d’importation est la même dans les deux secteurs (ED1=ED2). Deux structures de protection sont comparées: l’une où le taux de protection, T est le même dans les deux secteurs, l’autre où seul le secteur 1 protégé, par un tarif égal à 2T. Le taux de protection moyen est le même dans les deux cas, mais la variance des tarifs est nulle lorsque la protection est uniforme, maximale dans l’autre cas. En répétant l’analyse précédente, on constate que le gain de libéralisation est deux fois plus élevé en cas de variance maximale (gain de A+B+C=4C) qu’en cas de variance nulle (gain de 2C).

D A

prix

P*

P*+T

MT M*

B C

importations ED

A prix

P*

P*+T

M*

B C

importations ED1=ED2

P*+2T

(a) (b)

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En résumé, lorsque la structure de la protection est caractérisée par de fortes différences de niveaux tarifaires entre secteurs, comme c’est typiquement le cas dans le domaine agricole, il convient de conduire l’analyse à un niveau suffisamment désagrégé afin de capter l’impact de la dispersion tarifaire sur le coût de la protection.

3.4 Impact de la libre circulation des personnes

Avec l’introduction de la libre circulation des personnes, l’on peut s’attendre à une légère augmentation des flux migratoires entre la Suisse et l’UE. Selon les estimations de Straubhaar (1999), les flux migratoires nets vers la Suisse seraient positifs, aboutissant à long terme à un accroissement de la population résidente en Suisse2. Pour illustrer les effets d’un tel phénomène sur les salaires et le bien-être des résidents en Suisse, supposons que l’activité productive de l’économie suisse puisse être représentée par une fonction de production agrégée F à deux facteurs de production (capital et travail). Si l’offre de travail est inélastique par rapport au salaire w, l’équilibre sur le marché du travail est donné par l’intersection des courbes d’offre de travail (verticale) et de demande de travail3, notée MPL, dans la figure 3.4.

Figure 3.4 : Effets de l’immigration

Examinons d’abord les effets statiques (c’est-à-dire à stock de capital constant) de la libre circulation des personnes. Avant l’arrivée des immigrants l’emploi est à L0

2 Les chiffres retenus dans les simulations seront décrits à la section 5 ci-dessous.

3 Comme FL (L,K) désigne la productivité marginale du travail, l’équation w = FL (L,K) définit de manière implicite la demande de travail (à stock de capital donné).

w1 B

MPL

w1’’

A taux de

salaire

w=FL(K’,L) P*+T

L1

L0 travail

w=FL(K,L) P*+2T

w0

MPL MPL’’

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et le taux de salaire s’établit à w0. L’immigration accroît l’offre de travail à L1 et fait baisser le taux de salaire à w1. Parmi les résidents suisses, les salariés perdent un montant équivalent au rectangle A et les propriétaires du capital gagnent l’équivalent de A+B. Du point de vue de l’ensemble des résidents, la surface B représente donc le gain « agrégé » procuré par l’immigration, obtenu au prix d’une redistribution (inéquitable) des revenus.

Ce raisonnement néglige cependant le fait que les entreprises adaptent leurs investissements à l’immigration. Pour tenir compte de cette formation induite de capital, admettons d’abord que le coût d’usage du capital est fixé (ce qui est notamment le cas dans un petit pays si le capital est parfaitement mobile sur le plan international). Si l’économie est caractérisée par des rendements d’échelle constant, les entreprises sont alors incitées par l’immigration à investir jusqu’à ce que le stock de capital ait atteint un niveau qui permette de garder le taux de salaire au niveau d’avant l’immigration (w0). La demande de travail se déplace donc à MPL’. On peut constater que dans ce cas, l’immigration n’a aucun effet sur les taux de rémunération des facteurs dans le pays d’accueil.

Considérons finalement la présence d’un bien public dont la production est financée par des impôts. Les immigrants contribuent aux impôts mais leur arrivée n’empêche pas les autres résidents de jouir de l’usage du bien public4. Par conséquent, la charge fiscale peut être diminuée, ce qui a un effet favorable sur l’épargne. Si le capital n’est pas parfaitement mobile sur le plan international, il s’ensuit que le taux d’intérêt baisse, diminuant le coût d’usage du capital. Dans un tel contexte, la demande de travail passe à MPL’’, conduisant à une augmentation du taux de salaire.

Que retenir de ces trois cas ? Tout d’abord, l’impact de l’immigration sur les salaires n’est a priori pas négatif à long terme. De nombreuses études empiriques ont d’ailleurs soit conclu à l’absence d’effets, soit à des effets très petits.

Cependant, pour donner une image plus riche des effets de la migration, il convient de passer à une analyse plus fine, prenant en compte notamment la composition de la main-d’œuvre étrangère. En effet, si la structure de qualification professionnelle des migrants diffère beaucoup de celle des résidents, l’immigration risque de modifier l’inégalité des salaires. Ces aspects sont repris à l’aide du modèle de simulation à la section 6.

4 L’existence du bien public n’est pas cruciale ici. L’argument de ce paragraphe s’applique aussi au cas d’un Etat purement redistributif, si le revenu moyen des immigrants est plus élevé que celui des anciens résidents (p.ex. en raison d’une meilleure qualification professionnelle). L’immigration produit alors une externalité fiscale positive pour les résidents.

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3.5 Transferts et termes de l’échange

Lorsque deux pays entretiennent des relations commerciales l’un avec l’autre, les conséquences d’un transfert financier d’un pays à l’autre ne se limitent pas aux effets directs. Il faut également tenir compte de l’évolution des termes de l’échange du pays qui effectue le transfert (pays «source»): si ceux-ci se détériorent, il y a apparition d’un «fardeau secondaire» sous forme d’une baisse additionnelle de pouvoir d’achat. Au contraire, une amélioration des termes de l’échange conduira à une atténuation de la baisse de pouvoir d’achat du pays source. L’exemple le plus célèbre de cette problématique est la controverse entre Keynes et Ohlin sur les conséquences des réparations de guerre imposées à l’Allemagne au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Le sens de cet «effet secondaire» dépend des propensions marginales à consommer le bien agrégé du pays source. En effet, la demande mondiale pour ce bien est affectée négativement par la contraction du pouvoir d’achat du pays source, et positivement par la hausse de pouvoir d’achat du pays qui reçoit le transfert (pays récepteur). Comme les variations de pouvoir d’achat sont les mêmes (égales au transfert), c’est la comparaison des propensions marginales à consommer qui est déterminante: si celle du pays source est supérieure à celle du pays récepteur, il y aura contraction de la demande mondiale, ce qui conduira à une détérioration des termes de l’échange du pays source et à un fardeau secondaire du transfert.

En première approximation, on peut utiliser la part des importations dans la dépense intérieure pour estimer ces propensions marginales. Dans le cas de la Suisse, les importations représentent à peu près 1/3 de la dépense intérieure, ce qui conduirait à une propension marginale à consommer le « bien agrégé suisse » de l’ordre de 2/3. Comme la propension marginale de l’UE à importer le bien suisse est très probablement inférieure à 2/3, on peut s’attendre à ce que la contribution de la Suisse au budget de l’UE s’accompagne d’un transfert secondaire sous forme de détérioration des termes de l’échange.

3.6 Effets statiques et dynamiques de l’intégration

Les gains (ou pertes) décrits dans les sections précédentes sont avant tout des effets de réallocation de ressources de nature statique, où le stock de capital est supposé constant. En réalité, une telle réaffectation des ressources produit de nouvelles opportunités d’investissement et entraîne donc à moyen terme un accroissement du stock de capital.

Pour illustrer ce mécanisme dans un cadre simple, il convient de faire appel au modèle de Solow. Admettons de nouveau que l’activité productive de l’économie

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est représentée par une fonction de production agrégée Y=F(K,L) à rendements d’échelle constants. Supposons de plus que l’épargne, notée S, est proportionnelle au revenu, à savoir : S=sF(K ,L). S’il n’y a pas de progrès technique exogène, l’investissement net est nul à l’équilibre, et l’investissement de remplacement est supposé proportionnel au stock de capital. Le stock de capital d’équilibre est obtenu en égalisant l’investissement, noté I, et l’épargne (voir la figure 3.5 où les variables sont exprimées en unités par tête). Le stock de capital et le revenu par tête à l’équilibre initial sont désignés par (K/L)0 et (Y/L)0.

Comment peut-on représenter un gain d’allocation statique dans ce cadre ? Si, par exemple, la suppression des barrières non tarifaires entre la Suisse et l’UE produit un gain statique, cela signifie qu’en Suisse le revenu national Y s’accroît alors que l’offre de travail ainsi que le stock de capital sont restés fixes. Du point de vue de la fonction de production agrégée, cela signifie que la productivité totale des facteurs augmente5. Par conséquent, les fonctions de revenu et d’épargne se déplacent à (Y/L)’ et (S/L)’ respectivement. Comme on peut le voir dans la figure 3.5, le gain d’allocation statique induit de l’investissement supplémentaire, car le nouveau stock de capital d’équilibre s’établit à (K/L)1, produisant un revenu national par tête égal à (Y/L)1. Cet accroissement du revenu national peut être décomposé en deux effets :

1) l’effet statique, qui est obtenu à stock de capital constant et qui explique la hausse du revenu par tête à (Y/L)stat ;

2) l’effet dynamique qui découle de l’accumulation induite du capital et qui peut être représenté par le passage de (Y/L)stat à (Y/L)1.

Figure 3.5 : Effets statiques et dynamiques de l’adhésion

5 La productivité totale des facteurs peut être représentée par le paramètre A dans la fonction de production suivante : F(K,L)=A G(K,L) où G a toutes les propriétés d’une fonction de production à rendements constants. Une augmentation de A reflète donc un accroissement de la productivité totale des facteurs.

Y/L

(K/L)0

I/L

K/L (S/L)’

(Y/L)’

(Y/L)0

S/L (Y/L)1

(K/L)1

(Y/L)stat

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Dans une étude précédente sur l’intégration de la Suisse à l’Europe (Antille et al., 1991), seuls les effets statiques étaient pris en considération. Un des apports du présent travail est donc la prise en compte des effets dynamiques. Dans certaines simulations dont les résultats sont décrits au chapitre 6, une variante statique du modèle est également utilisée, permettant d’évaluer l’ampleur relative des deux effets.

Précisons finalement que l’accroissement à long terme du revenu par tête ne se traduit pas automatiquement par une hausse du bien-être dans les mêmes proportions. En effet, pour pouvoir atteindre le niveau plus élevé de stock de capital, le pays doit effectuer des investissements nets positifs qui réduisent la consommation des ménages pendant la période de transition. Par conséquent, si l’on utilise comme mesure du bien-être la variation équivalente à l’état stationnaire, on risque de surestimer les effets réels de manière significative (voir Baldwin, 1992).

3.7 Epargne, investissement et mobilité internationale du capital

Dans le modèle de Solow décrit à la section précédente, l’épargne ne dépend que du revenu. Cette formulation simple est suffisante pour mettre en évidence le rôle de l’investissement induit par les gains de réallocation, mais ne permet pas d’analyser les effets de la convergence des taux d’intérêt, qui surviendraient en cas d’adhésion de la Suisse à l’Union monétaire. De même, le rôle accru qui serait donné à la fiscalité indirecte par rapport aux impôts directs nécessite un modèle moins simpliste de la formation de l’épargne.

Pour ces raisons, nous avons adopté dans le modèle d’équilibre général appliqué une formulation intertemporelle de l’épargne en supposant que les ménages ont un horizon de vie fini (modèle de la « jeunesse éternelle » de Blanchard, 1985). Ce modèle, dont les hypothèses sont décrites au chapitre suivant, permet de définir un équilibre de long terme (état stationnaire) tout en tenant compte de la mobilité internationale du capital. Remarquons d’abord que dans le cadre de ce modèle intertemporel, l’équilibre épargne – investissement est défini en termes de stocks6, c’est-à-dire que la richesse des ménages, notée W, est égale à la somme de la valeur du stock de capital, V, et des actifs étrangers net, V*. Pour comprendre le mécanisme principal de ce modèle, il convient d’analyser la détermination de la demande et de l’offre de capital.

La demande de capital est déterminée (de manière implicite) par l’égalité entre le coût d’usage du capital et sa productivité marginale. A l’équilibre, le coût d’usage

6 Notons que l’équilibre en termes de flux est également vérifié dans ce modèle. En l’absence de progrès technique, l’investissement se réduit à l’investissement de remplacement, financé par l’épargne des entreprises (fonds propres). L’épargne des ménages est nulle à l’équilibre, car le stock de richesse y est constant. Le solde du compte courant est également nul dans ce cas, puisque le stock d’actifs étrangers nets ne se modifie pas.

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est donné par (r+δ)pI, où r est le taux d’intérêt réel, δ le taux de dépréciation du stock de capital, et pI le prix du bien d’investissement. Comme la valeur du stock de capital est proportionnelle à la demande de capital, elle peut être représenté par une fonction décroissante du taux d’intérêt réel (voir figure 3.6).

La fonction d’offre de capital (fonction de stock d’épargne) qui résulte du modèle à générations imbriquées de Blanchard (1985) est de la forme W = s(r,td)YN, où s(r,td) est un taux d’épargne (en termes de stock) qui est une fonction croissante du taux d’intérêt réel r et une fonction décroissante du taux d’imposition directe td, et YN est le revenu disponible provenant de sources autres que le capital (il s’agit donc notamment du revenu du travail et des transferts sociaux). Par conséquent, dans la figure 3.6, la richesse nationale, W, peut être représentée par une fonction croissante du taux d’intérêt réel. Si le capital n’est pas mobile sur le plan international, les ménages ne peuvent posséder que des actifs nationaux (V*=0) et le taux d’intérêt d’équilibre est évidemment déterminé par l’intersection des deux courbes.

En revanche, si la mobilité du capital est parfaite et que le pays est petit, il n’a aucune influence sur le taux d’intérêt qui se fixe au niveau mondial, à savoir r=r*.

Les ménages détiennent donc initialement des actifs nationaux à concurrence de V0, et des actifs étrangers nets, V0*. A l’équilibre, la valeur de V est obtenue en évaluant la demande de capital (en valeur) au taux d’intérêt mondial. Le stock d’actifs étrangers nets est alors égal à la différence entre l’offre de capital W0, évaluée au taux r*, et la demande intérieure V0.

Figure 3.6 : Equilibre sur le marché du capital taux

d’intérêt réel

r*

W’

W

V

V0 W0

V0*

richesse

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